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de deux lieues, et la République de Mülhausen l'espace d'une lieue et demie. L'on peut aisément, par un détour, éviter le territoire de Mülhausen; mais il n'est pas aussi facile d'éviter celui de Montbéliard.

Au reste, ces petits Etats, perdus, en quelque sorte, au milieu du continent, sont trop intéressés à se procurer une communication commerciale de cette importance, pour que l'on ait à redouter qu'ils se refusent au passage du canal chez eux; et Mülhausen a même manifesté ses intentions à cet égard; mais il est essentiel que cet objet soit traité le plus tôt possible par le ministre des affaires étrangères, afin que l'on prenne les détails nécessaires des nivellements qui n'ont point été pris sur ces territoires, où l'on n'a pu opérer qu'à vue d'œil. Il est essentiel qu'on le fasse la toise à la main, et que l'on vous fournisse, dans son entier, un devis exact et très détaillé, très circonstancié de chaque partie des ouvrages; opérations que ces obstacles ont rendues incomplètes jusqu'à ce jour.

Quoique le passage par ces deux petits Etats étrangers soit plus court, par conséquent moins dispendieux, et par cela même à préférer sous certains rapports, il a paru cependant nécessaire à votre comité que l'on sût à combien monterait la même navigation en la conduisant par des détours et sans jamais quitter le territoire français. La comparaison des deux plans vous déterminerait ensuite à vous décider auquel donner la préférence; car, jusqu'ici, l'on n'avait point songé à ce détour, parce que, nécessairement, il sera plus long et plus coûteux.

Votre comité, Messieurs, ne peut terminer sans vous entretenir un instant des deux ingénieurs auxquels vous devez le projet dont il s'agit, et les travaux préliminaires qui vous ont procuré les connaissances propres à déterminer son exécution.

Ces deux hommes, également pleins de talents et de connaissances de leur art, sont MM. de La Chiche, maréchal de camp, ancien officier du génie militaire, et Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées; ils avaient tous les deux fixé l'attention du comité de commerce et d'agriculture de l'Assemblée constituante, et votre comité, de même, a cru qu'ils devaient fixer la vôtre.

M. de La Chiche est l'inventeur reconnu du projet; il le conçut en 1744, n'étant encore que volontaire. Il découvrit l'heureux point de partage constamment fourni d'eaux très abondantes; circonstance de laquelle dépend essentiellement le succès de l'opération. Il jeta son plan dans toute la grandeur de conceptions vastes et dignes de cette entreprise: une théorie brillante, des recherches immenses, des mémoires nombreux et d'une profonde érudition, étayent son système, qui consiste principalement à rendre le Doubs navigable ainsi qu'il l'était il y a plusieurs siècles, en supprimant toutes les digues, lesquelles ont dérangé son cours, encombré son lit, et ruiné son ancienne navigation, et en donnant un autre moteur aux usines établies sur ce fleuve, et pour le jeu desquelles on avait construit les digues.

Get ingenieur mit, dès 1753, son projet sous les yeux du gouvernement, et il est amplement muni de pièces qui prouvent l'intérêt que les différents ministres y ont pris successivement. Il réclamait un privilège d'exécution pour lui, et des secours pour l'achèvement des travaux préliminaires; mais la versatilité du ministère

sous l'ancien régime a toujours mis obstacle à ses desseins. D'ailleurs, auprès d'une cour ambitieuse et pleine de corruption, c'était se rendre coupable que de vouloir le bien avec trop de modestie, trop de franchise et trop d'ardeur.

La basse jalousie, l'intérêt et l'intrigue, ont failli rendre pour toujours M. de La Chiche victime de son zèle, et lui faire payer les sacrifices de sa fortune, l'opiniâtreté de ses travaux et l'importunité de ses démarches, par la privation de son état.

Cependant en 1773, le ministre, sollicité par la Franche-Comté de réaliserentin cette spéculation, chargea M. Bertrand, ingénieur des ponts et chaussées dans cette ci-devant province, de lever les plans et de dresser des devis; il s'est acquitté de cette mission lui-même avec un zèle, avec une capacité qui le rapprochent, autant que faire se peut, dù mérite de l'invention; et il est à même de soumettre à vos regards une masse de plans très bien exécutés qui prouvent ses soins suivis et entendus, et d'immenses travaux; et si la théorie brillante de l'inventeur du projet est digne d'éloges, il est également de la justice d'en accorder aux détails lumineux des plans, nivellements et devis exécutés par le second, dont le système d'ailleurs diffère absolument en ce qu'il conserve tous les ouvrages de l'art dans leur état actuel, et qu'il réalise la navigation du Doubs par le moyen des écluses et du rehaussement des digues.

