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non-recevoir tirée de l'acquiescement de la ville de Bruges à l'ordonnance dont appel :

ARRÊT.

LA COUR; Sur la non-recevabilité, fondée sur ce que la ville appelante a acquiescé à l'ordonnance dont appel, en exécutant celleci par le payement des dépens auxquels elle a été condamnée :

Attendu que, s'il est constant que le collège des bourgmestre et échevins a résolu, sous la date du 23 mai dernier, d'acquiescer à l'ordonnance de référé, après avoir mandaté le payement des dépens, le 20 du même mois, l'exécution de cette résolution a été néanmoins suspendue le 10 juin suivant par arrêté du gouverneur de la province, et finalement les délibérations susmentionnées des 20 et 23 mai ont été annulées par arrêté royal du 18 juillet 1881;

Attendu que ces annulations ont eu pour effet de remettre les choses dans l'état où elles étaient avant lesdites délibérations; que c'est donc à tort que l'intimé prétend avoir acquis un droit à l'acquiescement, malgré l'arrêté royal qui l'annule; que par l'effet de cet arrêté, l'acquiescement est censé n'avoir jamais existé ;

Au fond :

Attendu qu'un arrêté royal en date du 11 mars 1881 a remis la gestion de la fondation Capron et Dezutter à l'administration communale de Bruges; qu'en exécution dudit arrêté, la ville de Bruges a assigné l'intimé en référé devant M. le président du tribunal de première instance de Bruges, aux fins d'entendre dire et ordonner au provisoire que l'assigné et toutes autres personnes occupant les biens immeubles de ladite fondation quitteront et videront ces biens avec tout ce qui pourrait leur appartenir, ce dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir; et, pour le cas où il ne serait pas obtempéré à cette ordonnance, entendre autoriser dès à présent pour lors la requérante à expulser l'assigné et toutes autres personnes occupant lesdits biens et par lui introduites ou admises avec tout ce qui pourrait leur appartenir, et à se mettre en possession de ces biens, ainsi que des meubles, titres, registres et autres documents qui dépendent de ladite fondation ou qui la concernent;

Attendu que l'arrêté royal susvisé, pris en vertu des articles 1er, 4, 10 et 49 de la loi du 19 décembre 1864, forme un titre régulier auquel provision est due;

Attendu qu'en admettant que l'intimé, quoique ne possédant les biens à aucun titre, puisse être recevable à prétendre, comme il le fait, que l'arrêté royal n'est pas conforme

à la loi, il n'y est nullement fondé, puisque cétte assertion, qui n'est basée sur aucun motif sérieux, est formellement en opposition avec les termes mèmes de l'acte de fondation;

Attendu que, s'il peut être vrai que la fabrique d'église conteste également la légalité de l'arrêté royal, et qu'à cet effet elle s'est fait autoriser par l'autorité compétente afin d'agir à cet égard en justice, rien n'établit qu'elle ait agi jusqu'à ce jour;

Attendu, dans tous les cas, que l'action de la ville n'est qu'une mesure provisoire prise par elle et qui ne saurait être entravée par une intervention manifestée et non réalisée de Ja part de la fabrique d'église, qui n'est même pas partie au procès;

Attendu que l'intimé allègue encore que les biens dépendant de la fondation Capron et Dezutter n'existent plus aujourd'hui tels qu'ils existaient à l'époque où les donations ont été faites, et que les anciens bâtiments ont été entièrement supprimés et remplacés par d'autres, qui forment l'immeuble tel qu'il existe aujourd'hui ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu pour la cour de s'arrêter à cette allégation;

Attendu, en effet, que l'intimé ne soutient pas que ces changements ou transformations auraient été opérés par lui et de ses deniers, ou qu'il aurait un droit quelconque de rétention ou de propriété sur ces biens;

Attendu, au contraire, que l'intimé détient lesdits biens sans aucun titre, par pure tolérance, et que la possession qu'il en a peut toujours lui être enlevée;

Attendu, au surplus, que l'organisation de l'enseignement officiel décrété par la loi du 1er juillet 1879 est une mesure d'intérêt public et qu'il y aurait un dommage réel, si les biens en question restaient soustraits à leur destination pendant les délais nécessaires pour obtenir une décision au fond; qu'il s'ensuit que l'action de la ville appelante a un caractère d'urgence et que, dès lors, le juge de référé est compétent pour en connaitre;

