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d'une propriété foncière, et non la rémunération d'un service rendu;

Attendu que cette argumentation, en la supposant fondée, ne prouverait point que l'arnier primitif acquérait, à titre de son areine, la propriété de la mine et que le cens d'areine représentait ce droit de propriété;

Qu'en effet, l'areine étant immeuble par sa nature, le caractère immobilier du cens d'areine s'expliquerait dans l'hypothèse de la cession de la propriété de l'areine, comme dans celle de la cession de la propriété de la mine;

Mais, attendu que la prétention des intimés de voir dans le cens d'areine le prix de la cession d'une propriété foncière se trouve contredite par divers documents et notamment par le privilège du 21 juillet 1571 de l'empereur Maximilien II, où il est énoncé que le cens est dû occasione usûs et commoditatis rivulorum;

Qu'elle est en outre en opposition avec la définition que d'anciens auteurs, tels que Méan et Louvrex, donnent de l'areine et du cens d'areine, « le droit que l'on perçoit pour le service de l'areine (1) » ;

Qu'elle est enfin inconciliable avec plusieurs dispositions de la paix de Saint-Jacques et avec le record de l'an 1439 (2), lequel justifie parfaitement la définition que Louvrex donne du cens d'areine; qu'aux termes de ce record, le propriétaire d'un fonds dans lequel la mine a été démergée par un arnier qui y a passé par chambray, est obligé, pour pouvoir exploiter sa mine, de payer le cens d'areine à ce dernier;

Attendu, de plus, que le caractère immobilier attribué au cens d'areine par la coutume était la conséquence logique et naturelle de son origine; que c'est, en effet, la loi ellemême qui l'avait établi en faveur du constructeur de l'areine, comme un droit inhérent à son droit de propriété sur l'areine, et comme grevant, à perpétuité, la partie de la mine que celle-ci avait rendue exploitable;

Attendu, enfin, que du caractère immobilier du cens d'areine, on ne peut, dans tous les cas, inférer que l'arnier acquérait la propriété de la mine à toute profondeur; que le record de 1607 (3), qui proclame « l'areine avec les droits et cens provenant biens réels succédant des pères aux enfants », se rapporte aux areines secondaires comme aux primitives et

(1) MÉAN, obs. 147. « L'areine est un canal souterrain par le moyen duquel les eaux que l'on acquiert en travaillant dans les fosses se déchargent au jour. Le droit que l'on perçoit pour le service de ce canal s'appelle cens d'areine, Celui qui en est le maître s'appelle le seigneur arnier. » LOUVREX, t. II, p. 241.

que, cependant, la conquête édictée par l'édit de 1582 ne comprenait incontestablement que la propriété des houilles et charbons rendus exploitables par l'areine;

Attendu que cette dernière considération prouve en outre que les intimés ont tort d'invoquer, pour justifier leur système, l'importance que la législation ancienne donnait aux arniers; qu'il est constant, en effet, qu'en disant « que les arniers sont et doivent être reconnus pour premiers auteurs et originels fondateurs de la houillerie (4); et qu'en qualifiant les areines « d'entreprises tant hasardeuses que dispendieuses » (5), faites avec frais et costanges inestimables » (6), etc., etc.; elle a eu surtout en vue les constructeurs des areines secondaires;

Attendu que les intimés se prévalent, en dernier lieu, de divers records et sentences des voirs-jurés, desquels résulte, selon eux, qu'il suffisait qu'une areine eût une fois bénéficié pour que l'arnier fût toujours fondé à exiger le cens;

Attendu que les documents invoqués attestent, il est vrai, que d'après les voirs-jurés, lorsqu'une areine avait bénéficié une exploitation, c'est-à-dire lorsqu'elle avait rendu ouvrables les houilles et charbons extraits, le cens était dû, alors même que l'exploitant, s'accommodant d'une autre areine, ou jetant ses eaux à la surface, ne se servait plus de la première;