Cependant, Messieurs, les comités de l'Assemblée constituante avaient été d'avis que la nation fit à M. de La Chiche une remise de 12,000 livres, pour récompense et indemnité de ses dépenses et de ses travaux; mais cet officier m'ayant chargé de renoncer pour lui à cet offre, votre comité n'a eu sur ce point qu'à applaudir à cette nouvelle preuve de désinteressement dont je me suis fait l'organe en sa présence.

Il ne vous reste donc en ce moment qu'à statuer sur la demande faite également, et par les deux ingénieurs, et par la commission mixte nommée l'an dernier par le pouvoir exécutif, pour l'examen de leurs plaus, et agréée par les comités d'agriculture et de commerce de l'Assemblee constituante, et par le vôtre.

Ces demandes consistent: 1° dans la négociation avec les gouvernements de Mülhausen et de Montbéliard pour la levée des plans sur leur territoire; 2o la levée d'un second plan sans quitter le territoire français; 3° la remise, par le Trésor national, aux mains du pouvoir exécutif, d'une somme de 25,000 livres pour la levée de ces plans, prise des nivellements, dresse des devis, et en un mot pour l'achèvement de tous les travaux préliminaires.

Un jour viendra, Messieurs, et c'est à grand pas qu'il s'avance, ce jour fortuné pour les races futures, où l'homme enfin songeant à réfléchir, connaîtra toute la dignité de son être, et où les peuples sentiront toute la force de leur puissance; ce jour de la création morale où les nations sont appelées par la philosophie vers une existence nouvelle: il arrivera malgré les despotes, ce moment heureux, où, dépouillées des préjugés de leur ignorance, élancées du gouffre ténébreux de leur servitude antique, et fondant leur chaîne au flambeau de la raison, elles reconnaîtront qu'elles peuvent tout ce qu'elles veulent, et que pour réussir, elle n'ont besoin que d'oser: c'est alors que foulant tant de trophées élevés jusqu'ici par leurs mains esclaves, aux despotismes religieux et politique, et mar

chant avec sagesse et courage, elles feront rentrer au néant la tyrannie qui si longtemps les écrasa.

C'est alors qu'aux champs d'une fédération générale, et livrées sans obstacle aux sentiments de la nature, confondant leurs intérêts et leurs besoins, pressées devant l'autel de l'égalité sociale et politique, elles effaceront entre elles toutes les rivalités; elles se jureront amitié franche, communications réciproques, union indissoluble, paix éternelle et parfait oubli de leurs anciennes calamités.

Rien, Messieurs, ne peut conduire plus promptement à ce but si désirable, que le développement des communications de pays à pays: et cette considération étaye puissamment les motifs que vous trouvez dans les avantages particuliers à la France, pour vous déterminer sans délai à l'ouverture de la navigation intérieure que votre comité vous propose.

"

PROJET DE DECRET.

L'Assemblée nationale après avoir entendu son comité d'agriculture:

«Considérant les avantages qui doivent résulter du canal de jonction du Rhône au Rhin par l'intérieur des départements du Doubs, du Jura, du Haut et Bas-Rhin, non seulement pour ces contrées et celles adjacentes, mais pour la France entière à laquelle il procure une navigation libre par son intérieur, d'une extrémité du royaume à l'autre dans tous les sens, et la communication avec la Méditerranée, la mer d'Allemagne et la Suisse.

« Considérant que du rapport de la commission mixte nommée par le ministère, pour l'examen du projet et des deux plans des sieurs La Chiche et Bertrand, et de l'avis de cette commission en date du 28 juin 1791, il résuite que le canal est d'une facile exécution.

Considérant la certitude des profits réels que la France en doit retirer par l'augmentation du produit des forêts nationales restées jusqu'ici sans valeur en ces pays faute de débouchés, et par le prix qu'il doit mettre aux autres biens nationaux situés dans les départements voisins, décrète ce qui suit:

Art. 1er. Il sera établi une navigation intérieure pour faire communiquer le Rhône au Rhin par les rivières de la Saône, du Doubs, de l'Haleine et de Lisle, et par un canal artificiel intermédiaire avec une branche de jonction de Lisle à Huningue.

