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30. La location d'une stalle, dans une église, est également un bail, qui obéit aux règles générales du bail (1); la solution est la même pour la location de places sur une promenade publique (2).

Il en est autrement de la location d'une place dans un théatre; c'est, comme nous le montrerons, un contrat de louage d'ouvrage (3).

31. La location de la force motrice est un bail (*). La cession du droit de capter ou de recueillir des eaux est aussi un bail (3). On a, pour soutenir le contraire, dit que la propriété des eaux appartient au concessionnaire, mais la propriété des fruits n'appartient-elle pas au preneur?

Au contraire l'engagement de fournir, aux habitants d'une ville, l'eau qui leur est nécessaire après l'avoir captée est une vente (").

32. Dans les villes où il existe un abattoir, les bouchers ne peuvent procéder à l'abatage des bestiaux que dans cet établissement. Les droits qu'ils paient à cet égard (Décr. 1er août 1864) ne sont autre chose qu'un prix de location, car ils sont la rémunération de la place temporairement occupée par le boucher dans l'établissement municipal. Cependant la cour de cassation voit dans ce prix un impôt indirect (7); elle en

(1) Trib. civ. Avallon, 6 déc. 1894, Pand. franç., 96. 2. 65, Gaz. Pal., 95. 1. 141 (pour la preuve). Huc, X, n. 274; Wahl, loc. cit. On a soutenu qu'il y a là seulement un acte se rapprochant du bail, parce que le preneur ne peut souslouer. Chesney, Note, l'and. franç., loc. cit.

(Huc, loc. cit.

(3) V. infra, II, tit. II, ch. V, sect. VII.

(*) Lyon, 9 janv. 1896, précité (emplacement dans une exposition avec fourniture de la force motrice). - Douai, 13 mars 1897, D., 98. 2. 81 (dans l'espèce un immeuble était loué en même temps).

(5) Montpellier, 21 déc. 1883, sous Cass., 15 juin 1885, D., 86. 1. 198. — Trib. civ. Montélimar, 26 juin 1884, Rép. périod. de l'enreg., n. 6376. - Guillouard, I, n. 12 ter; Fuzier-Herman, art. 1709, n. 89. 1882, Rép. périod. de l'enreg., n. 5962.

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- Contra Trib. civ. Semur, 10 mai

Cass., 31 juillet

(*) Cass. civ., 22 nov. 1880, S., 81. 1. 274, D., 81. 1. 169. 1883, S., 84. 1. 398, D., 84. 1. 245. Trib. civ. Lille, 7 juin 1882, Journ. de l'enreg., n. 22060, Rép. périod. de l'enreg., n. 6075. Fuzier-Herman, art. 1709, n. 90.

16 janv. 1898 (bail).

Guillouard, I, n. 12 ter; Contra Dijon, 1er déc. 1897, Gaz. Trib.,

(7) Cass. civ., 15 janv. 1889, S., 90. 1. 349, D., 89. 1. 249. - Cass. civ., 14 nov. 1892, S., 93. 1. 22, D., 93. 1. 11 (impl.).

conclut que les règles de procédure des impôts indirects doivent être employées (').

En tout cas, s'il existe une triperie municipale, la somme payée par un boucher pour travailler dans cet établissement est un prix de location (2); on ne peut y voir un impôt, puisque le boucher n'est pas obligé de se servir de la triperie.

33. La concession du droit d'affichage sur un mur ou dans les gares est un bail de ce mur, puisqu'il comporte la faculté de jouir du mur dans la mesure où cette jouissance est matériellement possible (3).

Il en est de même de la concession du droit de tenir les buffets dans les gares de chemins de fer (*), ou du droit de déposer des matériaux sur un terrain (5).

34. Dans toutes les hypothèses de concession du droit de jouir pour un objet déterminé d'un immeuble (pêche, chasse, etc.), on a soutenu (6) qu'il n'y a non pas bail, mais dette, ou, si l'on veut, création de créance. Il ne peut y avoir bail, dit-on, parce que le bail arriverait presque au même résultat que la création de droits réels ayant pour objet les démembrements de la propriété, interdits par l'art. 686. Cette opinion nous paraît devoir être rejetée, si ingénieuse qu'elle soit, pour divers motifs (7) : d'une part, il ne s'agit pas ici de droits réels,

(1) Cass. civ., 15 janv. 1889 et 14 nov. 1892, précités (impl.). (2) Cass. civ., 14 nov. 1892, précité.

