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noirs deffeins. Le 9 Octobre 1587, à un retour de chaffe, Blanche mourut empoisonnée, cinq heures après avoir vu expirer le Grand-Duc fon époux, dans les convulfions que lui caufa le même poifon. Le Cardinal justement accufé de cette double mort, leur refufa, dit-on, toute espece de fecours, & empêcha qu'on allât en ville appeller les médecins. Tel fut la fin tragique des amours de Blanche avec le Grand-Duc de Tofcane. Si elle mérite quelque cenfure, l'amour fit tout fon crime: il eft bien pardonnable, quand il devient la fource des vertus les plus propres à honorer le trône.

JPE

CAPITAINERIE, f. f.

'ENTENDS des voix s'élever de toutes parts en France, contre les Capitaineries. Toutes s'accordent à dire qu'elles font inutiles au Souverain, & très-nuifibles à l'agriculture, au commerce, à la liberté, &c. A qui font-elles donc avantageufes? Au Capitaine.

On y établit un tribunal compofé de gens peu inftruits; & ce tribunal eft toujours juge & partie.

On permet à des gardes d'entrer chez moi, même malgré moi; on me force à les recevoir à quelque heure & auffi fouvent qu'il leur prendra fantaisie d'y venir: eux & leurs chiens gâtent mes légumes, mes fleurs, mes grains; il faut fe taire, & les remercier qu'ils ne faffent pas un plus grand dégât.

On fait dévafter mes terres & dévorer mes grains par la multitude de gibier; ou bien on me fait perdre mes récoltes, en m'empêchant de les faire à propos.... Et tout cela pour procurer vingt mille écus de rente & plus à un Capitaine.

C'eft mal calculer, qu'on me permette de le dire. Il vaudroit bien mieux s'emparer de toutes mes terres & les lui donner. L'Etat y gagneroit. Dès qu'elles feroient à lui, je réponds qu'il détruiroit promptement le gibier; & les hommes y gagneroient cette quantité confidérable de grains que confomme le gibier, & tout celui qui fe perd.

Les Capitaineries font inutiles au Souverain. N'eft-il pas étrange que le Roi de France qui a deux millions d'arpens & peut-être davantage en Capitaineries, paie fort cher prefque tout le gibier qui fe confomme pour fa maifon? Les dépenfes énormes de ces Capitaineries font donc en pure perte pour le Souverain. Elles occupent encore inutilement une multitude de gens que réclame en vain l'agriculture.

La propriété doit être dans tous les cas une chofe facrée. L'amour naturel au François pour fon Roi, le portera toujours à facrifier fon intérêt particulier à l'utilité & même au plaifir personnel de fon Souverain. Mais

le Roi peut prendre le plaifir de la chaffe auffi agréablement & auffi fouvent qu'il le voudra, fans que dix mille propriétaires foient gênés, vexés, prefque ruinés pour fournir au luxe de cinq à fix particuliers.

Voilà ce que j'entends dire & répéter de tous côtés. C'est à un Gouvernement jufte & bon à examiner ces plaintes, à les apprécier, à les faire ceffer, en remédiant aux abus des Capitaineries. Dès qu'une inftitution fait murmurer tout un peuple, on peut être fûr qu'elle eft nuifible, abufive & défectueufe; il faut ou la réformer ou l'abolir. Son ancienneté & fa généralité ne font qu'un motif de plus de l'examiner de près, de rechercher les abus que le temps y a introduits, & de les réprimer dès qu'on les a reconnus. L'intérêt particulier ne prescrit point contre le bien public. Voyez Chasse.

CAPITAN-BACHA, titre qui répond en Turquie, à celui de Grand-Amiral en France.

LE Capitan - Bacha ou Capoudan-Bacha poffede la troifieme charge de

l'Empire, & a fur mer autant de pouvoir que le Grand -Vifir en a fur terre. Ce Commandant n'avoit point autrefois le titre de Capitan - Bacha ou d'Amiral; il n'étoit que Beg de Gallipoli. Soliman II inftitua certe charge en faveur du fameux Barberouffe, & y attacha une autorité abfolue fur tous les Officiers de la marine & de l'arfenal, que le Capitan-Bacha peut punir, caffer & faire mourir dès qu'il eft hors du détroit des Dardanelles. Il commande dans toutes les terres, les villes, châteaux & forteresses maritimes; vifite les places, les fortifications, les magasins ; ordonne des réparations, des munitions de guerre & de bouche; change les milices, & tient confeil pour recevoir les plaintes des Officiers.

Lorfque cet Officier eft à Conftantinople, il a droit de police dans les villages de la côte du port & du canal de la mer noire, qu'il fait exercer ou par fon Kiaja ou Lieutenant, ou par le Boftangi-Bachi.

