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La patrie est en danger. Des scélérats trament sa perte c'est contre eux que nous élevons la voix.

Nous ne vous ferons point entendre les accents de la flatterie; c'est le langage des esclaves. Hommes libres, nous vous dirons la vérité; vous êtes dignes de l'entendre, vous êtes les représentants du peuple français.

:

Nous avons voulu une Constitution qui fixât les devoirs et les droits du peuple et du monarque il fallait alors déraciner des préjugés, détruire des habitudes, anéantir des abus. Une révolution était nécessaire, et les Français l'ont faite. Mais actuellement que la Constitution est établie, que le dépôt en est confié à la fidélité du Corps législatif, comme à l'attachement de tous les citoyens, il ne faut, pour la maintenir, que du courage et de la sagesse.

Fiers de ce dépôt, nous en avons juré le maintien législateurs, vous l'avez juré comme nous. Nous tiendrons nos serments; vous tiendrez aussi les vôtres.

Que la joie insultante de nos ennemis ne soit donc plus provoquée par l'accueil qu'on vous a vu faire aux perfides conseils d'un faux patriotisme, dont les agents soudroyés s'efforcent de vous faire perdre la ligne de la Constitution!

Qu'ils ne puissent plus fonder d'espérance sur les dissensions qui existent entre les deux pouvoirs garants de notre liberté, et sur celles qui déchirent le sein même du Corps législatif.

Qu'il ne soit plus permis de détourner votre attention des vraies causes de nos troubles, pour l'arrêter sur des complots chimériques où de vaines déclamations, dont le plus léger examen a suffi pour détruire le prestige! Fussent-ils réels, ces complots, ils ne seraient pas à craindre vous avez, pour les détruire, le courage et le patriotisme de tous les bons Français.

Les vrais conspirateurs sont ceux, qui, travaillant sans cesse une multitude facile à tromper, la poussent au crime, en l'énivrant de défiances.

Les vrais conspirateurs sont ceux qui ravalent la majesté du Corps législatif, en le faisant l'écho de leurs passions privées.

Les vrais conspirateurs sont ceux qui reconnaissent en France 44,000 souverains; qui parlent de la république dans un Etat constitué monarchique par le vœu uniforme de toute la nation; qui demandent l'appel au peuple dans un gouvernement représentatif, où l'appel au peuple, interdit par la Constitution, ne serait autre chose que la proclamation de la guerre civile.

Les vrais conspirateurs sont ceux qui, par leurs actions, par leurs écrits, par leurs discours, s'efforcent d'affaiblir le respect et la confiance qu'on doit au roi et aux autorités constituées.

Les vrais conspirateurs sont ceux qui prêchent aux troupes l'indiscipline, la révolte, la méfiance contre les généraux, qui couvrent nos colonies de sang et de ruines, qui ont aiguisé les poignards des bourreaux d'Avignon, et qui les poussent encore au meurtre, en les soustrayant au glaive dont la loi devait frapper leurs têtes scélérates.

Les vrais conspirateurs sont ces ministres factieux qui, pour accélérer leur plan de désorganisation, proposent inconstitutionnellement de

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former un camp sous les murs de la capitale, afin de décourager ou de porter à quelque mesure violente l'inébranlable garde nationale parisienne. (Murmures à gauche.)

Les vrais conspirateurs sont les fonctionnaires publics qui négligent de faire exécuter les lois : ce sont des officiers municipaux qui protègent la révolte, donnent des fêtes à des soldats qui, après avoir volé leur caisse, se sont armés contre les défenseurs de la loi, enchaînent par leur silence ou par leurs réquisitions le courage de la force armée, et livrent aux insultes des factieux les dépôts sacrés, confiés, par la France entière, à leur sollicitude.

Les vrais conspirateurs, enfin, sont ceux qui, feignant d'oublier ou de méconnaître les services rendus à la cause de la liberté par La Fayette, out l'infamie de proposer un décret d'accusation, et peut-être de diriger contre lui le fer des assassins; parce que ce général a eu le courage de dire la vérité, de démasquer une faction puissante et de la poursuivre jusques dans l'antre où elle trame la ruine de la patrie. (Quelques murmures à gauche. Vifs applaudissements à droite.)