Par ces motifs, ouï M. de Gamond, substitut du procureur général, en son avis conforme, reçoit l'appel et, y statuant, dit que le juge de référé est compétent; en conséquence, met l'ordonnance dont appel à néant; émendant, ordonne par provision à l'intimé et à toutes autres personnes occupant lesdits biens immeubles de la fondation Capron et Dezutter, consistant: 1° en une maison avec jardin et dépendances, située à Bruges, rue Est du Marais, section T, no 1124, contenant 8 ares 14 centiares et formant la fondation Capron; et 2o en une maison avec jardin et dépendances, située à Bruges, rue dite de Nieuwe Meersch, section C, no 1117, contenant 3 ares

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69 centiares et formant la fondation Dezutter, de quitter et vider lesdits biens, lui et toutes les personnes introduites ou admises par lui dans ces biens, avec tout ce qui pourrait leur appartenir, ce dans les huit jours de la signification du présent arrêt; et pour le cas où il ne serait pas obtempéré à ce qui précède, autorise dès à présent pour lors la ville de Bruges à expulser l'intimé et toutes autres personnes occupant les biens susdits et par lui introduites ou admises, avec tout ce qui pourrait leur appartenir, et à se mettre en possession de ces biens, ainsi que des meubles, titres, registres et autres documents dépendant de ladite fondation Capron et Dezutter ou qui la concernent, "sous réserve de tous droits et moyens, et notamment de tous dommages-intérêts à l'occasion de l'occupation de l'intimé, et libre aux parties de se pourvoir au principal; condamne l'intimé aux dépens des deux instances.

Du 11 août 1881. Cour de Gand. 1re ch. Prés. M. Grandjean, premier président. Pl. MM. Van Biervliet et Drubbel.

BRUXELLES. 2 mai 1881.

INTERDICTION.

MINEUR. PROCÉDURE. TUTEUR. - SUBROGÉ TUTEUR.

Un mineur peut être interdit (1). La demande en interdiction doit être formée contre son représentant légal. Si elle a été formée contre le mineur seul, elle est nulle (2), tout au moins à partir de la signification au défendeur de la requête et de l'avis du conseil de famille.

La procédure en interdiction doit-elle être dirigée tout à la fois contre le mineur et contre son tuleur (3)? (Non résolu.)

Si la demande en interdiction a été formée par

(1) Point constant.

(2) Voy. conf. LAURENT, t. V, no 260, p. 307; DEMOLOMBE, édit. belge, t. IV, no 806, p. 213, no 379, p. 88, et no 244, p. 348; Bruxelles, 17 décembre 1850 (PASIC., 1852, II, 7; D. P., 1852, 2, 31); Nimes, 22 avril 1839 (Journal du pal., 1839, 2, 490); Dijon, 24 avril 1830 (DALLOZ, vo Interdiction, no 54; SIR., 1830, 2, 218, Bordeaux, 6 juin 1855 (Journ. du pal., 1857, 409; SIR., 1856, 2, 431). Voy. aussi BERTIN, Chambre du conseil, Are édition, t. Ier. p. 577, no 624. Contrà Metz, 30 avril 1823 (SIR., 1825, 2, 315; DALLOZ. vo Interdiction, no 19).

(3) Dans l'espèce, M. l'avocat général Bosch avait émis l'avís que la procédure doit être suivie contre le tuteur seul. Mais voyez, en sens contraire, LAURENT, DEMOLOMBE et BERTIN, locis citatis; l'arrêt précité de la cour de Bordeaux, et Bruxelles, 17 décembre

le tuteur, doit-il être nommé un tuteur ad hoc ou un subrogé tuteur ad hoc (4)? (Non résolu.)

(R..., C. R...)

Dans l'espèce, R... avait demandé l'interdiction de son fils mineur et la procédure avait été dirigée contre le mineur seul.

ARRÉT.

