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écrirai, et je lui écrirai pressamment, surtout pour que vous soyez de l'Académie.

Je retourne à Paris dans trois semaines. Je suis venu passer ici le temps du voyage de Compiègne. On vous aura peutêtre écrit que Voltaire fait jouer chez lui toutes les pièces que les comédiens ont refusées. J'entends faire à quelques-uns des éloges de sa Rome sauvée; l'abbé Sallier', qui l'a vu représenter, m'en a dit du bien. Vous avez bien fait de lui écrire; il m'a demandé souvent de vos nouvelles. Mme Dupré m'a aussi chargé de vous dire bien des choses de sa part. J'ai souvent parlé de vous chez elle et chez M. Trudaine, et il ne m'a pas paru qu'ils aient, comme vous vous le persuadiez, changé de manière de penser sur votre sujet. Oubliez, mon cher ami, les chagrins que vous avez eus; les autres ont déjà oublié les calomnies qui les ont occasionnés. Soyez donc tranquille; portez-vous bien et continuez à me donner souvent de vos nouvelles. Personne ne vous est plus essentiellement attaché que je le suis.

BUFFON.

De la collection de M. Feuillet de Conches. Publiée par M. Flourens.)

....

XXXI
AU MÊME.

Montbard, le 22 octobre 1750.

Maupertuis me marque que Voltaire doit rester en Prusse, et que c'est une grande acquisition pour un roi qui a autant de talent et de goût. Entre nous, je crois que la présence de Voltaire plaira moins à Maupertuis qu'à tout autre; ces deux hommes ne sont pas faits pour demeurer ensemble dans la même chambre1.

Les affaires du clergé font aujourd'hui grand bruit. Tous les honnêtes gens admirent la bonté du Roi et crient contre l'orgueil et la désobéissance des prêtres, qui ont refusé net

tement de donner la déclaration des biens qu'ils possèdent. Heureusement on tient ferme, et on leur a déjà fait sentir qu'on les y forcerait. Ils sont tous renvoyés et retenus dans leurs diocèses, et comme le Roi est à Fontainebleau, diocèse de Sens, l'archevêque a cru qu'il lui serait permis d'aller comme à l'ordinaire faire sa cour; mais il a reçu ordre de rester à son archevêché. Je tiens cette nouvelle de son neveu, dont je suis voisin. BUFFON.

(Insérée dans le tome II des Mélanges des Bibliophiles français, 6 vol in-4°, 1827-1829. - Publiée par M. Flourens.)

XXXII

A SAMUEL FORMEY1.

Paris, le 6 décembre 1750.

J'ai, monsieur, des excuses sans nombre à vous faire. Quelque bonté et quelque indulgence que vous ayez, je ne sais ce que vous devez penser de moi, d'abord de ne vous avoir pas remercié de toutes les attentions obligeantes que vous m'avez marquées, et ensuite d'avoir même oublié de vous marquer ma reconnaissance des présents que vous m'avez faits.

J'avais envie de prendre un médiateur auprès de vous. Je voulais écrire à M. le président de Maupertuis de vous demander grâce pour moi. Il aurait pu vous dire en même temps l'estime particulière que j'ai conçue pour vous, monsieur, et le cas que je fais depuis longtemps des productions de votre esprit. Vous pensez avec une facilité et une fécondité qui me charment, et vous écrivez comme vous pensez. J'ai lu les Songes, l'Existence de Dieu, etc., avec bien du plaisir, et je voudrais bien voir ce que vous avez écrit au sujet de mon livre d'histoire naturelle. Mais aucun de nos libraires ne connaît la Bibliothèque impartiale. J'ai remis à leur destination les livres que vous venez de m'envoyer et ceux que vous aviez envoyés précédemment. Le projet du Dictionnaire encyclopédi–

que paraît ici depuis quelques jours. Vous êtes nommé, mónsieur, avec des éloges qui vous sont dus, et non-seulement comme auteur, mais comme un galant homme, qui sacrifie son bien particulier à l'avantage public. Au reste, cet ouvrage, dont les auteurs m'ont communiqué plusieurs articles, sera bon. On réimprime ici l'Astronomie nautique et la Vénus physique de M. de Maupertuis. J'aurai l'honneur de lui écrire bientôt et de lui en donner des nouvelles. Je vous offre, monsieur, mes services en ce pays-ci, et je vous supplie d'être persuadé de la sincérité de mes sentiments et du désir que j'aurais de vous en donner des preuves. J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite estime, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

BUFFON.

(Inédite. Tirée des manuscrits de la Bibliothèque impériale, collection Matter.)

XXXIII

A M. ARTHUR,

MÉDECIN DU ROI, A CAYENNE.

Au Jardin du Roi, le 17 février 1751.