La marque de fon autorité eft une grande canne d'inde, qu'il porte à la main dans l'arfenal & à l'armée. Son canot, par un privilege réservé feulement au Grand-Seigneur, eft couvert d'un tendelet, & armé d'un éperon à la proue. Il difpofe des places de Capitaines de vaiffeau & de galere, vacantes par mort.

Cet Officier a une copie de l'état des troupes de mer & des fonds destinés pour l'entretien des armées navales. Trois compagnies de Janiffaires compofent fa garde: elles débarquent par-tout où la fotte féjourne, & campent devant la galere du Général. Sa Maifon, fans être auffi nombreuse que celle du Grand-Visir, eft compofée des mêmes Officiers;

& quand la flotte mouille dans un port, il tient un divan ou confeil compofé des Officiers de marine.

Le Capitan - Bacha jouit de deux fortes de revenus; les uns fixes, &* les autres cafuels. Les premiers proviennent de la capitation des ifles de l'Archipel, & de certains gouvernemens & bailliages de la Natolie & de Romelie, entr'autres de celui de Gallipoli, que le Grand - Seigneur lui donne en apanage avec la même étape que celle du Grand - Vifir. Ses revenus cafuels confiftent en ce qu'il tire de la paie des bénévoles, & de la demi-paie de ceux qui meurent pendant la campagne, qu'il partage avec le Terfana Emini. Il a encore le cinquieme des prifes que font les Begs, & loue fes efclaves pour mariniers & rameurs fur les galeres du GrandSeigneur, à raison de cinquante écus par tête, fans qu'ils lui coûtent rien à nourrir ni à entretenir; parce qu'au retour de la flotte, il les fait enfermer avec ceux de Sa Hauteffe. Les contributions qu'il exige dans les lieux où il paffe, augmentent confidérablement fes revenus cafuels. Guer, Maurs & ufages des Turcs, Tom. II.

CAPITATION, f. f. Droit annuel qui fe leve fur tous les Bourgeois ou Habitans des Villes, à raison de leur état & de leurs facultés.

LA Capitation eft proprement une impofition qui fe leve fur chaque

perfonne à raifon de fon travail, de fon industrie, de fa charge, ou de fon rang.

Cette efpece de tribut en général eft fort ancien, & répond à ce que les Latins appelloient capita ou capitatio, ou tributum capitis ou capitulare; ce qui diftinguoit les taxes fur les perfonnes, des taxes fur les marchandifes qu'on nommoit vectigalia.

On appelle encore Capitation une taxe qu'on impofe par tête dans certains befoins de l'État. La Capitation eft encore aujourd'hui la taille des Turcs.

En 1748, le Maréchal de Saxe étoit aux portes de la Hollande avec une armée prête à y entrer un François qui fe trouvoit pour lors à Amfterdam, plaignit un négociant Hollandois de ce que fon pays, fon commerce alloient être envahis par les François pour le pays, dit le Hollandois, à la bonne heure; mais pour notre commerce, il fe trouvera toujours partout où feront les Hollandois.

En effet, le négociant par la nature de fon état, n'eft pas plus attaché à un pays qu'à un autre; tranfportez-le à Paris, à Londres, à Amfterdam, à Bengale, à Batavia, avec fon argent & fes lumieres, par-tout il peut atteindre à fon but, qui eft la fortune. Il en eft de même de l'artifan du fabriquant & de l'ouvrier avec leur induftrie, ils font sûrs de trouver

par-tout leur fubfiftance, & quelquefois même plus sûrement ailleurs que dans leur propre pays.

Ils ne font point par la nature de leur état effentiellement citoyens de la fociété politique dans laquelle ils vivent ce n'eft donc pas d'eux qu'il convient de demander directement des fecours pour fa confervation.

Au contraire, le propriétaire des terres, attaché au fol dont il tire fa fubfiftance, eft lié néceffairement à la fociété qui lui en affure la propriété & la jouiffance. Les befoins de l'Etat font fes propres befoins; c'eft donc à lui d'y pourvoir directement.

La Capitation qui porte indiftinctement fur toutes les claffes & les particuliers de l'État, qui confond le propriétaire & fes agens, le citoyen & celui qui vit feulement dans la cité, eft donc contraire à l'ordre naturel de la fociété c'eft l'inconvénient le moins frappant peut-être de la capitation, mais que l'on doit cependant regarder comme le principe de tous les autres.

