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les chefs qui ont si bien su s'en rendre dignes.

Vous jugerez, Messieurs, si cet officier mérite l'honorable mention qu'en fait ici votre comité militaire par la lettre ci-après, qui lui a été adressée par le lieutenant général Biron :

« Je satisfais avec empressement, Monsieur, au devoir d'attester que, dans la malheureuse démarche faite par une partie des cinquième et sixième régiments de dragons, pendant la nuit du 29 au 30 avril, vous avez employé tous vos efforts pour arrêter les dragons du sixième régiment; que vous avez tenu les propos les plus dignes d'un officier distingué et que vous m'avez diť nommément : mon général, je ne vous abandonnerai jamais, et je me ferai tuer à côté de vous si je ne puis ramener mon régiment. (Applaudissements.)

Je vous rends cette justice avec plaisir, Monsieur, etc.

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« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire; considérant que le décret du 11 mai a prévu le cas où se trouve le sixième régiment de dragons, que le général de l'armée du Nord n'a qu'à appliquer les dispositions de la loi pour rendre la plus éclatante justice au zèle de ceux qui s'y sont conformés ; que le sixième régiment de dragons, ayant dénoncé les coupables, est, par la loi même, honorablement acquitté; renvoie au pouvoir exécutif, et passe à l'ordre du jour ainsi motivé. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret.) M. Carnot-Feuleins, le jeune. Je renouvelle la mention que j'ai faite il y a quelques jours d'ordonner qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du colonel Duval et l'envoi d'un extrait à cet officier patriote.

Plusieurs membres demandent, en outre, l'insertion de la lettre du général Biron au procèsverbal.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite tenue par M. Duval à l'affaire de Mons, que la lettre du général Biron à M. Duval y sera insérée et qu'envoi sera fait à ce dernier de l'extrait du procès-verbal.)

Plusieurs membres demandent l'impression du rapport de M. Mathieu Dumas.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Mathieu Dumas.)

Le général WITINKHOF, commandant les troupes de ligne de la vingt-deuxième division, accompagné de son état-major, est admis à la barre.

Je demande à l'Assemblée, au nom des détachements des régiments de ligne, que je commande à Paris, la permission qu'ils sollicitent de défiler devant elle.

Un grand nombre de membres : Oui! oui!

(L'Assemblée accorde l'autorisation demandée.) (Alors une musique guerrière seffait entendre; les détachements traversent la salle, précédés de leurs tambours, au milieu des applaudissements de l'Assemblée et des spectateurs. Lors

qu'ils se trouvent occuper toute la longueur de l'arène, ils s'arrêtent, font face au président, et s'ouvrent par leur centre.)

Le général WITINKHOF s'exprime ainsi :

Messieurs, la troupe de ligne de Paris, que j'ai l'honneur de commander, vient offrir à l'ASsemblée nationale un jour de sa paye en argent, pour contribuer aux frais de la guerre. (Applaudissements réitérés.) Elle attend l'instant où, portée, comme le reste de l'armée, au pied de guerre, elle pourra vouer ses bras à la défense de la patrie. En attendant ce moment, qui fait l'objet de ses voeux, elle jure de vivre libre ou mourir, elle jure de marcher sur les traces de ses frères d'armes, de la garde nationale parisienne (Applaudissements réitérés.) en se vouant tout entière au maintien de l'ordre et de la Constitution, et d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi. (Applaudissements.)

(Il dépose sur le bureau 5,277 1. 18 s. en espèces.)

M. le Président. L'Assemblée nationale applaudit à votre civisme, elle compte sur votre courage, accepte votre offrande et vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande l'insertion du discours du général au procès-verbal avec mention honorable.

(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion au procès-verbal du discours du général Witinkhof.)

