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aux habitans des campagnes. Après avoir été conquérant barbare, il étoit devenu souverain compatissant, et il sembloit vouloir expier les ravages, en semant les bienfaits. Il fit bâtir de ses épargnes, près de cent villages,et défricher, sur ses avances, une grande étendue de terreins incultes. Il rassembla dans ces hameaux tout neufs une foule de familles étrangères et laborieuses; leur donnant une maison, un attelage, une charrue et des troupeaux. Il fit venir d'Angleterre et d'Espagne des béliers de la meilleure race pour repeupler les bergeries et rafiner les laines. Il s'informoit, chaque année, de leur produit et de leur accroissement. Pas un habitant de village, pas un bourgeois de la cité, pas un étranger même qui ne fut admis à lui parler ou qui ne fût autorisé à lui écrire. On vantoit sa correspondance avec Voltaire et avec Dalembert: ma correspondance avec mes laboureurs est bien au dessus, réponditil, et c'est mon meilleur ouvrage. Il disoit aussi avec une seule journée du roi de France, je ferois le bonheur d'une province.

On évalue à cinq millions d'habitans la population de la Prusse. Des asyles sont fondés pour les orphelins. On entretient à Postdam, qui est le Versailles des rois Prussiens, une maison de cinq mille enfans de soldats. Lorsqu'ils atteignent l'âge de huit ans, on en distribue une grande partie à la campagne, chez des fermiers, auxquels on donne treize écus par an pour élever leur enfance: ce qui fait d'eux une pépinière d'agriculteurs, s'ils se consacrent à la terre, ou une recrue de soldats, si on les attache au service.

La Prusse recueille assez de bled pour nourrir ses habitans, et pour en faire une exportation considérable. Cette exportation est non-seulement libre, mais favorisée. Le peuple se garde bien d'y mettre aucun obstacle. L'expérience lui a démontré que l'abondance des grains dépendoit constamment de leur circulation. Nul royaume peut-être n'est mieux instrait, ni mieux situé à cet égard. Environné des pays fertiles de la Pologne, de la Bohême et de la Saxe, il se trouve en quelque sorte au milieu des plus vastes greniers du Nord. Les possesseurs de ces greniers sont mênie

obligés d'en verser une grande portion en Prusse, car ils ne peuvent rien exporter par la mer, qu'ils ne traversent les états prussiens, en navigant sur l'Elbe, l'Oder, la Vistule et la Sprée.

Berlin est au bord de la Sprée, et il est florissant par un grand nombre de manufactures dont la plupart ont été fondées par des réfugiés François, lors de la révocation de l'édit de Nantes. Le Brandebourg se peupla des familles et s'enrichit des talens que Louis XIV, trompé par les évêques, persécutoit par ses dragons et proscrivoit par ses édits.

Breslau, capitale de la Silésie, est renommé par le commerce des toiles unies, ou damassées, qui le disputent à celles de la Saxe; par des imprimeries de toiles peintes, que celles de l'Angleterre surpasse à peine; par des papeteries qui ne sont inférieures qu'à celles de Hollande et d'Annonay; et par des forges et des usines où le fer est travaillé avec autant de perfection qu'en Suède.

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Francfort sur l'Oder, par un canal qui joint l'Oder à la Sprée, forme une communication avec Breslau et Hambourg. En travaillant à creuser le canal, on déterra une grande quantité d'urnes sépulchrales, remplies des cendres des anciens Vandales qui habitoient la Pomeranie prussienne, et qui à l'exemple des anciens Romains, livroient aux flammes les cadavres, plutôt que de les abandonner aux vers, recueillant ensuite une cendre chérie dans un vase sacré que l'on déposoit dans le sein de la terre, ou que l'on gardoit religieusement au sein de sa famille, le temple des vertus domestiques et sur-tout de la piété filiale.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Décre sur l'uniformité des poids et mesures.

Le vaste empire François étoit autrefois partagé en un grand nombre d'états divers et indépendans. Chacun de ces peuples avoit ses lois, ses habitudes et sa langue particulière; et chacun d'eux, en se réunissant, les act conservées. Quand on voyageoit en France, a

croyoit parcourir cent petits royaumes différens de province en province, et, presque de contrée en contrée, on se trouvoit en pays étranger. Le despotisme tiroit parti de ce désaccord universel. L'union est ami de la liberté. La gloire de l'assemblée nationale est d'avoir renversé les barrières et les privilèges qui divisoient la France, d'avoir fait de ces domaines inégaux, de ces régimes variés, un juste ensemble, un corps bien proportionné dans toutes ses parties.

De jour en jour, nous verrons disparoître la bigarrure des coutumes; nos législateurs les changeront par-tout en lois générales. Cette uniformité, celle de l'instruction publique, celle des administrations produira bientôt l'uniformité des langages; et Picards et Gascons renoncerontà leur patois, pour être aussi bons François par la langue que par le coeur.

