Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

pièces de 2 sols 1/2, ou 30 deniers, jusqu'à concurrence de 7 millions.

« Art. 2. Les pièces de 5 sous seront à la taille de 45 au marc, et au remède d'une pièce.

« Celles de 30 deniers seront à la taille de 90 au marc, et au remède de 2 pièces.

« Art. 3. Les pièces seront au titre de 1 denier de fin, et au remède d'alloi de 2/24° de denier.

« Art. 4. Les unes et les autres porteront d'un côté l'effigie du roi, avec cette légende Louis XVI, roi des Français.

« Art. 5. Le revers des pièces de 5 sous représentera une couronne de laurier renfermant 2 mains enlacées, et armées d'une pique surmontée d'un bonnet, il aura pour légende ces mots Egalité, liberté.

Art. 6. Le revers des pièces de 30 deniers représentera seulement une couronne de laurier entourant cette inscription: Egalité, liberté.

« Art. 7. Le millésime sera placé sur le coin de la pile, et la date de l'an de la liberté sur le coin de la tête.

» Art. 8. Cette monnaie sera fabriquée exclusivement dans les ateliers de Paris, de Strasbourg et de Lille.

Art. 9. Le ministre des contributions publiques est autorisé à préposer pour l'opération du monnayage, un entrepreneur chargé de disposer et préparer les balanciers et en diriger le travail, sans que les droits à percevoir par ledit entrepreneur puissent excèder la somme de 2 sous pour mare, prescrite par les anc.ens édits pour le monnayage du billon.

« A cet effet, 1 s compagnies des monnayeurs ne pourront réclamer aucuns droits de concourir directement ou indirectement au monnayage desdites espèces. »

M. Juéry. Messieurs, je viens invoquer la question préalable sur le projet de votre comité. Je ne suivrai pas M. le rapporteur dans ses erreurs, sur le système monétaire en général : il sera temps de s'en occuper, si le comité les reproduit; lorsqu'il vous rendra compte des vues que le ministre des contributions vous a proposées sur cette partie importante de l'administration.

Je n'examinerai pas, dans ce moment, la proposition que vous fait le comité, de confier la fabrication de cette monnaie a un seul particulier, en qualité d'entrepreneur cette disposition n'étant que secondaire dans le projet de votre comite, il sera facile de l'amender sur ce point, si l'Assemblée le décidait à en ordonner la discussion, article par article.

Econome de vos moments, je fixerai toute votre attention sur les principes et sur les bases de la monnaie dont on vous propose la fabrication; et je vous démontrerai qu'il est impossible de les adopter, parce qu'elles sont absolument destructives de vos finances.

Toute fabrication de monnaies de quelque espèce qu'elles soient, doit être à l'abri de l'accaparement et de la contrefaçon.

L'accaparement a lieu toutes les fois que la valeur intrinsèque de la monnaie se trouvant supérieure à la valeur conventionnelle que la loi lui donne, l'avidité du spéculateur y rencontre un intérêt suffisant pour la jeter dans le creuset.

La contrefaçon est provoquée par raison inverse, lorsque la valeur intrinsèque de votre

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Monnaies et Assignats, no 29.

monnaie se trouvant inférieure à sa valeur commerciale, le faux monnayeur trouve un intérêt considérable à l'imiter.

La monnaie proposée par votre comité est à l'abri de l'accaparement; mais elle laisse une étrange latitude à la contrefaçon.

M. le rapporteur vous a annoncé que la valeur intrinsèque de cette monnaie serait, relativement à la valeur commerciale, comme 75 sont à 100. Si cette proportion était exacte, elle présenterait toujours un bénéfice de 33 1/3, et 1/3 0/0 à celui qui voudrait la contrefaire dans l'intérieur du royaume. Ce bénéfice serait bien suffisant pour fixer l'avidité.

Mais, Messieurs, un calcul bien simple vous démontrera que la valeur intrinsèque de cette monnaie, relativement à sa valeur commerciale, ne serait pas dans la proportion de 75 0/0, mais seulement dans celle de 66 à 100.

La monnaie qu'on vous propose produira par chaque marc de matière :

45 pièces de 5 sous ou 90 pièces de 30 deniers, qui donneront une somme de..... 11 l. 5 s. On peut y ajouter une pièce de

5 sous ou 2 pièces de 30 deniers pour remède de poids, ci....

