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ne faudra que le voeu d'un pouvoir, mais d'un pouvoir représentatif et national, et ce vœu aura été provoqué quatre fois par l'opinion publique, au moyen de l'élection des représentans.

Par-là, messieurs, vous éviteriez deux graves inconvéniens, l'un la nécessité des pouvoirs constituans, cause éternelle des révolutions, l'autre l'empiétement des législatures qui, avec le consentement du roi, et l'impulsion de l'opinion publique pourroient réformer un article condamné par l'expérience, et ayant une fois passé leurs pouvoirs ne connoitroient plus de limites. Quand au contraire vous aurez fixé un modè lent; mais auquel on est sûr d'arriver quand l'opinion publique le favorise ; que vous aurez évité tout-à-la fois la nécessité d'un pouvoir constituant, et la possibilité de voir alterer illégalement votre ouvrage par le pouvoir légis latif ordinaire, tout sera balancé.

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire maintenant de vous éclairer sur les inconvéniens, sur les abus nécessaires qui résulteroient d'une provocation quelconque du vou popuJaire dans les assemblées primaiaes, et d'une fixation quelconque du pouvoir constituant. Je veux supposer avec quelques personnes que ces pouvoirs constituans appelles n'abusassent pas de la mission qui leur auroit été donnée ; que l'opinion publique alors paisible les contiendroit dans des limites j'établis que quand cela seroit ainsi, ce que l'expérience démentiroit, il suffiroit des craintes et des espérauces que pourroient faire prévoir des pouvoirs constituans appellés par la constitution même et qui bouleverseroient perpétuellement l'état, pour nous exposer sans cesse à l'anarchie ou à l'esclavage, pour en faire disparoître tout sentiment véritable et tout amour légitime de la liberté, et meitre sans cesse aux prises la partie de la nation la plus remuante avec le pouvoir exécutif

En effet l'attente d'un pouvoir constituant, présentant aux hommes turbulens l'espérance des changemens, les mettroit sans cesse en jeu, provoqueroit des intrigues perpétuelles. Et le pouvoir exécutif d'autre part, appercevant dans l'arrivée de ces corps constituans la possibilité et presque la probabilité de sa destruction, ne cesseroit de s'occuper (car on sait que tout pouvoir humain et le pouvoir exécutif, plus qu'un autre, est mû par son intérêt)," ne manqueroit pas, dis-je, dans l'intervale, d'user de tous les pouvoirs qui lui auroient été délégués pour rendre im-› possible le retour de ces pouvoirs constituans appellés par la constitution, de maniere que par une terreur propre

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le troubler sans cesse, vous lui auriez donné l'intérêt le plus pressant à accabler, à opprimer la liberté; et vous auriez fait quelque chose de bien plus dangereux encore car vous auriez peut-être mis dans son parti la portion la plus nombreuse de la nation, celle qui veut par-dessus tout la paix, celle qui veut le maintien de la propriété et de la sûreté: peut-être, dis-je, en présentant à ses yeux l'épouvantail d'un pouvoir constituant renaissant sans cesse vous engageriez cette partie de la nation à se lier avec un pouvoir oppresseur, mais qui lui promettroit tranquillité, à charge de se réunir avec lui contre le retour de ces pouvoirs constituans, source de changemens perpétuels, objet commun de leur inquiétude et de leur efiroi.

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Messieurs, il est deux choses dont les peuples généreux' et policés ne peuvent se passer: l'une est la tranquilité, l'autre est la liberté. Mais pour le commun des hommes la tranquilité est plus nécessaire que la liberté pour le commun des hommes, la tranquilité est le prémier besoin, liberté politique n'est qu'un superflu qui fait le bonheur, mais qui n'est pas rigoureusement nécessaire. Si vous ne les mariez pas ensemble, si vous les rendez incompatibles, si vous présentez à la nation la perte de la tranquilité dans l'établissement de la liberté; craignez de voir bientôt cette majorité détruire la liberté plutôt que de se condamner à un état perpétuel d'agitation et d'incertitnde.

