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VI. Le corps législatif rendra ensuite un décret portant qu'il sera publié dans tout le royaume, que le peuple françois a émis son premier vou pour la réforme qui sera l'objet des pétitions; cet objet sera annoncé dans le décret, lequel sera scélé du sceau de l'état, et publié sans avoir besoin de la sanction du roi; mais sera néanmoins, avant la publication, présenté au roi.

« La raison pour laquelle on dispense le décret de la sanction du roi est qu'il me semble que la sanction du roi tient lieu de l'acceptation du peuple françois, suivant la maxime du droit public très-connue que la loi doit être acceptée de quelque maniere que ce soit ».

VII. Si pendant la législature suivante il est adressé par les départemens au corps législatif des pétitions, ayant le même objet, et que par le recensement qui en sera fait, il soit constaté que ces pétitions sont formées par la majorité des citoyens actifs des départemens, le corps législatif rendra un décret portant qu'il sera publié dans tout le royaume, que le peuple françois a émis son second voeu pour la réforme qui sera l'objet des pétitions, et le reste comme l'article précédent.

VIII. Si pendant le cours de la troisieme législature.consécutive il est adressé, par les départemens au corps législatif, des pétitions ayant le même objet, et que par le recensement qui en sera fait, il soit constaté que ces pétitions sont fournies par la majorité des citoyens actifs des départemens, le corps législatif rendra un décret qui portera que le peuple françois a émis son troisieme voeu pour la réforme qui sera l'objet des pétitions, lequel sera énoncé dans le décret, et ordonnera aux administrateurs des départemens de faire convoquer, pendant quarante jours, les assemblées primaires de leurs départemens pour nommer les sujets qui devront composer une assemblée de révision, chargée de statuer sur la réforme pétitionnée.

A la suite de cet article, j'emprunte du projet du comité les 2, 3, 5 y compris le dernier paragraphe du titre 4, les 6 et 7 de la premiere section qui concerne la composition de l'assemblée de revision; je comprends ensuite les articles 21, / 22, 23, 24 et 25 de la troisieme section qui concerne les procédés de l'assemblée de révision; et je termine par une disposition portant que le corps législatif et le roi ne pourront d'eux-mêmes, de leur propre nouvement, sans demandes des citoyens soit conjointement soit séparément, ordonner l'assemblée de révison; mais pourront seulement, soit conjointement ou séparément, faire des proclamations,

lorsqu'ils les trouveront convenables; pour inviter les citoyens François à demander la réforme et la révision des dispositions constitutionnelles qu'ils croiroient en avoir be

soin.

M. Croix: Votre comité, messieurs, vous a présenté des idées que vous pouvez adopter. Vous pouvez reviser la constitution que vous avez adoptée; quant à moi, je pense qu'on pourroit rendre ces précautions inutiles, si, dès ce momeni, vous ne négligez pas les moyens qu'elle-même vous a indiqué, de la rendre bonne et de l'établir légalement. C'est sur la maniere d'atteindre à ce but, et sur-tout pour faire cesser le plusôt possible l'état monstrueux, j'ose le dire, où nous nous trouvons par la suspension momentanée de l'autorité royale, que je me permettrai de vous présenter quelques réflexions. Je les puiserai dans les titres qui m'ont donné, ainsi qu'à vous le droit de parler dans cette assemblée j'y vois par tout que les loix fondamentales qui y sont demandées ne doivent acquérir le caractere qui les rend obligatoires que lorsqu'elles anront été sanctionnées

da roi.

