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Benjamin-François Leclerc. Buffon qui avait d'abord, on l'a vu plus haut, montré un très-vif mécontentement de ce second mariage, se rapprocha peu à peu de sa belle-mère, et, rendant mieux justice aux qualités de son cœur et au charme de son esprit, il lui témoigna par la suite un très-réel attachement. Antoinette Nadault était de deux années seulement moins âgée que lui; de plus, une certaine conformité dans les goûts, que tous deux avaient nobles et élevés, fit bientôt disparaître chez Buffon le souvenir de ses premières impressions. L'abbé Le Blanc, depuis longtemps reçu familièrement dans la famille de Buffon, sut plaire à Mme Nadault, dont il se montra l'ami le plus constant et le plus dévoué. Il ne fut pas étranger au rapprochement qui réunit Buffon à son père, non plus qu'au changement qui se fit dans son esprit au sujet de celle qui était ainsi entrée dans sa famille contre son gré.

Note 5, p. 26. Mme de La Touche, dont parle Buffon, avait suivi, comme on le verra plus loin (note 3 de la lettre XVI, p. 224), le duc de Kingston en Angleterre. Mariée fort jeune à un homme qu'elle n'aimait pas, que Buffon n'aimait sans doute pas non plus, puisqu'on le trouve, en 1738, occupé à faire une enquête contre lui, elle aurait bien voulu rompre une union qu'elle détestait. M. de La Touche, après quelques mois d'indécision, avait porté plainte au criminel contre sa femme et son ravisseur. Le procès fut longtemps à s'instruire. Quels en furent les résultats? Le mari outragé abandonna-t-il les poursuites commencées ? Nous l'ignorons; nous n'avons pu découvrir quelle fut l'issue de cette triste affaire; nous savons seulement que le duc de Kingston se maria fort tard; il épousa en 1769 une femme du comté de Devonshire, à laquelle un caractère exalté et original a donné une sorte de célébrité.

Note 6, p. 26. M. d'Arty, attaché à la maison du prince de Conti, avait épousé la sœur de Mme de La Touche. Il était entièrement dévoué à ses intérêts, et cherchait avec Buffon les moyens de soustraire sa belle-sœur aux tristes conséquences de sa fuite. Mme d'Arty ellemême devait se montrer indulgente: elle était la maîtresse du prince de Conti; mais elle sut se faire pardonner sa faute par la constance de sa tendresse et par son dévouement pour un prince dont elle se montra toujours le meilleur conseiller.

Note 7, p. 26. James de Waldergrave fut créé comte en 1729, en récompense des services par lui rendus dans les diverses ambassádes où il avait montré autant d'habileté que de prudence et de

savoir. Le comte de Waldergrave, son fils, fut le favori de George III et le gouverneur du prince de Galles.

Note 8, p. 26. On se souvient que Buffon, voyageant en Italie avec le duc de Kingston et le savant Hickman, son gouverneur, puisa dans les entretiens de ce dernier ses premières notions d'histoire naturelle. L'admiration passionnée du gouverneur pour les beautés de la nature, fit sur Buffon une impression profonde, et le charme qu'il éprouva à son tour en s'associant à ses recherches de naturaliste, fut la première révélation de son goût très-vif pour les profondes études dont la nature peut être l'objet. Hickman, qui avait formé, sans s'en douter peut-être, un grand naturaliste, continuait ses études. Après la pipe, ce qu'il aimait le mieux, c'étaient les insectes. En 1736, Buffon lui envoie des insectes dans de l'esprit-de-vin; en 1738, il lui envoie des courtilières; bientôt il lui enverra ses ouvrages avec une lettre dont Hickman sera touché jusqu'aux larmes.

Note 1, p. 27.

XVI

- Mme Denis était femme de Louis Denis, à qui l'on doit sur la géographie plusieurs ouvrages estimés.

Note 2,
p. 27.

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Bénigne-Jérôme Baudot, substitut du procureur général au parlement de Bourgogne, dont le fils, Pierre-Louis Baudot, a laissé sur l'archéologie des travaux estimés.

