Page images
PDF
EPUB

venir sans cesse à celle du monarque. On mitigea l'inégalité des conditions en faisant tomber l'insolence des privilèges. Les impôts fu ent allégés en se propor tionnant aux fortunes et en ne pesant que sur les riches. Une chambre de finances, et des baillis correspondans avec elle, eurent deux grandes fonctions, l'une de protéger le trésor contre les ministres, l'autre de protéger la campagne contre les seigneurs. Dès-lors le paysan fut à l'abri de tout concussionnaire. Mais en favorisant le sort des laboureurs, on n'encouragea pas. leur paresse: une loi sévère condamna les possesseurs d'un champ non cultivé à le vendre à leurs parens ou à leurs voisins plus laborieux. Cette rigueur fit fleurir tout-à-coup des terres long-temps incultes. Une loi, aussi favorable à la culture et plus analogue à la liberté, fut celle qui extirpa du royaume cet esclavage de la glèbe, cette main-morte, une des sept plaies du règne féodal. Cette servitude qui duroit depuis onze siècles fut abolie en un moment par Frederic III. En rachetant ainsi un million de captifs, le despote du 'Danemarck en parut le rédempteur. Ce qui répare encore mieux, ce qui du moins borne davantage l'exorbitant pouvoir donné aux monarques Danois, c'est que le code civil et criminel, institué par eux est jusqu'à présent le meilleur de l'Europe. Il est d'une simplicité et d'une modération vraiment admirable. Toutes les dispositions en sont si claires, si précises, si humaines que le mortel le moins juste est forcé d'adorer la justice, et que le paysan le moins instruit est en état de juger sa propre cause. Aussi en Danemarck existe-til fort peu de praticiens et presque pas de scélérats au de brigands. On diroit que Dieu qui donne les despotes pour fléaux à la terre, les a donnés pour gardes au Danemarck.

Malgré ce bienfait, peu envié des nations libres, le Danemarck, en y comprenant la Norwège, l'Islande, le Groenland, le Spitzberg, et la nouvelle Zemble, ré gions glaciales et peu fécondes, ne compose guères plus de trois millions de sujets. Les armées cependant peuvent monter à soixante et quinze mille hommes, et les escadres à quarante vaisseaux. Le paysan'est

་་

[ocr errors]

obligé de se faire enrôler dans la milice nationale depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à celui de quarante.. Le commerce des bleds y est abondant parce qu'il est, vest libre. Celui des bestiaux, et nommément celui des chevaux produit beaucoup parce qu'il est encouragé. La compagnie des Indes y est moins opulente parce qu'elle est très-privilégiée et très-fastueuse. Elle possède neanmoins des colonies fertiles et de nombreux comptoirs. Un des plus magnifiques droits de la couronne, et dont elle n'a point encore abusé par miracle, c'est de présider à la banque nationale. Un autre droit de la couronne, si l'on peut nommer ainsi une tyrannie convenue, c'est le péage du Sund. Par ce fameux détroit, la clef de la mer Baltique, passent et repassent tous les ans près de trois mille vaisseaux étrangers, assujettis, depuis un temps immémorial et par une foule de traités, à une taxe qui est à-peu-près d'un pour cent sur chaque marchandise. Un si riche tribut. payé par les navigateurs de l'Europe entière entre dans la cassette du roi, qui semble par-là le fermier général du commerce européen.

Dès le neuvième siècle, la nation Danoise, navigatrice et conquérante a étendu ses possessions sur l'océan et vers le pôle hyperborée, c'est-à-dire le plus avancé dans le Nord.

Telle est la Norwège, pays couvert de glaces et de forêts qui semblent aussi anciennes que le monde. Les mâts des vaisseaux qui flottent sur nos mers sortent presque tous des bois de la Norwège.

Telle est l'Islande, contrée affreuse, sans cesse agitée par des ouragans, terribles, et en proie à un volcan fameux qui brûle au milieu des neiges. C'est le Mont-Hécla. Le phénomène le plus frappant de l'Islande, c'est que pendant deux mois de l'été le soleil ne se couche qu'à demi sous l'horizon, et qu'il ne se lève qu'à moitiè pendant deux mois de l'hiver.

Tel est le Groenland, plage éloignée, et que les navigateurs ont cru long-temps voisin de l'Amérique et le plus court chemin des deux mondes.

Tel est le Spitzberg, côte sauvage et maritime, fréquentée par les baleines, et renommée par leur pêche.

Telle est enfin la nouvelle Zemble, solitude enfoncée dans les déserts du pôle, et remarquable par une singularité intéressante dans l'histoite de la nature : c'est que les glaces, détachées du pôle, arrivant par les fleaves et les mers qui bordent la nouvelle Zemble. y apportent des ours, des renards et des loups qui vivent et voyagent de compagnie sur ces montagnes flottantes.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Décret général sur les successions ab intestat (*).

Toute inégalité ci-devant réfultante entre héritiers, ab intestat, des qualités d'aînés ou puis-nés, de la diftinction des fexes ou des exclufions coutumieres, foit en ligne directe, foit en ligne colla. terale, eft abolie,

"Toys héritiers en égal dégré fuccéderont, par portion égale, aux biens qui leur font deférés par la loi. Le partage fe fera, de même, par portion egale, dans chaque fouche, dans les cas où lạ représentation est admife. En confequence, les difpofitions des coutumes qui excluroient les filles ou leurs defcendans du droit de fuccéder avec les mâles ou les defcendans des mâles, font abolies",

Cette fage loi étoit bien neceffaire. La France, compofée autrefois et fucceffivement de plufieurs peuples, avoit garde, pour cha gue pays, les loix de chacun d'eux. Chez plufieurs ce n'étoient pås mène des loix, c'étoient des coutumes. Elles varioient à chaque pas. Au delà d'une rivière, c'étoit une coutume, en deçà, c'en étoit une autre; on eût dit que nous étions vingt peuples différens et étrangers les uns aux autres. Maintenant il n'y a plus de Breton's, de Dauphinois, de Provençaux : il n'y a que des François. Un feul peuple, nne feule loi, Mais il faut une loi jufte, et c'en étoit une bien barbare que celle qui, dans la fucceffion, d'un homme mort fans tefter, donnoit prefque tout à l'aîné, et ne laiffoit prefque rien aux cadets. La patrie, qui prend la place des morts et qui tefte pour eux, doit traiter tous leurs heritiers légitimes avec une égalité maternelle.