LA COUR; Sur la conclusion principale de l'appelant, tendant à faire déclarer la procédure nulle, par le motif que l'intimé, demandant l'interdiction de son fils mineur et, partant, incapable, ne lui a pas fait désigner un tuteur aux fins de l'assister dans l'instance:

Attendu que le mineur, incapable, suivant les principes généraux, de gérer sa personne et ses biens, ne peut défendre seul à une action en justice; qu'aucune exception n'est faite à cette règle pour le cas d'une demande en interdiction; que l'on ne comprendrait, d'ailleurs, pas que le mineur, auquel le législateur a interdit, dans un but de protection toute spéciale, d'agir seul dans tous les actes de la vie civile, se trouverait privé de toute assistance précisément dans une procédure aussi importante que celle en interdiction, qui tend à lui enlever l'administration de ses biens et à compromettre son état;

Attendu que, s'il est vrai qu'aucune disposition de la loi ne prescrit l'intervention du tuteur en cette matière, c'est par le motif que la procédure en interdiction ayant été réglementée au titre du code civil De la majorité, le législateur ne s'y est préoccupé que du cas de la poursuite dirigée contre un majeur, ainsi que le porte textuellement l'article 489, s'en référant nécessairement, lorsqu'il s'agit d'un mineur, aux principes généraux relatifs

1850 (précité). Cet arrêt a été rendu au rapport de M. Tielemans et sur les conclusions confornies de M. l'avocat général Cloquette.

(4) Dans l'espèce, le ministère public avait émis l'avis qu'avant d'agir, le père tuteur doit provoquer la nomination d'un subrogé tuteur ad hoc, auquel devrait être signifié le jugement qui serait obtenu contre le mineur et qu'il n'y a lieu de nommer un tuteur ad hoc que pour autant que le subrogé tuteur ait fait partie du conseil de famille. Voy. toutefois Bruxelles, 17 décembre 1850 (précité). L'arrêt de la cour de Bordeaux du 6 juin 1855, et CHAUVEAU, Supplement, question 3018, se bornent à énoncer que la demande introduite par le tuteur doit être dirigée « contre le subrogé tuteur ou un tuteur ad hoc ». On peut consulter aussi DALLOZ, vo Minorité n° 719.

COURS D'APPEL.

à l'état de minorité, lesquels doivent recevoir leur application aussi longtemps qu'il n'y est point fait expressément exception;

Attendu que l'on oppose vainement le caractère personnel de l'instance aux fins d'interdiction; que l'interrogatoire auquel il doit être procédé sur pied de l'article 496 du code civil peut, en effet, n'être pas suffisant pour permettre d'apprécier l'état mental de la personne dont l'interdiction est demandée ; que, dans ce cas, le caractère personnel de la procédure disparaît; il y a lieu à des enquêtes, à des débats contradictoires, tant sur la pertinence des faits à prouver que sur le résultat des enquêtes, ainsi qu'à d'autres devoirs d'instruction pour lesquels il serait contraire à tous les principes de droit et d'équité que le mineur fût privé des conseils et de la protection que l'assistance d'un tuteur doit lui assurer;

Attendu que l'on argumenterait vainement encore de ce que le mineur peut comparaître seul devant la justice répressive, pour en conclure par analogie que l'assistance d'un tuteur ne lui serait pas nécessaire sur une poursuite en interdiction; que l'exception que le législateur a admise en matière répressive s'explique par les règles spéciales qui y sont applicables, le mineur trouvant dans l'instruction et dans les formes de la procédure criminelle des garanties et une protection que ne lui assurerait point la procédure suivie en matière civile;

Attendu qu'il résulte des considérations qui précèdent qu'au moins à partir de la signification faite à l'appelant par exploit de l'huissier Charles, du 12 novembre 1880, la procédure, dans l'espèce, est entachée de nullité, pour avoir été dirigée contre l'appelant personnellement, nonobstant l'état de minorité dans lequel il se trouve;

Attendu, d'ailleurs, que la circonstance que l'interdiction de l'appelant est demandée par son père et tuteur légal ne saurait avoir pour effet de faire fléchir les principes ci-dessus rappelés; que c'était à l'intimé, avant d'intenter sa demande, à prendre les mesures nécessaires pour permettre à son fils mineur et réputé incapable par la loi, de défendre à sa demande et que, pour ne l'avoir point fait, il

