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Er 1325.666.2

HARVARD COLLEGE LIBRARY
FROM THE AULARD COLLECTION

GIVEN IN MEMORY OF
ARCHIBALD CARY COOLIDGE
OCTOBER 10, 1932.

AVERTISSEMENT.

CE Profpectus étant deftiné aux Soufcripteurs, on a aru pouvoir se permettre un ftyle plus élevé que celui qui convient à la Feuille Villageoife, & l'on s'eft laiffé entraîner par la grandeur du Projet. On fera plus fimple dans fon exécution, & l'on n'oubliera jamais que l'on écrit pour de bons Villageois auxquels il faut traduire toutes les expreffions qui ne font pas dans leur langue, & quelquefois même les penfées enveloppées qui font dans leur efprit. C'eft une fonction plus délicate que l'on n'imagine. C'est celle dont s'aquittoit fi bien Socrate en enfeignant la Morale aux Grecs les plus frivoles, & Fontenelle en expliquant aux gons du Monde les autres Mondes qu'ils ignoroient.

C

PROSPECTUS

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

UN Membre de l'Affemblée Nationale qui, soit

dans fes Ecrits, foit dans fes Difcours, ne s'est pas départi un feul moment des vrais principes de la Légiflation, M. Rabaut de Saint - Etienne ; un Littérateur qui, malgré fa jeunesle, a manifefté des connoiffances étendues & un coup-d'œil profond, M. Grouvelle; un Ecrivain qui, tour-àtour, a invité les Peuples à la Liberté & à la modération, M. Cérutti, réunis par les mêmes fèntimens, & dégagés de toute ambition, fans en excepter l'ambition Littéraire, ont concerté le Plan d'une Feuille nouvelle, peu brillante mais utile & prefque indifpenfable.

Sans ceffe méditant fur la Conftitution Françaife, ils ont compris que pour la faire triompher de tous les obftacles & chérir de tous les Citoyens, il falloit que la Monarchie s'é clairât dans toutes fes parties à-la-fois, depuis la Capitale jufqu'aux Frontieres, & depuis les Académies jufqu'aux Hameaux.

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Affez de Philofophes, de Publiciftes & de Savans en tout genre, veilleront pour propager, dans les Claffes inftruites de la Société, la Science du Gouvernement & la Culture des Arts agréables. Aflez d'Ecrivains même confacreront leur plume à développer l'efprit & à former les mœurs de la foule ignorante qui habite les Villes. Pour nous c'eft à la portion la plus nombreuse & la plus utile de l'Etat, c'eft à la Race négligée qui féconde les campagnes, que nous voulons procurer l'inftruction facile, graduelle & uniforme qui lui eft devenue néceffaire.

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Ce Peuple, qui doit fes vertus à la Nature, & dont les vices étoient l'ouvrage de l'Adminiftration " compté pour rien jufqu'à nos jours, dans le Systême du monde, étoit abandonné à la plus épaiffe ignorance. Elle fembloit moins, fatale pour lui, tant que réduit au fort de l'ani-1 mal, compagnon de fes travaux, il ne représen toit qu'un Automate laboureur; mais aujourd'hui qu'il repréfente un Homme libre, aujourd'hui qu'il eft devenu un Citoyen armé, aujourd'hui qu'il pofféde le droit fouverain d'élire & d'être élu, il faut lui apprendre en même-tems deux grandes chofes, à JUGER & à OBÉIR.

La Liberté fans laquelle il n'exifte point de véritable Empire, & l'ordre fans lequel il n'exifte point de Liberté durable , ne peuvent s'allier,

que par l'autorité réunie des Loix & du bon fens. La longue tyrannie des préjugés antiques, le trouble inévitable des réformes fubites, les confeils pervers des Mécontens, & la contagieufe influence de l'éxagération, ont égaré, ont affoibli le bon fens populaire il faut le ramener, il faut le raffermir dans ces têtes innombrables, qui n'ont que lui pour fe conduire. On a rendu à chaque Payfan l'arme de la Liberté, il eft tems de lui rendre le flambeau de la Raison.

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C'eft par des lectures courtes, faciles & habituelles c'eft par des feuilles fimples & précifes que l'on peut répandre fur les Campagnes la' clarté qui leur manque. Mais il faut que ces lectures, mais il faut que ces feuilles foient habilement proportionnées à la conception tardive ou mal-aifée des Lecteurs auxquels on les deftine. Il n'eft aucune vérité en Politique ni en Morale, ni dans les Arts que vous ne puiffiez réduire au fimple bon fens & mettre à la portée des efprits les plus incultes, fi vous la faites defcendre de fon élévation ou fortir de fa profondeur, fi votre métaphyfique fe rend fenfible par des images familieres, & fi le raifonnement marche par gradation du principe connu au principe ignoré, & d'une logique naturelle à une logique plus délice & plus fubtile. Cet Art de popularifer les idées demande un efprit qui remonte aux caufes, qui obferve les

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effets, qui embraffe l'enfemble & qui fépare les détails. Il veut auffi une plume qui poffede tous les fecrets, toutes les reffources de la langue. Loin de ce travail, la phrase embarraffée, le ftyle peu naturel, la fauffe acception des mots, les termes trop favans de l'Art. Ainfi donc la Feuille Villageoife ne fauroit être l'œuvre d'un homme médiocre ou fuperficiel, puifqu'elle exige au contraire un Philofophe capable de tout approfondir, & un Ecrivain habile à tout fimplifier.

Nous fommes bien éloignés de croire que nous réuniflions ces qualités; mais exercés dès longtems à écrire, accoutumés à réfléchir, aidés par le cours des idées publiques, & animés tout-à-lafois par la difficulté & par l'importance de l'entreprife, nous ofons nous préfenter pour être les Profeffeurs, les Journalistes des Hameaux.

Voilà comment nous avons conçu cette rédaction, voici comment nous devons l'exécuter. Il paroîtra, chaque Semaine, & de Jeudi en Jeudi, à dater du 30 Septembre prochain, une Feuille de feize pages d'impreffion in-8°. fur du papier commun, mais en beaux caracteres, laquelle contiendra, fous une forme fimple & dans un ftyle clair, l'expofé fucceffif des Loix, des Evénémens, des Découvertes qui peuvent intéreffer les Campagnes.

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