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La bonne solution du problême se trouvera donc dans le projet qui réunira les conditions suivantes : Un premier moyen, de réformer partiellement la constitution, sans mettre nécessairement la totalité de la constitution en péril; un second moyen légal, pour changer la constitution; un troisieme moyen, de connoître le voeu du peuple pour cetto réforme. Si tel doit être le véritable sens de la loi que nous discutons, il en résulte qu'aucune espece de périodicité ne pourroit être adoptée, qu'aucune époque certaine ne pour roit être déterminée. La raison vaut mieux que la prédiction de faire telle chose en tel tems; mais elle dit sur-tout de subordonner les loix à un même systême, de chercher dans les loix déja faites, dans les principes déja adoptés la base de celles qui sont à faire, de sorte que tout daus la machine politique s'entrelace et se correspond entiérement. C'est pour le peuple qu'il faut réformer la constitution ou la changer, et c'est à lui qu'il appartient de décider s'il faut la réformer ou la changer; et quand il faut le faire s'il existe un moyen de connoître le voeu du peuple à cet égard, ce moyen doit être adopté préférablement à tout autre systême.

Je rappelle d'abord ici la distinction que je viens de vous proposer entre le corps réformateur et le corps, pour ainsi dire, destructeur de la constitution entiere. Je désigne le premier sous le nom de convention nationale, et le deuxieme sous le nom de corps constituant, et je le définis ainsi le corps constituant une assemblée de représentans, ayant le droit de revoir la constitution dans son ensemble, de changer la distribution des pouvoirs constitués, et de faire une constitution nouvelle. Ces vérités admises, voyons comment le peuple obtiendra un rassemblement de l'un cu l'autre de ces corps, selon sa volonté actuelle et bien déterminée. C'est dans les principes fondamentaux de notre gouvernement qu'il faut chercher à résoudre la question. La France est un gouvernement représentatif; on n'y connoît qu'un seul corps essentiellement d libérant, et des pétitionnaires individuels le corps 'gislatif délibere, le citoyen adresse des pétitions. Le corps législatif exprime le voeu général, les citoyens u'expriment que des volontés particulieres. L'acte de rassembler la convocation nationale ou le corps constituant est un acte essentiel de la volonté générale. Or il n'existe véritablement d'acte de la volonté générale que là où il y a les délibérations de toutes les parties, et il ne peut y avoir de délibération que là où la réunion des parties est effective. Ainsi, à moins de dé

truire tous les principes du governement représentatif, il est évident qu'aucun corps administratif, aucune collection de citoyens ne peuvent, dans aucun cas particulier ou dans tout autre, exprimer cette volonté.

Cette force de raisonnement, puisée dans votre constitution elle-même, se réduit à cette derniere conséquence. La volonté générale sur le fait du rassemblement d'une convention nationale ou du corps constituant, ne peut être exprimée que par les représentans du peuple. J'adopte cette conséquence et elle devient la base du plan que je vous propose.

Cependant le corps législatif n'exprime pas tellement la volonté générale, qu'il soit toujours censé exactement l'avoir prononcée. Aussi dans les actes de législation, est-il arrêté par je veto du roi. La déclaration du corps législatif par laquelle il demanderoit une convention nationale ou la présence du corps constituant, ne seroit pas suffisante pour donner lieu a ce rassemblement. Il faut que cette déclaration mise au nom de la volonté générale reçoive en effet la sanction de cette volonté, il faut que le voeu prononcé par les représentans puisse être annullé ou confirmé. Par qui le sera-til? Ce ne peut pas être par la loi, car ceci est l'initiative de la souveraineté nationale qui doit retourner à sa source. Il faut donc recourir au peuple, et ce recours est facile en se renfermant toujours dans les principes. Le peuple s'exprimera de la seule maniere dont on puisse s'exprimer, par de nouveaux représentans; c'est-à-dire par une seconde législature et ensuite par une troisieme, et lorsque les trois législatures consécutives ont émis le même vou, n'existant plus aucun doute que la volonté générale desire la présence d'une convention nationale, elle doit être rassemblée.

