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Tout ce qui me parvient des assemblées générales à cet égard, ne me laisse aucun espoir pour son exécution. Je craindrois en ce moment l'arrivée des commissaires, s'ils en étoient chargés. Quant à moi, je ferai mon devoir avec le zele qui ne m'a jamais abandonné; mais j'ose espérer, et je suis même persuadé, que les ordres qui me parviendront ne seront pas de nature à m'obliger d'employer la force je n'aurois pas le courage nécessaire pour verser le sang des citoyens, à la tête desquels le roi m'a placé. Je suis, etc.

Adresse à l'assemblée nationale, par l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue.

Le département de la Gironde nous a fait parvenir un décret conçu en ces termes (il lit le décret du 15 mai). La premiere nouvelle a excité une grande fermentation dans le nord de la colonie et parmi les habitans de SaintDomingue. Nous avons douté de son existence, parce qu'il est contraire à vos précédens décrets. Il n'a encore aucune existence légale, puisque rien ne nous assure qu'il soit accepté il n'est point arrivé officiellement il n'est point promulgué; mais il a à nos yeux une existence morale, parce qu'un département nous assure qu'il a été rendu. L'assemblée du nord, dont le patriotisme a mérité des remercimens dans votre décret du 12 octobre, va vous exposer avec franchise ses justes sollicitudes.

En admettant les gens de couleur nés de pere et mere libres, dans les assemblées coloniales et paroissiales, vous ef facez la ligne politique, qui séparoit les gens de couleur des blancs, et vous détruisez par là un intermédiaire nécessaire à la conservation des colonies. il faut dans les colonies une a classe qui fasse envisa cr aux noirs une distance entre eux et les blancs. Il faut même que les esclaves n'aient jamais l'espérance de devenir les égaux des blancs, et que leur yœu n'ait pour objet que l'affranchissement, et de le recevoir de la main de leur maitre, comme un bienfait ou une récompense de leur fidélité; car le sentiment à imprimer à nos esclaves doit être tel, qu'il contienne 600,000 noirs dans la dépendance de 60,000 blancs. C'est par l'existence d'une classe intermédiaire, que la colonie s'est maintenue jusqu'à ce jour exempte de toute insurrection. Cette raison ne peut être appréciée en europe comme dans les colonies, parce qu'elle dépend de nuances locales parfaitement bien senties, mais trop difficiles à être représentées et insaisissables par le

raisonnement, en sorte que la discussion la plus savante sur cet objet, éclaireroit moins qu'un très-court séjour dans les colonies: en ôtant cet intermédiaire par le décret du 15 mai. vous avez donc brisé les liens les plus forts de la subordination aux loix.

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Les défenseurs de l'aristocratie, les ennemis de la constitution ont entrevu, dans l'exécution de ce décret, la destruction du commerce de France, et par contre coup la contre-révolution. (murmures). Une puissance maritime, notre ennemie depuis tant de siecles, touche au moment de recueillir le fruit de ses machinations et d'élever son commerce sur les débris du nôtre. Quant à nous, nous avons considéré vetre décret comme une victoire remportée par ceux qui, dès long-tems, ont témoigné l'opinion que les colonies sont plus onéreuses qu'avantageuses à la métropole. Mais de quel étonnement n'avons nous pas été frappés, lorsque ce décret nous a présenté la violation la plus manifeste de la garantie nationale, que vous nous avez donnée par vos précédens décrets, et particuliérement par celui du 12 octob. dernier.

Dans le premier moment de la discussion sur les colonies, vous avez reconnu que leur existence étoit nécessaire à la position actuelle de la métropole. Dans votre décret du 8 mars 1790, vous avez déclaré que, quoiqu'elles fassent partie de l'empire, cependant vous n'aviez jama's entendu les comprendre dans la oonstitution décrétée pour le royaume, qui pourroit être incompatible avec les distances. Pénétrés de cette grande vérité, qu'une assemblée législative, par l'ignorance des localités, ne peut faire des loix convenables pour un pays distant de 1800 lieues de la métropole, vous avez par l'article premier de votre dernier décret, autorisé chaque colonie à faire connoître son vœu sur la législation et l'administration qui conviennent à la prospérité et au bonheur de ses habitans: cependant, malgré que vous ayez décrété alors qu'il devoit y avoir une différence entre la constitution du royaume et celle des colonies, et que vous aviez besoin des luinières des assemblées coloniales, pour leur donner une constitution; vous avez rendu le décret du 15 mai dernier comme une conséquence nécessaire des bases constitutionnelles; vous avez prononcé sur la plus importante des questions, sans avoir eu le voen d'aucune assemblée coloniale; vous avez prononcé sur l'état des personnes dans les colonies malgré vos décrets précédens, qui portoient qu'aucune loi l'état des personnes ne seroit décrétée par vous, que sur la demande formelle des assemblées coloniales: votre décret