Un soldat du 102° régiment sort des rangs, entre à la barre, obtient la parole, et donne lecture de l'adresse suivante :

<< Messieurs, c'est dans le sein de l'Assemblée nationale que les soldats du 102° régiment viennent déposer leurs craintes : c'est dans son sein paternel qu'ils viennent faire l'aveu sincère des sentiments qui les animent. Des scélérats, soudoyés sans doute par la turbulente et odieuse aristocratie, calomnient nos plus pures intentions. Ils nous insultent, nous menacent même, sur le vain prétexte, disent-ils, que nous portons la livrée du ci-devant comte d'Artois, comme si cette marque extérieure était celle de nos sentiments. Ils font plus encore. Ils répandent dans tout Paris la fausse alarme que nous sommes prêts à arborer la cocarde blanche, ce signe odieux de contre-révolution que désavouent et qu'ont en horreur tous les soldats en général... Plusieurs membres: Non! non! On ne le croit

pas.

L'orateur de la dépulation continuant sa lecture:

"Notre plus faible objection pour en prouver la fausseté, c'est la publicité qu'ils donnent à ces calomnies atroces, car, si telles étaient nos intentions, que de mesures ces traîtres ne prendraient-ils pas pour les cacher! Ces mêmes sujets de tristesse doivent servir à nous consoler, car il n'est pas de citoyen qui soit à l'abri des traits empoisonnés de leur malignité; (Applaudissements.) il n'en est point qui ne se fasse une gloire d'être insulté par eux. (Applaudissements.) Quel est donc le but qu'ils se proposent, en distillant sur nous le poison de la calomnie? Quelles sont leurs intentions? C'est de semer la zizanie, de faire naître des méfiances, d'armer les citoyens contre nous, afin de nous détruire, et d'avoir, par ce moyen, moins d'ennemis à combattre. Plût à Dieu que, pour épargner le sang des citoyens, ils n'eussent, comme disait cet

empereur romain, qu'une seule tête pour pouvoir la trancher d'un seul et même coup; (Applaudisements.) mais n'importe le nombre, nous combattrons jusqu'à la mort, et la justice de notre cause nous est un sûr garant du succès, persuadés, comme l'a dit un membre de cette auguste Assemblée, que les traitres d'outre-Rhin disparaitront à la vue des soldats de la liberté, comme les ombres de la nuit disparaissent à l'aspect du soleil. Qu'ils apprennent que toutes leur machinations ne sauraient nous diviser, et que tous les bons citoyens sont pleinement convaincus que, sans l'union et la fraternité, il n'est ni liberté ni Constitution (Bravo! bravo! Applaudissements réitérés.), et que c'est de l'accord et d'une confiance éclairée que naît la force et la victoire. Qu'ils apprennent que nous ne sommes armés que par la loi, que pour la loi, et que nous mourrons plutôt que de permettre qu'on y porte atteinte. (Applaudissements.) Pères de la patrie, rendez-nous cette justice qu'on doit à la vérité et à l'innocence opprimée; nous paraissons devant vous sans crainte, parce que nous sommes sans remords. (Applaudissements réitérés.) D'ailleurs, nos sentiments vous sont connus, nous les renouvelons encore aujourd'hui; nous voulons vivre libres ou mourir, nous protestons de notre dévouement et de notre obéissance à la loi et à nos supérieurs, si toutefois ils nous commandent pour la loi, et en vertu de la loi (Applaudissements.) et si, par malheur, il se trouvait parmi eux des traîtres, nous ferions avec gloire le rôle de dénonciateurs; mais ils sont animés des mêmes sentiments que nous; ils veulent, comme nous, la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. (Applaudissements.) Législateurs, mettez-nous à l'épreuve et vous reconnaîtrez à notre dévouement les soutiens de la Constitution et les amis du peuple. (Applaudissements prolongés.)

M. le Président, répondant à la députation. La calomnie ne peut atteindre des militaires français qui ont pour eux leur cœur et leurs serments. (Applaudissements.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande l'insertion de ce discours au procès-verbal, l'impression et l'envoi à l'armée.

