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«Il est permis, sans doute, à des citoyens qui n'ont pas démérité de leur patrie de réclamer contre l'espèce de persécution intentée contre eux pour le zèle qu'ils ont montré lorsqu'ils étaient revêtus des fonctions publiques.

« C'est par-devant l'Assemblée nationale que nous sommes traduits aujourd'hui; ce sont les députés d'une commune qui viennent nous accuser près des représentants de la nation, et nous citer comme coupables. Pourquoi? Parce que, chargés de veiller à la sûreté de toutes les parties de l'Empire, nous avons prévenu les commandants, administrateurs et maire de Strasbourg des bruits qui se répandaient dans cette ville importante, et des soupçons qu'on élevait contre ceux proposés à sa garde et à son salut.

Depuis quand donc la prudence et l'activité des ministres sont-elles transformées en crime? Depuis quand est-il permis de leur faire un tort d'avoir rempli leurs devoirs? Et qu'eût-on fait si nous les èussions trahis?

«Des lettres particulières font naître des inquiétudes sur Strasbourg; des dénonciations à ce sujet sont faites publiquement un avis en chiffres, envoyé du lieu même chez le ministre des affaires étrangères, est communiqué à ses

(1) Voy. ci-dessus, séance du mardi 26 juin 1792, au matin, page 592, le rapport de M. Blanchard.

(2) Voy. ci-dessus, séance du 19 juin 1792, au matin, page 372, l'admission à la barre du fils Lamorlière, et séance du 23 juin 1792, au matin, page 499, l'admission à la barre de MM. Noisette et Champy, députés extraor dinaires de la commune de Strasbourg.

collègues; ceux-ci, sans rien croire ni préjuger, se hâtent se prévenir les inculpés. On vous accuse, leur mandent-ils le fait est grave; veillez et prouvez, par votre exactitude, la fausseté des bruits qu'on répand contre vous.

« Que prouve cet avis? L'attention des ministres à ne rien négliger de ce qu'ils doivent faire; la prudence avec laquelle ils instruisent les intéressés; que l'œil est ouvert sur eux, et qu'ils ont également à satisfaire le public, comme à se prémunir contre les malveillants.

Que doivent faire ceux qui ont reçu cet avis? Remercier les ministres de le leur avoir donné, et en profiter pour le désespoir de leurs ennemis par un surcroît de vigilance.

« Qu'ont-ils fait, au contraire? Le maire prépare un conseil général de la commune, où il publie lui-même l'avis particulier qui lui était adressé; et il détermine une députation à l'Assemblée nationale pour demander vengeance d'un ministre qui a eu l'audace d'être actif et prudent. Déjà le commandant, M. Lamorlière, avait écrit à l'Assemblée : il avait rappelé 80 années d'âge et de longs services, pour appuyer de semblables plaintes contre le ministre de la guerre.

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Mais est-ce bien contre des hommes en place que sont dirigées ces odieuses tracasseries! Non, c'est contre des hommes qui n'y sont plus; c'est seulement, après leur sortie du ministère, qu'on cherche à les poursuivre, à jeter du ridicule et du blâme sur leur conduite. C'est après la lettre de M. La Fayette qu'arrive celle de M. Lamorlière; c'est après ces deux lettres qu'arrivent les députés; c'est présentement que ces députés viennent nous interpeller de leur rendre compte de ce que nous avons fait comme ministres, et de leur communiquer les pièces d'après lesquelles nous jugeâmes devoir prévenir des administrateurs de redoubler de zèle dans leurs fonctions; et cependant eux-mêmes avouent la connaissance qu'ils avaient des dénonciations publiques, faites à ce sujet.

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« Pourquoi ne se sont-ils pas plaints plutôt! Pourquoi se plaignent-ils d'avis qui méritaient leur reconnaissance? Assurément nous ne prétendons pas résoudre ces questions, mais nous dirons avec la franchise qui convient à la justice et à la vérité que nous ne portions pas de jugement absolu sur les commandants, administrateurs et maire de Strasbourg: lorsque nous les avons avertis des bruits qui s'élevaient contre eux, nous commencions par les supposer fidèles, et c'est en conséquence que nous les prévinmes de ce qui se débitait à leur sujet. Leur conduite subséquente nous étonne, elle nous indigne. Ce sont eux-mêmes qui ont donné la publicité dont ils se plaignent aux lettres que nous jugeâmes devoir leur écrire.

