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mettre de prendre cette occasion pour vous offrir tous les vœux que je fais pour votre prospérité: ils ne pourraient que vous être agréables, si vous saviez avec combien de sincérité et de dévouement j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

LECLERC DE BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

VII

AU MÊME.

Paris, le 9 août 1732.

J'aurais, monsieur, bien des excuses à vous faire sur le long temps que j'ai passé sans vous demander de vos nouvelles; mais j'ose espérer que vous m'en dispenserez en faveur des distractions inséparables, comme vous le savez, des premiers temps que l'on passe en cette ville. Maintenant que le chaos est débrouillé, et que je puis vous offrir mes services un peu moins à l'aveugle qu'auparavant, trouvez bon, monsieur, que je vous supplie de les agréer, et de m'en donner des marques en me chargeant de toutes vos commissions. Rien ne me prouvera davantage que vous ne m'avez pas tout à fait oublié, et je vous promets de mériter par mon zèle la même amitié dont vous avez bien voulu m'honorer jusqu'à présent.

Faites-moi le plaisir de me dire s'il est vrai que vous ayez fait un voyage à Genève, et en ce cas si vous auriez remis à M. Crâmer1 un livre, de la part de M. de Gemeaux'. Vous excuserez, monsieur, cette curiosité, quand je vous dirai que c'est pour savoir des nouvelles de M. Crâmer, à qui nous avons écrit tous deux sans avoir eu réponse.

On représente à l'Opéra le ballet des Sens avec un nouvel acte aussi mauvais que les autres3. Il fait une chaleur exces

sive. Le parlement se rebrouille et avec la cour et avec luimême. Les princesses vont voir les jeunes gens nager à la porte Saint-Bernard*, et la loterie ou la friponnerie de SaintSulpice va toujours son train3. C'est à peu près là tout ce que je sais de nouvelles, excepté celles du café; mais on y en débite tant de fausses qu'il y aurait conscience à les écrire; et après cela, je les crois moins intéressantes que celles que l'on débite à Dijon dans vos cercles. Donnez-m'en de bonnes de votre santé, et faites-moi le plaisir de me dire s'il n'y aurait point d'espérance de vous revoir ici. Je parle d'une espérance prochaine; car je ne doute pas que vous n'y reveniez dans quelque temps, et je suis persuadé que vous connaissez trop Paris, sa liberté et ses plaisirs, pour ne pas venir encore en jouir. Adieu, monsieur; jusqu'à cet heureux temps honorez-moi de votre souvenir, et croyez-moi toujours, avec le plus respectueux attachement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

LECLERC DE BUFFON.

Mon adresse est chez M. Boulduc, apothicaire du roi, faubourg Saint-Germain.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

VIII

AU MÊME.

Buffon, près Montbard, le 27 septembre 1732.

Je suis au désespoir, mon cher monsieur, d'une négligence dont cependant je ne suis point cause. Imaginez-vous que mon père, ayant reçu votre lettre dans son temps, crut apparemment me l'avoir envoyée, et point du tout. Je l'ai trouvée aujourd'hui en fouillant des papiers. J'étais fort étonné aussi, à Paris, quand M. de La Bastide vint me voir

de votre part et me dire que, si j'avais acheté des livres, je pouvais les lui remettre, parce qu'il comptait passer à Dijon dans peu et vous les porter. Je répondis à M. de La Bastide que j'avais eu l'honneur de vous écrire, mais que vous ne m'aviez pas fait réponse, et que je ne pouvais comprendre de quels livres il voulait parler. Enfin j'ai été sur cela et sur votre santé, sur vos voyages et sur vos plaisirs, jusqu'à aujourd'hui, plus ignorant que la part que j'y prends ne me permettait de l'être. Aussi me préparais-je à vous écrire de nouveau quand j'ai trouvé votre lettre. Recevez donc, monsieur, à présent ma réponse, et ne m'imputez pas, je vous supplie, le silence qui lui a succédé. Je ne suis ici que pour six semaines, et je vous assure que je ne serai pas de retour à Paris que je ferai toutes vos commissions avec zèle; c'est leur retard qui me fâche, et je suis prêt à me vouloir mal d'un contre-temps de pur hasard, qui m'ôte le plaisir de vous servir pour la première fois. Mettez-moi, je vous supplie, monsieur, dans l'occasion de m'en venger, et ne m'épargnez pas où je pourrai vous être bon à quelque chose. Il n'y a que quinze jours que j'ai quitté Paris. On m'a dit, à Montbard, que MM. Lebault' et de Brosses y avaient passé pour retourner à Dijon ; je crois que ce dernier, du moins il me l'a dit, reviendra cet hiver à Paris. Mais vous, monsieur, n'aurions-nous point d'espérance de vous y voir, et êtes-vous fait pour la province? Malgré les liens qui vous y attachent, je ne désespère pas de vous voir à Paris; vous l'avez goûté, et j'ai l'honneur de vous connaître assez pour croire que vous vous y plaisez beaucoup. Pour moi, qui n'y ai encore passé que trois ou quatre mois, je ne puis en connaître tous les plaisirs. Après cela, je suis de ces gens un peu extraordinaires pour le goût dans les plaisirs; je n'en ai, par exemple, point trouvé aux spectacles, qui me paraissent languir de froideur. La tragédie de Zaïre3, de Voltaire, a pourtant eu cinq ou six chaudes représentations; mais j'aimais mieux en sortir que d'y être étouffé. Je verrai dans le Mercure, ave

