Page images
PDF
EPUB

demander des nouvelles, et je vous supplie de m'en donner, si vous avez un moment où vous ne soyez pas occupée auprès de votre enfant. Je vous félicite de votre courage; je plains tendrement vos inquiétudes, et je souhaite ardemment de savoir tous les détails qui vous concernent. Je vous les demande avec instance. Voilà une lettre pour Mme de Prévots, que j'attends ici tous les jours. Si vous êtes à Chevigny, je l'enverrai prendre à Semur, si cela vous convient; elle n'aura qu'à me le faire dire.

BUFFON.

(Inédite. Communiquée par M. Léon de Montbeillard à M. Beaune, qui a bien voulu, à son tour, nous en donner connaissance.)

LXXXVI

AU PRÉSIDENT DE BROSSES.

Montbard, le 27 juin 1766.

Il n'y a que trois ou quatre jours, mon très-cher Président, que j'ai cessé de souffrir. J'ai eu depuis le mois de mars cinq atteintes d'une violente colique d'estomac, dont la dernière a duré douze jours et m'avait entièrement abattu. Je me suis mis au régime du lait, et je m'en trouve très-bien; les douleurs ont cessé et je reprends des forces. Sans une excuse aussi légitime, je vous demanderais pardon, mon cher ami, de n'avoir pas répondu à votre lettre si honnête et toute remplie de sentiments d'amitié, que vous m'avez écrite dans le temps de votre arrivée à Paris. J'ai été aussi extrêmement peiné du contre-temps qui m'a privé du plaisir de vous voir. Je retourne à Paris le 14 du mois prochain, et peut-être alors en serez-vous parti. Vous devriez au moins, mon cher Président, nous donner un jour ou deux à Montbard; je vous enverrais des chevaux à la Maison-Neuve, qui vous ramèneraient à Montbard, au cas que vous partiez avant le 10 juillet; car, si vous partiez plus tard, cela ne serait plus possible,

étant obligé de partir moi-même le 12 ou le 13 au plus tard. Je vous envoie ci-joint un billet pour M. Daubenton le jeune', pour qu'il vous fasse tirer une suite de nos animaux et squelettes; et assurément, mon cher ami, je ne permettrai pas que vous payiez les frais de cette petite œuvre, que je serai enchanté de mettre dans votre portefeuille.

Sainte-Palaye' et d'autres de mes confrères de l'Académie française ont pu vous dire combien j'avais fait d'éloges de votre dernier ouvrage, et combien j'ai dit qu'il devait vous mériter une place à l'Académie. Entre nous, il est sûr qu'en fait de grammaire il y a autant d'esprit dans votre livre qu'il y a de matière dans celui de Sainte-Palaye, qui cependant lui a mérité cet honneur.

Je vous embrasse, mon très-cher ami, bien sincèrement et de tout mon cœur.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Brosses.)

BUFFON.

LXXXVII

AU MÊME.

Montbard, le 1 septembre 1766.

De tout mon cœur je vous fais mes félicitations, mon trèscher Président, sur votre heureux mariage1; car je ne doute pas qu'il ne le soit en effet, puisque vous épousez vos amis2, et que votre jeune dame ne peut manquer de tenir de ses dignes parents. Cela me fait d'autant plus de plaisir que j'avais fait quelques ouvertures d'un autre côté, et que je devais vous écrire que ces gens-là portaient leurs prétentions trop haut. Nous chercherons ailleurs pour Mlle votre fille3, et ma femme serait enchantée de vous donner des marques de son amitié, qui depuis longtemps est fondée sur la haute estime qu'elle m'a toujours vu faire de votre esprit et de votre cœur.

Elle est restée à Paris pour nous arranger dans une nouvelle maison à portée du Jardín du Roi, où j'ai cédé mon logement pour agrandir les cabinets. On m'a traité honnêtement pour mes dédommagements, mais non pas magnifiquement*, comme on le dit à Dijon; et, en honneur, les motifs de l'intérêt personnel n'ont aucune part ici, et je ne me suis déterminé que pour donner un certain degré de consistance et d'utilité à un établissement que j'ai formé. Tout était entassé! tout périssait dans nos cabinets faute d'espace. Il fallait deux cent mille livres pour nous bâtir. Le Roi n'est pas assez riche pour cela; son contrôleur général a pris un parti qui ne leur coûtera que quarante mille livres pour l'arrangement du tout, et il me paye le loyer de ma maison; ainsi vous voyez que cela ne fera tout au plus que la fortune du Cabinet, et cela me suffit; car je suis content de la mienne, quoique assez médiocre.

