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CXXXIX

A MADAME DAUBENTON.

Forges de Buffon, le 26 juillet 1773.

J'ai toujours différé de vous écrire, madame et chère bonne amie, parce que j'ai été tous les jours sur le point de partir pour Dijon, d'où je comptais vous donner non-seulement de mes nouvelles, mais de celles du cher oncle, qui vient avec moi. Nous partons enfin jeudi 29, pour y rester quelques jours. Ma cause se plaide le samedi 31'. Ainsi, bonne amie, si vous voulez me donner des recommandations, envoyez-moi vos lettres chez M. Hébert, où nous serons logés. M. Lorenchet est en effet un des juges, et un des meilleurs, quoique de Beaune. Vous ne me ferez pas une querelle de ce mot, vous qui seule suffiriez pour démentir la fausse réputation de cette chère patrie, où d'ailleurs les femmes sont si aimables et la société si différente de celle de notre vilain Montbard. Le portrait que vous me faites de votre jolie belle-sœur m'a fait le plus grand plaisir, parce que je regarde comme assuré le bonheur de M. votre frère et celui du très-cher papa. Témoignez à tous les deux l'intérêt que j'y prends, et tous les sentiments par lesquels je leur suis attaché.

Mme votre belle-mère est depuis deux jours malade, à mourir, selon elle, et, selon son médecin, elle n'est qu'incommodée et malade de peur. On attend aujourd'hui votre cher mari. J'ai reçu toutes vos lettres, j'y ai vu le zèle de votre tendre amitié; je vous en remercie mille fois; elle fait tout mon bonheur et le fera toujours. Jeanneton, dont je me suis informé, est presque entièrement guérie; mais Caiot est dangereusement malade.

Je me promets bien de vous écrire de Dijon le samedi ou

le dimanche. Adieu, chère bonne amie; quand aurai-je le bonheur de vous revoir ?

(Inédite.

BUFFON.

De la collection de M. Henri Nadault de Buffon.)

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CXL

FRAGMENT DE LETTRE A M. LE COMTE
D'ANGEVILLER1.

Montbard, le 17 novembre 1773.

.... Ah! que vous avez un digne et respectable ami dans M. Necker! J'ai lu deux fois son ouvrage3. Je me trouve d'accord avec lui sur tous les points que je puis entendre. Ses idées sont aussi simples que grandes, ses vues saines et très-étendues; et tous les économistes ensemble, fussent-ils protégés par tous les ministres de France, ne dérangeront pas une pierre à cet édifice, que je regarde comme un monument de génie. Je n'ai regret qu'à la forme. Je n'eusse pas fait un éloge académique, qui ne demande que des fleurs, avec des matériaux d'or et d'airain. Colbert mérite une partie des éloges que lui donne M. Necker; mais certainement il n'a pas vu si loin que lui. D'ailleurs, l'auteur a ici le double désavantage d'avoir ses envieux particuliers, et en même temps tous ceux qui cherchent à borner l'Académie. En un mot, je suis fâché qu'un aussi bel ensemble d'idées n'ait pas toute la majesté de la forme qu'il peut comporter. Les notes sont admirables comme le reste; la plupart sont autant de traits de génie, ou de finesse, ou de discernement. Le style est très-mâle et m'a beaucoup plu, malgré les négligences et les incorrections, et les pitoyables plaisanteries que les femmes ne manqueront pas de faire sur les jouissances trop souvent répétées.

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CXLI

FRAGMENT DE LETTRE A M. NECKER1.

Montbard, le 17 novembre 1773.

Je n'avais jamais rien compris à ce jargon d'hôpital de ces demandeurs d'aumônes que nous appelons économistes, non plus qu'à cette invincible opiniâtreté de nos ministres ou sous-ministres pour la liberté absolue du commerce de la denrée de première nécessité. J'étais bien loin d'être de leur avis; mais j'étais encore plus loin des raisons sans réplique et des démonstrations que vous donnez de n'en pas être. J'ai lu votre ouvrage deux fois; je compte le relire encore; c'est un grand spectacle d'idées, et tout nouveau pour moi....

(Grimm, Correspondance inédite.

Publiée par M. Flourens.)