Art 2. Le pouvoir exécutif est chargé de négocier avec les gouvernements de Montbéliard et Mülhausen, la faculté de faire lever les plans, dresser les devis, prendre les nivellements et toutes les autres mesures préparatoires de cette navigation, dans l'étendue de leur territoire, et de se concerter avec ces deux puissances sur le mode et les conditions du transit.

"Art. 3. Le pouvoir exécutif fera lever aussi des plans et dresser les devis pour opérer cette navigation sans quitter le territoire français, et mettre ultérieurement l'Assemblée nationale à même de statuer sur la préférence à donner à l'un ou à l'autre de ces deux plans.

Art. 4. Ces plans seront dressés de manière à faire concourir, autant qu'il sera possible, cette navigation à la défense des frontières.

«Art. 5. L'Assemblée nationale, reconnaissante du zèle et du désintéressement que les sieurs La Chiche, maréchal de camp, ancien officier du

génie militaire; et Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées, ont montré constamment dans la suite des travaux relatifs à ce projet, déclare qu'elle est satisfaite de leur zèle et de leurs talents, et que leurs noms seront inscrits au procès-verbal de ses séances comme citoyens, bien méritants de la patrie.

« Art. 6. L'Assemblée nationale décrète qu'il sera remis, par le Trésor public, entre les mains du pouvoir exécutif une somme de 25,000 livres, pour fournir à la dépense de la levée des plans, devis et nivellement dont il vient d'être parlé; elle se réserve de statuer ultérieurement sur le mode de l'exécution, et sur quels fonds seront pris les sommes nécessaires pour y parvenir.

(L'Assemblée ajourne la discussion à huitaine.)

M. Cailhasson, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, donne lecture d'une nouvelle rédaction des deux premiers articles du décret du 12 de ce mois, (1) concernant le remboursement de la dette publique et l'affectation des 300 millions d'assignats, de la dernière création, spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale; ces deux articles sont ainsi conçus:

Art. 1°. Les propriétaires de créances exigibles, susceptibles de liquidation, qui auront acquis des domaines nationaux antérieurement au 20 juillet 1792, pourront donner en payement desdits domaines leurs reconnaissances de liquidation provisoires ou définitives; mais cette faculté ne sera point transmissible, elle n'existera que pour les créanciers directs de l'Etat.

« À l'égard des biens dont l'aliénation est actuellement décrétée, qui seront adjugés postérieurement au 1er août, ils ne pourront être payés qu'en assignats, ou en numéraire, et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.

« Art. 2. Les porteurs de reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation, délivrées avant la publication du présent décret, pourront donner ces reconnaissances en payement des biens nationaux acquis antérieurement au 20 juillet prochain, mais les receveurs de district ne pourront, à peine d'en demeurer responsables, recevoir aucune reconnaissance d'une date postérieure à la publication du présent décret; et à l'exception des assignats ou du numéraire, ils ne pourront recevoir en payement de biens nationaux que des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, délivrés conformément aux dispositions de l'article suivant. »><

Un membre demande que l'époque du 20 juillet, fixée dans l'article premier, soit prorogée jusqu'au 1er août.

(L'assemblée adopte cet amendement, puis la nouvelle rédaction des articles 1 et 2.)

M. Cailhasson, rapporteur, donne ensuite lecture de la rédaction des articles additionnels qui ont été renvoyés au comité. (2)

Ces articles qui deviennent les articles 9, 10 et 11 du décret, sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :

« Art. 9. Dans le cas ou la somme de 6 mil

(1) Voy. ci-dessus, séance du 12 juin 1792, page 128, le rapport de M. Cailhasson et l'adoption de ce décret. (2) Voy. ci-dessus, séance du 12 juin 1792, page 133, le renvoi au comité des articles additionnels.

ions ne serait pas épuisée par les rembourse-ments faits dans le courant d'un mois, la partie non employée de cette somme servira à accroître les fonds du mois suivant.

« Art. 10. Les effets aux porteurs et contrats provenant d'emprunts à terme ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, lors même que lesdits objets excéderaient la somme de 10,000 livres seront payés concurremment avec les créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, sur les 6 millions affectées tous les mois au remboursement de la dette exigible.

