La plupart reconnaissent que les témoins sont admis dans les conditions ordinaires (). Nous approuvons, bien entendu, cette solution, qui se justifie par les arguments que nous avons développés à propos de la durée. Les auteurs qui, sur ce dernier point, étaient nos adversaires, prétendent éviter le reproche de contradiction, en disant qu'il n'existe pas ici, comme pour la durée, de textes réglant la question par l'usage des lieux. Cette considération n'est d'aucune valeur car il existe des textes qui fixent les obligations légales du bailleur et du preneur, et pourquoi ne les appliquerait-on pas? Ajoutons qu'une grande partie des arguments que nous avons réfutés conduiraient, s'ils étaient exacts, à rejeter la preuve par témoins, aussi bien sur cette question que sur la précédente. 249. La preuve des termes de paiement se fera également d'après le droit commun. On a soutenu que cette échéance est fixée par l'usage des lieux (2). Cela n'est pas exact : l'usage des lieux ne peut servir à fixer les échéances que si la convention est muette; or, on suppose ici qu'il y a eu sur ce point une convention dont le sens est contesté (3). 250. On doit également ranger parmi les conditions du bail, auxquelles s'appliquent les principes qui précèdent, la répartition du prix annuel entre les différents termes fixés. Il n'y a pas lieu d'appliquer l'art. 1716, qui est relatif seulement à la preuve du montant du prix ('). Louage, n. 142-6° preuve du droit accordé par le bail verbal à un preneur de percer les planchers). - Trib. civ. Béthune, 21 juin 1889, Loi, 19 déc. 1889. Duvergier, 1, n. 258. — On a cité dans le même sens Cass. req., 10 mai 1832 S., 33. 1. 557, D., Rép., vo Louage, n. 142-6o), qui n'a pas trait à la question. Elle était agitée dans le procès, mais la cour l'a négligée. — On a également cité Pau, 5 avril 1873, S., 74. 2. 120, qui ne concerne que la durée du bail. Lyon, 28 nov. 1889, Mon. jud. Lyon, 24 avril 1890. — Amiens, 30 oct. 1895, Rec. Amiens, 95. 250. — Douai, 3 mai 1900, Rec. Douai, 1901. 28 (preuve de la clause permettant au bailleur de vendre sans devoir d'indemnité au preneur). — Trib. civ. Lyon, 13 déc. 1901, Loi, 9 juin 1902. — Cass. belg., 28 mars 1882, Pasier., 82. 1. 161. Cass. belg. 4 avril 1882, Pasier., 82. 1. 166. - Duranton, XVII, n. 55; Marcadé, art. 1714-1716, n. 3; Arntz, IV, n. 1130; Aubry et Rau, IV, p. 467, § 364, note 15; Laurent, XXV, n. 85; Guillouard, I, n. 83; Huc, X, n. 280. (2) Grenoble, 4 août 1832, S., 33. 2. 74, D. Rép, vo Louage, n. 141. — Guillouard, 1, n. 79. (3) Fuzier-Herman, art. 1716, n. 2. () Nimes, 14 juil. 1810, S. chr. et S., 33. 2. 74 (en note), D. Rép., vo Louage, n. 112. 251. On doit encore y ranger les conditions relatives à la nature du prix et notamment à la question de savoir si un bail est à ferme ou à métayage; c'est à tort qu'ici encore on a voulu appliquer l'art. 1715 ('). 252. Quelque solution qu'on adopte sur la preuve des clauses du bail, c'est certainement au droit commun qu'il faut recourir pour la preuve des conventions qui se rattachent au bail, mais sont étrangères aux lieux loués. C'est, notamment, d'après le droit commun que se prouvera le cautionnement fourni par un tiers en garantie des engagements du preneur (3). SECTION V PREUVE DE LA PROROGATION DU BAIL 253. On pourrait, en théorie, penser que la preuve de la prorogation du bail doit être faite de la même manière que la preuve d'un bail nouveau; la prorogation n'est, en effet, pas autre chose qu'une convention nouvelle de bail. On appliquerait donc, si la prorogation était verbale (que le bail primitif fût, d'ailleurs, écrit ou verbal), l'art. 1715 et on exclurait la