Que les lâches qui préparent un décret d'accusation contre le général de la fédération de 1790, en préparent donc aussi contre tous les bons Français. En exprimant ses sentiments, La Fayette a peint les nôtres comme lui nous détestons les factieux. Depuis longtemps leur tyrannie nous irrite et nous lasse; leur joug avilissant est un opprobe que nous ne pouvons plus supporter. Législateurs, faites-les rentrer dans le néant, ces hommes pervers que la Révolution a fait naître, et qui ne prennent le nom de patriotes que pour le déshonorer. Anéantissez tout pouvoir qui, n'étant point dans la Constitution, est un monstre dans notre ordre social.

Confondez dans la même proscription ces infames libellistes qui, répandant périodiquement le venin dont ils sont nourris, corrompent les esprits et les cœurs.

Dévouez à l'inexorable sévérité des lois, et ceux qui proposeraient d'ôter ou d'ajouter une syllabe à l'Acte constitutionnel, et les audacieux qui insulteraient à la majesté nationale, soit dans la personne de ses représentants élus, soit dans la personne de son représentant héréditaire. Le Corps législatif et le roi sont également nécessaires à notre liberté; nous devons leur assurer également la jouissance des droits qui leur sont accordés par la Constitution; mais tous deux doivent aussi se concentrer dans les limites qu'elle a posées hors de là il n'y a plus de liberté; et des hommes qui ne veulent de tyrans d'aucune espèce, doivent s'élever contre quiconque aspire à le devenir.

Législateurs, nous le disons avec fermeté, les divisions qui, jusqu'à présent, ont régné entre yous et le pouvoir exécutif, affligent tous les bons Français elles doivent cesser, si vous ne voulez que la patrie périsse dans les déchirements de la plus funeste anarchie. Ne souffrez donc plus l'insolence de ces tribunes (Murmures.) qui, par des applaudissements ou des murmures soudoyés, influencent et dominent l'opinion des représentants du peuple. Imposez un silence éternel à ces agitateurs qui, dans le sanctuaire même de la législation, osent déifier la révolte et le meurtre, vous proposent alternativement de vous déclarer Assemblée constituante, de supprimer le veto royal..... Punissez les auteurs des forfaits commis, le 20 de ce mois, au châ

teau des Tuileries. C'est un délit public; c'est un attentat aux droits du peuple français, qui ne veut point recevoir de lois de quelques brigands de la capitale : nous vous en demandons vengeance.

Représentants du peuple, vous lui devez des lois sages; vous devez fortifier l'action du pouvoir exécutif : tels furent les devoirs que vous vous imposâtes en acceptant le caractère auguste dont vous êtes revêtus. Vous devez à vous-mêmes de prendre enfin l'air de dignité qui convient aux législateurs d'un grand Empire. Quant à nous, nous vous devons soumission et respect; nous remplirons nos devoirs : mais nous voulons aussi la Constitution_telle qu'elle est; nous voulons à toujours un Corps législatif, un roi, des administrateurs et des juges élus par le peuple; nous les aurons, où nous périrons. (Applaudissements.)

(Suivent 37 signatures.)

M. Charlier. Je demande que l'Assemblée voue cette adresse au mépris qu'elle mérite. (Mouvement d'indignation.)

Plusieurs membres: A l'Abbaye! (Vive agilation.) M. Charlier monte à la tribune. (Vifs applaudissements des tribunes.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande l'ordre du jour. M. Charlier vient de faire l'éloge de l'adresse. (Murmures à droite et au centre. Applaudissements à gauche.)

M. Boullanger. On veut recommencer la journée du 20 juin.

M. Godard. Je demande la parole pour une motion d'ordre. J'observe à l'Assemblée qu'elle a décrété, il y 2 jours, qu'il ne serait ouvert aucune discussion après la lecture des adresses, mais qu'elles seraient purement et simplement renvoyées aux comités qu'elles regarderaient.

Un membre: Ces messieurs ont eu tort de désapprouver M. Charlier, qui n'a point désapprouvé l'adresse en ce qu'elle disait que les citoyens qui l'ont souscrite, voulaient un roi et une Asseinblée nationale. (Vive agitation.)

M. Voisard. Vous avez décrété que vous ne délibéreriez point après la lecture des adresses, mais qu'elles seraient renvoyées à la commission extraordinaire des Douze. Je demande l'exécution de ce décret et le passage à l'ordre du jour.

(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze et passe à l'ordre du jour.) (Applaudissements à droite et au centre et dans les tribunes.)