Art. 11. Ne seront pas considérées comme dette à terme, diverses créances à terme fixe, qui se liquident à la Trésorerie nationale, telles que les offices de la maison du roi et de celle de la reine, supprimées en 1788, non plus que les remboursements de rentes sur le clergé, ceux des ci-devant fermiers généraux, régisseurs généraux et administrateurs des domaines. >

Suit le texte définitif du décret rendu :

"

L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de prévenir sans délai les difficultés qui pourraient s'élever dans l'exécution du décret du 15 mai dernier, qui affecte spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale les assignats de la dernière création; considérant encore que pour maintenir le crédit des assignats, il est nécessaire d'empêcher que les biens qui leur servent de gage, ne puissent avoir une autre destination, décrète qu'il y a urgence.

» L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comites de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et après avoir décrété l'urgence, décrète :

Art. 1er.

» Les propriétaires de créances exigibles, susceptibles de liquidation, qui auront acquis des domaines nationaux antérieurement au 1er août 1792, pourront donner en payement desdits domaines leurs reconnaissances de liquidation provisoires ou définitives, mais cette faculté ne sera point transmissible; elle n'existera que pour les créanciers directs de l'Etat.

» A l'égard des biens dont l'aliénation est actuellement décrétée, qui seront adjugés postérieurement au 1er août, ils ne pourront être payés qu'en assignats, ou en numéraire, et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.

Art. 2.

«Les porteurs de reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation, délivrées avant la publication du présent décret, pourront donner ces reconnaissances en payement des biens nationaux acquis antérieurement au 1er août prochain, mais les receveurs des districts ne pourront, à peine d'en demeurer responsables, recevoir aucune reconnaissance d'une date postérieure à la publication du présent décret; et à l'exception des assignats ou du numéraire, ils ne pourront recevoir en payement de biens nationaux que des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, délivrés conformément aux dispositions de l'article suivant.

Art. 3.

« A l'avenir les reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation ne seront plus directement admissibles en payement de domaines nationaux; mais ceux qui auront acquis des domaines antérieurement au 1er août 1792, seront tenus, s'ils veulent donner des reconnaissances en paiement, de les présenter à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Cet administrateur vérifiera si le propriétaire est vraiment acquéreur, et qu'elle est la somme par lui due, à raison de ses acquisitions. Après cette vérification, il fera l'emploi de la totalité ou d'une partie des sommes énoncées dans lesdites reconnaissances, en délivrant à l'acquéreur des mandats sur le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, dont le récépissé sera pris pour comptant par les receveurs du district où les biens sont situés.

Art. 4.

« Aussitôt qu'il aura été fait emploi de la totalité ou d'une partie des sommes mentionnées dans les reconnaissances provisoires de liquidation, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire adressera au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, un bordereau des imputations faites à la caisse de l'extraordinaire, au profit de chaque créancier. Le commissaire du roi, liquidateur, en tiendra compte, pour en être fait distraction lors de l'expédition de la reconnaissance définitive.

Art. 5.

« Les retenues à titre de dépôt d'un dixiène sur des créances déjà acquittées, faites aux créanciers pour nantissement du non-paiement de leurs impositions, contribution mobilière ou contribution patriotique, lors même que lesdites retenues excèderaient la somme de 10,000 livres, seront remboursées aux créanciers aussitôt qu'ils justifieront de leur acquittement, et le montant desdits remboursements ne sera pas imputé sur les sommes destinées à rembourser les reconnaissances de liquidation au-dessous de 10,000 li

vres.

Art. 6.

<< Aussitôt que, conformément aux dispositions de l'article 2' du décret du 15 mai dernier, les porteurs de reconnaissances définitives de liquidation, excédant en capital la somme de 10,000 livres, se présenteront à la caisse de l'extraordinaire, l'administrateur de cette caisse leur délivrera, après qu'ils auront fait les justifications prescrites par les décrets des 24, 27 juin et 29 juillet 1791, un mandat séparé pour le montant des intérêts alors dus et échus, aux termes des précédents décrets. Ces mandats seront acquittés par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, et ne le seront pas des fonds destinés au paiement des reconnaissances de liquidation au-dessus de 10.000 livres.

Art. 7.