(L'Assemblée décrète que le discours des soldats du 102 régiment sera inséré au procèsverbal, imprimé et envoyé à l'armée.)

(Les détachements continuent alors à défiler dans le meilleur ordre. Le général Witinkhof et son état-major prennent place dans l'Assemblée.)

M. le Président. Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un Président. Sur 321 votants, M. Français (de Nantes) a obtenu 231 suffrages. En conséquence je le proclame Président et je l'invite à prendre place au fauteuil.

M. Français (de Nantes) prend place au fauteuil.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).

M. VASSELIN, en habit de garde national, est admis à la barre avec 5 autres citoyens; il s'exprime ainsi (1) :

Messieurs, vous avez décrété qu'il sera fait incessamment une levée de 20,000 hommes, pris, par portion égale, dans tous les départements,

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Lb3, no 10614.

et que ces 20,000 hommes se réuniront au 14 juillet sous les murs de Paris.

Nous ne venons pas vous demander le rapport de ce décret; ce n'est plus vis-à-vis de vous qu'il faut en examiner les avantages et les inconvénients. (Murmures.) Mais nous pouvons, mais nous devons, car tout ce qui est utile à la patrie est un devoir pour les citoyens, vous dénoncer le ministre de la guerre... (Murmures dans les tribunes.)

Plusieurs membres: Silence!

M. VASSELIN... et solliciter contre lui le décret d'accusation, pour avoir violé la Constitution, en vous proposant, il y a quelques jours, de former, au nord de la capitale, un camp de 20.000 hommes.

Nous sommes loin de demander qu'il soit condamné sans être entendu (Rires ironiques à gauche.), mais nous allons motiver, en peu de mots, notre dénonciation et nous croyons que, quelques moyens de défense qu'il puisse employer, par quelque raison qu'il essaie de justifier sa proposition, soit qu'il ait voulu, comme il l'a dit lui-même, suppléer, ou du moins assister la garde nationale parisienne au poste de l'ASsemblée nationale et du château des Tuileries, soit qu'il n'ait envisagé dans ce rassemblement qu'une augmentation de la force publique, nous croyons, disons-nous, que dans tous les cas, il lui sera impossible d'échapper à la responsabilité qui doit peser aussi fortement sur sa tête que sur celle de ses prédécesseurs.

Persistera-t-il à calomnier la garde nationale parisienne?... (Murmures prolongés à gauche.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande qu'on respecte le droit de pétition. (Bruit.)

M. Reboul. Nous devons entendre des pétitions, mais non des calomnies. Or, le prétendu pétitionnaire vient de se déclarer lui-même le plus insigne calomniateur. Je demande donc qu'il ne soit pas entendu. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Vergniaud monte à la tribune et demande la parole. (Bruit.)

Plusieurs membres s'adressant à M. Vergniaud: Vous n'avez pas la parole!

D'autres membres: Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si Monsieur sera entendu.

M. Voysin de Gartempe. Un pétitionnaire a le droit de dire tout ce qu'il veut d'un ministre; c'est à nous à juger. (Murmures.)

M. le Président. On a demandé d'une part, que je retirasse la parole au pétitionnaire. (Oui! oui !)

Plusieurs membres à droite: Non, cela ne se peut pas !

M. le Président... D'autre part que la parole lui fût maintenue; je consulte l'Assemblée. (L'Assemblée décide que la parole sera maintenue au pétitionnaire.)