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Il est absurde, pour ne rien dire de plus, de traiter de calomnie l'avis qu'un fonctionnaire public se croit obligé de donner à des administrateurs. Nous eussions été répréhensibles, si, de quelque part que vinssent les bruits, nous avions gardé le silence.

Lorsque nous étions au ministère, nous sollicitions les avis de tous les citoyens, l'indication de tous les abus, la connaissance des faits ou des propos qui pouvaient servir à nous guider, à nous rectifier, s'il y avait lieu.

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Nous croyons que tout homme public est coupable de négliger le moindre indice, ou même le reproche non fondé qui peut l'instruire du mal à éviter et du bien à faire.

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« P. S. Empressé d'appeler le plus grand jour sur mon administration, j'ai eu soin de remettre à l'Assemblée mes comptes de chaque mois; il me reste à lui rendre ceux des 13 derniers jours; j'ai déjà écrit plusieurs fois dans les bureaux du ministre de l'intérieur pour en obtenir les pièces. Il m'a été répondu que plusieurs ordonnances que j'avais seulement approuvées devant être revêtues de la signature du ministre successeur, il fallait attendre qu'elles le fussent, et qu'on eût le temps de faire les copies du tout. Telle est l'unique cause d'un retard qui ne dépend pas de moi et qui m'afflige infiniment. »

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M. Basire. On a fait imprimer la lettre de la municipalité de Strasbourg, je demande la même faveur pour celle-ci.

(L'Assemblée décrète l'impression et le renvoi de cette lettre à la commission extraordinaire des Douze.)

12° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui demande une augmentation de deux juges pour chacun des tribunaux de Paris, et d'étendre aux commissaires du roi auprès des tribunaux les dispositions de la loi du 23 septembre 1791, relativement aux vacances.

Un membre: Je demande le renvoi au comité de législation, en joignant à la première demande du ministre, la question de savoir s'il sera établi des tribunaux de district à Saint-Denis et au Bourg-la-Reine.

(L'Assemblée renvoie ces deux questions à son comité de législation, en joignant à la première celle de savoir s'il sera établi des tribunaux de district à Saint-Denis et au Bourg-la-Reine.)

M. Emmery. Les sieurs Baur et Heydweiler, citoyens de Frankenthal, dans le Palatinat, offrent 300 livres à la nation française et lui demandent que, pendant la guerre, leur brasserie soit mise sous la sauvegarde tricolore. Je dépose leur lettre et leur envoi sur le bureau de l'Assemblée.

M. Chéron-La-Bruyère. Nous ne vendons pas nos secours, nous les donnons. Je demande le renvoi au comité diplomatique pour savoir si l'offrande sera acceptée.

(L'Assemblée renvoie la lettre et l'offrande au comité diplomatique.)

Les officiers municipaux et députés de la commune de Vaugirard sont admis à la barre. Ils offrent, au nom des citoyens de leur commune, un don patriotique de 611 1. 10 s., dont 7 1. 10 s. en numéraire, et demandent un juge de paix, en exécution du décret du 16 août 1790. M. le Président leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.

M. Fillassier. Je demande le renvoi au comité de division.

(L'Assemblée, après avoir accepté l'offrande avec les plus vifs applaudissements et décrété la mention honorable au procès-verbal, dont un

extrait sera remis aux donateurs, renvoie la la pétition au comité de division.)

Un de MM. les secrétaires annonce que les grenadiers de la section de Mars, de la ville de Reims, envoient en assignats 115 livres.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Baignoux, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur la suppression des payeurs el controleurs des rentes établis à Paris et sur les avantages de payer les pensions et les intérêts de la dette publique dans les chefs-lieux des départements; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'établir dans le payement des pensions et des intérêts de la dette publique un ordre de comptabilité qui s'accorde avec les principes de la Constitution, et voulant parvenir aux moyens d'exécution qui lui paraîtraient les plus propres à rendre la surveillance facile et la responsabilité impossible à éluder, après avoir entendu lecture du projet de décret dans les séances du 18 juin et de ce jour, et décrété qu'elle est en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit:

« Art. 1. Les offices des 40 payeurs de l'hôtel de ville de Paris, et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés, pour cesser toutes fonctions à compter du 1er juillet 1793. Les finances desdits offices seront liquidées et remboursées après l'apurement des comptes desdits payeurs.

