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crut d'après cela que les voitures pouvaient continuer leur route. M. d'Arlandes ayant voulu faire exécuter cet ordre fut maltraité, dépouillé de ses habits, et sans un soldat de la compagnie de grenadiers du 13° régiment, dont j'ai l'honneur d'être capitaine, qui declara vouloir mourir plutôt que de voir cet offfcier égorgé dans le camp, sans ce jeune soldat, M. d'Arlandes périssait victime de son zèle pour l'exécution de la loi. Il fut cependant conduit du camp dans la ville de Neuf-Brisach où on le mit en prison. Une lettre que j'ai reçue m'assure que M. le maire lui-même y a été conduit.

Je demande que les ministres de la guerre et de l'intérieur rendent compte à l'Assemblée, dans les 24 heures, des renseignements qui leur sont parvenus relativement à cette affaire.

(L'Assemblée décrète la proposition de M. Aubert-Dubayet).

Un membre: Je propose à l'Assemblée d'approuver les mesures prises par le ministre des contributions publiques.

M. Carnot-Feuleins le jeune. Le comité militaire a un rapport préparé sur la prohibition de la sortie des armes. Je demande que ce rapport soit mis ce soir le premier à l'ordre du jour et que les armes arrêtées soient retenues à Neuf-Brisach jusqu'à ce que l'Assemblée ait

statué :

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(L'Assemblée décrète que le rapport du comité militaire sur la prohibition de la sortie des armes sera fait à la séance du soir.)

(La séance est levée à trois heures un quart.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 11 juin 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES),

président, ET MURAIRE, ex-président.

PRÉSIDENCE DE MM. FRANÇAIS (DE NANTES).

La séance est ouverte à six heures du soir. M. Cambon, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Thanois, capitaine invalide, en date du 11 juin, qui se plaint des vexations exercées contre lui.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)

2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, en date du 8 juin, relative à l'organisation dé la marine et à la nomination de contre-amiraux. (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)

3° Lettre des officiers municipaux de la commune de Pau en date du 28 mai qui annoncent qu'ils ont ouvert un registre pour les souscriptions volontaires et demandent qu'on leur indique la caisse où il faut verser les sommes reçues.

(L'Assemblée renvoie la pétition des officiers municipaux au comité de l'extraordinaire des finances.)

4° Lettre des employés des messageries, qui firent hommage, le mois dernier, d'une somme de 214 livres et qui envoient pareille somme en assignats pour le mois de juin.

(L'Assemblée accepte l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

5° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, en date du 8 de ce inois, relative aux travaux à faire au port de Dunkerque.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis.)

6° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui informe l'Assemblée que le colonel et 8 officiers du régiment ci-devant Neustrie ont donné leur démission; cette lettre est ainsi conçue (1) :

« Paris, le 10 juin 1792.

Monsieur le Président,

"J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale qu'une lettre de la municipalité de Lyon m'apprend que le colonel et 8 officiers du régiment, ci-devant Neustrie, à leur passage dans cette ville, ont donné leur démission et sont allés à la municipalité demander des passeports, qui leur ont été délivrés avec la mention qu'ils quittaient leurs drapeaux en temps, de guerre; je dois vous ajouter, Monsieur le Président, que les soldats de ce régiment attachés à leurs devoirs et à leur patrie ont juré de mourir pour elle, ce qui a donné lieu à la scène la plus attendrissante. (Applaudissements.)

« Je suis avec respect, Monsieur le Président,

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Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de ces fidèles soldats.)

7° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, en date du 10 juin, par laquelle il informe l'Assemblée qu'il a été brûlé, le 9 de ce mois, 7 millions d'assignats.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)

8° Lettre de M. Monnier, qui envoie à l'Assemblée un mémoire relatif aux moyens d'augmenter le numéraire et de régénérer le crédit national.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'hommage au procès-verbal et renvoie le mémoire aux comités de commerce, de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)

9° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, en date du 8 de ce mois, par laquelle il instruit l'Assemblée que le commandant de la 14 division a fait transférer dans les prisons de Granville 3 volontaires du département du Calvados, prévenus d'embauchage.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance.)

10° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, en date du 8 de ce mois, à laquelle est jointe une lettre du directoire du département d'Eure-et-Loir, relative à loi du 12 février dernier, concernant la production des titres des

(1) Archives nationales: Carton 151, dossier n° 265%

créances exigibles, de laquelle ils demandent la prorogation; ces pièces sont ainsi conçues (1):

« Paris, le 8 juin 1792.

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous envoyer la copie d'une lettre que je reçois du directoire du département d'Eure-et-Loir relativement à la loi qui a prorogé jusqu'au 1er de ce mois le délai accordé par celle du 12 février dernier pour la production des titres des créances exigibles sur I'Etat. Cette loi n'ayant pu être suffisamment connue attendu le retard qu'a éprouvé sa réimpression, ce corps administratif sollicite un nouveau délai sans lequel les intérêts de ses concitoyens se trouveraient lésés. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre cette demande sous les yeux de l'Assemblée nationale.

« Je suis avec respect, Monsieur le Président, « Signé ROLAND. »

Copie de la lettre écrite par le directoire du département d'Eure-et-Loir, le 2 juin 1792.

« Nous n'avons reçu, Monsieur, que le 18 mai dernier la loi du 1er du même mois qui proroge qu'au 1er juin, présent mois, le délai accordé par celle du 12 février dernier, pour la production des titres des créances exigibles sur l'Etat, nous en avons sur-le-champ adressé des exemplaires certifiés aux districts, et nous l'avons en même temps livrée à la réimpression. Quelques diligences que nous avons faites, nous n'avons pu obtenir de l'imprimeur la célérité que nous fui avons demandée et ce n'est qu'aujourd'hui qu'il nous a remis les exemplaires réimprimés de cette loi. Il est certain, Monsieur, que cette loi n'a point été suffisamment connue, aujourd'hui son effet a cessé et il serait inutile de la promulguer et de la faire afficher, si nous n'avions l'espoir que vous voudrez bien solliciter un nouveau délai de l'Assemblée nationale, nous venons en conséquence d'adresser les exemplaires réimprimés aux districts en les invitant de les faire passer sans délai aux municipalités, et nous vous prions, Monsieur, de vouloir représenter à l'Assemblée nationale les inconvénients qui ont résulté du délai par trop court qu'elle a accordé et solliciter un nouveau délai; autrement, nous ne craignons pas de vous le dire les intérêts de nos concitoyens sont lésés, d'autant plus qu'il nous paraît que l'opinion publique sur cette loi était qu'elle donnait pour la production de ces titres un mois à partir du jour de sa publication, ainsi que l'avaient annoncé quelques journaux, et que cette erreur n'a pu être détruite à temps, puisque la loi n'a pu être jusqu'à présent promulguée. »

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

11° Lettre du sieur Bouveyron, citoyen actif de la section de Montmorency, qui atteste que l'on a fait signer la pétition présentée hier (2) à l'Assemblée contre le camp de 20,000 hommes, par

(1) Archives nationales, Carton 131, dossier n° 265. (2) Voy. ci-dessus, seance du dimanche 10 juin 1792, page 61, la pétition de M. Vasselin.

des ouvriers qui ne font aucun service dans la garde nationale et dont quelques-uns ont signé pour les absents.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)

12° Lettre des sieurs Huot et Lacorde qui rétractent leurs signatures à la pétition des 8,000 et envoient, comme don patriotique, un assignat de 25 livres.

(L'Assemblée renvoie la lettre des sieurs Huot et Lacorde aux comités de législation et de surveillance réunis. Elle accepte en outre leur offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait leur sera remis.)

13° Lettre des sieurs Chaumont et Doucet qui rétractent leurs signatures à la pétition des 8,000. (L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)

14° Lettre des sieurs Desmanges, Lasalle et Bungille, citoyens du bataillon des Tuileries, qui déclarent avoir été surpris lorsqu'ils ont signé la pétition de M. Vasselin (1) et se rétractent.