(*) Cette expreffion peut embarraffer quelques-uns de nos lec teurs, Un homme meurt fans difpofer de fes biens par teftament. lors ces biens fe partagent entre fes héritiers, fuivant les coutumes tois du pays où ils font situés: c'est ce qu'on appelle fucceffion ab inteftat.

Sur les indemnités dues par les fermiers aux propriétaires, à raison de la dime et des impositions que les fermiers étoient chargés d'acquitter par leurs baux. 46°26.

Nous n'avions dans le dernier N°. donné qu'une idée de ce décret en voici les huit premiers articles, les plus effentiels. Cet objet est très-important. Il a occafionné de vives contefta tions. La loi prononcera. La loi appaife tous les débats. Comine elle est pour tous, aucun ne peut s'en plaindre; celui même qu'elle condamne, fe confole, en fongeant qu'elle fera pour lui une mare 179l.

autre fois. dieren. Dus

Art. I. La valeur de la dime de chaque fermage étant fixée à l'amiable ou à dire d'experts, à une somme annuclie une fois pour toutes les années du bail, le fermier, jufqu'a l'expiration de fon bail, en paiera le montant chaque année au propriétaire, en argent et en deux termes égaux; le premier, au 15 décembre après elaque recolte; et le fecond au 15 Juin fuivant. La fomme annuelle fera hxée une fois pour toutes les années du bail.

"Il. Aux mêmes époques, le fermier paiera de plus, chaque ee, jufqu'a l'expiration de fon bail, aux propriétaires ou poffelleurs, une femme égale à celle des tailles, acceffoires, capiation taillable, fouages, impofitions equivalentes et contribution pour les chemins auxquelles il aura cle. perfonnellement cottile fur les rôles de 1790, à raifon de chaque objet de fermage.

» III. Les fermiers, métayers ou colons qui, par leurs baux, étoient expreffement affujetis à l'acquittement des vingtiemes tiendront compte chaque année au propriétaire d'une fomme égale à celle que le bien affermé a dû acquitter en 1790, pour cet objet. Ils en feront les paiemens aux mêmes époques que celles ci-deffus fixées.

» IV Les fermiers, fous-fermiers métayers et colons ne pour ront être alujetis à aucune autre indemnite, foil raifon des anciennes impofitions dont ils étoient tenus perfonnellement, fit à raifon de celles qui feront déformais à la charge des proprié. taires, quelles que foient les claufes qui ayent pu être inférées dans les baux paffés avant la publication du décret des 20, 22 ct 23 novembre 1790.

» V. Les fous-fermiers tiendront compte au fermier des impahtions et de la dime fuivant les règles prefcrites par les articles precedens; et le fermer tiendra compte au propriétaire de toutes les

[graphic]
[graphic]

fommes qu'il aura droit de recevoir d'eux pour cette indemnité.

VI. Les propriétaires qui ont paffé des baux après la promulgation du decret du 14 avril dernier, ne pourront réclamer de Jeurs fermiers, fous-fermiers, métayers ou colons, la valeur de la dime, à moins que ce ne foit une claufe expreffe du bail.

,, VII. Les fermiers, fous-fermiers, métayers ou colons dont les baux ont éte paffes depuis la publication du décret fur la contribution foncière, des 20, 22 et 23 novembre dernier, ne tiendront compte au propriétaire d'aucune portion de cette contribution, ni des fols pour liv. repartis au marc la livre, à moins que ce ne foit une claufe expreffe du bail.

" VIII. Les colons ou metayers qui partagent les fruits récoltés avec les propriétaires, fermiers, ou fous-fermiers, leur tiendront compte, conformément aux articles précédens, de la valeur de la dime en proportion de la quotité de fruits qui leur appartient, ́et du montant des impofitions auxquelles ils ont été cotises en 1790, à raison de leur exploitation.

Sur la régence et sur la garde du roi mineur.

Plusieurs articles nouveaux concernant la régence ont été décrétés. En voici les principales dispositions: Si aucun parent du ror mineur n'avoit les qualités requises, le régent sera elu. La forme de cette élection n'est point décidée.)

Dans l'espace de temps qui pourra s'écouler entre la mort du roi et l'élection du régent, les ministres réunis en conseil exerceront l'autorité royale.

Le régent exercera toutes les fonctions de la royautė, au nom du roi ; et il ne sera point responsable de tous les actes relatifs à ces fonctions.

Le roi sera majeur à l'âge de dix-huit ans. Le premier acte, par lequel il entrera en exercice de ses fonctions, sera une proclamation qui contiendra le serment constitutionnel.

La garde du roi mineur est un objet si important que la loi devoit la régler. C'est une sorte de tutelle, qui doit être distinguée de la régence. On regardoit autrefois la royauté comme le patrimoine et la propriété du roi ; alors ceux qui étoient chargés du soin de la personne, pouvoient aussi prendre soin de son bien Maintenant le royaume et le roi sont deux choses.

« PreviousContinue »