GXLII

A MADAME DAUBENTON.

Paris, le 4 décembre 1773.

Je suis, ma bonne amie, fatigué du voyage, et, de plus, incommodé par le changement d'air et de nourriture. C'est ce qui fait que je ne vous écris pas de ma main; mais je ne suis point du tout inquiet de ma situation, parce qu'aux deux derniers voyages, la même chose m'est arrivée. Trois ou quatre jours de repos suffiront pour me remettre, et je ne sortirai pas auparavant. J'ai trouvé mon fils très-bien por tant, et mieux qu'il n'était à tous égards: il m'a demandé de vos nouvelles, et c'est beaucoup pour sa petite tête qui ne pense encore à rien. J'ai vu aussi le fils de M. de Mussy', dont j'ai été fort content. J'ai déjà parlé au docteur2; mais ce

n'est pas dans une première conversation qu'on peut avec lui tirer quelque chose de positif. Donnez-moi de vos nouvelles, je vous en supplie, et faites passer mes amitiés à votre cher beau-père. Je crois que vous connaissez, ma bonne amie, toute l'étendue de mon attachement et de mon respect pour

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Chère bonne amie, j'ai retardé ma réponse de deux postes, pour vous rendre plus sûre de l'état de ma santé. Elle est rétablie après un dérangement qui m'a fait garder la chambre jusqu'à hier. J'ai eù pendant ce temps la visite de tous mes amis; mais tous ensemble ont moins contribué à ma satisfaction que votre petite lettre. J'adresse celle-ci à Beaune, où j'imagine que vous êtes encore, parce que j'imagine toujours de préférence ce qui vous fait plaisir. M. Amelot', qui m'est venu voir hier, m'a demandé de vos nouvelles avec intérêt. Il paraît que MM. Daubenton seraient bien aises de vous voir en ce pays-ci; mais vous savez, bonne amie, qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre bien ardents sur rien. Je verrai les femmes, et je voudrais leur inspirer de vous appeler, ou du moins de vous désirer". J'aurai bientôt une petite boîte à rouge jolie, et digne de vous; donnez-moi vos autres commissions, afin que je puisse vous envoyer le tout en même temps.

J'attendais des nouvelles de M. votre beau-père au sujet des quittances de ma capitation, que je lui ai remises. Diteslui, je vous en supplie, qu'il me fera plaisir de me mar

quer où en est cette affaire, et que, s'il a besoin des quittances de 1772 et 1773, je viens de les payer ici, et que je les lui enverrai, si cela est nécessaire, pour finir avec M. de Charolles3.

Dites-moi aussi jour par jour, bonne amie, votre marche et les lieux que vous habitez; je donnerais toute ma science pour savoir seulement où vous êtes, et tous mes papiers pour un billet de vous où serait tout ce qui ne s'écrit pas. Adieu, belle amie, je ne puis vous rien dire au delà de ce que vous connaissez de mes sentiments; ils seront aussi durables que les charmantes qualités qui vous les ont acquis.

BUFFON.

De la collection de M. Henri Nadault de Buffon. -M. Flourens

(Inédite.

n a publié un fragment.)

CXLIV

A LA MÊME.

Vendredi, 17 décembre 1773.

Je reçois à l'instant, madame et chère amie, votre lettre du 15. Je vous adressais la mienne à Beaune, et c'est ce qui m'a obligé d'en déchirer la seconde feuille pour vous l'adresser à Dijon. Je suis très-fâché de la situation de M. votre

re; il faut néanmoins espérer que sa santé se rétablira, puisqu'il était mieux lorsque vous l'avez quitté. Je vais écrire à M. Hébert pour le prier de faire payer le prix du fortepiano. Vous êtes bien la maîtresse d'en disposer comme il vous plaira; mais il faudrait que cela se fit d'accord avec M. Potot de Montbeillard, parce que je lui ai promis de le lui prêter.

Ma santé continue à aller mieux, et je compte qu'elle ne se démentira plus. Vous avez très-bien fait, ma bonne amie, d'écrire au cher docteur; cela ne peut qu'augmenter le désir qu'ils ont de vous voir. J'espère que M. votre beau-père m'é

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