M. Boullanger. Dès lors, l'Assemblée voue au mépris ce qu'a dit M. Charlier.

M. Albitte. L'adresse que vous venez d'entendre, peut être signée par des citoyens de Rouen; mais je vous déclare que ni ceux de la ville de Dieppe, ni ceux de la ville d'Eu n'y ont pris aucune part.

Plusieurs membres : C'est faux!

M. Ducos. Vous êtes désavoués par tout votre département!

M. Froudière. Je demande la parole pour un fait. (Longue agitation.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (Bruit.) M. Thuriot. Ce sont les parlementaires de Rouen qui ont signé cette adresse.

Un membre: Il y a 20,000 signatures.

M. Tarbé. La vérité vous gêne, mais vous l'entendrez malgré vous.

M. Thuriot parle dans le bruit.

Plusieurs membres L'ordre du jour! (L'Assemblée, consultée, déclare qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)

Plusieurs membres Il y a doute!

M. le Président. On prétend que je me suis trompé; je vais recommencer l'épreuve.

(L'Assemblée, consultée de nouveau, passe à l'ordre du jour.)

Plusieurs membres : Non, non, elle n'y passe pas!

M. Calvet. Si jamais démenti formel fut donné à quelqu'un, c'est celui-ci. M. Albitte en a menti!

M. Chéron-La-Bruyère. Monsieur le Président, dites à M. Albitte que l'on ne ment comme cela, qu'aux jacobins. (Vive agitation.)

M. Albitte parle longtemps dans le tumulte. Un de MM. les secrétaires donne lecture 1° d'une adresse des citoyens de Carcassonne; 2o du procèsverbal des commissaires des départements des Bouches-du-Rhône et de la Drôme réunis; 3° d'un arrêté du directoire du département de l'Yonne, relatifs aux événements du 20 juin 1792, et dénonçant les instigateurs du peuple qui ont porté la foule aux Tuileries.

(L'Assemblée renvoie ces 3 adresses et arrêtés à la commission extraordinaire des Douze.)

Un de MM. les secrétaires annonce le don patriotique du sieur Rigon, chirurgien du Port-Louis, qui offre à la patrie, une quittance de la sommé de 230 1. 6 s., du titre de son office.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, donne lecture d'une adres e individuelle de 6 administrateurs du directoire du département de l'Aisne, qui réprouvent les événements du 20 juin et adhèrent à tout ce que le général La Fayette, le directoire de Paris et de bons citoyens ont dit sur les factieux qui ont poussé ce jour-là le peuple aux Tuileries. Cette adresse est ainsi conçue :

Représentants du peuple français,

« Garder le silence lorsque la patrie court des dangers; laisser miner l'édifice constitutionnel par des factieux, sans vous dénoncer les mains sacrilèges qui touchent à cette arche sainte, sans vous offrir des bras pour la défendre; se renfermer dans une insousiance coupable, lorsque tout présente l'aspect d'une dissolution prochaine, d'une subversion générale, est sans doute de la part d'un véritable citoyen, une lâche pusillanimité, et, de la part d'un fonctionnaire public, une punissable forfaiture.

« Déposer sur ces feuilles les sentiments qui nous animent, les pensées douloureuses qui nous affectent, est un besoin que nous ne pouvons plus contenir. Les pères du peuple ne repousseront pas les accents de notre civique douleur. Nos intentions sont aussi pures qu'est sainte la cause que nous voulons défendre.

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Fidèles aux serments que nous avons faits,

nous mourrons ou nous vivrons libres. Nous mourrons plutôt que de laisser périr un seul des articles de la Constitution française. Nous périrons, s'il le faut, pour défendre votre indépendance et celle du monarque, contre les factieux qui obsèdent le temple des lois et le trône. Nous jurons de mourir plutôt que de nous laisser asservir par des sectaires. et par les brigands qu'ils rassemblent et font mouvoir dans la capitale.

« Ni les atroces calomnies, ni les dénonciations des plumes mercenaires, ni les échafauds, ni le fer des assassins, ni les poisons des scélérats ne pourront éteindre dans nos cœurs le feu sacré de la liberté, et nous faire abandonner les principes moraux et constitutionnels que nous faisons gloire de professer.

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Législateurs, nous croyons avec la France entière tout ce que le directoire du département de Paris, le général La Fayette, de courageux citoyens vous ont dit sur les factieux. La lumière de la vérité frappe nos yeux, son ascendant irrésistible subjugue nos cœurs.