M. Coubé. Allons, c'est comme les rétractations des prêtres réfractaires.

M. Cambon, secrétaire. Seulement elles sont un peu mieux fondées.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)

15° Lettre du colonel commandant le 6o régiment qui annonce que tous les soldats de ce régiment ont juré de maintenir la loi ou de mourir pour elle. (Applaudissements.)

Plusieurs membres Mention honorable au procès-verbal de la conduite du 6o régiment!

M. Gastellier, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret sur les secours à accorder aux sieurs Carteret et Bisson, grièvement blessés en tirant des coups de canon, le 25 avril dernier. Il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité des secours publics, le rapport qui vous a été fait, au nom du comité militaire, relativement aux sieurs Carteret et Bisson (2). Votre comité des secours a partagé l'opinion du comité militaire; il a vu dans les sieurs Carteret et Bisson deux citoyens animés du désir de servir leur patrie, deux citoyens industrieux et victimes d'une expérience qu'un défaut de précautions a rendue malheureuse.

Votre comité a vu dans le sieur Duvelleray un citoyen vertueux, un ami de l'humanité, qui s'est empressé, lors de leur accident, à leur prodiguer tous les secours qu'il était en son pouvoir de leur faire administrer.

Votre comité a pensé qu'il était de votre justice de faire rembourser toutes les avances faites par le sieur Duvelleray; qu'il serait injuste de le laisser plus longtemps chargé de ce qui est dû au chirurgien, à l'apothicaire et à la garde-malade. En conséquence, il vous propose le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la justice de faire rembourser au plus tôt le

(1) Voy. ci-dessus, séance du dimanche 10 juin 1792, page 61, la pétition de M. Vasselin.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 8 juin 1792, page 689, le rapport de M. Albitte sur les secours à accorder à MM. Carteret et Bisson.

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(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

Un particulier, se disant député extraordinaire du département du Cantal, est admis à la barre; il s'exprime ainsi :

Législateurs, chargé de vous exprimer le vœu du district d'Aurillac, département du Cantal, de plus de 40,000 habitants de ce même département, d'une foule de commandants et officiers de gardes nationales, je viens remplir ma mission en homme libre qui parle aux représentants d'un peuple libre. L'objet de cette mission est digne de toute votre attention. Tout ne prend-il pas un grand caractère quand il s'agit de la classe des agriculteurs, de cette classe la plus intéressante de la société ? La somme de la félicité publique ne se compose-t-elle pas du bonheur de cette nombreuse portion de la société? Tous vos moments appartiennent à la patrie. Depuis longtemps l'aristocratie, hérissée de torches, a allumé le volcan de la guerre civile dans tous les cantons, les districts et les départements du Midi. Exposés aux premières explosions, déjà Aurillac, Mende, et surtout les départements de la Haute-Loire et de la Lozère, voisins de celui du Cantal, ont vu déployer dans leur sein l'étendard de la contre-révolution. Dans le département de la Corrèze, on avait arboré la cocarde et la croix blanche. L'aristocratie nobiliaire et sacerdotale (car vous verrez toujours ces deux monstres étroitement accouplés, comme on voit dans Milton l'accouplement hideux du Péché et de la Mort), les ex-nobles et les prêtres extrus avaient fait couler le sang des citoyens. Déjà trois patriotes avaient été massacrés. A Boysset, on avait eu l'audace de tirer un coup de fusil sur le curé constitutionnel, dans l'instant même où il célébrait, à l'autel, le sacrifice de la messe. Enfin, l'arboration de la croix et de la cocarde blanches, une lettre écrite de Clermont, annonçait l'aveu échappé à deux aristocrates, qu'on devait dans peu arborer, à Aurillac et dans les autres départements du Midi, la cocarde et la croix blanches. Déjà on avait désigné toutes les têtes que l'on devait frapper; déjà on avait publié une liste de proscription, et j'avais l'honneur d'être le second sur cette liste.