D

5

[blocks in formation]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Ce bénéfice est bien certainement de 153 3/4 et plus 0/0 (1).

Ainsi, le contrefacteur étranger, qui ferait une mise de fonds de 10 millions, mettrait en circulation de la monnaie pour une somme de 25,375,000 livres.

Et cette somme ne lui fût-elle payée qu'en assignats, elle lui servirait à acheter 15 millions 660,000 livres de vos écus, quand les assignats perdraient 60 0/0. Le contrefacteur aurait converti la dépense en vos écus, et il emporterait encore 5,600,000 livres, toujours en écus.

Je ne vois donc dans le projet de votre comité qu'une facilité de plus, ouverte aux étrangers, pour accaparer votre haute monnaie.

De là résulterait encore un autre inconvénient non moins important. Vous ne tarderiez pas à voir votre commerce surchargé de cette monnaie factice. Sa circulation serait bientôt odieuse, et elle perdrait nécessairement dans les échanges journaliers pour lesquels elle semble destinée; ou bien le prix des denrées augmenterait en raison de sa non-valeur; ce qui revient au même pour le peuple; vous seriez obligés de la retirer de la circulation, et par conséquent de la rembourser. La dépense qu'on vous propose ne servirait donc qu'à préparer des entraves nouvelles à votre commerce, et à ruiner vos finances pour enrichir l'étranger (2).

(1) M. le rapporteur m'a observé que j'ai oublié dans mes calculs les frais de fabrication, qu'il porte à 27 sous par marc.

Je lui réponds: 1o qu'il n'en a point parlé dans son rapport; ainsi le reproche tombe d'abord sur lui, qui a négligé de nous faire connaître cet objet de dépense, qui ne peut être faite sans être décrétée;

2. Que cette dépense serait exorbitante;

3 Que quand elle serait exacte, elle ne réduirait le bénéfice que de 13 0/0 pour le contrefacteur régnicole, auquel il resterait encore plus de 40 0/0 de bénéfice;

4 Qu'il resterait au contrefacteur étranger 140 0/0 de bénéfice, et toujours 153 3/4 0/0 de perte pour la nation; puisque les ouvriers étrangers, employés à la contrefaçon, gagneraient les 27 sous par marc.

(2) Lorsque je suis descendu de la tribune, on m'a fait les trois objections suivantes :

On accapare nos écus, il faut donc faire une basse monnaie de billon.

Si on la contrefait dans l'étranger, tant mieux; nous aurons plutôt le secours que nous en attendons.

Je conclus à la question préalable contre le projet de votre comité, à ce que ce comité soit chargé de vous présenter des bases nouvelles pour la fabrication d'une monnaie de billon. Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Juéry.

(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Juéry.) La discussion est interrompue.

M. GILIBERT, major de l'hôtel des Invalides, est admis à la barre avec plusieurs officiers, sousofficiers et soldats invalides accompagnés de quelques-uns de leurs enfants, qui sont déjà élèves tambours.

Ces vieux soldats, réduits par les infirmités résultant de leurs blessures à ne plus pouvoir faire que des vœux pour le succès de nos armes, offrent une somme de 860 livres en assignats et de 40 liv. 3 s. en espèces pour aider aux frais de la guerre. L'un d'eux renouvelle, au nom de ses camarades, le serment de vivre libre ou mourir.

Les élèves tambours de l'hôtel des Invalides offrent 4 livres en assignats (Vifs applaudissements)

M. GILIBERT. La 10° division a eu le malheur de perdre la somme qu'elle voulait offrir à la patrie; elle a été enlevée par le sergent-major qui en était dépositaire et qui a disparu depuis 2 jours. Cependant ces braves militaires voulant contribuer à l'offrande avec leurs camarades, ont fait le sacrifice d'une double paye. (Vifs applaudissements.) Je demande en leur nom la permission de défiler dans la salle.

Un membre: Je convertis cette demande en motion.

(L'Assemblée accorde la permission demandée.) (Environ 900 soldats invalides, précédés de leurs enfants, traversent la salle, au bruit des tambours et des fifres qui les accompagnent et au milieu d'appplaudissements réitérés. Plusieurs reconnaissent leurs frères d'armes siégeant au sein du Corps législatif et vont les embrasser.)