Mais les poids et les mesures sont une sorte de langue; c'est celle du commerce. Il y en a en France de cent noms, grandeurs et formes diverses. Pour augmenter l'embarras, on en trouve qui sont tout-à fait différentes avec des noms semblables. Il faut les rendre par-tout uniformes. L'assemblée nationale a conçu un grand projet. Ce n'est pas seulement aux François, c'est à l'Europe, c'est au monde entier qu'elle veut donner les mêmes poids, les mêmes mesures. Déja, par un décret précédent, elle a désigné une mesure astronomique, invariable, universelle et susceptible d'être rendue commune à tous les peuples de la terre. Des géomètres profonds, des savans de tout genre sont charges de l'exécution de ce décret. Le roi se concertera avec les nations étrangères elles s'empresseront d'y concourir: c'est l'intérêt commun de tous les hommes.

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Dès que les mesures sont uniformes, le commerce est simple. Ventes, achats, échanges, marchés de tout genre sont des choses faciles. Le villageois le moins habile peut alors débiter lui-même toutes ses denrées; il peut choisir le marché où il espère mieux les vendre.. Le commerce est le grand intérêt des peuples. Il unit les nations, quand leurs despotes les divisent. Surtout il répand l'amour de la liberté. C'est par les communications du commerce que les peuples voisins ap

prendront à sortir comme nous de esclavage. Etablir l'uniformité des poids et mesures en Europe, c'est le premier pas à faire pour parvenir à l'uniformité des constitutions. Heureux le jour où tous les hommes mesureront leurs droits sur le même niveau, comme ils péseront leurs denrées dans la même balance!

Situation actuelle des forces du royaume.

L'assemblée nationale a décrété que l'armée seroit portée au complet de paix. En conséquence, l'ordre a été donné aussitôt de former trente régimens d'infanterie de 750 hommes par bataillon, et vingt régimens de cavalerie de 170 hommes par escadron. Ce complet se forme avec le plus grand succès. Une foule de soldats vont se ranger sous les drapeaux aux trois couleurs.

Il doit y avoir maintenant,

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Artillerie. Il y a, à-peu-près, autant de bouches-àfeu qu'il en faut pour garnir les frontières : il ne s'agit que de les distribuer plus à propos. Le roi, qui concourt avec la nation à leur sûreté commune, a ordonné que. l'on portât à mille, le nombre des chevaux qui servent à transporter les canons; il n'y en avoit que trois

cents.

Fusils. Après ceux qui ont été distribués, il en reste dans les magasins cent quatre-vingt-quinze mille. Ce nombre n'est pas suffisant. Aussi le roi a donné des ordres dans les manufactures pour qu'on en fabriquât de nouveaux.

Subsistances militaires. Il y a dans les magasins trois cent soixante mille sacs de grain, et les achats se

continuent. Cela assure à l'armée pour dix-huit mois de subsistance.

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On a donné lordre de faire 1200 caissons pour fournir aux équipages des vivres..

Les hôpitaux sont approvisionnés.

Campemens. Le roi a pris des mesures pour pourvoir aux objets nécessaires pour les campemens. Ainsi, quand il y auroit quelque chose à redouter des étrangers, nous sommes prêts à les recevoir. L'Alsace a maintenant quinze mille soldats pour sa défense elle en aura bientôt dix-buit mille; soldats libres qui n'auroient à combatire que des soldats esclaves. Mais. les princes érrangers ne songent pas à nous attaquer. Les rois commencent à sentir que leur intérêt est de faire le bonheur de leurs peuples, et non pas de troubler le repos des autres.

Nouveau Décret sur les successions.

Ce décret veut que les étrangers, quoique établis hors du royaume, soient capables de recueillir en France les successions de leurs parens, même François.. On opposoit que les étrangers n'en agissent pas tous ainsi envers nous l'assemblée nationale a jugé, que s'il y a des nations injustes, ce n'est pas une raison pour que nous le soyons aussi.

Décret sur les revenus des Hôpitaux.

Les pauvres ne doivent pas souffrir de la suppres sion des dîmes et autres rentes des hôpitaux, qui pourroient être supprimées par les décrets. L'état, qui jouit de ces suppressions, doit des indemnités aux hôpitaux. L'assemblée a ordonné qu'il lui seroit fourni un état de ces revenus, et qu'en attendant, il seroit pourvu, par le trésor public, à l'indemnité due aux pauvres. Il sera même fourni des avances là où il sera nécessaire.

Notice mortuaire sur M. de Mirabeau.

Les habitans de la campagne ont entendu parler si souvent de M. de Mirabeau, qu'ils doivent être curieux

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