J'avoue que je l'avais bien mérité, j'avoue que j'avais commis un grand crime, puisque depuis 2 ans j'avais consacré mes veilles à propager dans le département du Cantal et les départements circonvoisins, les lumières et le feu du patriotisme le plus pur. Tous les patriotes après moi devaient périr sous le fer des assassinats, déjà la guerre civile exerçait ses ravages dans nos murs, cependant aucun mandat d'amener, aucun jugement d'accusation n'était prononcé. L'impunité de ces monstres couvrait tous les crimes, la 1 SÉRIE. T. XLV.

loi dormait..... Tel était l'état du département du Cantal, lorsque les citoyens du canton d'Aurillac firent le serment terrible de porter les premiers coups contre ces meurtriers des patriotes. Ils songèrent que la Constitution était finie, mais que la Révolution ne l'était pas. (Murmures prolongés et exclamations.)

Le peuple se vit donc forcé de se saisir du glaive de la loi, dont le sommeil assurait l'impunité des coupables. Un groupe de volontaires du Cantal passait dans la rue en chantant l'air national Ça ira. Tout à coup on voit partir des fenêtres des coups de fusil sur ces citoyens paisibles, on jette sur eux des vases, des chaises. Toutes sortes de meubles, et jusqu'à des meules à repasser. Déjà un nommé Collinet, qu'on avait vu tirer un coup de fusil, est transféré dans les prisons pour y trouver sa sûreté; l'aristocratie protège ouvertement le coupable. Les citoyens s'assemblent à Arpajon, armés de haches, de faux et de fusils et demandent à voler à Aurillac pour y secourir les patriotes qu'on assassine; le rassemblement grossit, on se porte aux prisons, on enfonce les portes et le scélérat, qui la veille avait provoqué le massacre des recrues, paye de sa tête sa lâche perfidie..... (Murmures d'indignation.)

Plusieurs membres demandent que le pétition. naire soit tenu de se retirer sur-le-champ.

M. Dorizy. Monsieur le Président, imposez silence à cet apologiste des meurtres.

M. Gossuin. Le pétitionnaire vous trompe, Messieurs, et je puis le prouver en rappelant le rapport qui vous a été fait sur les troubles du Cantal. Il s'est commis des crimes, des pillages dans le district d'Aurillac, et il est étonnant qu'un citoyen, qui se targue d'être bon patriote, vienne car je vois son intention réclamer une amnistie pour les auteurs de ces désordres. Vous avez ordonné que le tribunal criminel du Cantal informerait sur tous les excès qui se sont commis dans ce département. Si le pétitionnaire aimait la Constitution, il ne justifierait pas ces excès et ne chercherait pas à arrêter le cours de la justice. Je demande que vous lui refusiez les honneurs de la séance et qu'on passe à l'instant à l'ordre du jour, car il serait odieux que les pétitionnaires abusassent de la parole jusqu'à venir arrogamment se rendre les apologistes du crime. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décide à l'unanimité de passer à l'ordre du jour.)

Plusieurs membres: Chassez le pétitionnaire! M. le Président ordonne au pétitionnaire de se retirer.

Le pétitionnaire se retire. (Applaudissements.) M. Lostalot. Les volontaires du 1re bataillon du département des Basses-Pyrénées, qui, depuis 6 mois, mangent le pain à 5 à 6 sous la livre, et la viande plus cher encore, ont néanmoins économisé une somme de 300 livres qu'ils me chargent d'offrir à l'Assemblée nationale pour les frais de la guerre. (Applaudissements.)

(L'Assemblée accepte l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.

(1) Voy. Archives parlementaires, 1" série, t. XLI, séance du 31 mars 1792, au soir, page 42, le rapport de M. Gossuin sur les troubles du Cantal.

7

M. Muraire, ex-président, prend place au fauteuil.

PRÉSIDENCE DE M. MURAIRE.