M. Roland, ministre de l'intérieur, obtient la parole et présente le compte des dépenses qu'il a ordonnées dans le mois de mai dernier.

(L'Assemblée renvoie ce compte au comité de l'ordinaire des finances.)

M. Roland, ministre de l'intérieur. Monsieur

Dans tous les cas, il nous sera facile d'en arrêter le progrès s'il devenait trop dangereux.

Je réponds aux deux premières propositions, que s'il est vrai que vous soyez obligés de faire fabriquer de la monnaie de billon, lorsque vous avez déjà en circulation pour près de 11 millions de cette basse monnaie, composée avec le métal des cloches, lorsque l'ancienne monnaie de billon subsiste, lorsque la nouvelle augmente chaque semaine de près de 300,000 livres, au moins ne faut-il pas fabriquer une monnaie dont la contrefaçon offre à l'étranger un nouveau moyen d'accaparer vos écus. Ce serait agir contre le but que vous vous proposez.

Quant à la troisième proposition, je la nie formellement. La monnaie que l'étranger introduira se trouvant au même titre que la vôtre, vous ne pourrez vous apercevoir de sa circulation que lorsqu'elle pèsera sur le commerce alors le mal sera fait; et il ne vous restera d'autre moyen que de supprimer votre monnaie pour désobstruer votre commerce de toute celle que votre imprudence aura donné lieu d'introduire.

JUERY.

le président (1), en recevant le décret de l'Assemblée nationale du 5 de ce mois relatif à la remise à faire au département de l'Aisne, sur ma responsabilité, de la somme de 100,000 livres à prendre sur les 12 millions décrétés pour achats de grains dans l'étranger, j'observai au membre de l'Assemblée qui me l'apporta et qui me pressait de faire expédier une ordonnance de la somme: 1° que le décret était sujet à la sanction et qu'il n'était pas sanctionné; 2° que les 12 millions étaient entièrement employés, comme je l'avais démontré à l'Assemblée nationale le matin même du jour de la date du décret.

Depuis ce moment, j'ai écris deux fois à l'Assemblée en lui exposant les mêmes choses, j'ai porté le décret au conseil du roi en y faisant la même exposition, d'après laquelle le roi ne crut pas devoir le sanctionner.

Dans le conseil d'hier, ce même décret, qui m'avait été apporté et qui l'a été 4 à 5 jours après au roi, fut de nouveau présenté à la sanction; j'y fis le même rapport, la même exposition, et ce décret n'a point été sanctionné. J'ai exposé d'ailleurs, dans une de mes lettres à l'Assemblée nationale, tous les inconvénients qui résulteraient de tenter l'exécution, les fonds étant employés comme je l'ai démontré. Je lui ai proposé de décréter de nouveaux fonds. Je lui ai exposé que les demandes se multiplient, que les besoins de calmer les inquiétudes deviennent pressants. Je soumets le tout au nouvel examen qu'elle croira sans doute nécessaire de faire faire par ses comités. J'aurai l'honneur, sous peu de jours, de lui remettre sous les yeux, le tableau des nouvelles demandes, mais je la prie de vouloir bien prendre en considération dans ce moment la demande du département de l'Aisne.

Plusieurs membres : Le renvoi aux comités ! M. Carnot-Feuleins, le jeune. Le renvoi est inutile; l'Assemblée peut sur-le-champ rendre un nouveau décret.

M. Tarbé. Je propose de décréter qu'il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 100,000 livres pour le département de l'Aisne, et de renvoyer au comité pour la rédaction du décret.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Tarbé.) Plusieurs membres Aux voix l'urgence! (L'Assemblée décrète l'urgence.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

"L'Assemblée nationale, après avoir entendu les observations du ministre de l'intérieur sur le décret du 5 de ce mois, relatif aux 100,000 livres qu'il devait fournir au département de l'Aisne, et d'après la motion faite par un de ses membres, voulant subvenir aux besoins pressants dudit département de l'Aisne, décrète qu'il y a urgence.

"L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, decrète que la Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 100,000 livres, destinée à subvenir aux besoins du département de l'Aisne, de laquelle somme le ministre fera emploi conformément aux dispositions du décret du 5 de ce mois, et en rendra compte, ainsi que des 12 millions mis à sa disposition par la loi du 2 octobre dernier.

