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je vous l'enverrai. C'est toujours dans les sentiments du plus tendre et respectueux attachement que j'ai l'honneur d'être, mon très-cher Président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Brosses.)

CXIII
AU MÊME.

BUFFON.

Montbard, le 28 mai 1770.

Je crois, mon très-cher Président, vous avoir marqué, il y a un an ou deux, que j'avais fait ici une entreprise considérable de forges. Je vous en reparle aujourd'hui parce qu'elle n'est point encore achevée, et que les débordements continuels d'eau qui se sont faits cet hiver et ce printemps, me forcent à des réparations qui exigent absolument ma présence, en sorte qu'il ne me sera pas possible d'aller vous voir à Dijon, du moins de si tôt, quoique j'en aie un extrême désir. D'autre part, je n'ose vous proposer de venir à Montbard, dans la seule crainte de vous incommoder. Ce serait cependant l'affaire d'un petit jour pour venir et d'un autre pour retourner; car je vous enverrais un relais jusqu'à SaintSeine, si vous le désiriez, et ces mêmes chevaux vous y reconduiraient pour votre retour. Voyez, mon cher bon ami, ce que vous pouvez faire, et, si cela est impossible, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour aller à Dijon vers le commencement d'août; et encore cela dépend-il des circonstances, qui me forceront peut-être de faire un tour à Paris dans ce temps, de manière que le plus sûr et le meilleur serait de toute façon le voyage de Montbard, si vos affaires et votre santé vous le permettent. La mienne me demande toujours beaucoup de ménagement.

On m'écrit que l'archevêque de Toulouse1 pourra bien remplacer à l'Académie française le duc de Villars; d'autres

me mandent qu'on ne procédera pas de si tôt à l'élection, et que ce ne sera qu'après la Saint-Martin. Je vois toujours avec peine que les gens qui n'intriguent pas sont reculés, et que Duclos, qui cependant serait fait pour sentir votre mérite, a jusqu'ici préféré des gens bien au-dessous. On devrait vous offrir cette place, et, à vous parler naturellement, vous devez vous estimer assez pour ne la pas solliciter.

Envoyez toujours le mémoire, je vous supplie. De mon côté, j'ai écrit qu'on n'accepterait pas l'article des cent mille livres payables dans trois ans; qu'on voulait vingt-cinq mille livres mariage faisant, et le surplus d'année en année. J'ai joint à ces conditions la petite note que vous m'avez envoyée. Je vous avoue que je ne connais ce M. d'Hervilly que par Mlle de Chenoise sa belle-sœur, qui est la plus honnête personne du monde, et qui était l'une des amies intimes de ma pauvre femme. Cette demoiselle jouit à Paris d'environ douze mille livres de rentes. J'ai ouï-dire dans tous les temps que le marquis d'Hervilly possède en Picardie plus de quarante mille livres de rentes en fonds de terre. Je ne sache pas qu'il ait fait d'autres entreprises que celle d'une manufacture de beau linge de table, pour laquelle il lui a fallu de fortes avances et qui le gênent dans le moment présent. Vous me direz que c'est le cas, vu la jeunesse de sa fille, d'attendre deux ou trois ans; mais, comme j'ai raconté à Mlle de Chenoise l'histoire du mariage manqué, et que d'ailleurs elle avait entendu parler du mérite de M. le marquis de ***, elle a déterminé M. d'Hervilly à consentir dès à présent au mariage de sa fille. Au reste, si l'affaire s'engage, nous demanderons des hypothèques et des sûretés, et nous ne terminerons rien sans voir bien clair.

Je vous embrasse, mon très-cher Président, et vous supplie de faire agréer mes respects à Madame. J'espère qu'à son retour des eaux elle comblera vos vœux.

BUFFON.

(Inédite.

De la collection de M. le comte de Brosses.)

CXIV

A GUENEAU DE MONTBEILLARD.

Montbard, le 17 août 1770.

Le rhume subsiste, mon très-cher monsieur, malgré les bains, les remèdes, les sirops et la diète; mais la voix est un peu revenue, et, en continuant ce régime, j'espère que j'en serai quitte dans quelques jours.

Si vous m'eussiez dit, mon cher monsieur, que vous avez eu la bonté de donner 500 livres pour moi, je n'aurais pas rapporté ici tout l'argent que j'ai touché à Semur. J'envoie aujourd'hui au P. Ignace un effet que j'ai à toucher sur M. Cœur-de-Roi. Je le charge de vous payer les 500 livres, la quittance en bonne forme, et je vous remercie, mon cher monsieur, d'avoir fini cette petite affaire.