(1) Voy. LAROMBIERE, sur l'art. 1386, no 2, et sur
l'article 1384, no 10; et compar. Bruxelles, 11 janvier
1877 (motifs) (PASIC., 1877, II, 97); Gand, 18 juin
4881 (ibid., 1881, II, 270:; Rouen, 19 juillet 1872
(D. P., 1873, 5, 403. Pasic. franç., 1872., p. 725).
Voy. toutefois, quant à la responsabilité du proprié-
taire qui a confié la construction de sa maison à un
architecte, Lyon, 20 janvier 1863 (SIR., 1864, 2, 1;
D. P., 1863, 2, 199, et les notes de ces deux Recueils.

doit être déclaré purement et simplement non
recevable en cette demande, de la manière
dont elle est formée;

Par ces motifs, ouï M. Bosch, premier avo-
cat général, en son avis conforme, et débou-
tant les parties de toutes conclusions plus
amples ou contraires, met le jugement dont
appel à néant; déclare l'intimé non recevable
en sa demande telle qu'elle est intentée; le
condamne aux dépens des deux instances.
Cour de Bruxelles.

Du 2 mai 1881.

1re ch. Prés. M. De Prelle de la Nieppe,
Pl. MM. Simon et Du-
premier président.
chaine.

BRUXELLES, 3 août 1881.

RESPONSABILITÉ.

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DOM

MAGE AUX PROPRIÉTÉS VOISINES. PROPRIE-
ARCHITECTE.
TAIRE.

-

SOLIDARITÉ.

Le propriétaire d'un bâtiment qui, par des constructions nouvelles ou par des changements apportés dans sa maison, dégrade la propriété d'un voisin, est tenu de réparer le dommage causé, bien qu'il ait chargé un architecte de diriger les travaux et d'en surveiller l'exécution (1).

Les copropriétaires de ce bâtiment sont tenus solidairement de réparer ce dommage (2).

(FIERENS,

C. MADOU ET CONSORTS, DUMONT
ET DE BEER.)

Le tribunal civil de Bruxelles avait rendu, le 26 janvier 1881, le jugement suivant :

«Attendu qu'au dire des experts, les maisons construites rue de la Charité par les demandeurs Madou et consorts ont causé des dégradations constatées à l'immeuble du défendeur Fierens; que cependant les demandeurs prétendent n'être pas responsables vis-à-vis de Fierens du chef du dommage qu'il en a éprouvé ;

« Qu'ils se fondent sur ce que l'article 1584, § 2, du code civil ne leur serait pas applicable, les propriétaires n'étant pas à l'égard des architectes et entrepreneurs dans la situation

Il s'agissait, dans cette espèce, d'une maison non terminée, dont le propriétaire n'avait (dit l'arrêt) ni la possession, ni la garde. On peut consulter aussi cass. franç., 30 décembre 1875 (Pasic. franç., 1876, p. 183, D. P., 1876, 1, 415) et les notes de ces Recueils; Bruxelles, 11 novembre 1874 (PASIC., 1875, II, 78).

(2) Voy. notamment Dijon, 21 janvier 1869 (Pasicrisie franç, 1870, p. 343) et la note.

des commettants, tels que la loi comprend ce terme;

«Attendu que cette prétention doit être admise;

« Qu'en effet, le sens attaché aux expressions de commettants et de préposés par les documents législatifs, notamment par le discours de Tarrible au Tribunat, ainsi que par une jurisprudence constante, implique comme condition nécessaire l'autorité du commettant sur le préposé, son subordonné;

« Attendu qu'on ne peut soutenir que l'architecte ou l'entrepreneur travaillent sous les ordres ou sous la surveillance du propriétaire;

« Qu'en effet, l'architecte et l'entrepreneur exercent sous leur responsabilité personnelle une profession exigeant des connaissances spéciales; que cette responsabilité est formellement prévue par la loi (art. 1792 et autres du code civil) et qu'elle subsisterait même au profit du propriétaire, malgré les ordres et malgré la surveillance de ce dernier;

« Attendu qu'au surplus la responsabilité prononcée par l'article 1384 repose sur une présomption de faute dans le chef du commettant, faute qui consisterait dans un mauvais choix ou une mauvaise direction;

« Attendu qu'en effet, Treilhard disait, au Corps législatif, que la responsabilité établie par l'article 1384 était de toute justice, ceux à qui elle était imposée ayant à s'imputer, pour le moins, les uns de la faiblesse, les autres de mauvais choix, tous de la négligence; et que Terrible ajoutait, dans son discours au Tribunat « La responsabilité ne peut at«teindre ceux qui sont exempts de tout re<< proche »><;

