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moitié à butiner, & l'autre à la garde des portes, étoit une précaution bien entendue contre les défordres & les furprises. L'efpérance d'avoir part au Butin étant auffi certaine pour ceux qui reftoient aux portes, que pour ceux qui faifoient le pillage; la difcipline étoit toujours exactement obfervée. Les anciens Gaulois ont fuivi la même maxime.

Si on l'observoit aujourd'hui, on éviteroit fouvent de grands défordres. Ce qui fait méprifer le danger, c'eft l'efpérance du gain, & il n'eft pas poffible que quand l'occafion fe préfente, ceux qui reftent dans le camp, ou qui montent quelque garde, ne foient fachés de la perdre, d'autant mieux que tout ce qui fe prend, appartient à celui qui l'a pris. On a vu plus d'une fois des Capitaines, qui, après avoir conduit leurs deffeins avec beaucoup de fuccès, non-feulement ont échoué, mais encor ont été malheureufement défaits, fans autre raifon que celle que l'on vient de rapporter. I feroit donc très-important pour contenir l'imprudente avidité du foldat, de le confoler par l'espérance de partager un Butin, auquel il feroit cenfé avoir pu contribuer. Les Princes & les Généraux ne font pas affez attention à cet objet; il eft du véritable droit des gens de guerre; & fi ce droit étoit mieux connu & bien obfervé, il en refulteroit une plus grande fubordination parmi les troupes, & un courage mieux décidé chez les foldats.

Quelques-uns ont prétendu que le Butin n'appartenoit pas moins que les conquêtes au Souverain qui fait la guerre, parce que lui feul a des prétentions à la charge de l'ennemi qui l'autorisent à s'emparer de fes biens, & à fe les approprier. Selon d'autres, le Butin eft la récompenfe immédiate, & toujours très-médiocre d'un pauvre foldat qui a expofé fa vie, mille fois, peut-être, pour fon Prince; fur-tout fi l'on confidere, ajoutent-ils, qu'il n'en coûte à ce Prince, la plupart du temps, qu'une folde légere en argent & qu'il a pour lui la gloire, les conquêtes de provinces & de villes, l'artillerie, les munitions de guerre, les magasins, les convois pris fur l'ennemi, & les contributions pécuniaires; que refte-t-il donc de fi précieux au foldat pour lui en contefter la propriété naturelle ? Ceuxci, croient établir des droits juftes & convenables à l'ordre & à la fatisfaction réciproque du Souverain & de fes foldats, en décidant fans flatterie & fans partialité, qu'excepté les villes, les forts, les villages, les maifons, l'artillerie, les munitions de guerre, les bâtimens de magasins, les fourages emmagafinés, le tréfor particulier de l'armée ennemie pris dans un convoi ou autrement, & les contributions pécuniaires; tout le refte, tout ce qui eft trouvé appartenant à l'ennemi mort ou prisonnier ou en fuite, tout ce qui eft pris fur lui au moment d'une bataille, ou d'un affaut, revient de droit au foldat, ainsi qu'à l'Officier; que de même la cargaifon d'un vaiffeau, les malles de l'équipage vaincu, l'argent trouvé, les provifions de bouche, appartiennent auffi de droit & par égale portion aux foldats & aux matelots vainqueurs ; mais que le Souverain ne peut reven

diquer que la carcaffe des navires, les agrets que le combat a épargnés, le canon & autres provifions de guerre.

Du refte il eft difficile d'établir des regles fùres d'équité, parmi des gens qui vont s'égorger & fe piller. Voilà fans doute la caufe de la dif férence des opinions fur cette matiere.

NOUS

BUZUR-DJUM BER.

OUS rapporterons une belle réponse de ce Calife. On lui demandoit quel étoit le meilleur des Rois. C'eft, répondit-il, celui dont les bons n'ont rien à craindre, & que les méchans redoutent.

BYNKERSHOEK (Corneille van) Auteur Politique.

