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Quoi qu'il en soit de ces diverses qualifications, nous ne nous sommes occupé que des principes administratifs, qui sont les mêmes, à peu de restrictions près, sous les gouvernements des empereurs, des rois ou des présidents de républiques.

On nous reprochera, peut-être, de n'avoir pas attendu, pour publier cette édition, que la France se soit donné une constitution définitive.

Des amis de notre livre, depuis longtemps épuisé, nous demandaient une nouvelle édition; nous ne pouvions, sans ironie, leur conseiller d'attendre que la France soit devenue constante en matière d'institutions politiques et administratives.

Nous avons préféré saisir au passage ce Protée, dansun de ses moments d'immobilité très-passagère, en nous réservant de tenir, pour l'avenir, notre livre au courant des innovations et des perfectionnements ou des amoindrissements, par des Appendices annuels.

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En recueillant les modifications apportées à notre législation administrative depuis la sixième édition de ce Précis, nous avons été frappé et attristé par le nombre incommensurable des lois nouvelles qui sont venues abroger l'ordre légal antérieur. Eh quoi! nous sommes-nous dit, le tourbillon du progrès est donc bien entraînant, pour qu'une loi établie n'ait pas au moins, chez nous, une année assurée devant elle, afin de produire ses effets? Nos législateurs n'ont donc pas une maturité de jugement suffisante, qui leur permette de mesurer les besoins sociaux de manière à les satisfaire par des lois assez étudiées, pour pouvoir compter au moins sur le lendemain ?

Nous ne voudrions point critiquer l'empire déchu; mais l'une des causes de la ruine du gouvernement impérial a été, certainement, cette manie innovatrice, qui ne

tenait nul compte des situations acquises, des attentes légitimes, et qui jonglait avec les lois nouvelles, sans écouter les murmures de la nation ahurie par ce prurit législatif. Il est vrai que le régime politique sorti de l'attentat de lèse-nation du 4 septembre, n'a eu rien à envier à l'empire, sur ce point; et que la République provisoire, issue du pacte de Bordeaux, s'est livrée avec abandon à toutes les fantaisies des remaniements administratifs. Mais au moins et c'est ici une circonstance atténuante le gouvernement du 4 septembre et l'Assemblée nationale n'ont-ils point innové. Le premier nous a ramenés à 1848; la seconde aux années qui ont suivi 1830.

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Il serait superflu de rappeler les causes de ces changements à vue; mais il est bon de dire que cette débauche législative est une grave imprudence et une grande faute. Elle jette le discrédit sur les législateurs; elle inspire la défiance pour les institutions; elle habitue à douter du mérite de la loi actuelle, puisque chaque innovation est justifiée dans l'exposé des motifs du projet qui la propose, par la critique de la disposition légale qui l'a immédiatement précédée et qui, ellemême, a été signalée comme une vérité, quelques mois avant d'être condamnée comme une erreur.

De cette incertitude au mécontentement, du mécontentement au mépris, du mépris à la désaffection de la patrie, il n'y a qu'un pas : c'est ce que nos innovateurs n'ont jamais pris assez en considération.

Et cependant, quel plus impérieux devoir pour les gouvernements, que celui d'entretenir cette confiance, cette ardeur patriotiques, qui sont la fierté du passé, la consolation du présent et l'espérance de l'avenir !

Lorsque, en 1853, écrivant l'Avant-Propos de la pre

mière édition de ce livre, nous disions : «< Vulgariser la science administrative, c'est donner à la société des administrateurs éclairés, des magistrats vigilants, des citoyens soumis aux lois de leur pays; c'est aussi faire aimer la France, cette terre des grandes et fécondes institutions, »> nous ne cédions point à une illusion de jeunesse, mais l'amour de notre admirable patrie nous apparaissait comme contenu en germe dans l'étude et dans la connaissance des principes de notre organisation nationale.

Les vingt ans qui, depuis, ont passé sur notre vie, ne nous ont enlevé aucune de nos convictions à cet égard. Les malheurs de la France et les ressources inouïes qu'elle a puisées en elle-même pour tenir tête à ses désastres, les ont, au contraire, fortifiées.

Qu'au lieu de poursuivre un idéal chimérique au moyen de réformes hâtives et peu méditées, la nation française s'applique à tirer parti de son présent en s'inspirant de son passé ! Les destinées de la France ne sont point dans l'utopie, mais elles dépendent de la sagesse de son évolution morale, politique et législative.

P. PRADIER-FODÉRÉ.

Paris, avril 1872.

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DE LA PLACE QU'ELLE OCCUPE

DE SON TRIPLE CARACTÈRE

L'État. — Le Gouvernement. Les deux pouvoirs. - Subdivision du pouvoir exécutif. L'administration. Lois administratives; science administrative; droit administratif. - Sources du droit administratif. Division de l'administration. Objets de l'administration active. Centralisation. - Unité hiérarchique. - Division de l'administration active. - Organes de l'administration.

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Organisations administratives comparées. - Division des lois administratives.

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L'État, le Gouvernement. L'État est la personnification de la société, ayant une existence et des besoins qui lui sont propres, et devant, à l'image de l'homme, veiller à sa conservation et à son développement.

Pour se conserver et se développer, la société ainsi personnifiée a dû substituer à l'empire aveugle et désordonné des forces individuelles, une force intelligente et suprême, la puissance publique, chargée de satisfaire à l'intérêt commun, après l'avoir reconnu et constaté.

LE GOUVERNEMENT est cette puissance qui a pour mission spéciale de diriger la société dans les voies de son développement, et de pourvoir sans cesse à sa conservation et à son bonheur.

Pris dans son sens primitif et le plus étendu, le gouvernement est l'exercice du pouvoir suprême dans l'État. C'est la forme extérieure du corps social. Cette forme dépend principalement des lois constitutives de la nature humaine, de l'intelligence et de la volonté de l'homme, des influences extérieures de la nature physique et du temps où elle se développe. On donne encore, mais à tort, une signification plus restreinte au mot gouvernement, et l'on en fait le synonyme de pouvoir exécutif. C'est dans ce sens que s'exprime l'article 51 de la constitution française de 1852, lorsqu'il dit que le Conseil d'État « soutient au nom du GOUVERNEMENT la discussion des projets de loi devant le Sénat et le Corps législatif. » Mais cette dernière signification est inexacte 1.

Les deux pouvoirs. Pour fonctionner dans sa vaste sphère d'action, le gouvernement repose sur deux pouvoirs également nécessaires dans toute société organisée : celui qui ordonne et celui qui applique, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

L'existence de ces deux pouvoirs est puisée dans la nature des choses. Quelque idée que l'on se forme sur l'homme, on distinguera toujours en lui la volonté et l'action. La même observation s'appliquera à un peuple, qui n'est qu'un être

Les publicistes de l'école libérale font remarquer, avec raison, que les gouvernements ne sont pas nécessairement les représentants de la nation. Ils voudraient qu'on séparât davantage la nation du gouvernement, et qu'on cessât d'attribuer à un peuple les fautes et les passions de ceux qui le gouvernent. Pour que la nation, en effet, füt solidaire des actes de son gouvernement, il faudrait qu'elle fût, par le fait, maitresse de donner l'impulsion à ses gouvernants ou de les changer. Voir, pour toutes les questions qui concernent le gouvernement et les formes diverses de gouvernements, mes Principes généraux de droit, de politique et de législation, chap. VIII, édition Guillaumin, 1869, p. 198 et suiv., 223 et suiv.

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