Il n'est pas indispensable que l'état des lieux précède l'entrée en jouissance du preneur, mais il ne peut lui être sensiblement postérieur sans que les deux parties y consentent. D'ailleurs chacune d'elles a le droit d'exiger l'état des lieux à toute époque de la jouissance: si l'utilité de l'état des lieux s'atténue de plus en plus à mesure que la jouissance se prolonge, elle ne disparaît jamais entièrement ('). 262. Si l'état des lieux est dressé à l'amiable, les frais incombent non pas aux deux parties par moitié (2), ni au preneur seul, mais à la personne qui réclame cet état; l'état des lieux est, sans doute, un annexe du bail, et on pourrait s'appuyer là-dessus pour en imposer les frais au preneur. Mais le preneur n'est tenu que des frais nécessaires (3); or l'état des lieux n'est pas nécessaire, chaque partie étant libre de le réclamer ou de s'en passer. Il n'est pas plus exact de soutenir, pour partager les frais entre les parties, que l'état des lieux leur est également utile à toutes deux ; il appartient à chacun de consulter ses intérêts et de rechercher ce qui peut lui être utile. En outre, l'état des lieux est inutile au preneur si la chose est en excellent état, car alors le défaut d'état des lieux n'aggrave pas l'obligation du preneur; d'un autre côté, l'état des lieux est inutile au bailleur, si la chose est louée sans aucun accessoire, car alors la restitution devra porter sur la chose en excellent état. On objecte à tort que l'état des lieux empêchera le preneur de dissimuler les traces des dégradations dont il sera l'auteur; en admettant que ces traces puissent être dissimulées, l'état des lieux n'empêchera pas cette dissimulation. Il va sans dire que la convention peut modifier ces principes. Généralement, quand elle règle la question, elle met les frais à la charge du preneur (*). " Huệ, X, n. 312. -- Contra Trib. civ. Marseille, 6 février 1884, rapporté dans Cass., 28 juin 1892, S., 93. 1. 415. (2) V. cep. Trib. paix Magny en Vexin, 3 nov. 1900, précité. n. 241. (V. infra, n. 692. Guillouard, 1, (*) Il a été décidé que ces frais comprennent les honoraires de l'architecte du propriétaire, mais que ces honoraires peuvent être réduits par le tribunal s'ils sont exagérés. Trib. civ. Seine, 31 juil. 1903, Droit, 5 nov. 1903. Si un procès est nécessaire pour amener l'une des parties à concourir à l'état des lieux, cette partie, comme toute personne qui perd un procès, payera les frais de l'instance (C. pr., art. 130) ('). Mais les frais de l'état des lieux sont toujours supportés (2), comme nous venons de le montrer, par le demandeur, sauf en ce qui concerne les frais nécessités par la résistance de cette même partie (par exemple la nomination d'experts dans un cas où les parties auraient pu facilement elles-mêmes constater l'état de la chose louée). SECTION IX DES BAUX AUXQUELS S'APPLIQUENT LES TEXTES RELATIFS A LA PREUVE DU BAIL 263. Toutes les règles qui précèdent sont applicables au bail tacite il repose sur la convention des parties, et la preuve des conventions obéit à des règles indépendantes de la forme même des conventions; d'ailleurs les textes sont généraux (3). On a soutenu cependant que le bail tacite peut être prouvé par témoins (*). On a dit que la preuve porte sur des faits purs et simples (C. civ. 1348); c'est, selon nous, une erreur: la preuve ne porte pas seulemeut sur le fait même de la possession, mais sur le caractère de cette possession; il faut établir que cette possession est à titre de bail, c'est-à-dire qu'un contrat de bail a été passé. On a reproché à notre opinion d'arriver au même résultat que si elle méconnaissait le bail tacite et d'en interdire la preuve. Non, il reste l'aveu et le serment. On a enfin tiré un argument d'analogie de ce que la tacite reconduction peut être prouvée par témoins; c'est que la tacite reconduction est une prolongation du bail et non pas une convention spéciale et qu'elle suppose, non pas le con Guillouard, 1, n. 241. (2, Ici encore il a été décidé que les frais sont supportés par moitié. Trib. paix Magny, 3 nov. 1900, précité. () V. à propos de la résiliation, infra, n. 1369 s. Nole, S., 87. 1. 57, sentement pour prolonger le bail, mais l'absence du consentement pour le terminer. 264. Les solutions relatives à la preuve ne s'appliquent pas au renouvellement d'un bail, elles ne s'appliquent pas davantage à la tacite reconduction ('). 265. Les règles des art. 1715 et 1716 sont, malgré leur caractère dérogatoire, applicables aux baux de meubles (2). En effet, ils s'expriment en termes généraux; d'autre part, et de l'avis général, les règles des baux de meubles doivent être empruntées au chapitre du louage de choses (3). On objecte donc en vain que les art. 1713 et 1716 sont placés dans la section des règles communes aux baux de maisons et de biens ruraux. Un pareil raisonnement conduirait à écarter des baux de meubles toutes les solutions contenues au titre du louage de choses; il conduirait aussi à les écarter pour les baux d'usines ou de moulins; or l'opinion commune et les auteurs mêmes que nous réfutons décident le contraire, ils appliquent notamment les art. 1733 et 1734 à toutes espèces de baux (*). On n'est pas mieux fondé à dire que les procès ont moins besoin d'être évités en matière de baux mobiliers qu'en matière de baux immobiliers; cela est entièrement inexact. La raison tirée du peu d'importance du litige est, au contraire, particulièrement sérieuse en matière de baux de meubles. Enfin, nous ferons remarquer que des auteurs qui tirent ici parti du caractère exceptionnel des art. 1715 et 1716, la plupart étendent ces mêmes articles à des hypothèses pour lesquelles ce texte n'est pas fait et notamment à la preuve du congé ou de la résiliation. 