(3) Trib. civ. Seine, 17 déc. 1894, Droit, 29 déc. 1894. - Trib. com. Seine 31 juil. 1895, Loi, 5 sept. 1895, Mon. jud. Lyon, 29 oct. 1895 (rideau d'un théâtre).

- Sol. de la Régie, 27 nov. 1872, Dict. de l'enreg., vo Bail, n. 388. Wahl, Note, S., 95. 1. 246. - V. cep. Trib. civ. Seine, 29 juil. 1893, Rép. périod. de l'enreg., n. 8168, Journ. de l'enreg., n. 24263. (Ce jugement décide le contraire pour la concession du droit d'affichage dans les gares, par la raison qu'en fait la Compagnie des chemins de fer se réservait de placer les cadres d'affichage à T'endroit qui lui convenait, de les déplacer, de poser elle-même les affiches qui lui conviendraient, etc. Dans ces conditions, on peut penser qu'il n'y a pas location, puisque la Compagnie ne s'engage pas d'une manière ferme, et qu'en tout cas elle ne concède pas la jouissance d'un mur déterminé; il y a simplement engagement de placer les affiches du concessionnaire).

(*) Déc. min. fin. belge, 22 fév. 1869, Journ. enreg. belge, 1869, p. 372. — Bastiné, op. cit., I, p. 162, note 1; Wahl, Note, S., 95. 1. 246.

(5) Limoges, 12 mars 1890, D., 91. 2. 350.

(6) Esmein, Note, S., 93. 1. 185.

(7) Cass. req., 30 mars 1885, S., 85. 1. 223, D., 85. 1. 348. Colmar, 1er octo

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mais bien de droits personnels, car le bail ne confère que ces derniers; or, la création de droits personnels, n'étant pas défendue, est permise, eût-elle les mêmes inconvénients que celle de droits réels. D'autre part, la solution que nous donnons n'a aucun des inconvénients qu'on lui prête, et nous croyons, au contraire, que ces inconvénients appartiennent à la solution qu'on veut lui substituer, car la loi a voulu prohiber uniquement les droits réels perpétuels; or le bail est nécessairement temporaire et l'opinion qui voit dans le droit de chasse et d'autres droits un droit de créance, est forcée d'en autoriser la création à titre perpétuel; c'est bien alors que ces droits auraient tous les inconvénients de droits réels; les parties trouveraient même dans la possibilité de les créer un moyen sûr de tourner la prohibition de l'art. 686. Du reste, ce qui diminue encore l'inconvénient des baux portant sur des éléments de la propriété, c'est qu'ils doivent, pour être opposés aux acquéreurs, avoir date certaine ou être transcrits.

Le bail, dit-on encore, ne peut porter que sur des choses susceptibles d'être vendues et, la propriété ne pouvant être démembrée, le droit de chasse ne peut être vendu; nous montrerons que les prémisses de ce raisonnement sont discutables.

On le voit, la doctrine que nous venons de combattre se réfute surtout par l'idée qu'en prétendant que notre système contraric l'art. 686, elle le contrarie davantage.

35. On doit considérer notamment comme un bail de chasse l'autorisation concédée par une commune à toutes personnes de chasser sur les terres communales moyennant une somme déterminée. Le conseil d'Etat a donné la solution contraire, mais sans motif ('). Selon lui, il y a là simplement un règlement de jouissance des biens communaux; cela est exact, mais le règlement de jouissance est un bail quand il consiste dans une concession de jouissance à des particuliers pour un prix.

bre 1867, S., 68. 2. 249.

Paris, 4 janv. 1884, D., 84. 5. 56.

Angers, 2 juil. 1895, Rec. Angers, 95. 264. — Fuzier-Herman, art. 1709, n. 94; Huc, X, n. 275.

', Cons. d'Etat, 5 juil. 1895, S., 97. 3. 119.

36. Ce qui, dans le bail d'une chasse, fait l'objet de la location, c'est le droit de chasser (1), c'est-à-dire, en réalité, un droit incorporel; en effet, c'est de ce droit que le propriétaire se dessaisit pour un temps indéterminé, et c'est également ce droit qui constituait l'un des attributs de sa propriété. Ce n'est pas évidemment une vente de gibier, d'abord parce qu'on pourrait aussi bien considérer tout bail comme une vente de fruits, ensuite parce que le gibier rentre dans les res nullius et, par conséquent, n'appartient pas au propriétaire (2).