Mais, attendu que de ces décisions conformes à la paix de Saint-Jacques et à l'édit de 1582, on ne peut inférer que les voirsjurés auraient accordé le cens d'areine dans le cas où l'areine n'aurait pu procurer aucun profit à l'exploitant, où les mines auraient été situées à une profondeur telle que jamais elles n'eussent pu être démergées par l'areine;

Attendu, au surplus, que, s'il était même établi, que les voirs-jurés avaient sanctionné la théorie des intimés, dans une sentence ou un record à raison, peut-être, de certaines circonstances de fait, ou de conventions intervenues entre parties, leur décision ne pourrait évidemment l'emporter sur les textes clairs et précis de la paix de Saint-Jacques et de l'édit de 1582 qu'il étaient chargés d'appliquer et d'interpréter;

Attendu qu'il suit des considérations qui précèdent: 1o que ni la paix de Saint-Jacques, ni les usages existants à l'époque ou celle-ci

(2) LOUVREX, t. II, p. 200. (3) LOUVREX, t. II, p. 221. (4) Record du 30 juin 1607. (5) Record du 30 juin 1607. (6) Édit de 1582.

a été publiée, n'ont consacré le principe de l'expropriation de la mine, contre les maîtres du sol, auxquels elle appartenait de droit commun, en faveur des constructeurs de l'areine; 2o qu'aux termes de ladite paix, les constructeurs ou les propriétaires de l'areine pouvaient réclamer le cens d'areine de tous ceux qui exploitaient des houilles ou charbons, que leur areine avait bénéficiés; 3o que l'édit de 1582 avait conféré aux constructeurs des areines secondaires, et moyennant des conditions déterminées, la propriété des houilles et charbons que celles-ci avaient rendus exploitables; 4° que cet édit n'a point modifié les règles qui régissaient le cens d'areine;

Attendu qu'il est constant, en fait, que les travaux actuels du Bonnier ne peuvent, par suite de leur profondeur, être bénéficiés par l'areine d'Ordange; que, de plus, il n'est point établi, et que les intimés ne demandent pas à prouver, que les appelants auraient, postérieurement au 31 décembre 1850, exploité des mines dans la zone des démergements assurés par l'areine;

Attendu, dès lors, que l'action des intimés n'est point fondée, en tant qu'elle est basée sur la législation ancienne du pays de Liège en matière de houillerie, et notamment sur la paix de Saint-Jacques;

Attendu que les intimés invoquent en outre, à l'appui de leur action, les payements qui leur ont été faits par les appelants, à titre de cens d'areine, jusqu'en 1851, et la transaction intervenue entre leurs auteurs et les fondateurs du Bonnier, suivant acte notarié du 27 avril 1813;

Attendu qu'à ce point de vue encore, leurs conclusions ne sont point fondées;

Qu'il est certain, d'abord, que des payements indus ne sont point une cause d'obligation pour ceux qui les ont faits;

Que, de plus, il se peut que, antérieurement à 1851, à une époque où les appelants n'avaient point établi leurs machines d'épuisement, les extractions aient porté sur la mine de surface comprise dans la zone d'action de l'areine d'Ordange ou de ses prolongements, et qu'ils fussent tenus en conséquence de payer un cens d'areine;

Que, vraisemblablement, il en était ainsi lors de la transaction de 1813; que la position modeste des exploitants d'alors (deux étaient cultivateurs, un troisième houilleur et le quatrième garde champêtre), ainsi que le peu de valeur du cens d'areine réclamé (la transaction était faite moyennant le payement d'une somme de 100 francs et le revenu annuel du cens, évalué à 10 francs) prouvent que leur exploitation ne nécessitait pas l'emploi de puissantes machines d'épuisement, qu'elle

pouvait se faire sans grands frais à un niveau où l'areine était utilisable;

Par ces motifs, et vu l'opposition, régulière en la forme, signifiée par acte du palais, du 11 juillet 1879 à l'arrêt du 26 juin même année, ainsi que l'arrêt défaut-joint du 1er mai 1880;

Ouï M. l'avocat général Faider, qui a déclaré s'en rapporter à justice, par le motif qu'il n'a pu parvenir à obtenir en temps opportun communication du dossier des intimés, statuant entre toutes les parties, reçoit l'opposition, et, sans avoir égard à l'appel incident formé par les intimés, ainsi qu'à toutes conclusions contraires, met à néant le jugement dont est appel; dit que les intimés n'ont aucun droit au cens réclamé; les déclare non recevables et mal fondés en leur action, et les condamne aux dépens des deux instances. Du 17 novembre 1881. Cour de Liège. -2e ch. - Prés. M. Dauw.-Pl. MM. Cloes, Clochereux, Robert et Neujean.