Ceux qui nous chargerent de la présenter, manifesterent une grande prudence et une volonté décidée à cet égard. Ils sentirent que leurs représentans pouvoient s'égarer, et chercherent une garantie qui les assurât que les droits politiques et la liberté ne seroient pas compromis par eux. Cette garantie, messieurs, ils la mirent dans l'autorité royale, et dans le roi qui les avoient convoqués. Ils ordonnerent que les loix se fissent avec sa participation; et c'est sur ce devoir important que j'ai voulu ramener vos réflexions; car jusqu'à ce jour on a voulu envelopper cette question d'un voile religieux qu'il faut entierément déchirer, et il est impossible qu'en la traitant vous ne reconnoissiez pas la vérité de ce que j'ai annoncé. D'après ces principes, la conduite que vous avez à tenir pour revoir et corriger votre ouvrage me paroît toute tracée. Elle consiste, selon moi, à faire présenter au roi votre travail, par une députation, dès demain, et de provoquer vous-mêmes les observations que l'intérêt du peuple pourra lui inspiter ( on rit à gauche). Réfléchissez, messienrs, qu'il est important que vous preniez cette mesure; et voyez que si vous ne l'adoptiez pas, vous vous trouveriez en opposition avec les ordres précis que vons avez reçus et chargés conséquemment de l'effrayante responsabilité d'avoir statué sur le sort d'une grande nation. Plusieurs membres: A l'ordre (murmures, A1. Gombert: C'est une critique de nos opérations.

ris).

M. Goupilleau: Vous détruisez la constitution dans ses, propres bases.

M. Croix Je dis que c'est vous-même qui l'attaquez ; vous vous mettez à la place de le nation dont vous n'êtes que les représentans.

M. Goupilleau Je veux refuter votre systême par ce grand principe: la souveraineté réside dans la nation; la' nation seule a le droit de faire une constitution.

M. Groix Mais, monsieur, je suis de cet avis -1 à (ah! ah!).

M. Goupilleau : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

Plusieurs membres : Rappellez l'opinant à l'ordre.

M. Croix Je demande à répondre je dis que je reconnois la souveraineté de la natioǹ ; mais je dis que vous n'êtes pas la nation, que vous n'êtes que ses représentans, et que la nation a voulu que le roi fût votre modérateur ( bruyans

murmures )..

Messieurs, je vous dois compte de mes observations quelque défaveur qu'elles éprouvent. Je demande quel est celui d'entre vous qui auroit l'amour-propre de croire qu'il ne s'est jamais trompé dans le cours de vos travaux.

Je demande s'il est une personne, si elle en étoit le maître, qui ne désirât y faire quelque changement.

Je conclus à ce que vous adoptiez le parti que je vais yous proposer dans un projet de décret très-court, et que je regarde comme le seul qui puisse rendre les loix obligatoires pour tous. Le voici :

Je demande la question préalable sur les plans qu'on vous a proposés, et je conclus à ce qu'une députation soit chargée de présenter l'acte constitutionnel au roi dès demain ; que le roi sera prié de se retirer dans tel lieu qu'il jugera convenable et propre à assurer la liberté de sa personne, et de son consentement; qu'il sera en outre prié ( plusieurs voix : prié?) de faire parvenir à l'assemblée telles observations que sa sagesse et l'intérêt du peuple pourront lui dicter, pour qu 'elle puisse en délibérer.

M. Frochot: Dans la question qui nous occupe, il faut nous roidir contre les machinations subtiles, je veux dire contre ce penchant irrésistible de la nature humaine, qui la porte sans cesse à changer de position pour atteindre un mieux chimérique, garantir la constitution contre l'attaque des factieux, contre les entreprises de ses délégués ou de ses représentans; enfin, donner à ce peuple souverain le moyen légal de réformer, dans ses parties, et même de changer.

en totalité la constitutution qu'il a jurée: tel est, ce me, semble, le véritable objet de la loi qui nous occupe

Il existe, dans l'acte même et dans la réformation partielle ou totale de la constitution, une différence sensible qui ne peut échapper à l'oeil du législateur. La réformation partielle est d'abord un besoin présumable dans toute constitution, mais plus prochainement encore pour une constitution nouvelle, Le changement total est un besoin plus difficile à prévoir, disons mieux, il est au-dessus de toute prévoyance. L'acte de réformer partiellement la constitution ne suppose pas nécessaire l'emploi de toute la souveraineté nationale. L'acte de réformer entiérement cette constitution, exige au contraire la plénitude de cette souveraineté. L'exécution d'une réforme partielle ne présente aucuns moyens extraordinaires, et peut s'effectuer sans que la paix soit troublée. L'exécution d'un changement total annonce au contraire une grande crise politique. De vives agitations l'accompagnent; elles subsistent encore long-tems après qu'elle est opérée. Enfin, la possibilité d'une réformation partielle éloigne la nécessité et sur-tout le desir d'un changement total. Les machines du gouvernement pouvant être ainsi perfectionnées, la faculté de détruire reste en effet, et cependant le besoin d'effectuer cette faculté n'existe plus on connoît même qu'il peut n'exister jamais.