[blocks in formation]

L'Assemblée reprend la discussion (1) du projet de décret des comités des assignats et monnaies, de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis sur la fabrication d'une monnaie de billon.

M. Lucia. Messieurs (2), je crois que l'émission d'une monnaie servant d'intermédiaire entre les petites coupures d'assignats et les espèces provenant de la fonte des cloches, sera très utile. Je pense, avec M. Reboul, que vous devez décréter la fabrication de 15 millions en pièces de 5 sols et de 30 deniers; mais je ne connais en même temps rien de plus immoral et de plus impolitique que le projet qu'il vous présente, à cet égard, au nom de vos trois comités réunis, de l'ordinaire, de l'extraordinaire des finances, et des assignats et monnaies. Les sophismes, les contradictions dont son rapport fourmille, sont une preuve évidente que le talent ne suffit pas pour se garantir de l'erreur, quand on s'écarte des vrais principes.

Le projet est immoral?... N'est-ce pas, en effet, abuser de la confiance de la nation, que de proposer la fabrication d'une monnaie, qui, sous le cachet du prince, sous la garantie sacrée de la loi, ne présenterait qu'une valeur fictive au lieu d'une valeur réelle? Les administrateurs de la chose publique, dit Cicéron, ne doivent jamais s'exposer à être soupçonnés d'avarice ou de mauvaise foi. Voudrait-on attacher à un peuple libre et souverain la honte dont le temps a flétri la mémoire des despotes faux-monnayeurs? Ne sait-on pas que le prince le plus puissant ne peut faire que sa monnaie ait plus de valeur que n'en représente le titre et le poids de la matière? Tel serait cependant le résultat du projet de vos comités réunis. Ils vous demandent de décréter la fabrication des pièces de billon d'un denier de fin, c'est-à-dire de mettre en circulation des pièces d'une valeur supposée de 5 sols et de 30 deniers, qui n'auraient qu'une valeur réelle de 3 sols ou de 6 liards.

Ce projet est non seulement immoral, il est encore impolitique. Quel est, en effet, le but que se proposent vos comités par cette opération? C'est de présenter des moyens d'échange aux petites coupures d'assignats; de sauver cette nouvelle monnaie de l'accaparement, en mettant une grande disproportion entre la valeur numéraire et la valeur intrésèque; de faire enfin une monnaie de circonstance, une monnaie obsidionale, qui ne fasse point partie du système monétaire; ce sont les propres termes du rapport.

Vous devinerez difficilement, Messieurs, ce que c'est qu'une monnaie qui ne fera pas partie du système monétaire; c'est une énigme dont le rapporteur s'est réservé le mot. Vous serez étonnés, sans doute, qu'il propose à la France une monnaie obsidionale, telle que s'en sont donnés, dans des moments difficiles, les villes d'Ypres, de Vienne, de Perpignan et autres. Le vice ou lé ridicule de cette proposition ne vous échappera pas. Mais, dans l'hypothèse même la plus favorable, je prouverai au rapporteur que la mesure qu'il propose n'atteindra pas le but d'utilité qu'il en attend; car, de deux choses l'une: ou l'opinion éclairée confondra cette monnaie avec le papier; et dès lors, assujétie aux mêmes chances que celui-ci, elle éprouvera le même défaut de con

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 89, le commencement de la discussion.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Monnaies et Assignats, 28.

fiance, ce qui ne remédiera pas à notre crise politique; ou bien elle obtiendra une faveur qu'elle ne mérite pas dès lors l'accaparement est inévitable, et les agioteurs y trouveront un nouveau moyen d'augmenter leur fortune aux dépens de la fortune publique.

L'Assemblée constituante avait déjà rejeté la proposition d'une monnaie de billon d'un titre inférieur au titre légal. M. Reboul, qui ne l'ignore pas, cherche à en déguiser la véritable cause; il l'attribue à ce que l'argent ne gagnait alors que 5 ou 6 0/0 sur les assignats. Il suffit d'ouvrir le rapport du comité des monnaies pour se convaincre de la fausseté de cette allégation. Cette proposition fut rejetée, parce qu'elle fut envisagée comme une opération fiscale, où l'intérêt de la chose publique était sacrifié à celui des manipulateurs, parce que la contrefaçon de cette monnaie était trop facile, parce qu'on pouvait aisément la confondre avec les espèces étrangères; ce qui donnait lieu à un billonnage continuel. Les mêmes causes existent. Votre détermination, Messieurs, ne saurait donc être douteuse mais suivons encore un instant le projet de vos comités.