Vous n'avez pas encore votre suite de planches des animaux et de leurs squelettes, parce qu'il faut que vous l'ayez complète, et qu'on achève de graver les animaux du XV volume; ainsi vous n'aurez le tout que dans deux ou trois mois. Jouissez, en attendant ces squelettes, d'une belle chair bien ferme et bien fraîche, et, dans les plaisirs de l'amour, n'oubliez pas les douceurs de l'amitié et les sentiments tendres et sincères que je vous ai voués pour ma vie.

BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Brosses.)

LXXXVIII

FRAGMENT DE LETTRE AU PRÉSIDENT DE BROSSES.

Montbard, le 17 janvier 1767.

.... Je me suis transporté sur les lieux et la chose m'a paru évidente; elle a paru telle aussi à M. Gueneau1, maire de Se

mur, qui est un homme éclairé; M. Guenichot', conseiller à votre Parlement, qui a bien voulu aussi se transporter sur les lieux, en a jugé comme moi. Mais cette affaire est ici soutenue par des prêtres et a été très-mal conduite par ces pauvres gens, qui n'ont ni ressources ni protections. S'ils perdent leur procès, ils seront non-seulement noyés chez eux, mais tout à fait ruinés 3. Je n'y prends d'autre intérêt que celui de l'humanité, et ce motif est bien puissant sur une âme comme la vôtre, et j'y compte plus que si l'affaire vous était recommandée par des puissances.

Il y a quinze jours que je devrais être à Paris; mais le mauvais temps m'a retenu, et je pars dans deux jours pour revenir à Pâques et retourner au mois de juillet. Je vous dis cela d'avance, mon très-cher Président, dans l'espérance que nous pourrons nous rencontrer. Ma santé me tracasse toujours et n'est pas encore parfaitement rétablie. J'entends dire avec grand plaisir que vous vous trouvez très-bien de votre nouveau ménage. Je partage vos joies, mon cher ami, et je vous prie de faire passer mes sentiments et mes respects à votre jeune dame. Ma femme est à Paris depuis cinq semaines, où elle arrange notre nouveau logement, rue des Fossés-SaintVictor. Mandez-moi si je vous ai envoyé les derniers volumes de l'Histoire naturelle; le XV va paraître, mais il ne contient guère que des tables.

Thomas doit être reçu jeudi". Savez-vous que l'abbé Coyer®, avec sa petite prédication, s'est mis sur les rangs? Abbé pour abbé, j'aimerais mieux l'abbé Le Blanc, qui n'a manqué la place que d'une voix, qui est mon ancien ami et un très-honnête garçon. Je vous le recommande d'avance; car il me paraît, mon cher Président, que vous ne pouvez pas rater la première place'. Je ne vous souhaite avec cela qu'un fils, parce que j'imagine que ces deux objets suffisent à votre bonheur, auquel je m'intéresse comme au mien.

Au nom de Dieu, faites quelque chose pour mes pauvres gens de Montbard; j'ai leur affaire fort à cœur, parce que

je la crois très-juste et qu'ils sont les victimes de la passion

des prêtres.

Je vous embrasse bien tendrement et de tout mon cœur.

BUFFON.

(Inédite. De la collection de M. le comte de Brosses. Le commencement de cette lettre manque.)

LXXXIX

AU PRÉSIDENT DE RUFFEY.

Paris, le 13 février 1767.

Ce n'est que depuis quelques jours, mon cher Président, que je suis de retour à Paris et que j'ai reçu votre lettre avec les listes qui y étaient jointes. Je vous remercie d'abord de tous les sentiments d'amitié dont elle est remplie, et je vous supplie de me les conserver, comme en étant digne par le retour de tous les miens. Je vous félicite ensuite sur la gloire de votre Académie; cet établissement n'a pris forme que depuis vos soins, et vous y avez plus fait que le fondateur même. Je suis bien aise que vous ayez été content du mémoire de M. Gueneau 1; c'est un homme d'un mérite supérieur, et je regretterai toujours de ce qu'il a voulu se fixer à Semur, sans pouvoir le blâmer d'avoir préféré une vie aisée et tranquille au tumulte de ce pays-ci. J'habite actuellement une assez belle maison rue des Fossés-Saint-Victor, à mille pas de distance du Jardin du Roi, ce qui me donne la facilité d'y aller à pied pour y donner mes ordres. J'ai cédé mon logement pour étendre le Cabinet, qui commençait à s'encombrer au point de ne pouvoir s'y reconnaître. Si vous voyez notre ami le président de Brosses, je vous prie de lui faire mille tendres compliments de ma part, et de le prier de se souvenir des pauvres gens de Montbard dont je lui ai recommandé le procès. Que dites-vous tous deux du discours de M. Thomas à l'Académie. française? On trouve ici qu'il y a bien de la pensée dans les

« PreviousContinue »