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Cet impôt ne peut s'affeoir que relativement à la fortune des contribuables mais qu'eft-ce que la fortune d'un marchand, d'un ouvrier, d'un artifan qui ne poffede aucun fond réel? c'eft un objet vague que perfonne ne peut connoître, pas même le négociant, ni l'artifan lui-niême; ils ne favent jamais ce qu'ils peuvent gagner dans leur travail ou dans leurs différentes entreprises les circonftances du commerce & du débit reglent tout; ils font riches aujourd'hui & feront peut-être pauvres demain. Lorfque l'on impofe tant fur le négociant à raifon du gain qu'il peut faire dans fon commerce, il faudroit donc le lui rendre, lorsqu'il vient à perdre; il faudroit donc, eftimant fa fortune préfente, eftimer auffi les rifques, les hazards, les banqueroutes qui peuvent la lui enlever. On ne peut donc s'affurer de la valeur de l'objet fur lequel la Capitation eft impofée : que disje? de l'existence même de l'objet; car bien des gens, chez qui la Capitation eft établie, paient des taxes fur une fortune qu'ils n'ont certainement pas. Cet impôt eft donc effentiellement arbitraire.

Mais, me direz-vous, les marchandifes qu'un négociant garde dans les magafins, ou qu'un marchand a dans fa boutique, ne forment-elles pas un fond auffi réel qu'un fond de terre?

Non, fans doute, ces chofes font d'une nature bien différente. Les marchandifes du négociant ne produifent par elles-mêmes aucun accroiffement de revenu; elles ne peuvent procurer quelque profit au négociant que par l'échange perpétuel qu'il en fait, mais cet échange n'eft établi que pour le profit du propriétaire des terres, puifque fans le commerce, il n'auroit point de revenu le gain fait fur ces échanges, eft pris fur le revenu du propriétaire, fait partie de ce revenu, ou du moins des frais néceffaires pour l'entretenir & le faire valoir. Ce gain n'eft donc point une richeffe difponible, ni fufceptible par conféquent d'être impofée.

Suivant l'ordre naturel du commerce, la fortune d'un artifan ou d'un

négociant eft la mefure & la récompenfe de fon travail & de fon induftrie; c'eft donc précisément fur le travail & l'induftrie que la Capitation eft affife; c'eft à proportion du travail & de l'induftrie qu'elle eft levée. En conféquence, l'ouvrier laborieux, le commerçant actif, l'artifte induftrieux, font obligés de payer la Capitation de l'ouvrier indolent, de l'artifte mal-adroit, du commerçant imprudent ou fans intelligence. Comment pourroit-on efpérer avec de pareils moyens animer le travail, encourager l'industrie, favorifer le commerce ?

C'eft en vain que l'on voudroit, par des privileges, par des encouragemens particuliers remplacer la récompenfe du travail, ce reffort puiffant qui fait mouvoir tous les ordres, tous les particuliers d'une nation & tous les peuples de l'univers; ces reffources forcées augmentent le mal, au lieu de le guérir, en détruifant encore ce principe d'activité qui doit tout entraîner d'une feule impulfion.

L'impôt fur les cultivateurs paroît d'abord avoir une base plus fûre, que celle du travail des autres agens de l'induftrie; parce que l'on s'imagine ordinairement que le prix des baux, eft la regle proportionnelle de l'impofition des fermiers; mais dans le fait, cette regle eft tellement variable elle-même, que l'on peut regarder aujourd'hui cette efpece de taxe comme purement perfonnelle & arbitraire.

Les Capitations des différentes élections & des paroiffes, & par conféquent celles des différens contribuables, changent à chaque département de l'intendant; tant de circonftances influent fur ces taux, qu'il n'eft pas poffible d'y établir une proportion ftable. Un fermier ne fait jamais au commencement de l'année ce qu'il payera à la fin, ou du moins dans l'année fuivante. Dans le cours d'un bail de neuf ans, il a ordinairement payé neuf taux de taille différens; cependant il a toujours payé le même revenu de fa ferme au propriétaire.

Au moyen des idées chimériques que l'on s'étoit forgées autrefois fur l'impôt, on a trouvé moyen de diftinguer trois objets de taxe différens ́ dans une feule perfonne; c'eft-à-dire, la taille purement perfonnelle, la taille à raifon de l'exploitation, & la taille à raifon du commerce que peut faire le fermier. 11 eft certain que tant que l'on voudra confondre ainfi les objets & les idées, il eft de toute impoffibilité que le gouvernement trouve le remede qu'il cherche au défordre qu'il voit régner dans cette partie.

payer

Que l'on demande dans telle paroiffe combien de Capitation doit une ferme de 600 liv. de produit; combien doit payer un homme qui jouit de cent piftoles de rente en terres; quelle eft en un mot la regle par laquelle on peut juger qu'un homme eft trop ou trop peu impofé; perfonne ne peut répondre, perfonne ne peut décider.

Cependant, il y a deux proportions bien effentielles à obferver dans la répartition de cette Capitation.

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