M. le Président, s'adressant à M. Vasselin. Monsieur, continuez.

M. VASSELIN. Persistera-t-il à calomnier la garde nationale parisienne, c'est-à-dire la masse entière des citoyens de Paris, en parlant de l'épuisement de ses forces et de la nécessité de seconder son zèle, par l'assistance de ses frères d'armes des autres départements? Mais qui donc lui a dit à ce ministre que la garde nationale parisienne a besoin de secours pour remplir ses

devoirs et suffire au service de la capitale? En a-t-elle demandé pour renverser la Bastille.... (Applaudissements réitérés à droite.) et repousser les 30,000 hommes qui assiégeaient Paris au mois de juillet 1789? En a-t-elle demandé aux journées des 5 et 6 octobre de la même année, lorsqu'en retenant les vengeances populaires, elle à fait retomber sur nos ennemis les malheurs dont ils voulaient nous accabler? (Applaudissements à droite.) En a-t-elle demandé lorsqu'elle s'est disséminée dans tous les départements pour les préserver de la famine, pour assurer la libre circulation des subsistances, pour protéger les convois, pour faire la police dans les marchés, pour ramener l'abondance au sein de la capitale? (Applaudissements réitérés.) En a-t-elle demandé pour maintenir au sein des orages d'une grande révolution, au milieu d'une ville peuplée de 600,000 hommes, le respect dù aux personnes, aux propriétés, aux autorités constituées, à la loi? Dans ces derniers temps enfin, en a-t-elle demandé lorsqu'elle a purgé quelques départements des brigands qui les infestaient, et par son courage inflexible éteint les brandons de la guerre civile qui commençaient à s'allumer de toutes parts? (Applaudissements à gauche.) Mais qu'est-il besoin de vous rappeler à vous, des services que le ministre de la guerre a pu seul oublier? Ce n'est pas seulement dans le cœur de tous les Français qu'il faut chercher la condamnation de ce ministre; elle est écrite dans la Constitution. (Murmures à gauche.) Ce ne sont pas des troupes de ligne, ce sont des gardes nationales qu'il appelait autour de Paris; or, il doit savoir que les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une institution dans l'Etat; que ce sont les citoyens eux-mêmes appelés au service de la force publique, titre IV, article 3 de la Constitution.... (Murmures à gauche.)

M. Lecointe-Puyraveau. Monsieur le Président, envoyez Monsieur à l'école.

Plusieurs membres à droite: A l'ordre !

M. VASSELIN. Qu'ainsi, le déplacement de la garde nationale, pour le service de la force publique, ne peut regarder que le ministre de l'intéríeur; qu'en conséquence, lui, ministre de la guerre, n'a pas dû prendre l'initiative, sur un décret étranger à son département. (Murmures et rires ironiques à gauche.)

M. Lameth. Monsieur le Président, lorsqu'on cite la Constitution, je vous prie de maintenir le silence. (Murmures.)

M. VASSELIN. Car la Constitution, titre III, chapitre III, section 4, article 10, n'accorde l'initiative aux ministres que sur les objets relatifs à leur administration. (Murmures à gauche.)

M. Calvet. On ne peut pas citer impunément la Constitution ici, c'est étonnant.

Plusieurs membres: A l'ordre!

M. VASSELIN. Dira-t-il, en s'appuyant sur votre décret, qu'ici les citoyens armés des départements appelés sous les murs de Paris, ne doivent pas être considérés comme simples gardes nationales, mais comme troupes de ligne volontaires, qu'elles recevront une solde, et seront soumises à la discipline militaire? Mais alors, il faut qu'il dise le mot; c'est un recrutement pour l'armée, c'est une augmentation de la force publique. (Rires ironiques à gauche.)

Comme vous avez adopté cette proposition par votre décret, nous n'observerons pas au ministre de la guerre que tout récemment le Corps légis

