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plus 8 et 9 à Paris; il n'y eut même aucune III. Ep. secousse publique au moment de leur extinction. En 1796, on repassa de l'usage du papier à celui de l'argent, sans autre effet, qu'un agiotage très-actif, qui fit changer de main plusieurs fortunes privées. L'effet de l'assignat, fut de faire vendre une grande masse de biens nationaux, qui, divisés entre un très-grand nombre d'acquéreurs, augmenta celui des propriétaires, donna un grand intérêt au maintien de la révolution, et posa les plus sûrs fondements de la prospérité publique et de la force politique de la nation, par la subdivision des propriétés: comme opération de finance, on se mit pour longtemps l'esprit en repos; on n'eut plus à chercher des ressources pour les dépenses journalières, l'imprimerie des assignats suffit seule aux dépenses publiques.

Quoique Necker n'eût point été opposé à l'établissement d'un papier-monnaie, qu'il n'eût cependant pas osé seul, cette mesure le rendait moins nécessaire ; quelques altercations avec le comité des pensions avaient déja altéré cette faveur publique qui l'avait toujours aidé; on cherchait depuis longtemps à lui donner des dégoûts, et ses forces physiques et morales semblaient s'affaisser sous le poids des affaires. Chafois qu'il envoyait des mémoires à l'assemblée, ils étaient encore accueillis; mais bientôt

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111. Ep. après ils étaient déjoués dans les détails de l'exécution; sa haute probité et sa réputation seule le soutenaient, mais semblaient l'avertir qu'il était temps qu'il leur sacrifiât son existence politique. Son éloignement était un des moyens déterminés par le système étranger d'opposition, et tous les autres moyens intérieurs n'étaient pas négligés, au moment où les assemblées primaires furent indiquées pour réaliser le nouveau plan de constitution dans la partie administrative, et en élire tous les membres dans les municipalités, dans les districts et dans les départements. On proposa, dans l'assemblée, d'élire aussi les membres du nouveau corps législatif, qui devait remplacer l'assemblée constituante. On sentit alors tout ce que cette mesure avait de dangereux, dans un moment où l'ouvrage entamé n'était pas achevé. En même temps toutes les ressources de l'art, des émeutes, des troubles, des soulevements, furent mis en usage; les provinces du Midi donnèrent de sanglants spectacles de l'anarchie ou des dissensions civiles ; à Marseille, tous les forts gardés par les troupes, furent enleyés de force par la garde nationale de cette ville, et l'officier militaire, Beausset, qui commandait au nom du roi, fut massacré. A Valence, sur l'inquiétude qu'avaient occasionnée quelques dispo sitions militaires du commandant de la citadelle, Voisin, le peuple assemblé s'y porta en foule

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la municipalité ne put contenir sa fureur. Voisin, III. Ep: conduit en prison, fut tué entre quatre officiers municipaux qui l'escortaient. A Montauban, la religion avait servi de prétexte ; des femmes 10 mai, armées voulurent s'opposer aux commissaires chargés de mettre à exécution le décret relatif aux biens devenus nationaux; elles environnaient un couvent de cordeliers, où les commissaires s'étaient transportés. Les catholiques se rassemblent et les protestants s'arment; les deux partis en viennent aux mains, et plusieurs citoyens sont tués. Le rapport qui instruisait l'assemblée de cet événement, annonce que la garde nationale de Bordeaux s'est mise en marche, et qu'elle attendra les ordres de l'assemblée, aux portes de Montauban. Mirabeau le jeune parut à la tribune, et dit, que les gardes nationales de Montpellier, s'étaient aussi mises en marche sur Montauban, pour s'opposer aux gardes nationales de Bordeaux: ainsi, dit-il, voilà la guerre civile et je l'annonce ici. Son accent, son geste, en imposèrent un moment, et l'on crut voir le succès d'un plan de subversion; une femme des tribunes, applaudit même à ce mot guerre civile. D'autres événements avaient eu lieu à Nîmes, entre les habitants et les soldats de la garnison; mais les troupes appartenaient déja à la révolution, et des attentats commis à Nîmes contre la cocarde nationale, y furent réprimés

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par les troupes. Tous ces événements coïncidaient avec un armement que préparait l'Angleterre; l'Espagne, menacée, réclama le traité qui lui assurait l'alliance et les secours de la ao mai. France; le roi fit part de cette demande à l'assemblée, et cette question amena celle duit dro de paix et de guerre. C'était la première fois que l'assemblée était appelée à s'immiscer dans les relations extérieures avec les cours étrangères. Avant de répondre à la réclamation de l'Espagne, on voulut avoir traité la question constitutionnelle, si le droit de paix et de guerre appartiendrait, ou non, au roi. D'abord les opinions furent partagées entre l'affirmative et la négative, pures et simples. La discussion montra ensuite, que la vérité, c'est-à-dire l'intérêt public, voulait une résolution mitigée; de grands talents se déployèrent, jamais question ne fut plus approfondie. Mirabeau s'éleva entre les deux partis, les combattit l'un et l'autre, et, sans marchander sa popularité, il lutta contre les chefs populaires qui ne lui épargnèrent pas les imputations de vénalité et de corruption; et, selon le bruit public, il avait souvent été accusé plus injustement. « Et moi aussi, dit-il, «< on voulait, il y a peu de jours, me porter en <«< triomphe; maintenant on crie dans les rues, «grande trahison du comte de Mirabeau : je n’a<< vais pas besoin de cette leçon pour savoir qu'il

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«ny a qu'un pas du Capitole à la roche Tar- 11.• Ep: peïenne.» Enfin, après sept séances orageuses et éclairées, il fit passer son projet de décrét, par lequel, «la guerre ne pourra être déclarée « que par un décret du corps législatif, qui sera « rendu sur la proposition formelle et néces« saire du roi, et ensuite sanctionné par sa majesté.

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Ce décret concilia tous les partis; les uns, voyant au loin, craignaient de laisser à des rois le pouvoir absolu de faire la guerre; les autres, voyant plus près d'eux, craignaient de laisser arbitre de la guerre un roi, selon eux, trop pacifique. L'assemblée, délibérant ensuite sur la proposition du roi, au lieu de quatorze vaisseaux que demandait l'Espagne, décréta l'armement de quarante. Cette résolution, si elle eût été effectuée, pouvait ameuer une guerre maritime avec l'Angleterre, et elle eût été à desirer; elle eût éclairé la guerre intérieure que nous faisaient son or et ses intrigues, elle eût occupé l'activité de la nation, elle eût rallié à nous l'Espagne, et tenu en observation les puissances continentales; au contraire, le système de Londres prévalut; sous des dehors de paix, elle abusa de nos ménagements, et n'agit qu'après avoir mis en action toute l'Europe; nos partis même étaient à sa solde, et nos passions étaient ses instruments. Paris et les provinces étaient inondés de Tome I.

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