266. Les art. 1715 et 1716 s'appliquent encore au colonage partiaire. Cette solution était admise avant la loi du 10 juil. 1889 par l'opinion qui considérait ce contrat comme un bail (5) et V. supra, n. 253. (Contra Bordeaux, 30 juin 1896, S., 97. 2. 81, D., 97. 2. 200. — Duranton, XVII, n. 52; Delvincourt, III, p. 417; Boileux, VI, p. 27; Troplong, I, n. 110; Duvergier, I, n. 14 et II, n. 227; Massé et Vergé, II, p. 356, § 699, note 5; Marcadé, VI, art. 1715, n. 1; Laurent, XXV, n. 90; Guillouard, II, n. 677; Huc, X, n. 274. 3 V. supra, n. 145. V. infra, n. 1003 s. 5 Cass., 28 juin 1892, S., 92. 1. 417, D., 92. 1. 407 (qui cependant ne prend pas parti sur la nature du contrat). Guillouard, II, n. 616. rejetée par celle qui l'assimilait à une société ('), ou qui y voyait un contrat innommé (2). Aujourd'hui, le colonage étant regardé comme un bail (3), l'art. 1715 lui est applicable (*). Cependant on a soutenu le contraire par le motif que la loi de 1889 énumère limitativement les articles du titre de louage applicables au colonage et que parmi ces articles ne figurent pas les art. 1713 et 1716 (5); mais tout ce qu'a voulu dire la loi de 1889, c'est que les textes qui, par leur nature, sont spéciaux au bail ordinaire ne peuvent être étendus au colonage. 267. Les art. 1715 et 1716 s'appliquent également à la souslocation, mais non pas à la cession de bail (6). 268. Nous examinerons ultérieurement si ces textes s'appliquent au cheptel (7). 269. En matière commerciale, toutes les preuves sont admises, conformément à l'art. 109 C. com. ($). Nous dirons plus loin ce qu'il faut entendre par un bail commercial (*). CHAPITRE IX OBLIGATIONS DU BAILLEUR 270. La loi indique une partie des obligations du bailleur ; il en a d'autres encore. Mais toutes ces obligations peuvent être modifiées par la convention (1). Nous indiquerons, chemin faisant, les principales de ces modifications. Toutefois la cour de cassation n'admet pas que la convention puisse supprimer toute action en justice du preneur contre le bailleur pour toutes les obligations de ce dernier; elle (1) Méplain, Tr. du bail à portion de fruits, n. 59 s. (2) Trib. civ. Moulins, 2 déc. 1886, Mon, jud. Lyon, 12 avril 1887. (3) V. infra, n. 1436. () Alger, 7 fév. 1895, S., 96. 2. 45, D., 95. 2. 488. Guillouard, II, n. 633, VII bis; Planiol, II, n. 1787. (6) V. infra, n. 1061 et 1062. (7) V. infra, n. 3203. Huc, X, n. 279 et 359. (8) Trib. paix Libourne, 29 juil. 1896, Pand. franç., 97. 2. 280 (baux d'un fonds de commerce entre commerçants). supra, n. 223 bis. (9) V. infra, n. 1061. Valéry, op. cit., p. 33, n. 9. V. aussi (1) Guillouard, I, n. 86 et II, n. 616; Fuzier-Herman, art. 1719, n. 1. voit dans cette clause une atteinte aux caractères essentiels du bail ('). On peut soutenir le contraire: dès lors que chaque obligation du bailleur peut individuellement être supprimée, il n'y a aucune raison d'annuler une clause qui les fait disparaitre toutes à la fois; les caractères, même essentiels, des conventions peuvent être librement modifiés par les parties. En tous cas il peut être convenu que si le preneur élève contre le bailleur une contestation reconnue mal fondée, le bailleur aura le droit de résilier la convention (2). 271. Suivant l'art. 1719: « Le bailleur est obligé, par la » nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, -1° De délivrer au preneur la chose » louée; - 2 D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; 3' D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ». L'art. 2 de la loi du 10 juillet 1889 sur le bail à colonat partiaire dit également : « Le bailleur est tenu à la délivrance » et à la garantie des objets compris au bail ». En réalité, ces diverses obligations se ramènent à une seule, celle de faire jouir le preneur. Le bailleur, en outre, doit en certaines circonstances rembourser au preneur les dépenses faites à l'occasion de l'im meuble. SECTION PREMIÈRE OBLIGATION DE DÉLIVRER LA CHOSE 21. Etal dans lequel la chose doit être délivrée. 272. « Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état » de réparations de toute espèce », dit l'art. 1720 al. 1. Cette disposition signifie que le locateur doit exécuter toutes les réparations dont le besoin se fait sentir au moment de l'entrée en jouissance du preneur (3), même les réparations dites loca - - Cass. req., 23 juin 1873, (1) Cass., 19 janv. 1863, S., 63. 1. 185, D., 63. 1. 248. S., 73. 1. 304, D., 74. 1. 218. — Fuzier-Herman, art. 1719, n. 11. (*) Cass. req., 23 juin 1873, S., 73. 1. 304, D., 74. 1. 218. 1719, n. 12. (*) Grenoble, 26 mai 1849, S., 50. 2. 375. CONTR. DE LOUAGE. — - I. Huệ, X, n. 304. Fuzier-Herman, art. 10 |