« Pour que l'intérêt des reconnaissances de liquidation excédant la somme de 10,000 livres, commence à courir du jour de leur présentation à la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 2 du décret du 15 mai dernier, il suffira

que les créanciers justifient de leur résidence dans le royaume pendant le temps prescrit par les précédents décrets.

Art. 8.

« Dans le cas où la somme de 6,000,000 livres, au delà de laquelle le remboursement de la dette liquidée ne peut s'élever chaque mois, serait absorbée avant la fin du mois, les porteurs de créances qui doivent être remboursés au moyen de cette somme, seront inscrits sur un registre tenu à cet effet dans l'ordre de leurs présentations, et seront remboursés dans le même ordre sur les fonds du mois suivant. L'intérêt leur sera bonifié depuis le jour de leur présentation jusqu'à celui de leur remboursement, qui sera indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrera à la caisse de l'extraordinaire.

Art. 9.

«Dans le cas où la somme de 6,000,000 ne serait épuisée par les remboursements faits dans le courant d'un mois, la partie non employée de cette somme servira à accroître les fonds du mois suivant.

Art. 10.

« Les effets aux porteurs et contrats provenant d'emprunts à terme sortis ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers, et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, lors même que lesdits objets excéderaient la somme de 10,000 livres, seront payés concurremment avec les créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, sur les 6,000,000 affectés tous les mois au remboursement de la dette exigible.

"

Art. 11.

les

Ne seront pas considérées comme dettes à terme, diverses créances à terme fixe, qui se liquident à la trésorerie nationale, telles que offices de la maison du roi, et de celle de la reine, supprimées en 1788, non plus que les remboursements de rentes sur le clergé, ceux des ci-devant fermiers généraux, régisseurs généraux et administrateurs des domaines. »

M. Deverneilh, au nom du comité de législa tion, fait un rapport et présente un projet de décret au sujet des sieurs Bazelaire père et fils, Desalles-Vigneron et Nicolas Pierron, arrêtés par la garde nationale d'Arnet comme étant soupçonnés d'entretenir une correspondance avec l'ennemi; il s'exprime ainsi :

Messieurs, le 18 mai dernier, la garde nationale de la commune d'Arnet, district de Longwy, département de la Moselle, arrêta, sur la route d'Arnet à Luxembourg, trois voyageurs à pied, qui dirigeaient leur marche vers la frontière, et qui par cela mène lui avaient paru suspects. Ces voyageurs furent de suite conduits devant la municipalité du lieu. Là ils représentent leurs passeports. Il en résulte que ce sont les sieurs Bazelaire, père, âgé de 54 ans ; le sieur Bazelaire, fils, âgé de 18 ans; le sieur DesallesVigneron, âgé de 27 ans, tous citoyens de la viile de Nancy.

Ces passeports contiennent au surplus leur déclaration de vouloir voyager, soit dans l'inte

rieur du royaume, soit dans les départements de la Meurthe, de la Moselle et des Vosges.

On leur demande où ils allaient ils répondirent qu'ils allaient chez le sieur Fabert, maître de forges, à Villerupt, lieu situé en deçà de la frontière.

On leur demande s'ils ont du numéraire sur eux; ils répondent, savoir le sieur Bazelaire, père, qu'il a 39 louis de 24 livres, et le sieur Desalles-Vigneron qu'il en a 11. Mais après les avoir fouillés, on trouve sur le sieur Bazelaire 29 louis,et sur le sieur Desalles-Vigneron 68 louis au delà de ce qu'ils avaient déclaré.

Le sieur Desalles-Vigneron avait encore sur lui une paire de pistolets non chargés, avec un moule à balles.

Enfin, on trouva sur le sieur Bazelaire, père, six lettres à différentes adresses, dont l'une était adressée au sieur Fabert, de Villerupt, chez lequel les trois voyageurs avaient déclaré se rendre, et une note sans signature contenant ces mots : « il faut remettre 10 louis à M. Godefroy, il faut en remettre 16 à M. de Fornerail, il y en aura 10 pour Max. »>

Il paraît que Max est le nom du fils du sieur Bazelaire; celui-ci ne se trouva rien sur lui, si ce n'est quelque menue monnaie.

J'observe que lorsqu'on fouillait M. Bazelaire, père, il chercha à déchirer les lettres dont il était porteur; il parvint même à en déchirer trois, outre la note ou mémoire dont j'ai parlé.