Le rapporteur vous propose de donner à cette monnaie de billon une valeur numéraire égale au prix des matières métalliques, qu'il suppose, dans ce moment, à 75 0/0; mais la hausse ou la baisse du numéraire dépendent de plusieurs causes morales dont on ne peut prévoir ni arrêter l'effet c'est donc vous proposer de décréter que la fabrication journalière de votre nouveau billon sera assujétie aux mouvements du thermomètre de la rue Vivienne ou de la place des Victoires. Cette idée est, en vérité, trop plaisante pour qu'on la réfute sérieusement.

:

Je crois en avoir assez dit pour démontrer que le projet de vos 3 comités réunis est immoral et impolitique. Mais comme l'émission d'une petite monnaie de billon, au titre légal, me paraît une opération nécessitée par les circonstances, voyons sí les moyens qu'ils proposent pour exécuter avec célérité et perfection, sont admissibles.

Pour obtenir avec célérité 15 millions de billon, le rapporteur nous conseille d'en confier la fabrication aux trois hôtels des monnaies, de Paris, Strasbourg et Lille. On devinera difficilement comment 3 ateliers opéreront seuls avec plus d'activité, que réunis aux 14 qu'on veut priver de cette faveur, disons le mot M. Reboul ne le croit pas lui-même. En vous présentant cette mesure, dont il ne peut se dissimuler l'insuffisance, il a voulu vous accoutumer insensiblement à la grande et sublime idée qu'il vous prépare de supprimer tous les hôtels des monnaies du royaume, en conservant uniquement celui de Paris. Je combattrai, quand il en sera temps, cette proposition captieuse, dont l'effet serait de nourrir l'agiotage par un aliment continuel, et d'offrir à quelques spéculateurs avides le moyen sûr de disposer avec facilité de la fortune publique. Mais n'anticipons point sur l'avenir : revenons au sujet qui nous occupe.

Il est de fait que les 3 ateliers monétaires de Lille, Strasbourg et Paris, n'auront pas fabriqué dans 6 mois les 15 millions de billon qu'un besoin urgent sollicite. 17 ateliers peuvent terminer cette opération dans 3 mois : il y a donc tout à gagner, du côté de l'activité, à rejeter le moyen proposé par les comités; l'intérêt général des divers départements l'exige leurs habitants respectifs obtiendront plus aisément de la monnaie de billon, lorsqu'elle sera fabriquée

dans un atelier voisin, que lorsqu'ils seront forcés d'en demander à 200 lieues de leur domicile, de supporter les frais d'un transport onéreux.

Il me reste à démontrer que l'admission des 17 hôtels des monnaies à la fabrication du nouveau billon, ne nuira point à la perfection de l'ouvrage j'en chercherai la preuve dans le rapport même de vos comités.

On y lit qu'un artiste célèbre offre d'appliquer à notre monnaie de billon tous les avantages qu'on pourrait retirer des ateliers de Birmingham, en ajoutant à nos balanciers les moyens de perfection qui leur manquent. Ces changements utiles, ajoute le rapporteur, n'exigeront que le temps nécessaire pour préparer les coins et les flaons. Je prie l'Assemblée de se fixer sur cette dernière phrase; et je demanderai ensuite à M. Reboul par quelle singularité il ne veut point appliquer ces moyens de perfection à tous nos ateliers monétaires. Pourquoi ne fournirait-on pas successivement des coins et des flaons aux monnaies de Strasbourg, Lille, Paris, Perpignan, Bayonne, Lyon, Pau, etc., suivant leur utilité reconnue? Cette marche générale serait plus simple, plus utile; elle détruirait les soupçons qu'on pourrait se permettre sur la prédilection accordée à trois ateliers exclusivement; et si l'on m'objectait la surveillance essentielle de l'artiste, je répondrais qu'elle ne peut s'étendre qu'à un seul atelier; que s'il doit employer des agents secondaires, on ne gagne rien à ce changement, et que le même danger alors existe pour tous ou n'existe pour aucun.