Mais on pourrait soutenir (3) que le bail de chasse est le bail de l'immeuble considéré au point de vue de la chasse. Cette idée ne parait pas exacte : l'immeuble ne peut être envisagé par fractions et en considérant indépendamment les uns des autres les divers droits qui le composent; cela est tellement vrai, que la jurisprudence et la doctrine refusent de voir un bail dans la concession d'extraire certains produits, et la considèrent comme la vente de ces produits; la conception que nous venons d'indiquer se réduirait donc à assimiler le bail de chasse à la vente de gibier, c'est-à-dire à l'annuler comme portant sur un objet qui n'appartient pas au vendeur; or, on reconnaît que cette manière d'envisager le bail n'est pas exacte.

On s'est attaqué (*) à notre propre conception en disant que le droit de chasse n'existe pas comme démembrement de la propriété; cette objection ne veut dire qu'une chose, c'est qu'on ne peut, par la conception du droit de chasse, démem

1. Planiol, Note, D., 93. 2. 161. (Esmein, Note, S., 93. 1. 185.

(3 M. Esmein, loc. cit., attribue cette doctrine à Cass. civ., 10 janv. 1893, S., 93. 1. 185, D., 93. 1. 161. — Cette interprétation est très plausible; peut-être cependant une autre interprétation est-elle admissible; l'arrêt dit simplement que l'art. 1743 s'applique aux baux à loyer qui, comme le bail de chasse, «< se restreignent à la jouissance d'un des droits inhérents à la propriété ». Il n'y a peut-être là rien de plus que dans la formule par laquelle nous définissons nous-mêmes le droit de chasser. En tout cas, comme le dit également M. Esmein (Note, S., 1900. 1. 17), l'arrêt de Cass. req., 13 avril 1899, S., 1900. 1. 17, déclare bien que le bail de la chasse est un bail de l'immeuble; « Location consentie soit en vue de la chasse, soit en vue d'autres produits à récolter ».

() Esmein, loc. cit.

brer la propriété, c'est-à-dire conférer le droit de chasse à titre perpétuel; or cette solution est évidente, mais elle nous paralt étrangère à la question, qui est de savoir quelle est la nature d'une concession temporaire du droit de chasse.

37. En parlant du louage d'ouvrage, nous montrerons que la concession, par une ville, d'un monopole ou d'un droit d'exploitation est un bail (').

38. Quelquefois le bail présente de l'analogie avec la société : la distinction peut être difficile entre la société, dont le trait distinctif est le partage des bénéfices, et le bail où il est convenu que le prix consistera dans une portion des bénéfices de l'exploitation du preneur. Nous étudierons ce point plus loin (2) et aussi à propos du contrat de société (3).

39. Le bail se distingue du commodat en ce que ce dernier est gratuit (*). Il y a quelques difficultés à déterminer s'il y a bail ou commodat soit dans la convention par laquelle un vendeur ou un donateur se réserve un droit de chasse ou de pêche ou un droit complet de jouissance sur l'immeuble vendu (3), soit dans celle par laquelle un maître s'engage à loger son domestique ou une administration son employé (6).

40. Le bail doit être distingué du mandat salarié; il en diffère par des caractères analogues à ceux qui le séparent du louage d'ouvrage, et qui seront indiqués plus loin (7); le mandataire, alors même qu'il touche un salaire, peut être révoqué; en outre il administre pour le compte du mandant et non pour son propre compte.

Le bail se distingue encore du mandat en ce que le preneur, à la différence du mandataire et comme nous le dirons plus loin (*), ne représente pas le bailleur.

Ainsi la concession du droit de percevoir les revenus d'un immeuble moyennant une somme fixe est un mandat plutôt

t

') V. infra, II, tit. II, ch. V, sect. I.

(*) V. infra, n. 847 s.

(*) V. notre Tr. de la soc., du prêt, du dépôt, 2o éd., n. 24.

(*) V. notre Tr. de la soc., du prét, du dépôt, n. 610.

V. notre Tr. de la soc., du prêt, du dépôt, n. 611.

1 V. infra, II, n. 1635.

(7, V. infra, II, n. 1636.

V. infra, n. 1037 s.

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