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Aucune indemnité ne peut être allouée à un exproprie pour un dommage qui n'est ni actuel ni certain.

Devant la justice, l'expropriant et l'exproprié sont égaux : l'exproprié n'est pas fondé à soutenir, en cas de dissentiment entre un des experts et ses collègues, que, dans le doute, il y a lieu d'adopter l'avis qui lui est le plus profitable (1).

Est non recevable en degré d'appel la demande

d'une indemnité pour frais de remploi supérieure à celle réclamée en première instance. Il en est surtout ainsi lorsque la demande de majoration est fondée sur un fait antérieur aux conclusions prises devant le premier juge. (LE HARDY DE BEAULIEU, C. L'ÉTAT.) ARRÊT.

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LA COUR; Attendu que la partie appelante ne réclame la réformation du jugement dont est appel que sur deux points :

1° En tant qu'il lui refuse une indemnité

(1) Comp. Bruxelles, 16 mai 1874 (PASIC., 1874, I, 316).

de dépréciation de 5,000 francs pour les différents excédents des parcelles nos 60, 70, 72 et pour l'excédent sud de la parcelle no 84;

2o En tant qu'il calcule les frais de remploi sur pied de 10 p. c. et non sur pied de 10 fr. 45 c. p. c.;

A. Sur l'indemnité de dépréciation de 5,000 francs :

Attendu que les raisons déduites par la majorité des experts dans leur rapport démontrent à suffisance le bien-fondé du refus de cette indemnité;

Attendu que vainement les appelants invoquent les dangers que courront les attelages sur le nouveau chemin d'exploitation à établir par l'expropriant; que c'est à tort également qu'ils argumentent des désagréments qui leur seront occasionnés par le voisinage de la ligne ferée; Attendu, en effet, que ces dangers ne sont que de simples éventualités; que ces désagréments ne sont ni certains ni actuels et qu'une indemnité ne peut être allouée que pour une dépréciation réelle et établie de la propriété :

Attendu que c'est avec aussi peu de raison que les expropriés fondent leur demande sur cette circonstance que le chemin de fer sera un obstacle à la création de voies nouvelles passant à travers leur propriété;

Attendu que la création de ces voies nouvelles est tout à fait problématique et qu'il est démontré par des éléments fournis au procès par les appelants eux-mêmes que le lotissement éventuel du bien dans lequel s'est effectuée l'expropriation, devait se faire par eux perpendiculairement au Meulders weg; Attendu que le droit de chacune des parties est égal vis-à-vis de la justice; que le doute découlant de ce qu'un expert s'est séparé de ses collègues sur un point de leurs appréciations ne peut profiter, comme le voudraient les appelants, à l'exproprié, qui doit obtenir une réparation complète de son préjudice, mais ne peut trouver dans l'expropriation une source de bénéfices aux dépens de l'expropriant;

B. sur les frais de remploi ;
Attendu que la partie appelante fonde sa

(1) Voy. pour l'affirmative, LAROMBIÈRE, sur l'article 1184, no 55; TROPLONG, Vente, nos 666 et 667, et LAURENT, t. XVII, no 163. Notre cour de cassation a admis comme eux que l'article 1656 constitue une exception au droit commun: cass. belge, 24 juillet 1873 (motifs) (PASIC., 1874, I, 286). Contrà: DEMOLOMBE, édition belge, t. XII, no 553, p. 428; AUBRY et RAU, t. III, p. 56.