sur

du 15 mai dernier viole donc l'engagement le plus solemnel et le plus important qu'au nom d'une nation on puisse prndre envers les colonies.

Mais votre décret ne peut avoir force de loi que quand vous aurez révoqué ceux des 8 mars et 12 octobre 1790, qui subsistent et sont exécutés. Vous y avez posé les fondements de la prospérité des colonies. Nous vous renouvellons le serment d'exécuter les deux premiers et d'en maintenir l'exécution nous vous sollicitons, mes ieurs, de révoquer votre décret du 15 mai, parce qu'il n'est qu'une conséquence des bases constitutionelles décrétées pour tout le royaume, tandis que vous avez reconnu la nécessité de cette différence entre votre constitution et celle de la colonie; parce qu'il prononce sur l'état des personnes, tandis que nous avons votre garantie, que vous ne prononcerez jamais sur l'état des personnes, que sur la demande précise et formelle de l'assemblée coloniale, et parce qu'il est contraire à vos précédents décrets non révoqués.

A tous ces motifs nous en joignons un très-prochain : la premiere exécution de ce décret, si elle avoit lieu, seroit désastreuse pour les colonies. Les coeurs sont ulcérés; les agitations dont nous sommes témoins, peuvent amener une explosion générale, affreuse dans ses effets. Alors nous n'osons envisager qu'une résistance désespérée, et un vaste tombeau dans la colonie. Que tous ces motifs fassent impression sur vous; alors, en même tems que vous serez les législateurs de l'empire, vous serez les véritables peres de la patrie. Signé, Gueffier, président, etc.

M. Sceze: Voici une adresse des commerçans de Bordeaux réunis en assemblée générale:

Messieurs, vos décrets des 8 et 28 mars avoient rétabli lẹ calme dans nos colonies; dans celui du 12 octobre vous avez exprimé la ferme volonté de ne prononcer sur l'état des personnes qu'après l'émission du vou des assemblées coloniales. Votre décret du 13 mai confirmoit encore ces dispositions pour l'état des personnes non libres : quand le décret du 15 mai nous fut annoncé, nous ne pumes nous empêcher d'en concevoir des alarmes. Eiles n'ont été que trop justifiées, messieurs. Par l'arrivée du navire le Pèrede-Famille, capitaine Fournier, parti du Cap, le 6 juillet, nous apprenons que la nouvelle de ce décret rendu a retenti dans toute la ville du Cap, comme le bruit d'une ca lamité désastreuse. Nous pouvons vous envoyer les copies de plus de 100 lettres où sont exprimés les mouvemens qu'ont excités cette nouvelle, et où sont peints tour à tour les

emportemens, la stupeur, et le cri unanime d: désespoir (murmures).

C'est contre les commerçans de Bordeaux que la ville du Cap a fait éclater son ressentiment. On les accuse maintenant d'avoir sollicité ce décret: il n'est que trop vrai qu'an de leurs députés extraordinaires s'étoit permis d'énoncer son vœu comme s'il eût été celui du commerce de Bordeaux; mais il a été désavoué authentiquement. On leur reproche encore d'avoir offert des gardes nationales pour l'exécution du décret. L'envoi de la délibération du 21 mai qui vous a été fait par le canal du directoire à qui elle fut communiquée, suffit pour détruire cette inculpation. Mais il n'en est pas moins vrai que les motions les plus fortes ont été faites au Cap contre les capitaines Bordelois; et l'animosité y est portée à tel point que plusieurs arma teurs, justement effrayés du péril qui menace la colonie, `n'osent réarmer leurs navires. Cette suspension dans les armemens va répandre une consternation générale dans la classe immense d'ouvriers que le commerce salarioit tous les jours il en peut résulter les effets les plus fàcheux.