Ennemis de la Constitution et du gouvernement représentatif, ces forcénés sectaires veulent ou perdre l'Empire, ou le régir, en le républicanisant.

« C'est aux maximes immorales qu'ils débitent et professent avec une publique impudeur, aux écrits séditieux qu'ils répandent ou qu'ils soudoient, à l'argent qu'ils distribuent, aux manœuvres criminelles qu'ils emploient pour volcaniser toutes les têtes et exaspérer tous les cœurs; c'est enfin à leurs émissaires, à leur correspondance avec les sociétés qui leur sont affiliées, et à leurs scandaleux exemples, que nous devons l'insolente oppression des indignes citoyens qui remplissent journellement la majorité des tribunes du lieu de vos séances. (Murmures à gauche.)

Un membre Nous avons assez entendu de blasphèmes, il faut entendre des vérités.

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, continue: «Les groupes nombreux qui menacent sans cesse la liberté publique; les notions incendiaires qu'on entend de tous les côtés; la désorganisation et l'avilissement de tous les pouvoirs constitués; l'indignation des peuples de l'Europe, les maux qui nous pressent, les malheurs qui nous menacent, l'anarchie prête à nous engloutir.

« Ce sont ces hommes pervers, qui, par leurs nombreux agents, provoquent les troubles intérieurs qui déchirent le royaume, propagent les maximes les plus monstrueuses, dégradent les principes et les mœurs, sèment partout la défiance et la terreur, conseillent et préconisent tous les crimes, dissolvent tous les liens qui attachent l'homme à la société, arment les citoyens les uns contre les autres, dépriment les gardes nationales, pour anéantir la force publique, préparent la ruine de tous les propriétaires (Rires à l'extrême gauche), le renversement de toutes les lois. (Bruit.)

M. Lasource parle dans le tumulte.

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, continue: « Ce sont eux qui appellent à grands cris la guerre civile; qui manipulent ou provoquent ces pétitions audacieuses que vous entendez si souvent, dans lesquelles on vient tantôt applaudir, tantôt critiquer vos décrets, vous demander, aú nom du vœu national, des lois qui réprouvent tous vos principes; qui cherchent à tromper

votre raison, ou intimider votre courage, à appeler le mépris sur la force et l'autorité publiques, la défiance sur les généraux et sur les ministres; insultent, par des paroles, des gestes et des regards, une partie des députés, et entravent tous vos travaux. Ce sont eux qui, pour punir des législateurs d'avoir osé voter ou opiner, selon leurs lumières et leur conscience, font dresser et circuler des listes de proscription, pour attirer sur leurs familles et leurs propriétés la dévastation et l'infortune.

« Ce sont eux qui, ne s'occupant que de complots, de projets ambitieux, de spéculations criminelles et de contre-révolution, ont dénaturé le caractère loyal, sensible et généreux de la nation française. Ce sont eux, qui cent fois, ont été cause de l'effusion du sang des citoyens, qui ont souillé de grandes pages dans l'histoire de notre Révolution, qui, prêchant partout l'insurrection et l'indiscipline, ont dèsorganisé nos armées. Ce sont eux qui ont juré la perte du citoyen La Fayette, qui veulent le punir d'être l'ennemi de la licence, d'avoir, par sa surveillance et sa fermeté, lorsqu'il commandait la brave armée parisienne, empêché l'explosion de leurs projets désastreux. C'est enfin cette horde de brigands qui, depuis plus de deux ans, tient le glaive suspendu sur la famille royale, et qui a fait du palais de notre roi, un séjour de douleurs et de larmes.

A qui, législateurs, sinon à cette secte perverse, devons nous imputer la stagnation des lois, les troubles sans cesse renaissants de la capitale et de l'Empire? (Murmures à gauche.)

«Nous avons frémi d'horreur au récit des derniers dangers qu'a courus l'infortuné Louis XVI. Les factieux, par ce dernier attentat, ont comblé la mesure de tous leurs crimes. Il faut qu'ils disparaissent de la surface d'une terre qui s'indigne de les porter. Oui, le massacre de la famille royale est projeté ! Il eût été consommé le 20 de ce mois, sans votre indignation profonde, sans votre patriotique intervention, sans le courage trop longtemps enchaîné de la garde nationale, sans l'appui de tous les bons citoyens qui se trouvent dans cette ville malheureuse.