(2) La mise en demeure peut-elle, en matière civile, résulter d'une lettre missive? Voy., dans le sens de l'arrêt que nous rapportons, cass. franç., 19 février 1878 (motifs) (Pasic. franç., 1878, p. 544); cass.

prétention sur les dispositions fiscales de la loi du 28 juillet 1879, établissant une majoration d'impôts;

Attendu que, devant le premier juge, les appelants ont demandé par leurs conclusions 10 p. c. du chef des frais de remploi ; que la partie intimée, de son côté, offrait 10 p. c.; qu'il s'ensuit qu'il y a eu, dans l'espèce, contrat judiciaire lié entre les parties et que les époux Le Hardy de Beaulieu ne sont plus recevables à changer leurs prétentions à ce sujet devant la cour;

Attendu qu'il doit d'autant plus en être ainsi que les conclusions prises par la partie expropriée devant le premier juge portent la date du 27 octobre 1880, c'est-à-dire une date de beaucoup postérieure à celle de la loi invoquée aujourd'hui devant la juridiction d'appel;

Par ces motifs, entendu en son avis conforme M. l'avocat général Laurent, déclare les appelants sans griefs; met leur appel à néant et les condamne aux dépens.

Du 14 avril 1881. - - Cour de Bruxelles.— 4 ch. - Prés. M. Jamar. - Pl. MM. Edmond Picard et Van Dievoet.

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Lorsqu'il a été stipulé, dans un contrat de bail, que si le locataire ne satisfait pas à ses engagements dans un certain délai, il sera résolu de plein droit, la résolution peut-elle être invoquée, en cas d'inexécution, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure (1)? (Non résolu.)

La mise en demeure du locataire peut résulter d'une lettre recommandée du bailleur, si cet écrit ne peut laisser au preneur aucun doute sur l'intention du bailleur d'exiger avec rigueur l'exécution ponctuelle de la convention de bail (2).

belge, 7 mai 1880. et le réquisitoire de M. Mesdach de ter Kiele qui a précédé cet arrêt (PASIC.. 1880, 1, 139). Voy. aussi MASSE et VERGÉ, sur ZACHARIÆ, t. III, p. 397, § 547, note 9 et cass. belge, 2 janvier 1852 (PASIC., 1852, 1, 265). Dans cet arrêt, il s'agit d'une lettre du gouvernement, du 20 décembre 1830, considérée par la cour des comptes comme constituant une mise en demeure. Voy. encore les observations de la Pasicrisie française sous Paris, 24 juillet 1879 et sous cass, franç., 3 août 1880 (4879, p. 1018, note 3, et 1881, p. 272, note 3).

(DRIESSENS, C. LECHIEN.)

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que lors du bail consenti par l'intimé en faveur de l'appelant le 15 février 1879, dont les termes sont reconnus entre parties, il a été notamment stipulé que le locataire Driessens s'engage à acquitter exactement toutes les contributions, tant foncières que personnelles, qu'il prend à sa charge; qu'il a été également convenu que la clause résolutoire expresse stipulée pour le payement du loyer aurait aussi toute sa rigueur pour le payement des contributions;

Attendu que rien n'établit et que l'appelant n'a pas offert de prouver qu'il ait été dérogé à ces stipulations par une convention qui l'ait autorisé à payer les contributions entre les mains de l'intimé, qui se serait chargé de les acquitter lui-même au bureau des contributions; que si les contributions et loyers ont été payés entre les mains de l'intimé en 1878, ce fait est étranger et antérieur à la convention de bail de 1879; qu'il a été la conséquence de l'arrêt de cette cour du 16 septembre 1878;

Attendu qu'aux termes de l'article 1183 du code civil, la condition résolutoire expressément stipulée dans un contrat opère, lorsqu'elle s'accomplit, la révocation de l'obligation;