M. Carnot l'ainé. Je demande à l'Assemblée nationale la liberté de lire un court extrait d'une pétition intéressante, mais longue, que je suis chargé de lui présenter pour Mile d'Eon, connue autrefois sous le nom de chevalier d Eon. L'Assemblée y reconnaîtra les sentiments généreux de cette guerrière.

Plusieurs membres. Lisez.

M. Carnot l'arné, lisant: .... Quoique depuis plus de 15 ans, je porte constamment l'habit de femme, je songe toujours à ce que j'ai été autrefois à l'armée. Depuis la Révolution, je sens mon amour pour la patrie se réveiller et mon humeur guerrière se révolter contre ma cornette et mes jupons. (Rires et applaudissements.) Mon cœur me redemande à grands cris mon casque, mon sabre, mon cheval, pour aller reprendre à l'armee le rang et le grade que mes services et mes blessures m'ont valus et combattre les ennemis de la France. (Applaudissements.) Jamais je n'ai donne ma démission ni du service militaire, ni du service diplomatique. Or le décret du 5 septembre 1791 dit:

Les officiers qui, sans demission volontaire, auront elé arbitrairement privé de leur etat, ou suspendus de leurs fonctions, seront censes les avoir toujours exercées, et, en conséquence, seront replaces aux rang et grade qui leur appartiendraient s'ils n'avaient pas éprouvé d'injustice. >>

«En conséquence, Monsieur le Président, me trouvant dans ce cas, je supplie les honorables membres de l'auguste Assemblee qui represente la majesté de la nation fran aise et du premier peuple du monde, de permettre que je quitte mes habits de femme pour aller combattre contre vos ennemis.

« Je demande la permission de lever une légion de volontaires, une légion à la romaine, nombreuse et bien disciplinee, parce que le Dieu de la guerre est toujours pour les gros bataillons bien armes et bien exerces. Eloignée par caractère de tout parti, je ne suis point curieuse d'aller aire briller mon sabre à la procession dans les rues de Paris. (Applaudissements.) Je n'aime que la bonne guerre, noblement faite et courageusement exécutée.

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Auguste Assemblée nationale, recevez mes hommages. Songez qu'il n'y a présentement en Europe que 3 rois qui règnent constitutionnellement: le roi des Français, le roi des Anglais et celui des Polonais.

«Il me tarde de jouir du spectable imposant de ma nation devenue libre. Dans ma vive impatience, j'ai tout vendu, excepté l'uniforme et le sabre que j'ai déjà portes dans la dernière guerre, et que je desire porter encore dans la guerre presente. De ma bibliothèque, il ne me reste plus que la cassette qui contient les manuscrits du maréchal Vauban. Je les ai gardés pour les offrir à l'Assemblee nationale pour la gloire de ma nation et l'instruction des braves generaux qui se destinent à la defendre. (4pplaudissements.)

« J'ai ete le jouet de la nature, de la fortune, de la guerre et de la paix, des hommes et des femmes, de la malice et de l'intrigue des cours. J'ai passé succesivement de l'état de fille à celui

de
garçon,
de celui d'homme à celui de femme;
J'ai éprouvé toute les bizarreries des événements
et de la vie humaine. Aujourd'hui une plus bril-
lante carrière s'ouvre devant moi. Bientôt, les
armes à la main, sur les ailes de la liberté et de
la victoire, j'irai combattre et mourir pour la
nation, la loi et le roi!» (Vifs applaudissements.)
Je demande la mention honorable au procès-
verbal et le renvoi de la pétition au comité mi-
litaire.

Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable aux procès-verbal de la pétition de Mile d'Eon et renvoie cette pétition au comité militaire pour en faire son rapport sous 3 jours.

M. GRUEL, admis à la barre avec un autre citoyen, présente une pétition, tant en son nom qu'en celui de 92 officiers, sous-o'ficiers et soldats du régiment ci-devant La Fère, en garnison au fort Saint-Pierre, île de la Martinique. Ils se plaignent d'avoir été arbitrairement exclus de leurs corps pour avoir déféré, en vertu des lois, aux réquisitions d'une municipalité et demandent la revision du jugement.