Toute la science des législateurs, des hommes qui font les constitutions, pour un peuple qui n'est pas neuf, pour un penp

ple amoureux de ses arts et de ses jouissances, se réduit à allier ensemble ces deux élémens, à les faire agir conjointement ; à rendre les peuples tranquilles et libres. Ne les séparez donc pas, car il seroit très-dangereux qu'entre les deux maux, le peuple ne finît par choisir un tranquile esclavage. Ainsi, messieurs, ce n'est pas une perspective de pouvoirs constituans qui garantira votre liberté, c'est-elle qui l'anéantira; c'est-elle qui provoquera sans cesse ceux qui veulent une nouvelle constitntion, et c'est-elle aussi qui provoquera sans cesse le pouvoir exécutif pour la détruire.

Quand on vient parler de provocations d'assemblées pri maires, de pétitions individuelles, dont la majorité pourroit forcer le corps législatif, on remplace le pouvoir représentatif, le plus parfait des gouversemens, par tout ce qu'il y a dans la nature de plus odieux, de plus subversif, de plus nuisible au peuple dui-même, l'exercice immédiat de la souveraineté, la démocratie prouvée par l'expérience le plus grand des eaux, dans les plus petits états même où

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pas

le peuple peut se réunir, et qui, dans un grand état joint aux autres dangers l'absurdité la plus complette, puisqu'il est évident que tout voeu personnel ou de section n'étant éclairé par une délibération commune, n'est pas un véritable voeu, et qu'indépendamment de l'utilité générale, qui exige exclusivement le gouvernement représentatif, la logique, la métaphysique même du gouvernemeet l'exigent dans tout pays où le peuple ne peut pas se réunir.

Et quel seroit l'inconvénient pratique d'un systême semblable dans la situation où nous sommes? Seroit-ce véritablement l'intérêt national qui feroit provoquer les pouvoirs constituans, qui feroit provoquer des réformes de la constitution dans des assemblées primaires et par quelques individus? Ne sait-on pas avec quelle adresse insidieuse on fait mouvoir une multitude patriote, mais peu éclairée ? Ne sait-on pas qu'il existe dans la constitution des articles nécessaires, des articles qui défendent et assurent la liberté et dont la conception n'est pas à la portée du plus grand nombre? Ne sait-on pas quelle étoit la ruse de ceux qui remuoient le peuple romain par des moyens semblables  ceux que l'on commence à insinuer parmi nous les tribuns avoient l'art de joindre à la proposition des loix auxquelles leur intérêt propre étoit souvent attaché, la proposition d'une loi souvent chere au peuple, de la loi agraire. C'étoit parmi eux un moyen trivial; c'étoit en réunissant ainsi une pétition qui sembloit utile pour le pauvre, à une pétition qui n'étoit utile qu'à eux, qu'ils ont fait pendant si long-tems, tous les maux et tous les troubles de la république.

Or je demande s'il ne seroit pas facile, en tirant le laboureur de sa charue, en provoquant, à la sortie du culte divin, des hommes habitans de la campagne et plus instruits de leurs premiers besoins que des principes politiques, s'il ne seroit pas facile en promenant dans les départemans une éloquence incendiaire, d'y mendier et d'y obtenir des pétitions destructives de tout ordre social? Et quand ces pétitions seront obtenues, quand la majorité du peuple aura été constatée par des signatures, quand les législateurs en auront le tableau devant les yeux, quand le pouvoir constituant y verra son régulateur, quel sera le sentiment sur la terre qui leur donnera le courage de résister?

Sans doute avant que le peuple ait émis formellement et également un vocu, les législateurs ont le pouvoir de refuser ce vou présumé, parce qu'ils le jugent déraison- \ nable; mais quand ce voeu aura été émis par une imprudente provocation, lorsqu'il aura été constaté sur le papier

aurez-vous donc une assemblée de héros pour résister à cette provocation imprudente? Navez-vous pas vous-mêmes appellé une insurrection?

pas

Le peuple consent à vos décrets, quoiqu'en apparence son voeu ait été auparavant contraire; mais ce vœu n'avoit été émis, mais lui-même l'ignoroit encore, mais il attendoit la parole des législateurs pour se décider; mais quand il aura émis son vou en assemblée, quand il aura dit en majorité je pense ainsi, espérez-vous qu'il obéisse alors? Espérez-vous faire entrer dans l'esprit du peuple des idées tellement fines pour lui faire concevoir qu'une pétition de la majorité des citoyens actifs n'est véritablement qu'une pétition? Quoi, vous lui aurez dit qu'il est souverain et vous lui direz après que la majorité des voix n'est pas la volonté publique Quoi, vous lui aurez dit qu'il est souverain, vous lui aurez demandé son avis et vous voudrez après, vous au nombre de 1200, détruire l'opinion signée de plus de deux millions d'hommes ! Cela n'est pas possible. Ce n'est pas là qu'est la sagesse, la connoissance du cœur humain et des véritables gouvernemens.