Attendu qu'à la suite d'une sommation infructueuse du 20 août 1880, le directeur des contributions de la province de Brabant a fait notifier, par exploit du 20 septembre dernier, un commandement de payer les termes échus et exigibles des contributions foncières que l'appelant était en retard d'acquitter; qu'il est constant que, par lettre recommandée du 14 septembre, l'intimé en donna avis à l'appelant, en le prévenant que si, le lendemain, il n'était pas en possession de la somme réclamée, il mettrait à exécution la clause de résiliation du bail pour cause de retard de payement des contributions; que ce payement n'ayant pas été effectué, l'intimé dut, pour éviter une saisie, payer les contributions à la charge de Driessens et que, par exploit du 20 septembre, il fit connaitre à l'appelant qu'il considérait la convention de bail comme résiliée et le somma d'abandonner les lieux loués dans les huit jours; que ce ne fut que le 27 septembre qu'il fut fait, à la requête de l'appelant, des offres réelles, qui ne furent pas même suivies de consignation;

Attendu qu'en supposant même que, dans l'espèce, une mise en demeure fût nécessaire pour donner à l'intimé le droit de se prévaloir de la clause résolutoire expressément stipulée, l'appelant a été dûment constitué en demeure par la lettre recommandée du 14 septembre 1880;

Que la loi ne détermine pas quels sont les actes équivalents à une sommation; que, par cette lettre, dont l'envoi et les termes ont été reconnus entre les parties, l'appelant, qui l'a reçue, a été catégoriquement sommé d'exécuter son obligation à peine de résiliation du bail et n'a pu avoir aucun doute sur les intentions clairement exprimées du bailleur;

Attendu, au surplus, qu'il a été itérativement mis en demeure de s'exécuter par l'exploit précité du 20 septembre 1880;

Que c'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la résiliation du bail;

Mais, attendu qu'il a omis de condamner l'appelant au payement de la somme réclamée de 80 fr. 26 c., du chef des contributions et frais que l'intimé a été contraint de payer à la décharge de Driessens le 15 septembre dernier;

Par ces motifs et adoptant ceux du premier juge, met l'appel principal au néant et statuant sur l'appel incident, réforme le jugement dont appel en ce qu'il a omis de condamner l'appelant au remboursement de la somme de 80 fr. 26 c. payée par l'intimé le 15 septembre 1880; émendant quant à ce, condamne l'appelant au payement de cette somme...

Du 24 février 1881. Cour de Bruxelles. 2e ch. - Prés. M. Constant Casier. - Pl. MM. Van der Cruyssen et De Locht.

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En prescrivant impérativement, par son article 2, qu'il y ait, hors de chacune des villes ou bourgs, des terrains spécialement consacrés à l'inhumation des morts, le décret du 23 prairial an XII a, par cela même interdit d'inhumer en dehors de ces terrains. La seule exception apportée à cette défense est celle inscrite dans l'article 14, qui réserve à toute personne le droit de se faire enterrer sur sa propriété.

Ce décret ne considère comme cimetières que les lieux de sépulture sur lesquels tous les habitants ont des droits égaux et où, par suite, chacun d'eux, sans distinction, a le droit d'être enterré.

Toute portion de terrain faisant partie de l'enceinte d'un cimetière commun, qui a été soustraite à cette destination, pour ne servir qu'à l'inhumation d'une catégorie de morts, par suite d'une division du terrain non autorisée par ce décret, n'est pas légalement le cimetière. En conséquence, toute inhumation

opérée dans cette parcelle constitue une contravention à l'article 2, aussi longtemps qu'elle conserve sa destination exclusive.

A part les concessions autorisées par l'article 10 pour fonder des sépultures de famille, le décret ne permet la division du cimetière que dans les communes où plusieurs cultes sont professés.

Son article 15, qui prescrit, dans ce cas, un lieu d'inhumation pour chaque culte, ou le partage du cimetière unique en autant de parties qu'il y a de cultes différents, contient une disposition exceptionnelle qui doit être strictement limitée au seul cas qu'elle prévoit.

En conséquence, lorsque dans une commune où un seul culle est professé, une parcelle du cimetière est réservée de fait pour la sépulture de personnes mises hors le droit commun à raison de leurs croyances connues ou présumées, tout fait d'inhumation dans ce coin séparé, quelque dénomination qu'on lui donne, constitue une infraction à l'article 2 de ce décret.

Il constitue aussi une contravention à l'article 17, qui interdit, dans les lieux de sépulture, tout acte contraire au respect dû à la mémoire des morts (1).