« Les scélérats! Forcer la sanction des décrets que vous rendez, ou menacer de mort le refus qu'en fait le monarque! Lui désigner impérieusement l'appel ou le renvoi des ministres ! Où est donc la Constitution, la distinction et l'indépendance des pouvoirs, ce droit conservateur de la liberté publique et du bonheur du peuple? Depuis quand un acte, qui n'est pas libre, peutil obliger la conscience d'un fonctionnaire public fidèle à son serment? S'imaginent-ils fornier à eux seuls le peuple français et pouvoir en exercer exclusivement la souveraineté suprême ? Qu'ils montrent les mandats par lesquels les 83 départements leur ont délégué tous leurs pouvoirs? Ils doivent être dans une autre forme; et ils sont ailleurs que dans les archives des conspirateurs.

Insensés! croient-ils pouvoir donner des lois à l'Empire, et asservir 20 millions de citoyens honnêtes et généreux ? Non, leur attente sera déçue, nous n'obéirons, et les mandataires du peuple ne feront exécuter que la volonté nationale légalement et librement exprimée. La ville de Paris sera responsable à tous les départements, du dépôt de l'Acte constitutionnel, de l'exercice universel des dispositions qu'il renferme, de la sûreté de nos représentants et de notre roi. Si leur sang venait à couler, c'est alors

que la nation entière se lèverait pour demander vengeance de ces attentats, qu'elle marcherait sur cette cité, pour faire un mémorable exemple des scélérats et des régicides qu'elle renferme. Nos concitoyens, oui, nos concitoyens, presque tous amis des lois, religieux observateurs de leurs serments, se rallieront autour de leurs magistrats, pour aller partager leurs périls et leur gloire. La France entière adresserait simultanément à ses fidèles et généreuses armées le réquisitoire de venir sauver la patrie, et exterminer les factieux armés pour la détruire.

Que les malintentionnés de la capitale... M. Gensonné, à la tribune: Je demande la parole.

Un grand nombre de membres : A bas! à bas ! M. Gensonné insiste pour avoir la parole. Un membre: Si M. Gensonné ne descend pas de la tribune, nous y monterons tous.

M. le Président : L'Assemblée nationale, en décrétant qu'elle entendrait les adresses sans les discuter, qu'elle les enverrait à sa commission des Douze, avait bien senti que ces adresses seraient écrites dans un esprit extrêmement différent.

Un membre: Vous le verrez; toutes celles des départements sont écrites sur ce ton-là; les autres sont faites à Paris.

M. Boullanger. Les départements sont furieux des adresses qu'on leur a envoyées. (Bruit.)

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, reprend : Que les malintentionnés de la capitale sachent que le choix d'un bon ministère intéresse l'universalité de l'Empire, et qu'il ne leur appartient pas d'en influencer le choix. Agents du prince, responsables à la loi, le monarque doit pouvoir nommer ou renvoyer à son gré les ministres. Lorsque les factieux cesseront de corrompre l'opinion publique et de faire étinceler des glaives et des poignards, l'on verra les bons citoyens accepter ou rechercher les fonctions publiques.

Que ces sectaires cessent, par des pétitions isolées et mensongères, d'environner de crêpes la retraite des Roland, des Clavière, des Dumouriez, des Servan; ils sont seuls à en pleurer la perte. (Vive agitation.)

Plusieurs membres parlent dans le bruit.

M. Dusaulx vient au bureau pour demander la parole. (Tumulte prolongé.)

M. Thuriot. Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.

Plusieurs membres: A l'ordre! laissez lire, factieux; pas de privilège pour M. Thuriot!

M. Thuriot parle dans le tumulte. (L'Assemblée décrète que M. Thuriot ne sera pas entendu.)

M. Thuriot. Je demande la parole après la lecture.

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, reprend : Leur nomination avait scandalisé. (Grand bruil.) M. Thuriot. Pour l'honneur de l'Assemblée, je demande la parole.

Un membre: Ne confondez pas l'honneur de l'Assemblée avec le vôtre.

M. Delacroix. Je demande la parole. (Bruit.) M. Mailhe. Et moi, je demande qu'on continue la lecture.

M. le Président. Messieurs, veuillez m'entendre jusqu'au bout. (Murmures.) M. Delacroix

veut faire une observation sur la continuation de la lecture, et M. Mailhe demande que la lecture soit continuée, Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si M. Delacroix sera entendu.

Plusieurs membres: Non! non! la lecture! (L'Assemblée décrète que la lecture sera continuée.)