Je ne conçois ou du moins je ne prévois que deux objections contre ce systême; car n'ayant pas encore été soutenu, il n'a pas été combattu. On dira que le corps législatif malgré le vou individuel des citoyens de l'empire, peut ne demander jamais la convention nationale ni le corps constituant. Au premier argument je pourrois répondre : les principes théoriques du gouvernement représentatif ne permettent pas cette supposition; mais j'aime mieux répondre par des vérités pratiques que par des abstractions. Peut-on dire que le corps législatif, n'ayant aucun égard à des réclanations vagues, partielles ou locales, s'abstiendra de demander l'ensemble de la convocation nationale ou la présence du corps constituant; mais ce seroit une grande faute de prendre de telles clameurs pour les indices des intérêts

publics. Ne perdons jamais de vue que le caprice et l'enthousiasme d'un jour ne doivent avoir aucune part aux ressources ou aux changemens de la constitution; il faut des motifs réels, un væeu prononcé et l'opinion publique formée pour y parvenir. Vous verriez alors si le corps législatif résisteroit. Il peut résister à quelques signataires répandus ça et à sur la surface de l'empire, mais à un voeu tel qu'il le fant pour déterminer une mesure de cette importance, en un mot à une vérible opinion publique, je soutiens qu'il n'y résistera jamais. Je n'en donnerai qu'une seule raison, je voudrois qu'on put en trouver une meilleure et j'y acquiesserois; ma raison unique est, qu'il ne peut y résister; ft prenez garde que si l'on me nie cette assertion, le procès est fait au gouvernement représentatif. Le corps législatif, dit-on, sera corrompu par l'agence exécutive, pour empêcher la réformation des articles nuisibles au peuple; on m'allegue là corruptibilité, et je l'allegue et je la crains aussi, car la constitution a bien érigé en principes l'inviolabilité des représentans de la nation, mais elle n'a pas érigé en principes leur incorruptibilité; mais tout cela n'est pas la question.

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Le peuple desirera-t-il, oui, ou non, la réforme? Tout est là; et je soutiens que s'il l'a desire, il n'y a pas de systême corrupteur qui puisse empêcher le corps législatif de la demander, à moins que vous ne le supposiez, à luimême, un moyen de corrompre, à son tour, la totalité des citoyens de l'empire. L'objection prouve, plus, que le corps législatif pourroit être corrompu par le ministere, pour ne pas demander la réforme d'un article, dont lui seul auroit apperçu l'inconvénient; c'est-à-dire, qu'il ne se donneroit pas l'initiative envers le peuple, ou qu'il ne jetteroit pas son attention sur un objet jusques-là échappé à ses regards. Eh bien! cela même est heureux pour le euple.. Le corps législatif ne doit jamais avoir l'initiative dans notre gouvernement il ne doit jamais exprimer que la volonté du peuple.

Admettant que le corps législatif puisse résister au peuple : qu'en résultera-t-il? un simple retard de deux années. Messieurs, le peuple nommera bientôt de nouveaux représentans, les choisira tels qu'ils puissent exprimer son voeu à ce sujet; et si, au contraire, les représentans, par un effet contraire produit par cette corruption dont nous les supposons investis, demandoient, sans avoir le vou du peuple, ou, disons plus, contre le vou du peuple, une convention ou la présence du corps constituant. El bien encore qu'en peut-il résulter de fâcheux ? La

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convention nationale ou le corps constituant sera-t-il assem blé sur cette demande seule, et ne faut il pas attendre que deux législatures successives aient prononcé définitivement sur le voeu de la premiere?

Vous voyez, messieurs, qu'en suivant cette chaîne, elle ne peut tendre qu'à faire triompher le vou du peuple, sans insurrection dans aucun cas.

La seconde objection à laquelle je m'attends, est que la forme proposée entraîne un trop long intervale entre la mission du vou et sa réalisation; mais, messieurs, il faut d'abord savoir le véritable intervale. Le plus long seroit de quatre ans et deux mois; le plus court seroit de deux ans et deux mois. On voit que la différence résulte de l'époque à laquelle les trois législatures sont rassemblées.