Il importe peu que cette parcelle soit entretenue avec décence et que sa séparation du cimetière commun ne soit pas apparente. Le coin de terre ainsi séparé ne redevient le cimetière légal que lorsqu'il sert, comme le terrain adjacent, à l'inhumation régulière et successive de tous les habitants. Cette infraction est punie par l'article 315 du code pénal, qui réprime toute contravention aux lois et règlements relatifs aux lieux de sépulture et, par suite, aux défenses du décret du 23 prairial an xu.

Le bourgmestre qui a ordonné pareille inhumation au fossoyeur est coauteur du délit, pour avoir, par abus d'autorité et de pouvoir, provoqué à le commettre.

Il est, en outre, passible de l'aggravation de peines comminée par l'article 266 de ce code, pour avoir directement participé à une infraction qu'il était spécialement chargé de prévenir.

Le fossoyeur est exempt de la peine, en vertu du principe inscrit dans les articles 152 et 260 du même code, qui doit recevoir application dans tous les cas où les conditions qu'ils énoncent sont réunies, pourvu qu'il ne soit pas prouvé qu'il a connu l'illégalité de l'acte au moment où il l'a posé.

(1) Voy. cass. belge, 6 juin 1879 (PASIC., 1879, I, 310); Gand, 13 juillet 1881 (ibid., 1881, II, 225); DALLOZ, Répert., vo Culte, nos 823 et suiv.

PASIC., 1882 2o PARTIE.

(LE MINISTÈRE PUBLIC,

ET JACOBS.)

ARRÊT.

C. DE COOMAN

LA COUR; Attendu qu'il est constant qu'à la date du 2 mai 1881, le prévenu Auguste Jacobs, fossoyeur à Ninove, agissant, sur l'ordre formel du prévenu Auguste De Cooman, bourgmestre, investi, comme tel, par l'article 16 du décret impérial du 23 prairial an XII, de l'autorité, de la police et de la surveillance des lieux de sépulture, a inhumé la dépouille mortelle de Joseph Van Droogenbroeck, dans un terrain qui, bien que faisant partie de l'enceinte emmuraillée où se trouve le cimetière commun, est absolument distinct de celui-ci;

Attendu qu'en fait, ce coin de terre, situé à l'une des extrémités de l'enclos et confinant ainsi du nord et de l'est au mur de clôture, du sud à un des chemins intérieurs, est délimité à l'ouest par un petit fossé et des bornes;

Que cette parcelle a une destination particulière et exclusive; que de temps immémorial, nonobstant sa contiguïté au cimetière proprement dit, elle n'est affectée qu'à l'inhumation de certains morts, exclus de celui-ci et mis hors le droit commun;

Attendu que l'autorité n'y a fait enterrer que des enfants morts sans baptême, un protestant et un stéveniste, et que l'unique concession qui y ait été octroyée, l'a été pour recevoir un chef de famille décédé après avoir refusé les secours de la religion catholique;

Qu'il est vrai qu'à côté des restes de ce défunt et dans le caveau construit dans la portion concédée, ont été déposés plus tard le cercueil de son épouse et celui de son fils, qui primitivement avaient été enterrés dans le cimetière commun; mais que ces circonstances ne peuvent suffire pour prouver que la destination du coin de terre réservé a été modifiée;

Attendu, en effet, qu'outre qu'elles s'expliquent aisément, de même que l'érection d'un mausolée au même endroit, par le désir de la famille d'honorer la mémoire de son chef, il y a lieu de remarquer que ce coin, depuis lors pas plus qu'auparavant, n'a été affecté, comme le cimetière commun, à l'inhumation régulière des morts et que même la dépouille mortelle de Van Droogenbroeck n'y a été enterrée que parce que ce dernier avait exprimé la volonté de mourir et était mort en libre penseur et que ses funérailles avaient été purement civiles;

Que cela est si vrai que les démarches réitérées de l'exécuteur testamentaire pour faire respecter le désir manifesté par le défunt de reposer au cimetière commun; à côté de

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