Je suis content du gain de mon procès3. La victoire pouvait être plus complète; mais il faudrait que la justice fût plus juste et prît moins garde aux formes. C'est toujours beaucoup gagner que de cesser d'être tracassé, surtout pour une misère.

M. Daubenton le fils est aujourd'hui à Buffon. Je ne manqueraipas de lui faire part de ce que vous me marquez, et je suis sûr qu'il s'y conformera.

Mes tendres respects à vos dames. Agréez aussi, je vous supplie, ceux de mon fils, et les protestations de mon éternel attachement.

BUFFON.

(Inédite. De la collection de Mme la baronne de La Fresnaye.)

CXV

AU PRÉSIDENT DE BROSSES.

Paris, le 21 décembre 1770.

Vous ne devez pas douter, mon très-cher Président, du désir que j'ai de vous voir sur notre liste. Vous êtes, à toutes sortes de titres, le premier que je voudrais nommer; cependant jusqu'ici je n'ai pu vous rendre service, comme je l'aurais voulu. Je suis arrivé à Paris le 12, et le lendemain j'ai été pris d'un rhume violent; j'ai eu deux accès de fièvre, en sorte que j'ai été forcé de garder ma chambre, et qu'encore aujourd'hui je n'en puis sortir. Étant incommodé, je n'avais fait qu'une liste très-courte des amis que je voulais laisser entrer, et précisément M. l'archevêque de Lyon' est venu et ne m'a pas vu, parce que n'ayant pas encore reçu votre lettre alors, je n'avais pas songé à lui et que j'ignorais même s'il était à Paris. Depuis ce temps-là j'ai envoyé deux fois auprès de lui pour lui faire part de l'impossibilité où j'étais de l'aller voir. La première fois il était à Versailles pour trois jours; la seconde, il a répondu qu'il viendrait auprès de moi lorsqu'il aurait un moment de loisir. Enfin je ne l'ai pas en

core vu.

Il en est de même de M. de Sainte-Palaye', quoique je lui ale fait part de ma situation.

Hier au soir j'ai vu le nom de Mme votre fille3 sur ma liste, et comme je présume que c'est de votre part qu'elle est venue me voir, je suis très-fâché qu'elle ne soit point entrée. Il m'est en même temps revenu de Montbard un billet qu'elle m'avait écrit avant mon arrivée et qui y avait été envoyé.

Je vous fais, mon cher ami, le détail de toutes ces circonstances, pour que vous ne soyez pas étonné du peu que j'ai fait jusqu'à présent dans votre affaire.

Plusieurs personnes de l'Académie mè sont venues voir,

aussi bien que tous les aspirants, et voici l'état où j'ai trouvé les choses. Le plus grand nombre, pour M. Gaillard'; le plus petit, pour l'abbé Le Blanc; et c'est encore dans la même situation. Vous sentez bien que je n'ai pas voulu ôter à l'abbé, qui est mon ami, cinq ou six voix dont il est sûr, et que je dois y joindre la mienne, supposé qu'il ne soit pas question de vous.

Néanmoins je vous ai proposé à tous ceux que j'ai vus, comme celui qui en était le plus digne à tous égards, et qui par conséquent devait être le premier nommé. Mais, d'un côté, MM. de Foncemagne et autres de l'Académie des inscriptions tiennent pour leur Gaillard; de l'autre, j'ai trouvé une singulière opposition contre vous dans quelques gens de lettres, qui néanmoins sont faits pour vous apprécier; et comme cette opposition m'a étonné, j'ai fait tout ce qui était en moi pour en découvrir la source, et je ne sais si je me trompe; mais j'ai tout lieu de soupçonner qu'elle ne vient que d'un homme avec lequel vous avez eu des démêlés et qui a une grande influence sur l'escadron encyclopédique. M. Duclos m'a bien parlé de vous, mais en même temps il m'a paru décidé pour M. Gaillard.

Voilà tout ce que je sais, et par conséquent, mon cher ami, tout ce que je puis vous dire. Au reste, comme il y a actuellement trois places', il me paraît aussi impossible qu'injuste que vous n'en obteniez pas une. Les opposants font beaucoup valoir votre non-résidence à Paris ; mais j'ai reconnu que c'était plutôt le prétexte que le vrai motif de leur opposition.

Une chose qui peut vous nuire encore, c'est que l'abbé Barthélemy se présente, appuyé de toute la faveur du ministère; et quand on vous nomme avec M. Gaillard et M. l'abbé Barthélemy, on répond que l'Académie des belles-lettres veut donc absolument envahir l'Académie française, en y plaçant tout à la fois trois membres de son corps.

Pour moi, de ces trois places, j'en veux une pour vous et l'autre pour l'abbé Le Blanc, et je me conduirai de mon mieux

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