Le peuple est souverain; mais dans le gouvernement représentatif, ses représentans sont ses tuteurs, ses représentans peuvent seuls agir pour lui parce que son propre intérêt est presque toujours attaché à des vérités politiques dont il ne peut pas avoir la connoissance nette et profonde. Ne l'excitez donc pas, ne le forcez donc pas à se mêler à ces travaux par un mode dangereux pour lui. Appellons-le par sa véritable maniere d'exprimer sa volonté, par les élections; c'est en nommant l'homme en quiil a confiance, dont les lumiere sont claires pour lui, dont la pureté lui est connue, qu'il exprime vraiment son vou; c'est ainsi qu'il fait son bonheur; tout autre moyen est absurde et insuffisant. Or ce voeu là, vous l'aurez quand vous déclarerez que l'opinion semblable de 3 ou 4 législatures successives sera nécessaire pour corriger un article de la constituiion, quand il aura été soumis 4 fois à l'opinion des représentans du peuple et 3 fois à l'opinion publique au moment où elle aura nomimé ces mêmes représentans.

Par-là, vous aurez empêché que la législature avec l'assentiment du roi ne dépasse ses pouvoirs, forcée par l'impossibilité de réformer une chose évidemment mauvaise, si ce n'est par l'appel d'un pouvoir constituant que la nation entiere réprouveroit par-là enfin, vous aurez rendu rare, et vous aurez repoussé à jamais, au moins de notre âge, le renouvellement de ces pouvoirs constituans, moyens

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extrêmes, nécessaires pour affranchir un peuple opprimé; mi, dont la liberté const tutionnelle, assurée par les délibérations publiques, et par l'établissement des pouvoirs qui se limitent, doit être l'effet durable, et préserver de leur retour. Vous n'avez pas le droit de les limiter, car yous attenteriez à la souveraineté du peuple: vous n'avez pas le droit de les provoquer, car la nation vous a chargé de faire son bonheur, et vcus la livreriez à une suite de convulsions destructives de toute liberté véritable et de toute prospérité. Je demande, sans m'expliquer d'avance sur les amendemens qui pourront être faits la priorité pour la motion de M d'André (applaudissemens réitérés de l'assemblée et des tribunes).

M. Reederer: Messieurs, je demande à l'assemblée, au nom du décret ́ mémorable qu'elle a rendu hier, de vouloir bien aujourd'hui, avant d'en rendre un tout contraire, se garantir d'une délibération précipitée.

Messieurs, depuis trois jours la délibération change d'objet à chaque instant Hier nous avons décrété trois articles diffé rens du plan qu'on vous propose en ce moment. Hier l'orateur du comité nous a proposé une série de questions; et aujourd'hui, à l'instant où la délibération alloit s'ouvrir sur ces questions, un discours qui présente des idées tout-à fait étrangeres, vous présente une matiere de délibération absohiment nouvelle. Comment une nouvelle plaidoirie contre les idées du comité, contre les bornes de son propre systême s'éleve-t-elle au milieu de lui? Or, tel est l'état où se trouve maintenant votre délibération. L'objet actuel sur lequel on voudroit vous arrêter dans ce moment ci, objet absclument neuf, objet sur lequel vous avez vu les mêmes orateurs qui ont pris part aux vues toutes différentes du comité, se retourner aujourd'hui en sens contraire... ( murmures), cet objet se réduit à proposer.... ( aux voix, aux voix ). Messieurs, je n'ai qu'un mot ( aux voix): on propose de constituer trois législatures successives organes du voeu du peuple. Eh bien, messieurs, je propose deux seules observations à ceux-là même qui insistent le plus fortement sur cette proposition. Je suppose deux cas : le premier est celui où la nation se croiroit mal représentée ( aux voix, aux vaix), où elle croiroit que le mode d'élection établi est contraire à la représentation ( murmures).

Il en est un autre plus frappant encore: je suppose, et cela peut arriver., que votre constitution étant très-bonne jar la suite, soit dérangée dans les élémens qui la compo

sont,

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