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latif avait, sur la proposition du roi, créé 28 nouveaux bataillons de gardes nationales, et qu'il paraissait naturel de compléter ces 28 bataillons, avant de former une nouvelle armée. (Murmures à gauche. Quelques applaudissements à droite.) Nous ne lui dirons pas qu'appeler les gardes nationales sous les murs de Paris, c'est les livrer à la débauche, à la corruption, à l'indiscipline. (Murmures à gauche.) Enfin nous ne lui rappellerons pas que si les bataillons parisiens qui sont aujourd'hui sur nos frontières, eussent campé quelques jours de plus dans la plaine de Grenelle, ils ne se seraient pas immortalisés, en protégeant la retraite de notre armée devant Mons. (Applaudissements à droite.) Mais nous lui dirons que la Constitution (titre III, chapitre III, article 8), délègue expressément et exclusivement au roi, le pouvoir et la fonction de proposer l'augmentation de la chose publique, et au Corps législatif le pouvoir et la fonction de la décréter: qu'ainsi, la proposition formelle du roi doit nécessairement précéder le décret du Corps législatif, mais qu'un ministre ne peut pas, de sa seule autorité, faire cette proposition; et que s'il se permet cette initiative, il manque à la confiance du roi, à celle de l'Assemblée nationale; il viole la Constitution, il trahit la nation. (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.)

Demandez maintenant au ministre de la guerre qu'il vous représente une lettre du roi qui l'autorise à vous proposer la levée de 20,000 hommes, ou plutôt ouvrez vos procès-verbaux, et voyez si vous y avez consigné cette proposition formelle du roi. (Murmures à gauche.) Nous passons sous silence toutes les réflexions que nous fournit votre décret lui-même, qui ne fait aucune mention de la proposition du roi qui cependant aurait dû constitutionnellement le précéder; mais au moins sommes-nous obligés de vous observer que cette proposition du roi n'y est aucunement mentionnée, qu'ainsi M. Servan a mérité le décret d'accusation (Rires prolongés à gauche.) en violant aussi ouvertement un des articles les plus essentiels de notre Constitution. Et qu'on ne pense pas atténuer le délit de ce ministre, en répétant, avec une affectation puérile, qu'il n'est question que de ressentiments particuliers, et que ce serait une victime sacrifiée à la garde nationale parisienne. (Murmures.) Non, non, Messieurs, ce n'est pas pour calomnier lá ville qui a le plus constamment, le plus ardemment et le plus efficacement servi la Constitution. Quelques membres : Nous le savons.

M. VASSELIN. C'est pour avoir mis la liberté en danger; c'est pour avoir porté une atteinte mortelle à la Constitution, c'est pour s'être rendu l'aveugle instrument d'une des factions qui nous déchirent, c'est pour avoir fécondé le germe de nos discussions internes, que nous demandons la punition exemplaire de M. Servan. (Applaudissements à gauche.)

Etablis par la loi, surveillants de tous les partis, nous n'avons ni le temps, ni la volonté d'étudier les trames, et nous faisons profession d'ignorer pour détruire, ou plutôt pour servir, les factions; ces troupes sont appelées sous les murs de Paris; ceux-là nous le diraient, qui, préparant de grandes vengeances pour satisfaire de petites passions, ne cessent de calomnier les citoyens qu'ils divisent; qui, parlant encore de corporations lorsque tous les privilèges sont détruits, ont l'atroce perfidie d'opposer les proprié

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M. VASSELIN. Mais, sans entrer dans de pareilles discussions, nous revenons à l'objet de notre pétition. Nous vous dénonçons le ministre de la guerre et nous vous déclarons que dans tous les temps, et contre tous les tyrans, quels qu'ils soient, nous retrouverons notre courage et nos forces du 14 juillet 1789. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.) Que nous serons inaccessibles à toute espèce de séduction; mais surtout, que rien ne pourra nous séparer de nos camarades les canonniers, qui, le jour même où le maire de Paris vint vous offrir la permanence de leurs canons, n'en étaient pas moins disposés à tenir le serment des canonniers russes, à mourir sur leurs pièces, plutôt que de les céder à qui Murque ce soit. (Applaudissements à droite. mures à gauche.)

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Plusieurs membres à gauche : Les signatures? D'autres membres : Laissez répondre le président. (Bruit.)

D'autres membres : Les honneurs de la séance! Un grand nombre de membres : Non! non!