«Art. 2. Les pensionnaires et créanciers de l'Etat domiciliés en France toucheront, à compter du 1er janvier 1793, leurs pensions et rentes, tant perpétuelles que viagères, dans le chef-lieu du département où leur domicile sera établi, suivant le mode et les formalités qui seront déterminés par l'Assemblée nationale.

«Art. 3. Le comité de l'ordinaire des finances sera tenu de présenter dans deux mois un projet de décret relatif aux moyens d'exécuter l'article précédent.

Art. 4. Le comité de liquidation présentera incessamment à l'Assemblée les bases d'après lesquelles les offices des contrôleurs et payeurs des rentes doivent être liquidés.

(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)

M. Lafon-Ladebat,au nom des comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, soumet à la discussion un projet de décret sur le service des étapes et convois militaires; ce projet de décret est ainsi conçu (1):

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités militaire et des finances, considérant que le service des étapes et convois militaires devient, dans les circonstances actuelles, de la plus grande importance, et que les dispositions nécessaires pour lui donner la plus grande activité ne peuvent pas être retardées, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

(1) Voy. ci-dessus, séance du 18 juin 1792, page 358, le rapport de M. Baignoux et la première lecture de ce projet de décret.

(2) Voy. ci-dessus, séance du lundi 25 juin 1792, au matin, page 555, le rapport de M. Lafon-Ladebat.

Art. 1er.

«La régie des étapes et convois militaires, qui était dans le département du ministre dé l'intérieur, sera, à compter du 1er juillet, dans le département du ministre de la guerre.

Art. 2.

« Le ministre de la guerre donnera à la régie des étapes et convois militaires, les ordres nécessaires pour le service des troupes marchant par étapes.

Art. 3.

« Le ministre de la guerre est chargé d'autoriser, après les avoir approuvés, les marchés particuliers que la régie des étapes et convois militaires croira nécessaires pour assurer cette partie du service public, ainsi que les augmentations de prix ou la nature du payement pour les marchés déjà contractés pour le service de 1792.

Art. 4.

« Le ministre adressera, chaque mois, une copie certifiée des marchés particuliers qu'il aura autorisés, et un état des augmentations ou des conditions de payement qu'il aura jugé

convenable d'accorder sur la demande de la régie. Ces marchés et ces états, après avoir été vérifiés par les comités militaire et de l'ordinaire des finances, seront déposés aux archives.

Art. 5.

«La régie remettra au ministre de l'intérieur l'état des indemnités qu'il pourrait y avoir lieu d'accorder aux étapiers, pour leur service, jusqu'au dernier juin 1792. Ce ministre, après avoir vérifié et approuvé cet état, l'adressera à l'Assemblée nationale, qui y statuera sur le rapport de ses comités militaire et de l'ordinaire des finances. >>

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès sont constatés (1).

M. Muraire, rapporteur, donne lecture de l'article 2 du titre IV; il est ainsi conçu :

« Le contrat doit être passé et ne peut être dissous que conformément aux lois. »

(L'Assemblée ajourne l'article 2.)

M. Muraire, rapporteur. L'Assemblée ayant ajourné les deux premiers articles du projet du comité de législation qui établissent la définition du mariage, je vais soumettre à sa délibération l'article 3. Il s'agit dans cet article des mariages qui ne peuvent se faire sans le consentement des parents; il est ainsi conçu :

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L'âge requis pour le mariage est de 15 ans pour les hommes et de 13 ans pour les filles. »

M. Français (de Nantes). Dans un sujet si vaste et si intéressant, j'écarte ces multitudes d'idées et ce sentiment qu'il fait naître dans l'esprit de l'observateur et dans le cœur de l'homme sen