M. le Président répond aux petitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de marine et colonial réunis pour en faire le rapport sous 3 jours.)

MM. PEQUIGNOT et BAZIN, jeunes artistes, sont admis à la barre. Ils font hommage à l'Assemblée de figures emblématiques et de projets d'inscriptions propres à orner le frontispice du lieu des séances du Corps législatif. Ils se plaignent de l'inexécution du décret par lequel l'Assemblée constituante a voulu que tous les Ouvrages publics décrétés par elle ou par ses successeurs, fussent adjuges au concours. Ils sollicitent une loi qui détermine le mode de ces concours. (Applaudissements.)

M. le Président répond aux pétitionnaires que les représentants d'un peuple libre mettront toujours au rang de leurs premiers devoirs d'encourager les efforts du génie et d'honorer les arts. I leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition de MM. Péquignot et Bazin au comité d'instruction publique.)

M. Choudieu, au nom du comité militaire, fait un rapport sur la pétition du sieur Bonnay, ci-devant capitaine au corps d'artillerie, arbitrairement destitué sous le ministère de M. de Ségur, et sur le simple avis non motivé de 3 inspecteurs généraux, sans jugement ni information

ces faits et présente le projet de décret suivant:

« L'Assemblé nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur la pétition du sieur François Bonnay, capitaine au corps d'artillerie, consi érant qu'au moment où les armées françaises sont en présence de l'ennemi, il est instant que tous les militaires soient à leur poste, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant que le sieur Bonnay, capitaine au corps d'artillerie, a été destitué arbitrairement de son état, et sans qu'aucunes formes légales aient été préalablement observées, décrète que le sieur Bonnay sera réintégre dans son emploi, et qu'il reprendra dans le corps d'artillerie le rang et le grade qu'il aurait oc

cupés s'il n'eût point éprouvé d'injustice, pourvu toutefois qu'il représente les certificats de civisme exigés par la loi. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

M. Carnot-Feuleins, le jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur les moyens de procurer des arines à tous les citoyens du royaume, inscrits sur les registres de la gurde nationale, et la nécessité de prohiber la sortie d'armes de toute espèce et de munitions de guerre; le projet de décret est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

"L'Assemblée nationale, connaissant l'empressement des citoyens à voler à la defense des frontières, considérant que le meilleur moyen de les y faire coucourir efficac ment sans les enlever à leurs utiles travaux est de procurer des armes à tous ceux qui, par leur proximité de l'ennemi, sont le plus à portée de s'opposer à ses entreprises et de veiller à la sûreté de l'Etat en en défendant les barrières, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

« Art. 1r. Dans les trois jours de la publication du présent décret, les directoires de tous les départements du royaume nommeront des commissaires et 3 armuriers experts jurés, à l'effet de vérifier, éprouver et recevoir les armes qui,'conséquemment aux articles suivants, pourront leur étre présentées.

Art. 2. Toute personne qui présentera aux commissaires des divers départements un ou plusieurs fusils de guerre neufs, des calibre et longueur qui seront fixés dans une instruction particulière annexée au présent decret, que les fusils soient d'une fabrique nationale ou étrangère, pourvu d'ailleurs que, d'après les visites et épreuves déterminées dans l'instruction, ils soient jugés propres à servir utilement à l'armeinent d'un citoyen, recevra comptant, pour chaque fusil garni de sa baïonnette, et celle-ci de son fourreau, une somme de 35 livres.

Art. 3. Les commissaires pour la vérification et réception des armes seront indemnisés de leurs frais de voyages ainsi que les armuriers; ceux-ci seront, en outre, payés du prix de leurs journées, le tout ainsi qu'il sera réglé par les directoires des départements respectifs.