CORN

ORNEILLE VAN BYNKERSHOEK, né à Middelbourg en 1603, après avoir étudié la Théologie dans l'Academie de Franeker, fe livra à l'étude du droit, prit le bonnet de Docteur en cette derniere fcience, en 1694, & fit profeffion d'Avocat à La Haye, pendant huit ans. Il s'y fit une grande réputation, & obtint en 1703, une place de Confeiller au haut Confeil de Hollande, dont il devint dans la fuite Préfident. Il mourut à La Haye, le 15 Avril 1743, après avoir compofé quelques ouvrages de droit. Voici les deux livres de fa compofition, dont j'ai à parler. I. Traité De foro Legatorum, qui a été imprimé en Hollande en 1721. Un envoyé du Duc de Holftein auprès des Etats Généraux des Provinces-Unies, s'étoit fort endetté dans le commerce des actions de la Mer du Sud à la fin de l'année 1720. Ses créanciers s'adrefferent à la Cour de Hollande, qui leur accorda la permiffion de citer le Miniftre étranger à ce Tribunal, & de faifir tous ceux de fes effets qui ne feroient pas néceffaires à fon ufage. L'envoyé s'en plaignit aux Etats-Généraux, comme d'une infraction du droit des gens. La Cour de Hollande entreprit de juftifier fes procédures, par une lettre qu'elle écrivit aux Etats de la Province. L'affaire eut un grand éclat, Bynkershoek, interrogé fur cette queftion, en dit fon fentiment, & promit de le mettre par écrit. C'eft ce qui donna lieu à fon traité De foro Legatorum. La difcuffion de l'affaire qui l'a fait publier, 'ne regardoit que la jurifdiction civile; mais l'Auteur traite auffi de la criminelle, parce que dans l'un & dans l'autre, le point de décifion dépend des privileges que le droit des gens accorde aux Miniftres publics; & pour traiter la matiere profondément, il falloit l'examiner dans les différens points de vue.

L'Auteur, en rapportant les déclarations des Etats-Généraux fur les privileges des Miniftres publics, prouve par des faits inconteftables, que la Cour de Hollande a varié plufieurs fois dans fes décisions sur cette matiere. Cet écrivain eft favorable aux privileges des Ambaffadeurs, & pense avec raison qu'un Miniftre public n'eft foumis en aucun cas, ni à Îa jurisdiction civile ni à la jurifdiction criminelle du pays où il réfide. Il traite folidement, quoique fuccinctement, la queftion, & la traite avec beaucoup de fens, mais fans ordre & fans netteté.

Barbeyrac a donné une traduction de ce petit ouvrage fous ce titre : Traité du juge compétant des Ambaffadeurs, tant pour le civil, que pour le criminel, traduit du latin, &c. A La Haye Chez T. Jehufon, 1723. Cette traduction a été réimprimée en 1724 & en 1730, à la fuite du traité de l'Ambassadeur de Wicquefort. Le traducteur, qui n'eft pas de l'avis de l'auteur original, l'a contredit par des notes dont il a accompagné sa traduction.

II. Notre Bynkershoek eft auffi l'Auteur d'un livre de droit public, qui a pour titre : Cornelii van Bynkershoek, Juris-confulti & Præfidis, quæftionum Juris publici libri duo, quorum primus eft de rebus bellicis; fecundus, de rebus varii argumenti. Chez Jean Van Kerchem, Libraire à Leyde, 1737, in-4to.

C. CA.

CABA LE, f. f.

CABALER V. n.

ON appelle Cabale

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CABALEUR, f. m.

une confpiration de plufieurs perfonnes qui par des menées fecretes & illicites, travaillent fourdement à quelque chofe d'injufte, à perdre un innocent, à fauver un coupable, à faire éclore quelque projet préjudiciable à l'État ou à la fociété, à décréditer une bonne marchandise, un bon ouvrage, à ruiner quelqu'établissement utile, à déplacer un Miniftre, &c.

Les Cabaleurs font ordinairement des gens inquiets, envieux, lâches, dont l'impudence & l'efprit remuant font tout le mérite. La Cabale eft fréquente dans les Cours, parce que la Cour eft l'élément des intrigans, des envieux, des ames baffes & viles qui n'ont d'autres principes que ceux de l'égoïfme. Tous les Cabaleurs ne font pourtant pas des gens méchans, & difpofés à tout facrifier à leur intérêt. Il y en a qui ne font que des génies vains & bornés, jaloux de fe donner une exiftence en fe rendant néceffaires, toujours prêts à intriguer pour le premier venu qui voudra les employer, voulant entrer dans tout ce qui fe trame, & fe faifant gloire d'être complices de toutes les menées qui fe font, quel qu'en foit le but. On en a vu qui cabaloient à la fois pour & contre, par une manie que l'imbécillité feule pouvoit excufer.