(1) Voy. ci-dessus, séance du jeudi 28 juin 1792, page 650, la discussion du projet de decret.

sible, pour ne m'attacher qu'à la seule partie du décret qui doit régler l'âge requis pour contracter mariage. Je vous demande d'abord quel spectacle offre à la raison humaine, un mari de 15 ans, qui passe sa journée au collège, et qui vient exercer le soir sa risible autorité dans son ménage; ce que c'est qu'un père, un magistrat de 16 ans, car la paternité est aussi une magistrature; celle-là pour se faire obéir n'a pas besoin d'être entourée de baïonnettes: le regard d'un père sur un fils vertueux est la plus puissante de toutes les autorités.

Je vous demande aussi ce que c'est qu'une mère de 14 ans, qui est encore elle-même sous l'inspection de sa bonne; qui est à la fois enfant et mère, gouvernante et gouvernée.

Enfin je vous demande si la loi peut autoriser l'alliance monstrueuse entre un octogénaire et une fille de 13 ans, s'il existe dans les âmes de deux êtres aussi dissemblables, un seul point par lequel elles puissent se communiquer; et si dans un contrat qui exige ou du moins suppose l'abandon sans réserve de toutes les facultés, la fusion la plus absolue de tous les sentiments, vous pourriez atteindre le but de la nature, en autorisant la réunion de ce qu'il y a de plus extrême et de plus opposé.

Mais, dites-vous, une fille pauvre, un vieillard amoureux peuvent couler ensemble des jours doux et prospères; l'une met dans la communauté sa jeunesse, l'autre sa fortune; il en résulte une sorte de compensation. Il y a une chose dans la vie qui est hors de tout prix, et qui n'admet aucune compensation, c'est le sentiment; il faut qu'il trouve son objet et se répande, ou bien qu'il se dévore lui-même. Lisez l'histoire des tribunaux, ces tristes archives des folies et des crimes des hommes, ou plutôt jetez les yeux autour de vous, et voyez ce qui résulte de ces mariages monstrueux et contre nature. Mais, ajoutez-vous, ces mariages entre adolescents produisent l'heureux effet d'accorder ensemble des caractères encore simples et malléables. Je répondrai par l'exemple de d'Entrecasteaux, qui est convenu lui-même de n'être devenu un grand scélérat que parce que, dès l'âge de 18 ans, on enchaîna ses inclinations par un mariage prématuré. Lorsqu'on se marie au sortir de l'enfance, le cœur n'est point encore ouvert aux passions, et quand l'âge propre à leur développement est arrivé pour les deux jeunes époux, ce sentiment nouveau dans leurs âmes, cherche un aliment loin de l'objet auquel l'habitude de vivre ensemble a ôté tous les charmes. Nous devons tous à la nature une fois dans la vie, ce tribut de notre faiblesse et de notre force; heureux celui qui le paye sans rompre des engagements sacrés, sans porter la honte ou la discorde dans les familles.

Je demande que l'âge exigé par le mariage, soit réglé à 16 ans pour les filles, à 18 ans pour les garçons, et qu'il ne puisse y avoir une différence de plus de 30 ans dans l'âge des deux époux.

Je le demande au nom de la nature, au nom de la morale, au nom du bonheur des familles, au nom de la patrie; car je pense que tous les devoirs tiennent à une racine commune, et que les plus solides bases des vertus publiques, ce sont les vertus privées. Je ne crois point du tout au patriotisme de ceux qui consomment dans la licence et dans la débauche, le patrimoine de leurs enfants et de leurs épouses, ni de ceux qui se sont toujours montrés fils in