preuve par témoins. En reconnaissant la tacite reconduction, c'est-à-dire la prorogation par une simple prolongation de jouissance, démontrée par un procédé quelconque, la loi déroge à cette règle; la prorogation du bail peut donc être prouvée conformément au droit commun. On objecte que la tacite reconduction est faite pour un temps court, alors que la prorogation peut être pour un temps très long. Cela n'est pas exact la tacite reconduction, ayant la durée du bail primitif, peut être très longue (3). faite Nimes, 22 mai 1819, S. chr., D. Rép., vo Louage, n. 142. si cet arrêt part de l'idée que l'art. 1715 est applicable à la preuve des conditions du bail, ou s'il a cru que la question concernait l'existence du bail. 3 Nimes, 6 juin 1823, S. chr., D. Rép., vo Louage, n. 137. Lyon, 28 mars 1899, Mon. jud. Lyon, 1er juin 1899. — Contra Cass., 2 juillet 1849, P., 50. 1. 65, D. Rép., vo Louage, n. 116-2o. Droit, 23 juillet 1898. Bordeaux, 25 janv. 1898, Alger, 7 juin 1899, D., 1901. 2. 45. Il en est de même de l'exécution d'une clause du bail auto risant le preneur à proroger le bail ('). SECTION VI PREUVE DES DÉROGATIONS APPORTÉES AUX CONVENTIONS PRIMITIVES 254. La preuve des dérogations aux conventions primitives est faite conformément au droit commun. Si donc le bail est écrit, ces dérogations, même si elles sont verbales, peuvent être prouvées par témoins ou par présomptions soit lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit (*), soit même sans commencement de preuve par écrit (3). On ne peut opposer en sens contraire l'art. 1715, qui interdit la preuve testimoniale, car nous avons montré que ce texte est exceptionnel. D'autre part, comme il ne s'agit pas d'une valeur pécuniaire, la preuve testimoniale est admise sans limites. On ne peut pas objecter non plus que la preuve testimoniale est interdite par l'art. 1341 C. civ. outre ou contre les actes; ce texte concerne seulement la preuve de faits contredisant l'écrit. 255. Le preneur peut donc prouver, conformément au droit commun, que le bailleur lui a abandonné la jouissance d'un local nouveau, par exemple d'un local qu'il s'était réservé dans l'immeuble loué; cette preuve ne peut êre considérée comme portant sur l'existence d'un bail nouveau (*). Rouen, 29 mars 1899, S., 1902. 2. 139. preneur peut être toujours prouvée par témoins. Gaz. Trib., 22 mars 1899. Décidé à tort que celle option du - Trib. civ. Tunis, 28 déc. 1898, (2) Caen, 31 janv. 1843, S., 43. 2. 151, D. Rép., vo Louage, n. 144. Caen, 15 nov. el 22 mars 1859, Recueil de Caen, 1860, p. 213. Guillouard, I, n. 79. Contra Planiol, II, n. 1672. (3) Trib. civ. Liège, 29 avril 1885, Jurispr. des trib. belg., XXXIV. 1. Trib. civ. Tongres, 8 juil. 1891, Pand. pér. belg., 91, n. 1677. Trib. civ. Bruxelles, 21 mars 1894, Pand. pér. belg., 94, n. 1525. — Contra Planiol, loc. cit. — V. aussi Guillouard, I, n. 79 (cet auteur, tout en reconnaissant que l'art. 1715 n'est pas applicable et qu'il faut appliquer le droit commun, paraît soutenir que des témoins ne peuvent pas être reçus sans commencement de preuve par écrit). Décidé aussi que la convention modifiant la date de l'entrée en possession ne peut être prouvée par témoins. Trib. paix Bourganeuf, 8 déc. 1896, Rev. just, paix, 1897, p. 200.-Décidé de même pour celle qui modifie l'objet du bail. — Trib. paix Lectoure, 6 sept. 1902, Rev. just. paix, 1903. 