Un homme fage n'entre dans aucune efpece de Cabale; non-feulement fon honnêteté y répugne; mais il craint encore d'expofer fa fortune & fa famille: car les Cabales font ordinairement plus dangereufes pour les chefs qui les forment, que pour les innocens qui en font l'objet. Le fage ne s'expose pas même à être follicité de cabaler, parce qu'il connoît & choisit les gens avec lesquels il fe lie.

Que celui qui doit fon élévation à la Cabale, craigne de la perdre par une autre Cabale. La faveur dont jouit un mérite médiocre eft trop précaire pour être durable. Si des talens fupérieurs & de grandes vertus ne font pas à l'abri des difgraces, la médiocrité peut-elle fe flatter de réfifter aux attaques des courtifans envieux d'une place qu'elle remplit mal? La Cabale peut nuire au mérite, mais le mal qu'elle lui fait n'eft pas fans dédommagement. Les intrigans rendent juftice, malgré eux, à la vertu qu'ils oppriment : c'eft un hommage que ne reçoit point l'homme qui s'est

élevé

élevé à force de baffeffe & de menées fourdes. S'il tombe, il n'a pas la confolation d'être plaint. Sa chûte eft affez juftifiée par l'hiftoire de fon élévation. Le mérite fupplanté, conferve toujours fon premier droit à la grandeur & aux dignités, & fouvent il brille affez dans la retraite pour humilier ceux qui l'y ont forcé. L'idole de la Cabale, lorfqu'elle eft renverfée, eft au-deffous de fon premier état. L'homme qui étoit peu de chofe par lui-même, avant que de parvenir, n'eft plus rien dès que l'intrigue qui l'avoit élevé le laiffe retomber.

Un honnête-homme eft fort embarraffé lorfqu'on lui fait la confidence. d'une Cabale dont l'objet eft affez important pour opérer une révolution à la Cour, foit qu'elle réuffiffe ou qu'elle échoue. S'il y entre, il fe rend criminel, il s'expofe lui & les fiens. S'il refufe d'y entrer, la fureté des complices exige fa perte, ou bien leur réuffite doit l'opérer. Il n'y a cependant pas à héliter: il vaut mieux périr innocent, que vivre coupable; il vaut mieux fouffrir au fein de la vertu, que profpérer dans le crime.

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LA police preferit par-tout des regles aux Cabaretiers & taverniers;

ces regles font relatives à la religion, aux mœurs, à la fanté, à la fureté publique; mais prefque par-tout ces regles, belles en elles-mêmes, font mal obfervées. Cependant on a foin de les renouveller de temps en temps, prefque toujours fans fruit. C'eft peut-être la faute des Commiffaires de police, c'eft fur-tout celle des Cabaretiers qui font des gens fans éducation, fans autre principe d'honnêteté, que celui de leur intérêt particulier. On devroit être plus attentif qu'on ne l'eft aux mœurs & à la probité des gens à qui l'on permet de donner à boire & à manger au peuple. Ils font ordinairement mal inftruits des devoirs de leur profeffion. Ils ne fentent pas les conféquences de l'inobfervation des loix qui leur font prefcrites. Ils commencent prefque toujours par les violer, parce qu'elles gênent leur cupidité; & ils ne peuvent plus fe difpenfer de les laiffer violer aux autres. De-là naiffent une infinité de défordres dans la fociété. La multitude innombrable de cabarets que l'on trouve, non-feulement dans les grandes villes, mais encore dans les plus petits & les plus pauvres endroits, multiplie l'ivrognerie, les vols, la débauche, la fainéantife, la paffion du jeu, les querelles, les mauvais ménages, & caufe la ruine des pauvres familles. C'eft dans ces lieux que fe raffemblent les brigands, les voleurs, les femmes de mauvaise vie, les tapageurs, en un mot tous ceux qui traTome X.

F

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