J'ai reçu, monsieur, la caisse de curiosités et les échantillons que je vous avais demandés et que vous avez bien voulu m'envoyer pour le Cabinet du Roi; je vous en fais, monsieur, tous mes remercîments et j'aurai soin d'en informer le ministre aussi bien que M. de La Porte. Je désirerais fort qu'on voulût se prêter à reconnaître un peu votre zèle et vos services déjà anciens dans la colonie. Vous ne pouviez nous faire plus de plaisir que de nous envoyer des oiseaux, la suite que nous avons n'étant pas complète, à beaucoup près. J'ai l'honneur d'être, avec un parfait attachement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

(Inédite. Communiquée par M. le docteur Tessereau.)

BUFFON

XXXIV

A MM. LES DÉPUTÉS ET SYNDIC DE LA FACULTÉ
DE THÉOLOGIE.

Messieurs,

Le 12 mars 1751.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire1, avec les propositions qui ont été extraites de mon livre, et je vous remercie de m'avoir mis à portée de les expliquer d'une manière qui ne laisse aucun doute ni aucune incertitude sur la droiture de mes intentions; et si vous le désirez, messieurs, je publierai bien volontiers, dans le premier volume de mon ouvrage qui paraîtra, les explications que j'ai l'honneur de vous envoyer'.

Je suis avec respect, messieurs, votre très-humble et trèsobéissant serviteur.

(Insérée dans les diverses éditions de l'Histoire naturelle.)

XXXV

A L'ABBÉ LE BLANC,

BUFFON.

HISTORIOGRAPHE DES BATIMENTS DE S. M. TRÈS-CHRÉTIENNE, EN COMPAGNIE DE M. DE VANDIÈRES', DIRECTEUR GÉNÉRAL DES BATIMENTS, A FLORENCE.

Au Jardin du Roi, e 24 avril 1751.

Je viens de recevoir votre lettre datée de Florence, 1er avril, et je suis charmé, mon cher ami, de voir que vous commencez à vous rapprocher de nous. Le temps où vous devez revenir en effet ne doit plus être éloigné, et j'aurais voulu que vous m'en eussiez dit quelque chose. Comme vous ne me dites rien non plus de votre santé, je suppose qu'elle est bonne. La mienne n'est pas parfaite; j'ai depuis près de cinq mois un rhume qui m'incommode beaucoup. Quantité de gens sont dans le même cas; cet hiver a été terrible par les maladies

que l'humidité continuelle a produites. Encore actuellement, il pleut, et depuis plus de deux mois il n'y a pas eu un seul jour sans pluie. Il y a eu à Paris deux inondations, toutes deux fort grandes ; vous en aurez une idée en vous disant que le terrain qui termine le Jardin du Roi était inondé, et qu'il y avait par conséquent sept ou huit pieds d'eau dans les marais voisins; ils sont encore couverts de plus d'un pied partout. Mon premier soin, en arrivant à Paris, sera de demander de vos nouvelles; je vous dis : en arrivant à Paris, parce qu'il n'y a que quelques jours que je suis de retour de Montbard, où j'ai passé près de deux mois. Baudot me dit que vous aviez écrit de Florence, et il suppose, comme moi, que vous ne devez pas tarder à revenir. Tous vos amis le désirent; il y a près de seize mois que vous êtes parti! Je dînai avant-hier avec M. de La Popelinière; il vous aime, et nous parlâmes beaucoup de vous. J'ai vu aussi M. le marquis de L'Hôpital' chez M. Boulongne, et j'ai pris jour pour l'aller voir chez lui et causer de vous à mon aise. Il parle de vous aussi bien que vous et vos amis pouvez le désirer. J'avais lu à M. et Mme de Boulongne l'article de votre lettre datée de Naples où vous faisiez l'éloge de cet honnête ambassadeur; il me parut qu'ils en étaient très-flattés. J'ai aussi fait voir à plusieurs personnes votre description du Vésuve. Comme je l'ai trouvée parfaitement bien faite, j'ai eu du plaisir à la lire à un grand nombre de personnes, et entre autres à M. Trudaine et à Mme Dupré. J'ai aussi quelquefois entendu parler de vous pour l'Académie française, et je suis fâché que M. La Chaussée, pour exclure Piron, ait tourné les vues de l'Académie sur le marquis de Bissy', qui, comme vous le savez, a eu la dernière place vacante; car il me paraît qu'on désire Piron, et il aurait mieux valu pour vous qu'il y fût entré que d'avoir à y entrer. Je rencontrai hier le marquis de Senneterre l'aveugle chez M. d'Ancereine; il parla beaucoup et parla bien de vous, aussi bien que le bonhomme duc de Cadrousse. La nouvelle édition de vos lettres a bien fait dans le monde; la réputation que cet

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