grats, pères dénaturés et faux amis. Quelquesuns de ces hommes marchent, à la vérité, sous les étendards de la patrie, dans des jours de prospérité; mais prêts à l'abandonner, si la fortune venait à lui manquer. Croyez que celui qui n'a pu être retenu par les liens naturels et Sociaux, comptera pour bien moins encore les liens politiques. De tels hommes ne sont pas des citoyens libres; ce sont seulement des esclaves révoltés; de tels hommes n'ont pas le cœur échauffé de cet amour constant et réfléchi du bien public, qui ne germe et ne s'accroît que par la vertu; ils ont seulement la tête prise de je ne sais quelle folle ardeur qu'ils appellent faussement patriotisme, qui a ses accès et ses intermittences, et qui ressemble à l'ivresse. Voyez dans les beaux jours de l'antiquité, comment les devoirs de père, de fils, d'époux et d'ami s'unissaient avec les devoirs de citoyen et la dignité de l'homme libre. On offrait de l'encens sur les autels de Vénus impudique ; mais l'imagination seule, exaltée par l'enthousiasme du bien, avait part à ces offrandes, et le cœur restait tout entier à une épouse qui vivait loin du monde, plaçait tout son bonheur et toute sa gloire dans celle de son époux et de ses enfants.

Heureux le peuple qui trouvait les vertus et le bonheur auprès de ses foyers, et qui ne sachant que faire des vices, les avait exilés dans ses temples. Voici la rédaction que je propose à l'Assemblée pour l'article 3: « L'âge requis pour le mariage est 18 ans pour les garçons, 16 ans pour les filles, et il ne pourra jamais y avoir une différence de plus de 30 ans, dans l'âge des deux mariés. »

M. Taillefer. Dans les climats froids, la nubilité n'est pas arrivée à 13 ans, ni même à 14. Vous ne pouvez fixer le mariage qu'à l'époque ou la nubilité et la puberté peuvent être généra lement supposées, et cet âge est de 14 ans pour les filles et de 18 pour les garçons. Vous sentez d'ailleurs combien il importe à la société d'avoir des citoyens robustes et bien constitués. Je demande 18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes.

M. Dumolard. J'appuie le projet du comité, et j'invoque la question préalable sur la motion de M. Taillefer et la proposition faite par M. Français.

Je conviens que les mariages précoces ne peuvent, en général, donner à la patrie des citoyens aussi vigoureux que les unions contractées dans la force de l'âge. Mais en nous transportant à Lacédémone, M. Muraire, lui-même, a perdu de vue, dans son rapport, que le climat n'influe pas seul sur le développement plus ou moins rapide des facultés humaines. Les mœurs d'un peuple réagissent sur la nature avec presque autant de force que la nature elle-même agit sur les mœurs; et sans sortir des limites du royaume il me serait facile de prouver cette assertion, en établissant une comparaison entre nos villes et nos campagnes. Quoi qu'il en puisse être, il est notoire que dans les cités populeuses de nos départements méridionaux on trouve aisément des femmes qui sont mères à 14 ans, et qui par conséquent étaient nubiles à 13. Ce point de fait étant reconnu, je dis que la motion de M. Taillefer, et la proposition de M. Français sont à la fois inutiles et dangereuses: inutiles, parce que la très grande généralité des mariages ne se contracte que dans un âge plus avancé que celui

proposé par l'opinant, et que le nombre de ceux qui seraient momentanément suspendus, disparait, pour ainsi dire, sur une population de 25 millions d'hommes. J'ajoute que ces propositions seraient dangereuses; et je le prouve. S'il est possible que la nature parle avant l'âge déterminé par la loi; s'il est possible que l'on cède à cette voix puissante, et quelquefois irrésistible, il est évident que la mesure qui vous est indiquée pour la régénération des mœurs, peut tourner contre les mœurs elles-mêmes. Qu'une personne de 13 ans, par exemple, ait un instant de faiblesse, vous rendez sa famille et le public témoins nécessaires de sa honte, et vous la forcez, au moins temporairement, à un concubinage scandaleux, au lieu de favoriser cette union sainte qui doit affermir la liberté de l'Empire, par le bonheur et les vertus domestiques. Je vais plus loin, et je prétends qu'il n'est pas en votre pouvoir, sans violer les droits sacrés que nous donne la nature, d'adopter la motion de M. Taillefer ou la proposition de M. Français. Avant d'être citoyen je suis homme; et je ne cesse pas d'être homme parce que je suis citoyen. La société peut bien régler chez moi l'exercice des droits naturels; mais elle ne peut ni les anéantir ni les suspendre, et c'est un devoir pour le législateur de légaliser mon union, lorsque l'observation et l'expérience lui disent que je suis capable de la contracter. Prenez garde, Messieurs, que la faculté de me marier n'est pas une obligation que l'on m'impose, et pour éviter quelques inconvénients imaginaires, ne portez pas, contre votre intention, une atteinte funeste aux bonnes mœurs, droits de la nature. Je vous prédis que si vous adoptez la motion de M. Taillefer ou la proposition de M. Français, vous aurez une source de désordres. Je demande que l'article du comité soit mis aux voix.