«Attendu qu'aucune faute n'est imputable aux demandeurs; qu'ils n'avaient pas à diriger leurs architecte et entrepreneur, ainsi qu'il vient d'être dit, et qu'il n'est pas allégué qu'ils auraient choisi pour effectuer les travaux des personnes d'une inaptitude notoire ou dont ils auraient connu l'incapacité;

« Attendu que l'on invoquerait vainement contre les demandeurs la responsabilité résultant du dommage causé par des choses que l'on a sous sa garde, responsabilité édictée par l'article 1384 du code civil ;

«Que l'on ne pourrait alléguer, dans cet ordre d'idées, que les demandeurs ayant légalement, en vertu de leur seule qualité de propriétaires, la garde de leur immeuble, n'auraient pu se substituer un architecte dans cette garde que sous leur responsabilité, cette substitution demeurant à l'égard des tiers res inter alios acta;

<«< Attendu que ce système ne serait justifié ni par les termes, ni par l'esprit de la loi; «Attendu que le propriétaire qui a confié

la construction de sa maison à un architecte cesse d'avoir son immeuble sous sa garde en tant qu'il s'agit de cette construction;

« Que, dès lors, le cas ne rentre pas dans les termes de l'article 1584;

« Attendu que cet article, basé sur une présomption de faute, ne serait pas davantage applicable dans son esprit;

« Qu'en effet, ainsi qu'il a été démontré ci-dessus, aucune faute n'est imputable au propriétaire, lequel, pour sauvegarder sa súreté personnelle en même temps que la sûreté publique, a eu recours aux connaissances techniques d'un architecte; que la faute, essentiellement personnelle de sa nature, ne peut être présumée que là où elle peut exister, c'est-à-dire dans le chef de l'architecte; << Attendu que le législateur, dans les discussions préparatoires à l'article 1792, s'est montré sévère quant à la responsabilité de l'architecte ;

«Attendu qu'en admettant que l'art. 1386 puisse s'appliquer à un bâtiment non terminé, ce qui est le cas de l'espèce, on ne pourrait en tirer argument, car cette disposition n'est qu'une application du principe général énoncé dans l'article 1584, soumise par conséquent aux mêmes conditions juridiques;

«Par ces motifs, le tribunal, écartant toutes conclusions contraires, dit pour droit qu'aucune responsabilité n'incombe aux demandeurs Madou et consorts; en conséquence que la demande reconventionnelle de Fierens n'est pas recevable; l'en déboute et le condamne aux dépens vis-à-vis des demandeurs Madou et consorts; condamne les demandeurs Madou et consorts aux dépens de leur action contre Dumont et contre De Beer; condamne Dumont aux dépens de son appel en garantie contre De Beer; ordonne, etc... »

Appel.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il appert des recherches et des constatations faites par les experts:

Qu'à la date du 11 novembre 1878, il n'existait dans la maison de l'appelant que des fissures fort légères ne portant nullement atteinte à la solidité de sa maison;

Que celle-ci est très bien construite et que le pignon se trouvait alors en parfait état;

Que, depuis 1878, de graves désordres se sont manifestés dans la maison de l'appelant et que ces désordres doivent être attribués au rempiètement du mur séparatif de la maison voisine, exécuté dans le but d'établir des caves sous ce bâtiment;

Que ce rempiètement a été exécuté dans de mauvaises conditions et qu'il a, par suite,

COURS D'APPEL.

occasionné certains tassements qui ont produit les dégâts dont se plaint l'appelant et sur lesquels il fonde sa demande en dommagesintérêts;

Attendu que le propriétaire d'un bâtiment ne peut par son fait causer du dommage autrui, et il lui incombe notamment de veiller

ce que les nouvelles constructions qu'il élève ou les changements qu'il apporte dans les bâtiments déjà existants ne puissent, par leur tassement, nuire ou préjudicier aux constructions voisines;

Attendu que cette responsabilité du propriétaire a été écartée par le premier juge, sous le prétexte que les intimés Madou, Robert et consorts ont sauvegardé leur responsabilité personnelle en recourant aux connaissances techniques d'un architecte, lequel, étant seul en faute, doit seul répondre du dommage;