Note 3, p. 27. Pour expliquer le séjour de l'abbé Le Blanc à Londres au commencement de l'année 1738, quelques mots sont nécessaires. Pendant l'hiver de 1736, au mois de février, le duc de Kingston, qui faisait de longs séjours à Paris, y devint le héros d'une aventure dont les suites déterminèrent le départ de l'abbé. Dans le monde le plus distingué et le meilleur, parmi les femmes à la mode, se faisait remarquer Mme de La Touche, la fille de Mme Fontaine, favorite de Samuel Bernard, la sœur de la célèbre Mme Dupin, alors liée d'une grande amitié avec Buffon, la sœur aussi de la touchante Mme d'Arty, la maîtresse ou plutôt la constante amie du prince de Conti. Le duc était bien jeune, Mme de La Touche sensible et malheureuse; le jeune lord enleva sa maîtresse. Buffon, qui avait été le confident d'une intrigue dont il n'avait pas prévu le dénoûment, usa de toute l'influence de son amitié, et sur le duc de Kingston et sur Mme de La Touche, pour les détourner tous deux de cette scandaleuse

et téméraire démarche. Il parla en vain ; les deux jeunes gens quittèrent la France et se réfugièrent en Angleterre, emmenant avec eux, on aura peine à le croire.... l'abbé Le Blanc, qui avait repris près du duc de Kingston ses fonctions de chapelain un instant interrompues.

Note 4, p. 27. Depuis le voyage que Buffon avait fait en Italie dans les années 1730 et 1731 avec le duc de Kingston, il avait formé le projet d'aller en Angleterre. Ce ne fut cependant qu'à la fin de l'année 1738 qu'il vint rejoindre à Londres ses anciens amis, auprès desquels se trouvait encore l'abbé Le Blanc. Buffon demeura plus d'un an en Angleterre, et ce fut au milieu de l'aristocratie anglaise, où le duc l'avait introduit, qu'il prit cette dignité dans sa démarche, cette richesse dans ses vêtements, cette exactitude irréprochable dans sa tenue, cette noblesse habituelle dans son maintien, qui fit dire à Hume, lorsqu'il le vit pour la première fois, qu'il répondait plutôt à l'idée d'un maréchal de France qu'à celle d'un homme de lettres. Il semble que c'est sous l'influence de ces souvenirs et de ces impressions, que Buffon a écrit dans son Histoire de l'homme : « Nous sommes si fort accoutumés à ne voir les choses que par l'extérieur, que nous ne pouvons plus reconnaître combien cet extérieur influe sur nos jugements, même les plus graves et les plus réfléchis; nous prenons l'idée d'un homme, et nous la prenons par sa physionomie qui ne dit rien; nous jugeons dès lors qu'il ne pense rien. Il n'y a pas jusqu'aux habits et à la coiffure qui n'influent sur notre jugement; un homme sensé doit regarder ses vêtements comme faisant partie de luimême, puisqu'ils en font en effet partie aux yeux des autres, et qu'ils entrent pour quelque chose dans l'idée totale de celui qui les porte. » Ailleurs il dit, encore dans l'Histoire de l'homme : « Il (l'homme) se soutient droit et élevé; son attitude est celle du commandement; sa tête regarde le ciel et présente une face auguste sur laquelle est imprimé le caractère de sa dignité; l'image de l'âme y est présente par la physionomie; l'excellence de sa nature perce à travers les organes matériels, et anime d'un feu divin les traits de son visage; son port majestueux, sa démarche ferme et hardie, annoncent sa noblesse et son rang; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées; il ne la voit que de loin, et semble la dédaigner.... » On a dit avec quelque vérité qu'en voulant peindre l'homme, Buffon s'était lui-même pris pour modèle. Quoi qu'il en soit, ce sentiment exquis de la dignité personnelle, ces grandes manières que dans la suite Buffon posséda si bien, furent le fruit de son séjour à Londres. Ces qualités de l'homme du monde, plus peut-être que l'éloignement de l'écrivain pour leurs doctrines, lui attirèrent les railleries des en

cyclopédistes, qui ne pouvaient comprendre un écrivain gentilhomme. Si Buffon attachait un grand prix à la dignité des manières, aimant la recherche et l'harmonie du vêtement, le soin de la toilette, il ne poussa jamais ce penchant jusqu'à l'exagération ridicule qu'on lui a parfois prétée. L'histoire des manchettes de M. de Buffon n'est qu'une mauvaise plaisanterie qui remonte au prince de Monaco, assez malheureux en épigrammes, et que l'on sourit de voir reproduite par de sérieux biogra phes, lesquels affirment, de bonne foi, que Buffon ne pouvait écrire que les mains perdues dans des flots de dentelle. Sa garde-robe n'était pas montée avec luxe; il n'avait d'ordinaire qu'un seul habit de cérémonie coupé à la mode du temps, le plus habituellement de velours rouge, doublé de fourrure et orné de brandebourgs. Il le mit le jour où Drouais fit son portrait; à Montbard, il s'en revêtait pour aller entendre la messe à l'église paroissiale; à Paris, aux grands jours, lorsqu'il recevait quelque visite d'importance, ou lorsqu'il allait solliciter les ministres dans l'intérêt du Jardin du Roi. Les autres jours, il était vêtu suivant son rang, mais simplement et sans faste.

