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mois, était revendu 16 louis; et encore d'après l'assurance que l'on nous a donnée qu'il en valait plus de 20 à 22, nous avons ordonné qu'expédition du présent décret serait envoyé à l'Assemblée nationale et qu'avis en serait donné à la municipalité par une double expédition.

"Avons signé: JUNIE LESCOT. >>

DEUXIÈME ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU LUNDI 25 JUIN 1792, AU SOIR. MÉMOIRE (1) pour les sieurs Lefèvre, Lesage et Cie.

Les inconvénients des billets émis par les caisses patriotiques et de secours avaient déjà frappé le plus grand nombre des négociants de la capitale, lorsque la maison de commerce Lefèvre et Ce imagina pour son service particulier, c'est-à-dire pour le payement de ses fournisseurs et ouvriers, de faire frapper des médailles ou jetons d'argent, au titre de 8 deniers 6 grains, sous des fractions de valeur de 5, 10 et 20 sols.

Plusieurs maisons de commerce, et la plupart des spectacles et autres établissements publics de la capitale, ayant paru désirer l'émission de ces pièces pour en partager les avantages, la maison Lefèvre se détermina à céder à ce vœu presque général, après s'être assurée que la liberté commerciale établie par l'article 5 de la Déclaration des droits, et par la loi des 17 et 20 mai 1791, lui en laissait la faculté. Elle eut soin, avant l'émission, de faire part à M. le maire de Paris de son projet et des demandes qui lui étaient faites. Cette communication donnée à la municipalité en la personne de son chef, a eu lieu le 21 mars 1792. La suspension que la maison de secours fut forcée de mettre dans le remboursement de ses billets vint, quelques jours après, confirmer les craintes que les établissements de cette nature donnaient depuis longtemps et augmenter le désir des citoyens de voir substituer des valeurs réelles à des promesses incertaires et fictives.

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C'est dans ces circonstances que l'Assemblée nationale rendit son décret du 30 mars dernier, sanctionné le 1er avril suivant, par lequel il fut dit (art. 1er) que les municipalités seraient tenues de vérifier l'état des caisses patriotiques ou de secours, qui ont émis des billets de confiance, de secours, patriotiques ou sous toute autre dénomination de 25 livres et au-dessous, ainsi que des gages qui devaient en répondre; et (art. 2) que les municipalités constateraient par des procès-verbaux, le montant et le nombre desdits billets qui auraient été mis en circulation; se feraient représenter les fonds existant dans les caisses ou autres valeurs formant le gage desdites émissions, et prendraient toutes les mesures convenables pour prévenir et arrêter toutes nouvelles fabrications et émissions qui étaient prohibées, à compter de la même époque.»

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Par ce décret, l'Assemblée n'avait eu en vue que les caisses qui émettaient des billets

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 578, l'admission à la barre des sieurs Lefevre, Lesage el Ci.. (2) Archives nationales, Carton Dvш, no 3.

parce que ces caisses, pour la société publique, devaient justifier en tout temps d'un fonds suffisant pour répondre des promesses en papier qu'elles avaient émises; mais elle n'avait certainement pas compris ni entendu comprendre les caisses qui émettaient des valeurs réelles, telles que des pièces ou jetons de cuivre, or ou argent, parce que ces pièces portaient avec ellesmêmes l'équivalent de leur émission.

Cette distinction était même indiquée clairement par l'article 3 du même décret.

Il y est dit : « Sont néanmoins exceptées de ladite prohibition les caisses qui ont été établies par les corps administratifs ou sous leur surveillance immédiate et dont les fonds représentatifs ont été ou seront déposés en assignats ou numéraire. >>

Ainsi, par argument incontestable de cette disposition, toutes les fois qu'il y a un fonds représentatif de l'émission en assignats ou numéraire, il ne peut y avoir lieu de craintes ni sujet d'appliquer ou de provoquer la prohibition. Dans l'espèce, l'émission étant faite en pièces qui portaient avec elles leur valeur réelle et conséquemment une garantie certaine de leur échange, il était préjugé, d'après le vœu de l'Assemblée, manifesté par le décret du 30 mars, que cette caisse ne pouvait jamais être assimilée à celles d'émission en papier, contre lesquelles il avait été nécessaire de se précautionner. Cependant 3 officiers municipaux de Paris, interprétant ce décret à leur manière, ont pris sur eux de venir, en vertu, ont-ils dit, d'un arrêté du conseil dé la commune, dont ils n'ont pourtant donné aucune connaissance, vérifier la fabrication de la société et l'état de sa caisse; et quoiqu'ils aient trouvé que la caisse était en bon état et qu'il y avait des valeurs du quadruple de l'émission qui avait été faite, ils ont, de leur autorité privée, apposé les scellés sur tous les effets de la société, tant dans les ateliers de fabrication que dans le bureau de distribution. Le procès-verbal qui constate ces faits est en date du 9 juin 1792.