Le rapporteur demande qu'on enlève cette fabrication aux compagnies des monnayeurs, et qu'on la confie à un entrepreneur choisi par le ministre. Il devra se contenter, dit-il, de deux sols par marc, pour son droit d'inspection: mais le droit accordé aux monnayeurs pour cette fabrication, ne s'est jamais élevé au-dessus: il ne nous propose donc pas une économie; il veut remplacer un privilège exclusif par un autre. Abus pour abus, je préfère le premier; il est consacré par l'usage; il n'a point l'air d'une faveur particulière et l'Assemblée, en consacrant par son suffrage cette nouvelle proposition, s'éloignerait des principes, et paraîtrait se prêter à un arrangement ministériel.

Mais cet entrepreneur, choisi par le ministre, désigné d'avance par l'opinion publique, sera, dit-on, un artiste habile dont les talents nous seront infiniment utiles dans la circonstance : il mérite donc la préférence sur des compagnies routinières. Je suis, pour cette fois, de l'avis des comités, quant au fond; nous ne différons que pour la forme.

Il faut récompenser les talents, sans doute; mais la récompense ne doit laisser après elle aucun soupçon de faveur. Qu'il soit ouvert à l'instant un concours pour la perfection des espèces monétaires; qu'on rende juges des moyens proposés, ou de tous autres qui pourraient l'être, MM. Dupré, Gatteau et Deros, dont les talens sont généralement avoués. Que l'artiste dont ils désigneront le travail comme le plus parfait, obtienne de la nation une gratification proportionnée à l'utilité de son invention. Mais qu'on n'entende plus parler de privilège exclusif: ce mot doit être à jamais banni du dictionnaire d'un peuple

libre.

D'après ces considérations, Messieurs, je me résume en demandant la question préalable sur les article 3,8 et 9 du projet de vos comités; et je propose d'y substituer les trois articles suivants :

« 1° Les pièces de billon seront au titre de deux deniers de fin, et au remède d'alloi de deux vingt-quatrièmes de deniers.

2° Tous les hôtels des monnaies du royaume fabriqueront des espèces de billon : il sera fourni à chacun d'eux successivement, et suivant leur degré d'utilité respective, les coins et flaons nécessaires pour être employés par les compagnies des monnayeurs, sous la surveillance des officiers ordinaires, et suivant le mode qui leur sera indiqué.

3° Il sera ouvert un concours pour la perfection de monnaie de billon, et successivement de toutes les espèces monétaires : il sera accordé par la nation des récompenses aux artistes qui auront présenté, à cet égard, de nouvelles machines, ou perfectionné celles qui existent; et la commission des monnaies sera autorisée à faire adopter, par tous les hôtels des monnaies du royaume, celles dont l'utilité aura été généralement reconnue. »

Pluseurs membres : L'impression!

(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Lucia).

M. Clavière, ministre des contributions publiques, obtient la parole pour rendre le compte qui lui avait été demandé sur l'état de la confection des rôles, et du recouvrement des contributions directes, dans la ville de Paris. Il y a 6,653,000 livres pour la contribution foncière et 2,750,000 livres pour la contribution mobilière. Il observe qu'aucune mauvaise volonté n'a retardé le travail général des contributions dans la capitale, et que, si la confection des rôles est en retard, les perceptions sont du moins en pleine activité; il remet à l'appui de son mémoire la copie d'une lettre qu'il a reçue du procureur général syndic du département.

M. Léonard Robin. Il est bien étonnant, Messieurs, que les difficultés existantes entre le département et la municipalité de Paris, relatives à la confection de ces roles, aient jusqu'à présent retardé ce travail important. Je demande que les comités de législation, de l'ordinaire des finances et des divisions nous fassent incessamment le rapport dont ils ont été chargés.

M. Léopold. J'observe à l'Assemblée que ce rapport est prêt et qu'il lui sera présenté le jour qu'elle voudra bien désigner.

(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre des contributions publiques et la lettre qui y est jointe au Comité de l'ordinaire des finances et décrète que le rapport demandé par M. Robin lui sera fait samedi.)

M. Clavière, ministre des contributions publiques. Messieurs (1), j'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale que dans le département du Haut-Rhin, il y a eu une sorte de fermentation dans les esprits, à l'occasion d'une lettre par laquelle le directeur de la douane marquait à ses préposés de laisser sortir des sabres, pistolets, poudre à tirer et fusils.