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, reprend : Leur nomination avait scandalisé la France. Nous avons été les premiers à en témoigner notre indignation et notre étonnement. Qu'on examine leurs opérations, leur correspondance, l'on verra quels étaient leurs projets l'éloge

de tous les clubs, la dépression des autorités constituées. Ils voulaient, à force de persécution et de calomnies, flétrir les administrateurs et désorganiser les directoires qui, par la sévérité de leurs principes constitutionnels, déplaisent à la faction dominante. Ils voulaient perdre le généreux La Fayette et son intrépide armée. Les mesures étaient prises pour la faire périr de famine, et annuler les succès qu'elle nous promet. Nous attestons à la France entière, que les sieurs Roland et Servan ont fortement réprimandé le directoire du département de l'Aisne, de ce qu'à la voix du général de l'armée du centre, il a fait succéder l'abondance à la disette de son camp. Qu'ils apprennent que l'activité de cette administration ne s'est point ralentie, que par le civisme des citoyens de l'Aisne, son camp continue d'être approvisionné.

:

Représentants du peuple, notre seule espérance, nous vous le disons avec franchise le salut de l'Empire, le succès de vos travaux, la gloire de vos noms, le maintien de la Constitution, la tranquillité du royaume, le bonheur des Français, sont attachés à la destruction, à l'anéantissement de tous les factieux. Frappez ce coup, séance tenante, que les bons citoyens l'opèrent, et la France est sauvée, et la Constitution s'affermit invariablement sur sa base, et les législateurs du peuple français seront par lui proclamés ses pères et ses libérateurs.

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Lorsque les sociétés populaires du royaume ne seront plus influencées, gouvernées, séduites et trompées, comme elles l'ont été jusqu'à présent, elles cesseront d'être nuisibles et dangereuses, elles serviront même la chose publique. Le citoyen français est généralement bon et magnanime; ce caractère, qui, en le constituant le premier des peuples, lui avait conquis l'estime de l'univers, n'est pas totalement effacé; délivré de ses agitateurs, il se montrera ce qu'il est par sa nature.

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Qu'un plus grand nombre de bons citoyens fréquentent ces sociétés; leur présence fermera la bouche aux malintentionnés. Proscrivez les corporations de clubs, les correspondances entre eux; défendez que les postes alimentent ces communications dangereuses; prononcez des dispositions pénales; que les accusateurs publics, que les procureurs généraux syndics, chargés de l'honorable mission de dénoncer les crimes et les attentats contre les lois, veillent et agissent; que les bons citoyens fassent connaître les mauvais; et vous verrez les habitants des villes et des campagnes ne s'assembler que pour délibérer sur les véritables intérêts de la patrie ou de leurs communes, que pour étudier et se pénétrer de notre Constitution, environner les administrations de la confiance qui leur est si nécessaire, ne censurer les actes qui en émanent, que dans des intentions louableset avec les

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« Rien ne préjudicie plus à l'honneur de l'Assemblée, que cette opposition des députés, entre eux. Le mépris qu'affectent pour une portion de députés, tant les tribunes qu'un grand nombre de pétionnaires, dégrade la majesté nationale (Rires à gauche), empêche et gêne la liberté des opinions, désigne aux insultes populaires des citoyens investis d'un caractère sacré, et outrage leurs commettants. Dans une grande Assemblée délibérante, l'identité absolue des opinions... (Murmures à gauche.)

Plusieurs membres: A l'Abbaye!

M. Dalmas (d'Aubenas), secrétaire, continue: et des affections est presque impossible; c'est dans leur opposition que se mûrissent les bonnes lois; la vérité jaillit de leur choc. (Murmures.)

« Pour faire cesser ce premier mal, nous demandons que l'Assemblée nationale détermine et renouvelle quelquefois, par un tirage au sort, les places qu'occuperont, par moitié, dans les deux parties de la salle, les 745 députés. Que d'avantages attachés à cette mesure!