M. Carnot-Feuleins le jeune. Je m'oppose aux honneurs de la séance; nous ne pouvons siéger à côté de ces hommes-là. (Vifs applaudissements au centre et à gauche.)

Plusieurs membres demandent la parole pour relever un fait.

M. Vergniaud. Il est toujours douloureux!... Plusieurs membres à droite: Laissez répondre le président. (Murmures à gauche.)

M. Vergniaud. Je demande à prouver qu'ils ne doivent pas être admis aux honneurs de la séance, et c'est la question par laquelle doit commencer la discussion.

Il est douleureux, sans doute, que dans une séance où le patriotisme s'est signalé d'une manière bien éclatante, où vous avez vu de braves militaires en donner des preuves non équivoques qui ont excité la plus vive émotion dans le cœur de tous les bons citoyens, il est douloureux, disje, que dans la même séance on ait entendu une pétition qui, si elle suppose du zèle, en suppose du moins tout l'égarement. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. le Président. Je recommande aux citoyens qui sont dans les tribunes de ne donner aucun signe d'approbation ni d'improbation.

M. Vergniaud. Le pétitionnaire a commencé par observer qu'il ne demandait point le rapport du décret que vous avez rendu, et en même temps il vous a dénoncé le ministre de la guerre sur la proposition duquel le décret a été rendu; c'està-dire qu'en d'autres termes il vous a dénoncés vous-mêmes à vous-mêmes. (Applaudissements dans les tribunes.)

On vous a dit qu'on ne demandait point le rapport du décret, et en même temps on vous a demandé un décret d'accusation contre le ministre sur la proposition duquel le décret a été rendu; c'est-à-dire que, en d'autres termes, on vous a demandé un décret d'accusation contre vous-mêmes.

On vous a dit que la proposition du ministre, convertie en motion, était inconstitutionnelle; c'est donc dire, en d'autres termes, la motion ayant été accueillie par décret, que vous avez rendu un décret inconstitutionnel dont cependant on n'ose pas demander formellement le rapport.

Enfin on vous a dit que le ministre de la guerre avait, dans sa proposition, calomnié la garde nationale de Paris, et comme vous avez accueilli cette proposition convertie en motion, on vous a dit, en d'autres termes, que vous aviez calomnié, par votre décret, la garde nationale de Paris. (Applaudissements dans les tribunes.)

Eh bien, Messieurs, puisqu'il faut dénoncer, je dénonce à mon tour à l'Assemblée nationale, à la garde nationale parisienne, à l'indignation de tous les bons citoyens, celui qui, abusant du droit sacré de pétition, venant ici parler au nom de citoyens dont il n'a point mission, calomnie avec une audace inconcevable, et l'Assemblée, et le ministre, et la garde nationale elle-même. (Vi/s applaudissements au centre, à gauche et dans les tribunes.)

Messieurs, vous connaissez les indignes manœuvres, les abominables et méprisables moyens que l'on a employés pour persuader à la garde nationale parisienne que le décret que vous avez rendu lui était injurieux. Vous savez comment on a couru de porte en porte pour surprendre des signatures et arracher des suffrages à la crédulité ou à l'ignorance, même à des femmes et à des enfants. On vous a déjà lu ce matin un procès-verbal de section, qui désavoue ces pétitions et vous dénonce les intrigues dont elles sont l'objet. On va vous en lire un autre, dont M. Cambon est porteur, par lequel vous vous convaincrez que les agitateurs, qui veulent réellement semer la division et qui cependant affectent sans cesse de parler de factions; vous vous convaincrez, dis-je, qu'il n'est pas de bassesses, qu'il n'est pas de manœuvres sourdes... (Murmures à droite. Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) que, sans craindre de se déshonorer, ils n'aient employé pour égarer l'opinion de la garde nationale parisienne.