Note 5, p. 27. Robert Smith, né en 1689, mort en 1768, physicien et géomètre, fut professeur à l'université de Cambridge. Il s'efforça, de concert avec le célèbre Cotes, son cousin, de répandre et de populariser la philosophie de Newton.

Note 6, p. 28. La Métromanie fut représentée pour la première fois sur le Théâtre-Français, le 7 janvier 1738. Elle eut vingt-trois représentations fort applaudies. Les comédiens cependant avaient longtemps hésité à répéter la pièce de Piron, et, à en croire ce dernier, il fallut même que M. de Maurepas, à qui elle était dédiée, la fit jouer d'autorité. Voltaire, dont la pièce de Piron rappelle une des plus piquantes mésaventures littéraires, écrivait, peu de temps après ce grand succès (le 25 janvier 1738), à Thiriot: « Je suis bien aise que Piron gagne quelque chose à me tourner en ridicule. L'aventure de la Malcrais-Maillard est assez plaisante. Elle prouve au moins que nous sommes très-galants; car, lorsque Maillard nous écrivait, nous ne lisions pas ses vers; quand Mlle de Lavigne nous écrivit, nous lui fimes des déclarations. >>

Note 7, p. 28.

Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée, né en 1692, mort le 14 mai 1754, fut membre de l'Académie française ; Maximien, sujet précédemment traité par Corneille, eut vingt-deux représentations. Cette tragédie n'est pas restée au théâtre, malgré la bienveillance avec laquelle elle y fut accueillie.

XVIII

Note 1, p. 30. Depuis plusieurs années déjà Buffon faisait partie de l'Académie des sciences, où l'avaient appelé plutôt les relations et les connaissances utiles qu'il s'était faites dans le monde savant, que des services réellement rendus. Il avait été élu membre de cette compagnie le 3 juin 1733, à la place de M. de Jussieu. Il n'était alors âgé que de vingt-six ans; il n'avait rien produit encore, mais on citait ses vues sur des questions de physique et de mathématiques, et on connaissait de lui quelques expériences qui dénotaient un véritable esprit d'invention. Dès cette époque, on voit Buffon assidu aux soirées de Mme Geoffrin, à celles du baron d'Holbach; il est des soupers de La Popelinière, de l'intimité de la belle Mme Dupin, et point mal non plus avec Mme d'Épinay. Il est au courant des nouveautés théâtrales et littéraires, et en entretient ses amis. Exerçant son esprit sur des sujets variés, il ne reste étranger à aucune des questions scientifiques qui s'agitent autour de lui, et son entrée à l'Académie lui permet bientôt de consigner dans des mémoires les premiers résultats de ses nombreuses expériences. Des comptes rendus sur des recherches touchant la force du bois, la chaleur, les fers, etc., tels furent les premiers essais de sa plume. En 1744, Buffon devint trésorier perpétuel de l'Académie. J'ai sous les yeux la lettre par laquelle le comte de Maurepas, qui dès cette époque s'était déclaré son protecteur, lui annonce sa nomination; elle est ainsi conçue :

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« Je vous informe avec plaisir, monsieur, que, sur le compte que j'ai rendu au Roi de la réunion des suffrages de l'Académie en votre faveur, Sa Majesté vient de confirmer son choix et de vous nommer à la place de trésorier. Vous connaissez les sentiments avec lesquels je suis, monsieur, très-sincèrement à vous.

<< MAUREPAS. >>

Cette place fut pour Buffon purement honorifique, car ses longs séjours à Montbard empêchaient qu'il pût en remplir les devoirs. Il se fit adjoindre l'académicien Tillet, qui se chargea sous son contrôle d'en exercer les assujettissantes fonctions.

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Note 2, p. 30. Jacques Bailly, garde des tableaux du Roi, né en 1701, mort le 18 novembre 1768, père de l'infortuné Jean-Syl

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