"Quant au second, les citoyens soussignés conjurent le Corps législatif de rendre les tribunes impassibles, en faisant punir sévèrement les citoyens qui se permettent d'approuver ou d'improuver vos délibérations. Il n'appartient à personne de les influencer; et certes, les factieux de la capitale n'ont pas le droit d'exprimer l'opinion publique, c'est à la volonté nationale à la fixer. Il est temps qu'ils cessent de penser que l'Assemblée nationale est l'assemblée de la commune de Paris ces signes actifs, pour ou contre, sont tout au plus tolérables dans les séances du corps municipal; mais leurs vociferations, leurs injures ne sont admissibles nulle part. Nous avons besoin, pour aimer les lois et pour en assurer l'exécution, de voir tous les Français fortement convaincus que les décrets que vous rendez sortent tous de votre amour pour la patrie, de votre respect pour les principes, de votre affection et de votre sollicitude pour l'universalité de l'Empire. Le vœu des 48 sections de la capitale n'est que la 83 partie du vœu national.

« Il est temps, législateurs, que des milliers de députations parisiennes cessent d'assiéger, souvent pour le même objet, quelquefois en sens inverse, la barre de votre Assemblée; il est temps de détruire l'abus déplorable de l'introduction de la force armée dans le temple des lois, la patrie gémit et souffre du temps perdu en plaisirs et en faveur accordés à une seule section de l'Empire.

Législateurs, nous demandons vengeance de l'exécrable journée du 20 juin présent mois, jour affreux où le domicile du représentant héréditaire de la nation a été indignement violé et profané, où les jours du monarque ont couru de si grands dangers, où l'on a cherché à forcer sa sanction! Jour de honte impérissable pour

Paris, de deuil pour tous les amis des lois! Eh quoi! n'est-il pas douloureux de lire dans tous les papiers publics, que ceux qui sont chargés du maintien de la tranquillité et du mouvement de la force armée, sont accusés d'avoir toléré cette violation sacrilège, d'avoir enchaîné le zèle, le courage, le civisme de la brave garde nationale, de l'avoir exposée à perdre, en un jour, la gloire qu'elle s'est acquise pendant 3 années de travaux héroïques et de dévouement? Nous demandons, qu'attendu la gravité des faits et l'intérêt des circonstances, pour l'exemple de tous les corps administratifs, et la réparation due à la France et à ses lois, les auteurs responsables de cette insurrection soient décrétés d'accusation, pour avoir, par leur négligence ou par leur connivence, compromis la sûreté générale de l'Etat. Il faut ouvrir les portes des prisons d'Orléans, si ceux-là n'y entrent. Nous demandons encore que le roi se donne la garde que la Constitution fui accorde, et qu'il soit constamment et partout envisagé comme une propriété de la nation; sinon nous demanderions que vous quittassiez, qu'il quittât une ville qui se rendrait si criminellement inhospitalière, pour habiter une autre contrée plus digne de posséder ce que la nation a de plus cher.

«Telles sont, législateurs, les demandes que forment, dans la pureté d'une conscience sans reproche, et par des motifs louables, des citoyens qui chérissent la Constitution, qui sont prêts à versé la totalité de leur sang et à donner toute leur fortune pour leurs représentants et pour leur roi. Si leurs intentions viennent à être méconnues, ils livreront, sans murmurer, leurs têtes à l'injustice ou à la malveillance. En songeant que l'effusion de leur sang pourra cimenter l'Acte constitutionnel et servi leur patrie, ils mourront contents en faisant des vœux pour vous et pour elle. >>

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Signé M. J. P. L. BOUJOT, O. GUILLOT,
C. G. LEVOIRIER, M. M. RVOIRE,
J. TRANCHANT, J. A. J. VINCRON,
tous citoyens, administratenrs
du directoire du département de
l'Aisne.

M. Gensonné monte à la tribune.
M. Mailhe demande la parole.

M. le Président. Je mets aux voix si M. Mailhe sera entendu. (Murmures.)

M. Mailhe. Monsieur le Président, vous ne devez pas mettre aux voix si je serai entendu : de fait je dois l'ètre. (Nouveaux murmures.)

M. Loysel. Je demande la parole pour un fait. (Murmures prolongés.)

M. Froudière. S'il y a de l'incertitude, faites l'appel nominal.

M. Loysel. Le fait que j'ai à annoncer à l'Assemblée (Murmures.) est que cette adresse... Monsieur, il faut rapporter le décret. M. Frondière. Si vous accordez la parole à

M. Loysel. C'est que cette adresse a été présentée au directoire de l'Aisne, pour être envoyée à l'Assemblée nationale; mais que le directoire de l'Aisne a rejeté l'adresse. (Applaudissements des tribunes.)

Plusieurs membres: C'est faux! c'est faux! (Bruit.)

M. Loysel. Et le directoire n'a pas voulu y donner son assentiment; seulement 6 adminis

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