Quelques réflexions suffisent pour démontrer l'illégalité de cette opération.

Les caisses d'émission en pièces numériques, n'étant pas comprises dans le décret du 30 mars, les officiers municipaux n'ont pu ajouter, à la disposition de ce décret, pour en étendre l'application aux caisses de ce genre.

S'ils trouvaient qu'il y eût nécessité, pour le bien public, de vérifier les opérations de la Société, ils devaient en référer à l'Assemblée pour faire parler la loi; mais ils n'ont jamais pu, par une interprétation forcée, supposer dans le décret ce qui n'existait pas; ils n'ont pas dù se permettre d'attaquer arbitrairement la liberté et la propriété d'une maison de commerce, sans y être autorisés expressément.

Enfin, si la loi avait pu présenter des doutes, ils devaient savoir qu'il n'appartenait pas à eux de l'interpréter, parce que toute interprétation, ouvrant l'arbitraire, amènerait le despotisme en susbtituant la volonté particulière à l'expression de la volonté générale.

Que la municipalité, par voie de police, eût fait procéder à l'essai des pièces émises, pour s'assurer qu'elles étaient fabriquées au titre annoncé, c'était tout ce qu'elle pouvait se permettre, en vertu de la surveillance générale qui lui est confiée: mais convaincue par la publicité des essais qui ont été faits sur ces pièces, qu'elles sont conformes à ce titre, elle n'a pas cru devoir

faire répéter ces essais, malgré les demandes réitérées qui lui en ont été faites depuis l'apposition des scellés. En cet état de choses, l'interdit mis par les trois officiers municipaux sur la caisse de la maison Lefèvre et sur sa fabrication, peut-il subsister? La saisie de fait qu'ils y ont ajoutée, en apposant, de leur propre autorité, le scellé sur l'avoir de la société, quoiqu'ils eussent constaté le bon état de la caisse, doit-elle tenir? Telles sont les questions sur lesquelles l'Assemblée doit statuer et qu'elle a renvoyées à son comité des assignats et monnaies, pour lui en faire le rapport.

Le scellé a été mis de voie de fait, sans autorisation de la loi et sans nécessité, même d'après le procès-verbal des officiers municipaux, puisque la caisse était reconnue dans le meilleur état et qu'indépendamment de ce que les pièces émises portent avec elles leur valeur, on a trouvé encore dans la caisse, ou dans les ateliers, de quoi fournir au remboursement du quadruple de l'émission qui a été faite. C'en est assez pour faire cesser cette saisie. Quant à la continuation de la fabrication, peut-on l'empêcher? Y a-t-il nécessité de le faire?

Dans les principes qui constituent la base de notre liberté, tous artistes, tous commerçants ne peuvent être privés des fruits ni des avantages légitimes de leur industrie, et depuis que les métaux et même les espèces numéraires ont été déclarées commerciables, il serait impossible d'empêcher tel négociant ou tel particulier qui en aurait le besoin ou qui en voudrait faire commerce, de faire frapper à son coin des médailles ou jetons et de les vendre ou livrer à ceux qui voudraient les prendre ou les acheter.

L'intérêt général exige impérieusement qu'un tel commerce, loin d'être restreint ou prohibé soit autorisé parce qu'il tend nécessairement à ramener de l'étranger le numéraire dont nous manquons et à le faire arriver au pair du papiermonnaie; parce qu'enfin il est plus facile et plus sûr pour la circulation que les petits billets des caisses qui ont paru jusqu'ici parce qu'il n'y a point à craindre ni le défaut de valeur ni les inconvénients attachés au papier qui sont de s'effacer, de se déchirer de se brûler, et enfin d'être plus aisément contrefaits. Ainsi, ce sont ces différents avantages qui ont fait désirer aux commerçants et au public l'émission des pièces à laquelle la maison Lefèvre ne s'est livrée que sur leur demande. La maison Lefèvre n'a point pour objet, au surplus, de se soustraire à toute surveillance légitime; elle sera prête en tout temps à justifier de ses opérations et de l'état de sa fabrication, et même de sa caisse, si on le jugeait nécessaire, aux corps administratifs, qui seront à même de faire envoyer les pièces pour vérifier l'exactitude du titre, et comme, pour la plus ample sûreté du public, elle s'est soumise à reprendre et rembourser à vue les pièces qu'on voudrait lui rapporter les corps administratifs seront encore à même de surveiller si elle est exacte dans ses remboursements.