J'observerai à cet égard que les lois prohibitives de l'exportation des armes et munitions. ont été modifiées par celle du 28 septembre dernier. Elle excepte de la prohibition les sabres, les épées, les fusils et la poudre de chasse uniquement destinées au commerce avec l'étranger.

C'est de cette disposition que le préposé des douanes s'est sans doute autorisé pour écrire sa

(1) Archives nationales : Carton 151, dossier n° 265.

circulaire; mais ce qui a pu induire en erreur à cet égard, c'est qu'il n'y a pas ajouté le mot chasse à celui de fusil. Cependant le directoire du département m'a témoigné craindre que si l'on laissait sortir des armes et des munitions d'aucun genre, il ne se manifestât quelque mouvement dangereux, d'autant qu'étant obligé de former des patrouilles citoyennes, la disette d'armes empêchait l'exécution de cette mesure essentielle à l'approche de l'ennemi.

La lettre du directoire (1) m'a paru si instante, que j'ai marqué à la régie des douanes de s'opposer provisoirement à la sortie de toute espèce d'armes et de munitions, et notamment dans les départements voisins du théâtre de la guerre. J'ai cru devoir instruire de ces faits l'Assemblée nationale afin qu'elle détermine dans sa sagesse si la prohibition doit être ou non illimitée et si elle doit être particulière à ces départements.

M. Aubert-Dubayet. Le camp de Neuf-Brisach a été ces jours-ci dans une fermentation dangereuse pour la chose publique. Un officier, M. D'Arlandes, qui a donné des preuves de son patriotisme depuis le commencement de la Révolution, a été extrêmement maltraité, lors de l'arrestation de plusieurs voitures par des soldats, qui croyaient nécessaire, pour la sûreté de l'Etat, de connaître la nature de leur chargement. Ces voitures contenaient en effet des caisses de platines, de canons de fusils et de sabres. A la vue de ce chargement, la fermentation a augmenté. M. d'Arlandes ayant examiné les lettres de voiture et les ayant trou-vées en règle, il paraissait naturel de laisser ces voitures suivre leur marche. Mais, pour calmer les inquiétudes du camp, il mena le charretier à la municipalité. Le maire trouva tout en règle et

(1) Voici cette lettre qui se trouve aux Archives nationales (Carton 151, dossier no 265).

Copie de la lettre écrite au ministre des contributions publiques par le Directoire du département du HautRhin, le 3 juin 1792.

M. Magnier, directeur des douanes nationales, avait adressé, Monsieur, le 7 mai dernier, une circulaire aux préposés de cette partie dans notre département, par laquelle il réveillait leur attention sur le maintien de la prohibition d'exportation d'armes et munitions de guerre, tels que sabres, fusils pistolets, et poudre à tirer; le 23 du même mois il a révoqué sa circulaire du 7, et en a fait une autre par laquelle il a permis d'exporter les sabres, pistolets, poudre à tirer et fusils, sans même y ajouter le mot de chasse, et ce, sur le fondement de la loi du 28 septembre dernier. Cette seconde circulaire a fait une sensation si forte, que les préposés euxmêmes sont venus nous prier hier de maintenir la prohibition par un arrêté. Comme ils ont vu que nous ne paraissions pas disposés à cette démarche avant de vous en avoir prévenus, ils se sont réduits à nous prier d'inviter le directeur à retirer sa dernière circulaire, ce que nous avons fait.

« Nous ne concevons pas, Monsieur, comment la régie a pu prendre si fortement à cœur la libre exportation de sabres et de fusils, dans un temps où nos troupes en manquent, et où les ministres pour se disculper des marchés qu'ils ont faits avec des étrangers, nous ont dit qu'ils n'avaient pu en trouver en France: nous avons été obligés de fournir des patrouilles citoyennes tout le long de la rive du Rhin, de concert avec les généraux et il se trouve qu'il n'y a pas de fusils pour ces patrouilles, et c'est cette disette d'armes pour nos gens qui a fait soulever tous les esprits sur une libre exportation, qui ne semble devoir se faire que pour armer nos ennemis. Il est instant, Monsieur, que vous preniez un parti sur un objet si important. »

Les administrateurs du Haut-Rhin,
Signé: RESCH, BAUMHLIN, JOURDAIN.

« PreviousContinue »