M. Duhem. J'appuie les observations qui vous ont été présentées par M. Taillefer; étant médecin comme lui, j'ai reconnu que l'âge moyen dans les contrées septentrionales, n'est que de 18 ans; j'ai même été témoin d'une puberté qui n'est venue qu'à 20 ans. J'ajoute que l'intérêt de la liberté individuelle doit céder à l'intérêt général; et certes il est de l'intérêt de la société de veiller à la conservation de l'espèce.

M. Basire. Je demande la question préalable sur toute espèce de fixation. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse fixer un terme à la nature. J'appuie l'article suivant du projet de décret du comité qui porte qu'au-dessus de l'âge de 21 ans on pourra se marier sans le consentement des parents.

M. Lagrévol. Si le mariage n'avait qu'un but naturel, et s'il n'en résultait qu'un effet civil, j'appuierais la proposition de M. Basire; mais il se fait encore pour l'avantage de la société, et sous ce point de vue elle doit en prescrire les conditions; vous devez surtout veiller sur l'intérêt des enfants, et empêcher qu'ils ne soient la victime de l'intérêt ou de l'ambition de leurs parents. Je demande si un jeune homme de 14 ans est en état de faire un choix pour la vie, et si un jeune homme qui se marie d'après la seule impulsion de ses parents, n'est pas un esclave plutôt qu'un époux.

(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Basire.

M. Muraire, rapporteur. J'ai dit, Messieurs,

dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous présenter, que l'intérêt de l'humanité, celui de exigeaient dans les deux époux une constitution forte; mais, Messieurs, différer cet âge jusqu'à 18 ans pour les hommes et 16 ans pour les filles, serait peut-être étendre la mesure un peu loin. Il faut prendre le terme moyen entre les différents climats, et je pense que l'âge de 16 ans pour les hommes et de 14 ans pour les filles, vous présente ce juste milieu. J'avoue que c'est la facilité de contracter des mariages prématurés qui est une des causes de la dégradation de l'espèce humaine, et que le législateur doit porter un oeil attentif sur cet objet. J'ai regretté à cet égard que les lois romaines aient pris le dessus sur celles de Lacédémone; mais je crois que c'est limiter beaucoup trop les mariages que de les fixer à 18 ans seulement.

Ainsi, Messieurs, je propose cet amendement à l'article du comité, de limiter à 16 ans pour les hommes et à 14 ans pour les filles. Je réponds eucore à la seconde motion qui vous a été faite, dans laquelle on demande qu'il ne puisse pas y avoir une différence de plus de 30 années entre deux personnes qui voudront s'unir par mariage. Je crois, Messieurs, que cette motion est une entrave à la liberté qui est la base la plus essentielle du mariage. Il faut d'ailleurs, Messieurs, ne pas obstruer ce canal de bienfaisance, il faut garantir votre loi de toutes dispositions limitatives, et d'autant plus qu'il importe d'apporter toutes sortes de digues à la corruption des mœurs et à cet autre scandale si funeste à la société, je veux dire le commerce des vieillards. Je demande donc la question préalable sur la seconde partie de la motion de M. Français.

(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur l'article du comité.)

Plusieurs membres proposent que l'âge soit fixé à 20 ans.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)

D'autres membres proposent la fixation à 18 ans révolus pour les hommes.

(L'Assemblée repousse cette proposition.) M. Lacépède. Je demande la parole. M. le Président. Je mets aux voix la fixation à 17 ans révolus pour les hommes.

(L'Assemblée décrète que les hommes ne pourront se marier avant l'âge de 17 ans révolus.)

Plusieurs membres observent que le décret est vicié d'un défaut de forme, M. le Président ayant mis le décret aux voix pendant que M. Lacepède demandait la parole.