:

Le droit d'effectuer un changement total annonce au contraire, après lui, le besoin où la connoissance nécessaire d'une réformation partielle. L'évidence d'un tel contraste suggere naturellement cette question : le pouvoir de changer la constitution est-il absolument inséparable du pouvoir de `réformer la constitution, lorsqu'une réforme partielle de la constitution est desirée par le peuple? faut-il nécessairement qu'avec le pouvoir de réformer, il confie à ses délégués le terrible pouvoir de détruire en entier? Je cherche en vain dans les principes, la cause essentielle de cette indivisibilité; les principes ne la démontrent pas, et je ne vois nulle part que l'opinion contraire soit une hérésie politique. Le peuple, de qui tout pouvoir émane, distribue, comme il veut et quand il lui plaît, l'exercice de sa souveraineté. Il en délégue telle partie, et s'en réserve telle autre. En un mot`, ઘેટ même qu'il remet au corps législatif la souveraineté purement législative; de même il peut donner à d'autres réprésentans la souveraineté réformatrice de la constitution, sans leur départir de plein droit la souveraineté constituante. La délégation distincte de la souveraineté nationale ne répugne donc pas, ou plutôt, messieurs, on aime à trouver entre le

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Corps réformateur et le corps constituant, la différence qu'on apperçoit entre l'acte de réformer et l'acte de détruire; mais non-seulement une telle distinction est possible,

mais

elle est indispensable: si en effet le pouvoir de changer la constitution est nécessaiaement uni, au besoin de la réformer, n'est-il pas vrai qu'à chaque besoin d'une réforme partielle la constitution est en péril.

Distinguons donc le pouvoir de réformer d'avec le pouvoir de détruire. Il n'est plus permis de craindre: la patrie n'est me! uacée d' ucun trouble par la présence du corps réformateur. Cette démarcation est donc utile en soi dans la these générale ; mais dans les circonstances particulieres, elle est bien plus utile encore. Si en effet, la prochaine convention nationale, à quelque distance de nous qu'elle pût être rassemblée, devant avoir et nécessairement de plein droit, celui de changer la constitution toute entiere, ne seroit-ce pas entretenir d'ici là toutes les espérances de nos ennemis, et laisser, après nous, des germes feconds de troubles? Ne craignez pas que je vous propose d'enchaîner la volonté nationale, même pour la prochaine convention; ce n'est pas là mou systême: car, si je trouvé dangereux que le premier corps reviseur soit nécessairement corps constituant, je ne trouverois pas moins dangereux de déterminer, dès aujourd'hui. qu'il sera purement reformateur. La véritable prudence, dans cette matiere, n'est pas de vouloir, pour l'avenir, mais bien de laisser à la volonté nationale future la plus grande latitude. Je ne demande donc pas que vous interprétiez la volonté, mais que vous donniez à la nation le moyen de la déclarer elle-même. En un mot, je ne prétends pas enlever à la génération présente ni aux générations futures, le droit de changer la constitution; je cherche à leur assurer ce pouvoir ou plutôt ce moyen legal; mais je demande que le droit de changer la constitution toute entiere ne soit pas essentiellement inliérent au droit de la réformer. Je demande que le peuple ne soit pas forcé de donner, à des représentans, le pouvoir de détruire, lorsqu'il convient de ne leur donner que celui de réformer. Je demande que le peuple sache ce qu'il donne, et mesure sa délégation de telle sorte qu'il puisse faire entendre sa vo

lonté.

Ce n'est pas tont encore, le changement total, ou la rẻformation partielle de la constitution dépendant entiérement co la volonté du peuple, il faut non-seulement qu'il déterine lequel des deux pouvoirs il délegue à ses représentans; mais de plus il doit connoître pourquoi il le leur donne, et dans ce cas de réformation partielle c'est à lui à la déterminer.

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