Vous la calomniez! Eh! quelle est donc l'occasion où vous ne lui avez pas donné les témoignages les plus authentiques de votre confiance? Ne lui avez-vous pas remís la garde du roi lorsque vous avez cru devoir licencier sa garde soldée? Ne vous environnez-vous pas de cette même garde nationale? Dans toutes les occasions n'avezvous pas manifesté combien vous étiez émus de son zèle? N'avez-vous pas rendu justice à ce zèle dont vous n'avez jamais douté un seul instant? (Applaudissements.) Vos procès-verbaux ne l'attestent-ils pas? Vous la calomniez, dit-on, parce que vous faites venir des gardes nationales des départements pour l'aider dans son service! Quoi! veut-on faire entendre ici que la garde nationale parisienne rougirait de voir à côté d'elle ses frères des départements? (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Ah! la voilà cette calumnie abominable dont je demande vengeance au nom de la loi! (Applaudissements.)

Il serait bien facile de répondre à ces misérables reproches de violation de la Constitution, qu'on vient de faire entendre avec emphase dans cette enceinte. N'est-il pas évident que le droit de requérir les gardes nationales appartient exclusivement aux corps populaires; qu'il peut être exercé par un corps administratif, par une simple municipalité, et que pour cette réquisi

:

tion, l'initiative du roi serait absolument inconstitutionnelle. Répondrai-je à cette autre objection « Que la garde nationale de Paris n'a pas besoin de secours. » Quoi! elle demande celui d'une garnison de troupes de ligne, et elle pourrait être offensée de l'assistance généreuse et libre de ses frères des autres départements! Fautil être militaire pour sentir la nécessité de placer un corps intermédiaire entre nos armées et la ville de Paris, lorsque l'on sait que le théâtre de la guerre n'est qu'à 40 lieues de la capitale? La garde nationale peut-elle s'offenser de ce qu'on ne la croit pas assez forte pour pouvoir, en même temps, contenir les ennemis intérieurs, et repousser les armées étrangères, dans le cas où, après une défaite de nos troupes de première ligne, elles tenteraient une entreprise contre la capitale? (Rires à droite. Applaudissements à gauche.)

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M. Louis Hébert. Messieurs, vous avez peur!

M. Vergniaud. Notre confiance en elle, toute pleine et entière qu'elle soit, ne doit pas nous rendre imprudents, et la garde nationale ellemême aurait de justes reproches à nous faire si nous ne prenions les précautions convenables, celles que commande la sagesse, pour le cas où l'ennemi, enhardi par une première victoire, menacerait la ville où siègent les dépositaires de la Constitution. Il ne nous appartient pas d'exposer aux risques d'une bataille livrée avec des forces trop inégales, le sang des citoyens de Paris; et si ce sang doit couler pour la défense de la liberté, qu'au moins il fructifie en arrosant son berceau et qu'il trouve des défenseurs dans la réunion des citoyens de toutes les parties du royaume. Les Parisiens aspirent-ils à l'honneur exclusif de défendre le Corps législatif? Eh! où donc doit régner l'égalité, si ce n'est dans l'honneur de servir la cause commune de la liberté? (Applaudissements.) La réquisition d'une fédération de 20,000 gardes nationaux était donc la mesure de précaution la plus sage pour nous assurer de la prompte réunion des forces nécessaires pour le salut de l'Empire. Il eût été ridicule, qu'en cas d'insuffisance de nos armées de première ligne, la garde nationale de Paris volât seule sur les frontières; que seule elle se répandit par détachements dans les différents départements où la tranquillité publique serait compromise; il n'eût pas été moins ridicule que seule elle formât ce corps de réserve, cette seconde ligne destinée à arrêter les progrès des ennemis extérieurs, en même temps qu'à réprimer les manevres de ceux du dedans et mettre à jour leurs complots. (Applaudissements réitérés dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

Je ne m'étendrai pas davantage pour réfuter les calomnies atroces débitées et contre l'Assemblée nationale, et contre les patriotes des départements, et contre la garde nationale de Paris elle-même, qui sera sans doute indignée de la démarche qu'on ose faire en son nom... Voix dans les tribunes: Oui! oui!