Les lettres déchirées étaient adressées, l'une, au sieur Fabert, aux forges de Villerupt; l'autre, au sieur Chingoutte, à Etelbruck; et la troisième, au sieur Huré, au cantonnement de Dickirck près d'Etelbruck. Cette dernière était écrite en chiffres.

Je reviendrai bientôt sur le contenu de ces différentes lettres, dont tous les lambeaux ont été soigneusement conservés; mais je dois dire qu'aussitôt après cette première tentative, le sieur Bazelaire offrit lui-même de donner lecture non seulement des lettres par lui déchirées, mais encore de celles qui ne l'avaient pas été. Je dois dire encore que le sieur Bazelaire déclara qu'il allait conduire son fils dans la province de Luxembourg, pour affaires, disait-il.

Tels sont les faits qui résultent du procèsverbal dressé par les officiers municipaux de la commune d'Arnet, le 18 mai; à la suite de ce procès-verbal, on saisit l'argent et les effets trouvés sur les trois voyageurs, ainsi qu'une voiture et deux chevaux qu'ils avaient laissés derrière eux à la porte d'Arnet, avec un domestique.

Le lendemain, 19 mai, le juge de paix du canton d'Arnet, après avoir récolé le procèsverbal des officiers municipaux de cette commune, et entendu les trois voyageurs, donna un mandat d'arrêt, non seulement contre eux, mais contre Nicolas Pierron, domestique du sieur Bazelaire, qui déclara avoir reçu l'ordre d'attendre son maître à la porte d'Arnet jusqu'à son retour. I ordonna, de plus, que les objets saisis sur les sieurs Bazelaire et Desalles-Vigneron resteraient en dépôt jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût prononcé.

Vous avez, Messieurs, à décider s'il y a lieu ou non à accusation contre les quatre citoyens détenus depuis plus d'un mois dans la maison d'arrêt de Longwy.

Et d'abord, il est évident qu'il ne peut y avoir de doute à l'égard de Nicolas Pierron, domestique du sieur Bazelaire il n'a fait que conduire

la voiture de son maître jusqu'à Arnet, où il avait ordre de l'attendre; il n'avait qu'à obéir : et d'ailleurs il pouvait absolument ignorer les intentions ultérieures du sieur Bazelaire; il n'y a donc aucune apparence de délit sur son compte. On a seulement lieu de s'étonner de ce qu'il ait été aussi mis en état d'arrestation.

Quant au sieur Desalles-Vigneron, le juge de paix d'Arnet, tout en convenant qu'il n'y avait aucun indice contre lui, a cru néanmoins le mettre en état d'arrestation, parce qu'il pouvait être complice des sieurs Bazelaire.

Lorsque vous aurez apprécié, dans votre sagesse, la nature des délits qu'on impute aux compagnons de voyage du sieur Desalles-Vigneron, vous serez sans doute, Messieurs, mieux disposés en sa faveur. Mais enfin quelle est sa position particulière?

Son passeport l'autorisait à voyager dans le département de la Moselle, et c'est dans ce département qu'il a été arrêté.

Il a dit qu'il se rendait chez le sieur Fabert, aux forges de Villerupt, et cela est infiniment probable d'après cette circonstance que le sieur Bazelaire était porteur d'une lettre pour le sieur Fabert.

A la vérité, il s'est trouvé nanti d'une somme assez considerable d'argent (89 louis de 24 livres). Mais, outre qu'aucune loi n'a tarifé la quantité de numeraire qu'un voyageur peut porter sur lui, le sieur Desalles-Vigneron allègue, dans un mémoire justificatif, que cet argent était principalement destiné à faire des emplettes.

Quoi qu'il en soit, le sieur Desalles-Vigneron n'était porteur d'aucune correspondance suspecte, ni d'aucune lettre pour les émigrés, il n'était fait de lui aucune mention dans les lettres dont le sieur Bazelaire se trouva nanti; ainsi rien ne prouve qu'il voulût émigrer, et il proteste que ce n'était pas son intention. Au reste, eût-il voulu émigrer, eût-il même émigré en effet, cette circonstance isolée ne pourrait que l'assujettir à la loi sur le séquestre des biens, et non le faire mettre en état d'accusation.

