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et invariablement d'après ce point de vue; trop heureux si je puis réussir à vous donner, dans cette occasion, des preuves de mon zèle et de mon dévouement sans réserve.

BUFFON.

A mesure que les choses me paraîtront s'éclaircir ou s'embrouiller, j'aurai attention, mon très-cher Président, à vous en informer. La première élection ne se fera qu'après les Rois, et peut-être y en aura-t-il deux le même jour. Nommez-moi ceux sur qui vous croyez pouvoir le plus compter.

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Il y a longtemps que je vous dois une réponse, mon trèscher monsieur; mais j'ai voulu attendre que je fusse en état de vous écrire quelques lignes de ma main, comme je le ferai à la fin de cette lettre.

Je la commence par vous témoigner ma joie du gain de votre procès. Trois semaines de temps qu'il vous en coûte pour vous en être occupé, me paraissent très-bien employées, et vous ne devez pas y avoir regret. Pour moi, mon trèscher ami, j'en ai beaucoup aux autres trois semaines que l'inquiétude de ma maladie vous a fait perdre, et je vous suis comptable non-seulement de ce temps, mais de mille sentiments que cette inquiétude suppose, et dont je ne pourrai jamais vous témoigner assez ma tendre reconnaissance.

Ma santé commence à se fortifier, malgré les froids qui sont fort contraires à la transpiration et à l'avancement de ma convalescence1. Je me tiens actuellement tous les jours sept ou huit heures debout; je dicte des lettres, et je fais quelques petites affaires. Je me promène à plusieurs reprises

dans mon appartement, où je fais chaque jour dix-huit cents ou deux mille pas. Le sommeil commence à me revenir; car il n'y a pas plus de quinze jours que j'ai commencé à fermer l'œil pour la première fois. Les ardeurs d'urine sont calmées. Je n'ai point encore d'appétit bien décidé, et je commence à prendre de la nourriture sans dégoût; moins j'en prends, mieux je me porte; deux onces de pain, autant de viande et autant de poisson, me suffisent pour mes vingt-quatre heures. J'ai perdu toute ma chair, et il n'y a encore que mon visage qui commence à revenir. Je ne suis pas encore assez fort pour prendre l'air, et j'attends le dégel pour sortir; mais en tout cas je ne crois pas que je puisse partir d'ici pour retourner à Montbard avant le 1er mai.

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J'ai des remercîments infinis à vous faire des soixante bouteilles de vin de Genay que vous avez la bonté de me donner. Je n'en boirai pas d'autres. Mes médecins, dont je suis content, et qui m'ont très-bien conduit, insistent beaucoup sur ce que je boive à mon ordinaire du vin plus faible que nos vins de la haute Bourgogne, et avec mille autres obligations que je vous ai, mon cher monsieur, je vous devrai encore en partie le rétablissement de ma santé.

Je n'ai pas oublié, mon très-cher monsieur, les deux mille francs que j'aurais dû vous remettre, ou du moins vous offrir dès le mois de février, puisque vous me les aviez prêtés à cette condition. Je vous les offre aujourd'hui, et, si vous le désirez, je vous en enverrai une rescription. Je vous devrai encore de l'autre argent pour nos affaires communes, dont nous compterons quand je serai de retour.

Nous ne savons rien que par vous de la rétention d'urine du pauvre docteur Daubenton. Il faut cependant que cela n'ait pas eu de suite, puisque ni moi ni son beau-frère n'en avons eu aucune nouvelle.

On prétend ici que nous aurons un nouveau Parlement la semaine prochaine ; j'en doute encore beaucoup, quoique je le désire. L'établissement des conseils supérieurs est loué

par tous les gens sensés, et fera réellement un très-grand bien. Si le contrôleur général voulait commencer à donner de l'argent et finir de mettre des impôts, tout pourrait encore aller ". Jamais ce pays-ci n'a été plus cher et plus désagréable, et je soupire pour le temps où je pourrai le quitter, et passer avec vous les moments les plus heureux de ma vie.

Assurez toutes vos dames de mes tendres respects et de toute ma reconnaissance. J'embrasse de tout mon cœur M. de Montbeillard, et je n'oublie jamais mon bon ami Fin-Fin. Son petit ami Buffonet le salue et vous présente à tous, ainsi qu'à M. Laude, ses très-humbles respects.

(Écrit de la main d'un secrétaire. Le paragraphe qui suit est de la main de Buffon.)