M. Vergniaud. Mais comme il importe à sa gloire, comme il importe à la sûreté publique que l'on découvre enfin quels sont les auteurs de ces manoeuvres secrètes par lesquelles on tente d'égarer l'opinion, je demande que la pétition qui vous a été lue soit renvoyée aux comités de législation et de surveillance réunis, et je voudrais que le décret fût motivé a peu près

ainsi :

L'Assemblée nationale, pleine de confiance

en la garde nationale parisienne, et considérant que ce ne peut être que par l'effet de manoeuvres criminelles et d'instigations secrètes, que l'on a tenté d'égarer l'opinion de quelques citoyens qui en font partie; considérant qu'il importe même à la gloire de la garde nationale parisienne, que l'on découvre les auteurs de ces instigations, renvoie la pétition qui vient de lui être lue aux comités de législation et de surlance, pour en être fait rapport le plus promptement possible.

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Je demande, en outre, que le pétitionnaire ne soit pas admis aux honneurs de la séance. (Applaudissements à gauche.) Vous ne les avez jamais accordés aux dénonciateurs.

Plusieurs membres : Ni aux calomniateurs! Un membre: On les a accordés aux Jacobins, qui sont venus hier soir faire la dénonciation.

M. Dumolard. Je demande à combattre cette étrange proposition. (Murmures à gauche.) ·

Un membre: Je demande les noms des signataires.

Plusieurs membres : La discussion fermée! Un membre: Je demande la parole pour un fait relatif à cette pétition.

Je me suis trouvé hier dans une maison au Palais-Royal où 3 ou 4 témoins attesteront le fait suivant, qui peut-être nous fera trouver le mot de l'énigme et qui explique assez bien la perfidie qu'on vient de manifester dans la pétition lue à la barre. (Applaudissements dans les tribunes.) La garde nationale de Paris, dont je n'ai garde d'inculper les intentions et la pureté des sentiments, renferme néanmoins dans son sein un grand nombre de malveillants qui cherchent à l'égarer quand ils peuvent. Hier donc, je me trouvais dans la maison dont j'ai parlé. On tenait conversation sur le décret relatif au rassemblement de 20,000 hommes. Un officier d'un des bataillons de volontaires nationaux qui sont partis ce matin pour la frontière se présente avec un air audacieux et dit en propres termes : Vous parlez des 20,000 brigands qu'on va rassembler sous les murs de Paris; les gardes nationales connaissent l'intrigue qu'il y a là-dessous; mais nous les attendrons à coups de fusil. » Vous voyez d'après ce propos qu'il n'y a pas de machinations infâmes qui n'aient été employées pour égarer la garde nationale et l'indisposer contre les patriotes des départements. J'atteste le fait sous ma responsabilité.

Un membre: Je demande que le fait énoncé soit renvoyé au comité de surveillance.

M. Garreau. Je demande à énoncer un autre fait, c'est que celui des pétitionnaires qui a porté la parole est M. Victor Vasselin, l'un des auteurs du journal de Paris, et secrétaire de M. Duport-Dutertre.

M. Brival. Deux députés suppléants qui ont assisté au propos, dont l'antépréopinant vient de vous rendre compte, viennent de m'assurer qu'il a été tenu par M. Vasselin. Ce fait donne, je crois, le mot de l'énigme.

M. Dumolard. Il faut d'abord fixer l'attention de l'Assemblée sur le véritable objet de la question qui nous occupe. (Murmures.) Ce n'est pas le mérite intrinsèque de la pétition que vous avez à juger en ce moment. Et moi aussi, Messieurs, j'appelle vos regards sur les manoeuvres de toute espèce qui nous environnent, et moi aussi, j'appelle votre vengeance, celle de la loi

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