L'attention de votre comité de législation s'est principalement arrêtée sur les sieurs Bazelaire père et fils, mais avant que d'entrer dans la discussion qui les concerne, comme les charges qui peuvent exister contre eux dérivent surtout des lettres dont ils se sont trouvés saisis au moment de leur arrestation, il convient de les analyser successivement.

:

Ces lettres sont au nombre de six mais il en est deux qui semblent ne présenter aucune induction importaute. La première était adressée au sieur Fabert, à Villerupt, et est sans signature. L'auteur de la lettre écrit à son ami que la direction des postes vient d'être chingée, qu'il y a quatre jacobins pour administrateurs, qu'à coup sûr les lettres seront ouvertes; qu'ainsi, s'il lui annonce quelque nouvelle, il ait l'intention de ne pas signer, ni d'indiquer le lieu d'où il écrira.

La seconde, qui est également sans signature, est à l'adresse du sieur Brillant, volontaire dans la compagnie de Beauce, à Pruym par Trèves et Luzerat. L'auteur de la lettre mande à son ami qu'il lui fait passer un paquet de pièces qu'il avait demandées pour le jugement de son procès.

La troisième, ecrite en chiffres et sans signature, était adressée à M. Hure, à Diekirck, près d'Etelbruck.

Cette lettre était de nature à inspirer de violents soupçons, à cause du mystère dans lequel

on avait cherché à s'envelopper. Mais un procédé bien simple a suffi pour en découvrir le sens et les expressions; et alors, bien loin d'y trouver aucune trame contre-révolutionnaire ni aucun attentat contre la sûreté de l'Etat, l'on n'y trouve que le langage innocent de la douce amitié, et même d'un sentiment encore plus tendre.....

Les premières phrases de cette lettre sont ainsi conçues « Je profite, mon cher petit ami, de l'occasion d'un jeune homme, pour vous donner de mes nouvelles, car on m'assure que peu de lettres passent de vos côtés. Je vous écris en chiffres convenus, parce que je me méfie de la discrétion du porteur. Il faut éviter autant que possible d'avoir tant de gens dans sa confidence. On est si méchant que l'on croit toutes les liaisons criminelles vous savez que je suis éloigné du vice, et que mes sentiments sont bien purs, quoique bien tendres... etc.

:

Les faits principaux qui résultent de ces lettres à la charge du sieur Bazelaire sont au nombre de quatre:

Il en résulte 1° qu'un premier fils du sieur Bazelaire était déjà émigré depuis environ trois semaines du consentement de son père;

2° Que son second fils, officier dans un régiment de ligne, ayant donné sa démission après la déroute de Valenciennes, allait aussi émigrer et joindre son frère;

3° Que le sieur Bazelaire son père, allait l'accompagner jusqu'à la frontière;

4° Enfin, qu'au moment de leur séparation, il devait lui remettre les lettres et une partie de l'argent dont il était porteur, c'est-à-dire 10 louis pour lui-même, 10 louis pour un sieur Godefroy, et 16 louis pour un sieur Formerat.

Mais comme cès lettres, destinées à passer en pays étranger, ne contiennent aucune manœuvre ou intelligence criminelle avec les ennemis de la France, tendant à favoriser le progrès de leurs armes sur le territoire français (ainsi que l'exige l'article 4, section 1re, titre Ier, du Code pénal) comme, d'ailleurs, la somme d'argent qui devait être remise aux sieurs Godefroy et Formerat n'était évidemment destinée, par sa modicité. qu'à satisfaire à leurs besoins particuliers, il est impossible de trouver, dans les deux derniers faits, rien qui induise un crime contre la sûreté générale de l'Etat.

PROJET DE DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de législation, sur l'arrestation faite le 18 mai dernier, dans la commune d'Arnet, district de Longwy, département de la Moselle, des sieurs Bazelaire père, Bazelaire fils, DesallesVigneron et Nicolas Pierron.

"Décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation contre lesdits Marc-Sigisbert-Antoine Bazelaire, Marc-Sigisbert Bazelaire, Louis Desalles-Vigneron et Nicolas Pierron.

« L'Assemblée nationale fait mention honotion honorable du zèle de la municipalité et de la garde municipale d Arnet. »>

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

M. Debranges, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur la liquidation de l'office du sieur Huard-Duport, lieutenant particulier de l'amirauté de Vannes, à la résidence de Lorient.

(L'Assemblée ajourne la discussion de ce projet de décret.)

(La séance est levée à dix heures.)

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