Depuis ma maladie je n'ai encore pris la plume que pour signer, et je trouve bien doux le premier usage que j'en fais pour vous, mon très-cher monsieur, qui tenez à mon cœur plus que personne. J'ai reçu les cailles, mais je n'ai pu les lire encore. On commence à imprimer les perdrix, et, si je reçois les alouettes avant quinze jours, elles pourront entrer dans le volume et peut-être le terminer.

Bonsoir, mon cher bon ami; je compte sur vous comme sur moi-même.

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BUFFON.

De la collection de Mme la baronne de La Fresnaye. M. Flou

rens en a publié un extrait.)

CXVII

AU PRÉSIDENT DE RUFFEY.

Paris, le 29 avril 1771.

Je ne doute pas, mon très-cher Président, de la part que vous avez prise à la longue maladie que je viens d'essuyer. Je suis bien convalescent, mais il s'en faut beaucoup

que j'aie toutes mes forces. Je suis obligé de me ménager beaucoup sur la nourriture. Je ne puis me chausser, ayant les jambes enflées, et j'ai encore quelques ardeurs d'urine et d'autres petites misères qui cependant vont tous les jours en diminuant, en sorte que j'espère avec le temps un parfait rétablissement. Je compte bien suivre votre avis et travailler un peu moins que je ne l'ai fait jusqu'à présent. Le second volume de mon Histoire des oiseaux va paraître. Je vous dois le premier, et je vous l'enverrai depuis Montbard.

Je suis fâché que vous ayez quitté les rênes de votre Académie. Quelque fougueuse que pût être cette compagnie, vous étiez fait pour la régir, tout le monde connaissant votre droiture, votre zèle et même vos bienfaits à son égard. Notre ami le président de Brosses est bien digne de vous remplacer1; mais, comme vous le dites, quelque actif qu'il soit, il n'aura pas le temps de suivre les choses d'aussi près qu'il serait nécessaire, à moins qu'il n'arrive suppression de votre Parlement, comme il y a tout lieu de le craindre, surtout si vos messieurs ne mettent pas plus de modération dans leurs arrêtés et dans leurs remontrances. Jamais la magistrature n'a été dans un aussi grand danger, et on ne peut se dispenser d'avouer qu'il y a de sa faute et qu'elle a poussé ses prétentions beaucoup trop loin.

Je compte partir dans huit jours pour Montbard, et peutêtre ferai-je un voyage à Dijon dans le mois de juin. L'une de mes plus grandes satisfactions sera de vous y voir et de vous renouveler, ainsi qu'à Mme la présidente de Ruffey, tous mes sentiments d'attachement et de respect.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

BUFFON.

CXVIII

A GUENEAU DE MONTBEILLARD.

Paris, le 1er mai 1771.

Enfin, mon très-cher monsieur, je crois être en état de pouvoir partir, et je me fais un délice de vous revoir. Je compte arriver à Montbard mercredi 8, ou tout au plus tard jeudi 9 de ce mois; je passe par Noyères, où mes chevaux sont mandés et doivent m'attendre. J'ai grand besoin de repos pour achever de me rétablir, ayant essuyé ici des orages de toute espèce. J'ai mille choses à vous dire dans lesquelles il y en a d'importantes, et auxquelles je suis sûr que votre amitié vous fera prendre grande part. J'ai reçu hier le paquet que vous aviez adressé à M. d'Ogny1, et je le remporte avec moi, ne pouvant en faire usage quant à présent. Le second volume des Oiseaux finit par la caille, les pigeons, les ramiers et les tourterelles, et il sera plus gros que le premier. Après les alouettes il faudrait travailler aux bec-figues, qui forment un genre assez considérable.

Je n'ai pas encore mes forces, à beaucoup près; mes pieds et mes jambes enflent dès que je suis debout; je ne puis mettre de souliers, et je n'ai pu rendre aucune visite; je compte faire mon voyage et arriver en pantoufles. Il y a six jours que je fais d'assez longues promenades en voiture; elles ne m'incommodent en aucune façon, et je continuerai jusqu'à mon départ, afin d'être plus accoutumé au mouvement et au grand air.

Je ne vous ai rien dit de Mme de Saint-Belin', parce qu'elle n'était pas digne d'être regrettée. Les avocats de Paris, qui ne veulent encore donner que des consultations verbales, m'ont assuré que mon fils avait droit à la succession de sa grand'mère, quoique sa mère y eût renoncé par son contrat de mariage. Les avocats de Dijon soutiennent le contraire, et ils

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