(L'Assemblée décrète que M. Lacépède sera entendu.)

M. Lacépède. Je demande le rapport du décret. Sans doute, si vous ordonnież qu'on se mariât à l'âge de 14 ou 16 ans, vous feriez une loi mauvaise; mais lorsque vous ne faites que fixer l'âge auquel il sera permis aux parents de marier leurs enfants, vous devez nécessairement faire une loi qui puisse s'appliquer à tous les cas. J'avoue que quoique depuis longtemps j'aie étudié l'histoire naturelle, et surtout la partie naturelle relative à la reproduction, je suis étonné de la manière positive et de l'assurance avec lesquelles on a avancé des assertions sur des objets qui ne sont encore rien moins que certains. J'observe qu'à l'égard de l'âge de puberté, rien

n'est si variable, selon les individus, les climats, et un très grand nombre de circonstances. Les exemples de l'antiquité sur lesquels on s'est fondé ne doivent aucunement influer sur votre délibération. Les lois lacédémoniennes que l'on a citées étaient bonnes pour un peuple chez qui l'on avait voulu tout régler, pour ne pas dire tout dénaturer. Mais ce ne sont pas de pareilles lois qui peuvent convenir à un peuple qui a une Constitution fondée sur les droits naturels de l'homme et sur le respect pour la liberté indiparticulières, et le vœu de la nature, il en réviduelle. Si vous gênez ainsi, et les convenances sultera une foule d'inconvénients pour la société et de maux pour les individus. Si la tribune où je parle était une chaire de lycée, et qu'au lieu de m'exprimer en représentant du peuple il me fût permis d'entrer dans des détails d'histoire naturelle, il me serait facile de prouver combien il serait inutile et même dangereux de fixer à un âge au-dessus de 13 ans pour les femmes, et 15 pour les hommes; votre loi ne sera bonne qu'autant qu'elle se rapprochera du moment où la nature permet et commande. J'appuie donc la proposition du comité.

M. Ducos. Dans les départements méridionaux les mariages se font à 14 et à 15 ans. La raison en est que les enfants font leur richesse, et que plus ils ont d'enfants, plus ils sont riches.

M. Tenon. Je ne traiterai point cette question en anatomiste ni en naturaliste. Ce que je vais dire aura rapport à la manière dont on doit envisager le mariage. Le prix moyen de la journée dans le royaume est de 20 sols on donnera 20 sols à l'homme de 18 ans, et l'on ne donnera pas 20 sols à l'homme de 15 et 16 ans. Dès lors il n'aura pas de quoi nourrir lui, sa femme et ses enfants. Je conclus, de toutes ces observations, qu'il ne faut permettre le mariage qu'à 17 ans révolus, et les femmes à 15 ans.

M. Condorcet. J'ai demandé la parole pour présenter une considération que je crois importante. Si vous permettez le mariage trop tôt, voici ce qui en résultera. Tous les préjugés nobiliaires sont bien loin d'être éteints; tous les préjugés de distinction de famille subsistent dans presque tous ceux qui les avaient avant la Révolution. Dès lors les parents se hâteront de marier leurs enfants avant qu'ils aient pu faire personnellement un choix; dès lors, toutes les alliances seront encore dirigées d'après les préjugés de naissance et de fortune.

M. Basire. Dans des lois à perpétuité, il ne faut pas se déterminer par des motifs de circonstance, et une loi sur le mariage ne doit pas être une loi révolutionnaire. Je demande la question préalable contre ce veto d'un nouveau genre, qu'on propose sur la nature, la raison, le sentiment et la liberté.

M. Ducastel. De quelque manière que vous fixiez l'âge du mariage, vous n'arrêterez pas les élans de la nature. Si une femme se trouve enceinte à 13 ans, attendrez-vous jusqu'à 16 ans pour la marier, et donner un état à son enfant. Le mieux est de s'en rapporter à la prudence et à la tendresse des parents. La proposition de M. Condorcet ne peut pas déterminer votre délibération. Ce n'est pas parce qu'il serait bon d'écarter les idées nobiliaires de quelques individus, qu'il faut empêcher le reste de la nation de se marier.

M. Dneos. Je demande le rapport du décret,

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