96. - Contra Trib. paix Lectoure, 6 sept. 1901, 256. Si le bail est verbal, les mêmes solutions doivent être appliquées; car l'art. 1715 doit être restreint à l'hypothèse qu'il prévoit, celle d'une convention de bail. 257. Par exception, l'art. 1716 (1), en raison de ses termes généraux, est applicable, non seulement si le prix réclamé par le bailleur est le prix originaire, mais encore si, par suite de conventions modificatives, le prix primitivement stipulé n'est plus le prix actuel. Il en est ainsi certainement si le prix primitif ne figure pas dans un écrit. Mais si même le prix primitif figure dans un acte écrit, nous pensons que l'art. 1716 est applicable; on ne saurait objecter l'art. 1341 C. civ., d'après lequel la preuve par témoins n'est pas admise outre ou contre le contenu d'un acte; car il ne s'agit pas ici de preuve par témoins. En tous cas, la preuve d'une modification au prix primitif, même si le prix a été stipulé par écrit, peut résulter soit de ce que les payements opérés par le preneur ne sont pas conformes à la stipulation originaire (2), soit de la correspondance des parties (3). SECTION VII PREUVE EN MATIÈRE DE PAIEMENT DE LOYERS, DE DÉGRADATIONS, DÉ PERTE, DE CONGÉ OU DE RÉSILIATION 258. La preuve en ces diverses matières sera étudiée avec ces matières elles-mêmes (*). SECTION VIII DE L'ÉTAT DES LIEUX 259. L'état des lieux, c'est-à-dire l'acte indiquant dans quel état se trouve la chose louée, a pour but de fixer l'état dans lequel la chose doit être restituée. () V. supra, n. 237. (*) Cass. req., 20 août 1877, S., 79. 1. 10, D., 79. 1. 299. Fuzier-Herman, art. 1714, n. 7. (3) Cass. req., 20 août 1877, précité. - Fuzier-Herman, loc. cit. (*) V. infra, n. 823, 863 s., 916 s., 972 s., 1254, 1369 s. Il présente une grande utilité, soit pour le bailleur, soit pour le preneur. Le bailleur y trouve l'avantage de faire indiquer les objets annexes ou accessoires que le preneur doit restituer en dehors de la chose louée; sans état de lieux, le preneur pourra soutenir qu'il a reçu la chose seule. Quant au preneur, l'état des lieux lui permet d'échapper à l'art. 1731, qui lui ordonne de restituer la chose en bon état de réparations. Or, toute partie a le droit de forcer son cocontractant à fixer les limites soit de ses obligations, soit de celles de ce dernier; c'est un droit qui est le corollaire de l'obligation principale. L'état des lieux peut donc être exigé soit par le bailleur ('), soit par le preneur (). Ce droit est, du reste, partout consacré par l'usage des lieux. 260. Pour les baux des biens domaniaux, la loi des 2328 oct.-5 nov. 1790 exige formellement l'état des lieux (3). 261. Aucun texte ne fixant le délai dans lequel l'état des lieux doit être fait, le tribunal détermine souverainement ce délai (*), à moins qu'il ne soit indiqué dans le bail (3); dans ce dernier cas, chacune des parties peut contraindre l'autre partie à concourir dans le délai fixé à la confection de l'état des lieux, mais ce n'est pas à dire que son action soit mal fondée après le délai ("); l'indication d'un délai n'a pour but que d'empêcher l'une des parties de retarder, sous un prétexte quelconque, la confection de l'état des lieux. (1) Guillouard, I, n. 239; Huc, X, n. 312. (*) Guillouard, loc. cit.; Huc, loc. cit. (3) « A l'entrée de la jouissance, il sera procédé par experts à la visite des objets affermés, ensemble à l'estimation du bétail et à l'inventaire du mobilier. Le tout sera fait contradictoirement avec le nouveau fermier et l'ancien, ou, s'il n'y en avait pas un d'ancien, avec un commissaire pris dans le directoire du district ou par lui délégué (délégué par le sous-préfet). Les frais de ces opérations seront à la charge du nouveau fermier, sauf son recours contre l'ancien, si celui-ci y était assujetti ». (*) Paris, 18 mars 1895, D., 95. 2. 240. — Trib. paix Magny en Vexin, 3 nov. 1900, Loi, 9 janv. 1901. (5) Paris, 18 mars 1895, précité. (*) Huc, X, n. 312. |