Attendu qu'il est de principe que le propriétaire qui veut procéder à des travaux de démolition ou de rempiètement du mur séparatif, doit soutenir la maison voisine par des étais, si cela est nécessaire, et, dans tous les cas, avertir l'autre propriétaire pour que celui-ci puisse former opposition aux travaux ou prendre toutes les mesures qu'il croit utiles pour assurer la sécurité de son propre bâtiment (Dalloz, vo Servitude, no 493);

Attendu que cette obligation, qui dérive de la situation de deux immeubles reposant sur un même mur et qui prend sa source dans la qualité de propriétaire de l'obligé, est personnelle et ne peut être reportée sur des tiers contre le consentement du propriétaire lésé:

Attendu, d'ailleurs, que la responsabilité de l'architecte et celle du propriétaire sont complètement distinctes;

Attendu que l'article 1792 du code civil est placé au titre Du contrat de louage et à la section III, qui traite des devis et marchés; que son application suppose donc une obligation préexistante qui lie l'architecte envers le propriétaire, et, dans l'espèce, c'est dans un contrat intervenu entre l'intimé Dumont et les intimés au principal que. le premier juge a puisé le principe qui l'a décidé à substituer la responsabilité du premier à celle des communistes;

Attendu que la responsabilité du propriétaire, à la différence de celle de l'architecte, se forme sans engagement et découle de la loi, soit des articles 1584 et 1386 du code civil, lorsque l'action est dirigée contre un propriétaire à raison de sa qualité, soit des art. 1382 et 1383 du même code, lorsque l'action est en outre basée sur un fait et que c'est ce fait qui a donné naissance au dommage;

Attendu que la responsabilité de l'architecte est limitée aux travaux dont il a été

chargé et dure seulement pendant dix ans,
tant vis-à-vis du propriétaire (art. 1792 du
code civil) que vis-à-vis des tiers (art. 1792,
1582, 1383 du même code, combinés);

Attendu que le propriétaire répond non
seulement de tout fait qui cause du dommage
à autrui, mais en outre de toute cause de
dommage qui découle de la jouissance de son
immeuble, le code consacrant le principe que
la propriété engage la responsabilité de celui
qui en jouit ; et l'action en réparation du pré-
judice éprouvé dure pendant trente ans à par-
tir de la manifestation des désordres qui don-
nent ouverture à l'action;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que
l'appelant, ayant à sa disposition deux actions
en réparation du dommage qu'il a essuyé, a
été libre de choisir celle qui lui a paru le
mieux convenir à ses intérêts et qu'il n'a pu
être privé d'une de ces deux actions par un
contrat auquel il est resté complètement
étranger;

Attendu que les parties de Me Soupart ayant contribué au dommage par une faute qui leur est commune sont, chacune pour le tout, vis-à-vis de l'appelant, dans l'obligation de le réparer;

Attendu, quant à la hauteur du dommage, qu'il n'est produit aucun élément qui permette d'en apprécier le montant et que, dans l'état de la cause, il n'y a pas lieu d'allouer une provision;

En ce qui concerne l'action en garantie des parties de Me Soupart contre Dumont :

Attendu que la responsabilité de ce dernier dérive de ce qu'en sa qualité d'architecte, il devait veiller à ce que les travaux fussent exécutés d'après un plan convenable et dans de bonnes conditions et qu'il devait en surveiller l'exécution; que les faits qu'il cote ne sont donc pas concluants pour repousser l'action des parties de Me Soupart;

En ce qui concerne l'action en garantie des parties de Me Soupart contre De Beer et les conclusions de Dumont contre ce dernier :

Attendu que De Beer s'est borné à conclure contre Fierens et qu'il n'a pris aucune conclusion contre les autres parties;

Sur l'appel incident formulé par les parties Soupart:

Attendu qu'il suit de ce qui précède que cet appel n'est pas fondé vis-à-vis de l'appelant Fierens et qu'en ce qui concerne Dumont et De Beer, la condamnation aux dépens de l'appel en garantie de ceux-ci tombera avec le jugement qui l'a prononcée;

Par ces motifs, met à néant pour le tout le jugement dont appel; émendant et déboutant les parties de toutes conclusions contraires, dit pour droit que les parties de Mc Soupart sont solidairement responsables,

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