:

nous

Dans des circonstances aussi alarmantes, nous nous devons à nous-mêmes, nous devons à nos freres de l'Amérique, nous devons à des millions d'individus que le commerce des colonies fait subsister, nous devons à tous nos agriculteurs, à tous ceux qui peuplent nos villes maritimes, nous devons à tous les propriétaires dans les colonics, à tous leurs créanciers, nous devons enfin à tout ce qui constitue et entretient la propriété de l'empire, le témoignage éclatant qu'à l'époque où le décret a été rendu, étions bien loin d'en prévoir des effets aussi funestes. Aujourd'hui que nous voyons les plus grandes propriétés en péril; que la splendeur des villes maritimes est préte à s'évanouir; que, la fortune de l'état est menacée dans celle. de tous ses membres; que les atteliers les plus nombreux. et les plus actifs vont être déserts: pressés de tous côtés par de grandes raisons d'état, nous venons avec confiance implorer votre justice et votre sollicitude paternelle. Vous ne cherchez, vous ne voulez que la vérité, vous mettez votre courage à l'entendre ; et notre devoir est de vous la dire; elle est terrible, cette vérité, messieurs; mais plus elle s'avance avec des caracteres effrayans, plus il est important qu'elle vous soit présentée, et plus elle nous oblige de ne vous rien dissimuler.

Hé bien, messieurs ; c'en est fait de la prospérité de l'empire, si le décret du 15 mai est envoyé aux colonies, et si

l'on tente le moindre effort pour le faire exécuter. La dis tinction entre les blancs et les gens de couleur paroît inséparable du régime des colonies; et elle est aussi ancienne que leur fondation. Si c'est un préjugé odieux à la philosophie, la nécessité, cette premiere loi la plus impérieuse de toutes, doit le justifier. Nous disons plus: si la sûreté des blancs en dépend, si cette opinion suffit senle pour tenir en respect 500,000 cultivateurs, si la conservation de toutes les propriétés, si la sûreté de l'état y est attachée, si en l'attaquant on ébranle l'édifice de votre constitution, ce préjugé cesse d'en être un ; c'est au contraire une loi salutaire, c'est un principe conservateur des colonies: il est, pour ainsidire, un dogme respectable et sacré, et que l'humanité vous impose de protéger.

Ce fut votre bienfaisance, messieurs, ce fut le desir d'entendre au-delà des mers l'esprit d'égalité et de fraternité, qui vous fit rendre le décret du 15 mai; mais puisqu'il est incompatible avec le régime des colonies, puisqu'il compromet la sûreté des blancs, puisqu'il menace l'empire d'une dis-. solution inévitable, en provoquant peut-être dans l'Amérique la guerre la plus sanglante, nous osons invoquer auprès de vous cette meine bienfaisance et ce même amour de la liberté; nous venons vous conjurer de rétablir l'exécution des décrets du 8 mars et du 12 octobre.

Vous avez voulu le bonheur des colonies: votre décret du 12 octobre y avoit répandu une joic universelle; le décret du 15 mai y a été le signal d'une consternation générale, C'est à votre sagesse à décider présentement duquel de ces deux décrets vous devez maintenir l'exécution. Si vous maintenez celui du 15 mai, nous n'aurons point à nous reprocher de ne vous avoir pas représenté toutes les calamités qu'il peut entraîner avec lui; et nous n'aurons plus à craindre que le cri de la génération actuelle nous accuse et que celui de la postérité nous condamne. Nous sommes avec respect etc. Les citoyens, marchands, négocians, et capitaines de navires de Bordeaux.

Il y a six pages de signatures.

M. Sceze: Dans la lettre qui accompagnoit l'envoi de cette adresse, l'assemblée du commerce nous annonçoit

qu'elle nous enverroit sous peu une somme de 70,000 liv. qu'elle avoit destiné pour l'entretien des gardes nationales aux frontieres, et elle nous charge d'en faire hommage à l'assemblée; nous la remettrons sur le bureau aussitôt que nons l'aurons reque..

M...

: Voici une lettre des administrateurs du dé

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