grand plaisir, la pièce de votre façon dont vous me parlez. J'ai reçu, hier, une lettre de M. le président Bouhier*; il me dit de mettre sous votre enveloppe, qui est franche, un catalogue de livres que je dois lui envoyer. Vous voulez bien permettre que cela soit ainsi; mais ce ne sera qu'à mon retour à Paris. Je compte vous en écrire souvent, et réparer en quelque façon l'accident arrivé à votre lettre, par mon em ́pressement à exécuter vos ordres. Je suis, avec le plus sincère attachement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

LECLERC DE BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

IX

AU MÊME.

Buffon, près Montbard, le 25 octobre 1732.

Je vous envoie ci-joint, monsieur, un catalogue de livres italiens que je vous supplie de faire remettre à M. le président Bouhier; il vient de m'arriver à Paris, où je ne compte plus retourner si tôt que je vous l'avais dit. Vous ne devineriez pas, monsieur, ce qui me retient ici, et vous ne vous seriez pas douté que mon père, à l'âge de cinquante ans, pût devenir assez amoureux, ou, pour mieux dire, assez fou pour me faire craindre un second mariage, et cela avec une fille de vingt-deux ans, qui n'a presque pour elle que sa jeunesse1. Vous sentez, monsieur, le tort que me ferait cette affaire; aussi vous pouvez juger de toute la force avec laquelle je m'y oppose. Comme j'ai des espérances de réussir, je vous prie de tenir ceci secret. Pour moi, monsieur, je me fais un plaisir de n'en point avoir pour vous; l'amitié dont vous voulez bien m'honorer, et l'estime que j'ai pour vous, ne le permettraient pas. Il y a plus, c'est une convenance entre la situation où je me trouve et celle où je vous ai vu quelque

fois; je veux parler du mécontentement d'un fils bien né, causé par un père ou dur ou passionné. Toutes ces choses ensemble me font trouver un grand plaisir à vous faire part des peines de ma situation; je voudrais avoir mérité que vous y prissiez quelque part.

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On débite ici comme une nouvelle que M. le comte de Tavannes est nommé à l'ambassade de Portugal; je serais bien aise de savoir si elle est vraie.

Permettez-moi de vous prier de m'aider à vendre ou à louer notre maison à Dijon3; en cas que vous connussiez quelqu'un à qui elle pût convenir, vous me ferez, monsieur, un grand plaisir de me les procurer. J'ai l'honneur d'être, avec le plus respectueux attachement, monsieur, votre trèshumble et très-obéissant serviteur.

LECLERC DE BUFFON.

M. le président Bouhier a eu la bonté de m'écrire qu'il parlerait de notre maison à M. le marquis de Vienne', qui en cherche une à louer.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Vesvrotte.)

X

AU MÊME.

Dijon, le 29 janvier 1733.

J'eus, monsieur, l'honneur hier de voir Mme votre mère, et demain j'aurai celui de diner avec elle et votre bon ami M. le président Folin'. Vous pouvez vous imaginer, monsieur, si vous eûtes bonne part à notre conversation d'hier; elle me demanda beaucoup comment vous vous amusiez à Paris, s'il était vrai que vous fussiez lié d'amitié avec Milord Duc. Je lui répondis à tout cela comme si je l'eusse parfaitement su et comme si je l'avais vu de mes yeux. Ainsi n'allez pas me démentir auprès d'elle. Que vous seriez heu

CORRESP. DE BUFFON I

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