J'observe en premier lieu que, quand même il seroit dangereux, il n'en résulteroit pas que le moyen ne fût pas bon à mettre en usage, mais seulement que la forme d'exé-. cution devroit être changée. Cependant je suis loin de croire que cet intervalle puisse entraîner de funestes conséquences. Je ne connois pas de motif pour l'abréger, et peutêtre ne serois-je pas bien embarassé d'en trouver de plausibles pour l'étendre davantage; mais, sans vous faire observer combien seroit fatal à la cause publique un moyen trop facile d'obtenir un rassemblement des conventions nationales ou la présence du corps constituant, je me bornerai à cette seule raison: ou le besoin de rassembler ce corps sera un besoin réel, ou il ne le sera pas; s'il est réel, le vœu se soutiendra pendant cet intervalle, et même beaucoup encore par-delà; s'il ne l'est pas, le vou se détruira par lui-même, et chacun s'applaudira de n'avoir pas été surpris par le tems. Cet intervalle, dont on se plaint, est donc un moyen sûr de devoir tout à la réflexion et rien à la légéreté. Eh! croyez, messieurs, qu'il est plus expédient au salut de l'état, de différer des réformes utiles, que de donner le pouvoir d'en faire à chaque instant d'inutiles et de fâcheuses. Pour démontrer le danger de ce retard, il faudroit supposer qu'il existât dans la constitution un article dont la réformation retardée pendant cet intervalle, pût arrêter le jeu de la machine politique et tous les ressorts du gouvernement. Or, jusqu'à ce que la vérité de ce fait m'ait été démontrée, je suis fondé à soutenir le voeu contraire. Si pourtant cet article existe, je me lâte de vous le demontrer, et tandis qu'il en est tems encore l'assemblée nationale l'effacera de l'acte constitutionnel pour le bonheur de la génération présente, et pour donner la 1 aix aux générations futures.

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En opposition à ces argumens, parcourons tous les avantages de la nouvelle proposition. En distinguant le pouvoir de reformer d'avec le pouvoir de détruire, en trouvant le moyen de déléguer le premier, sans repartir l'autre, vous empêchez que la constitution ne soit renversée à chaque besoin de reforme; vous donnez la possibilité de reformer; vous assurez aussi le moyen de changer: cependant vous ne forcez pas le peuple à cumuler toujours ces deux pouvoirs, mais seulement quand il lui plaît. Eh! remarquez comme avec le tems votre constitution par ce moyen s'améliorera sans danger pour elle-même, sans aucun trouble pour la chose publique. Vous n'appellez pas pour la reformer, la majesté imposante, mais terrible du pouvoir constituant: des sages conventions nationales sont chargées du soin de faire des changemens; le calme préside alors à leurs, travaux; les passions viles s'en éloignent. En remettant au corps législatif le droit de déclarer la volonté du peuple, vous conservez la pureté des principes du gouvernement représentatif, vous faites parler le peuple, de la seule manière qu'il puisse sans peine obliger le corps législatif à déterminer l'objet de la reforme. Vous obtenez un avantage également précieux d'abord vous faites que l'opinion publique se manifeste librement, et qu'une fois manifestée pour la convention, la volonté générale n'est pas équivoqu Vous bornez les devoirs de la convention; elle ne peut les dépasser; le cahier national est écrit long-tems avant le rassemblement de la convention: l'acte de la premiere legislature devient en effet le cahier de la nation entiere'; il supplée à l'impossibilité des cahiers particuliers.

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En soumettant le voeu de la premiere législature au veto des deux suivantes, vous donnez le tems à l'opinion publique de mûrir, de se rectifier, vous l'empêchez d'obéir à ces mouyemens inconsidérés, que l'on prendroit d'abord pour l'inspiration subite de la raison, et qui ne sont en effet que produit d'un délire éternel, vous appellez le peuple à une mûre réflexion, enfin vous ne l'exposez pas à perdre tout en un jour, en donnant au corps législatif le droit de provoquer l'existence de la convention nationale ou la présence du corps constituant; et si ensuite, aux dispositions principales de ce projet, d'autres conditions accessoires sont encore ajoutées, si vous déclarez inéligibles à la législature suivante, les membres de celle qui a demandé la convention ou le corps constituant; si enfin pour l'une et pour l'autre de ces assemblées vous créez un mode particulier de représentation nationale, vous écartez également du vœu définitif

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