« Art. 4. Les fonds nécessaires pour cette dépense et autres accessoires tels que l'encaissement, le transport, etc., ainsi que pour acquitter le prix des armes, seront pris sur ceux decrétés extraordinairement pour la guerre; en conséquence, le mini-tre donnera les ordres les plus prompts pour qu'il y ait des fonds suffisants versés dans chaque département pour cet objet.

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Art 5. Les fusils, aussitôt qu'ils seront reçus, seront déposés dans des magasins destinés à cet usage; le pouvoir exécutif rendra compte, de buitaine en huitaine, à l'Assemblée nationale, de l'état où se trouveront ces magasins et lui proposera, d'après les demandes des directoires, et notamment de ceux des départements fron

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Militaire, tome IV, Nn.

tières, les distributions d'armes qu'il croira convenable de faire aux citoyens; en consequence, il n'en sera fait aucune que sur un décret du Corps législatif.

« Art. 6. Les fusils ainsi distribués seroi marqués, sur le canon et à la crosse, des deux lettres A N, signifiant arme nationale; les corps administratifs et municipalités veilleront à ce qu'ils ne soient point dilapides; en conséquence, il n'en sera délivré aucun qu'à des citoyens inscrits sur les registres de la garde nationale: les noms de ceux à qui les armes auront été confiées seront enregistrés dans chaque municipalité, qui en enverra un double au directoire du district dont elle relève et celui-ci tous les mois au département, chaque municipalité se fera représenter les armes quand elle le jugera à propos et veillera à ce qu'elles soient conservées dans le meilleur état, sans que ceux qui eu seront dépositaires puissent y faire aucune espèce de changement.

Tout citoyen qui serait convaincu d'avoir vendu son fusil sera déclaré incapable de porter les armes pendant 3 années; sans que, pour ce, il puisse être dispensé de rembourser le prix de l'arme qui lui aurait été confiée, pour lequel remboursement il sera poursuivi par le procureur-syndic du district, sous sa responsabilité personnelle.

« Art. 7. A la fin de la guerre, les armes qui auront été ainsi délivrées aux citoyens, soit qu'ils aient eu ou non occasion d'en faire usage contre l'ennemi, leur resteront en toute propriété, comme un témoignage de l'honorable engagement qu'ils auront pris envers la nation, de défendre son indépendance et sa liberté.

« Art. 8. Comme il importe essentiellement de savoir quel est le nombre d'armes sur lequel il est possible de compter sur chaque point de la frontière, et même dans l'intérieur du royaume, tous les citoyens qui ont chez eux des fusils de guerre, soit qu'ils leur appartiennent en propriété ou qu'ils leur aient été fournis precédemment des magasins nationaux, feront, dans les huit jours de la publication du présent décret, à la municipalite de leur domicile, la déclaration du nombre qu'ils en aurout; ces armes seront marquées, si les citoyens le desirent, des mêmes lettres A N elles seront alors sujettes, comme les premières, aux mêmes inspections des municipalités et corps administratifs, et elles appartiendront à la fin de la guerre en toute propriété à ceux qui se seront ainsi engagés à en faire usage contre les ennemis de l'Etat; celles qui auraient été tirées des arsenaux ou magasins nationaux et qui ne seraient point marquées des deux lettres A N ne pourront en aucun temps, même après la guerre, faire partie d'une propriété particulière.

Art. 9. Les citoyens qui auraient plusieurs fusils de guerre à leur disposition, dont quelques-uns leur seraient inutiles, sont invités à s'en défaire le plus tôt possible et de manière à ce qu'ils passent entre les mains d'autres bons citoyens, l'Assemblée nationale declarant que celui-là aura le mieux merité de la patrie qui, dans les circonstances actuelles, aura contribué à armer un plus grand nombre de défenseurs de la liberté.

"

Art. 10. Aucun citoyen, inscrit sur le registre de la garde nationale, ne pourra être contraint de céder son fusil, même sous prétexte d'en armer plus utilement un autre citoyen; et dans le cas où, pour le besoin de l'Etat, il consentirait, à

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