L'opération ne renferme d'ailleurs en ellemême aucun de ces moyens d'agiotage qui en laissant à apercevoir au public des prétendus avantages, lui cachent le plus souvent les pièges pour abuser de sa facilité. L'essai qui a été fait constate que les pièces sont au titre annoncé de huit deniers six grains ce qui, avec les frais de fabrication, les porte à la proportion et valeur réelle du papier.

Il en résulte que le public ne peut jamais perdre sur la valeur des jetons dont il s'agit, puisque, dans un moment de baisse du prix d'argent, il lui est libre de venir échanger les jetons qu'il aura reçus contre des assignats et qu'il ne demeure à découvert que des frais de fabrication, s'il les garde pendant cette baisse, tandis qu'il ne peut que gagner s'il survient de la hausse.

L'émission prochaine des petits assignats ne saurait donc être un obstacle à laisser à la société Lefèvre la liberté de continuer sa fabrication. Il faut des raisons puissantes et absolues pour restreindre la liberté : et ici il ne s'en rencontre aucune; les jetons dont il s'agit présentent des fractions qui ne se trouvent pas dans celles des petits assignats décrétés, c'està-dire des valeurs de 5 sols et de 20 sols.

Enfin, on ne saurait trop ajouter à la masse dé la circulation et surtout à celle des valeurs métalliques et numéraires dans un temps où les ennemis de la Patrie s'efforcent d'en faire disparaître jusqu'au moindre signe.

Les sieurs Lefèvre et Cie espèrent que l'Assemblée nationale, frappée de ces considérations, fera cesser les empêchements mis à la continuation de leurs opérations; mais si les circonstances la forçaient à différer la décision du fond de cette affaire, ils soutiennent qu'on ne peut, sans injustice, laisser subsister plus longtemps l'apposition de scellés illégale, qui tient tout leur commerce en interdit; ils en demandent à toutes fins la mainlevée provisoire et qu'il leur soit permis de poursuivre dans les tribunaux les indemnités légitimes qui leur sont dues par les trois officiers municipaux qui, sans nécessité, sans autorisation de la loi, et contre l'application évidente de ses dispositions, sont venus exercer contre eux un acte attentatoire et arbitraire.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.
Séance du mardi 26 juin 1792, au matin.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.

La séance est ouverte à dix heures.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1oLettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 24 juin 1792, relative à la demande de la municipalité de Marcoing, pour la conservation d'un droit de péage.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité du commerce.)

2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, datée du 25 juin 1792, à laquelle est annexé un arrêté de l'assemblée coloniale des Iles du Vent, par lequel elle demande que le Port-du-Marin soit compris dans le nombre des entrepôts accordés à la colonie.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité colonial.)

3 Lettre de M. Détausia, lieutenant-colonel commandant le 12 régiment de cavalerie, datée du 24 juin 1792, qui demande le rapport d'un décret relatif aux membres des conseils de discipline.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)

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J'ai l'honneur de vous adresser l'exmplaire imprimé que je dénonce à l'Assemblée nationale, d'une pétition dont on capte et mendie les signatures de porte en porte, et qui devait être présentée hier à l'Assemblée. On a d'abord envoyé samedi 23 un pareil exemplaire aux 113 notaires de Paris, avec ordre, si on ne venait pas le chercher dimanche matin 24, de le renvoyer avec les signatures dont il serait revêtu (3), à M. Le Josne, rue de Mirabeau, n° 6. Sans doute que les signatures sur le vu des auteurs anonymes ont paru insuffisantes pour le but qu'elle renferme; on en a renvoyé par un colporteur d'imprimerie de nouveaux exemplaires aux notaires aujourd'hui lundi (celui-ci joint en fait partie). On dit que l'auteur est M. Dupont de Nemours; je ne garantis point ce fait. J'observe seulement que la forme employée pour recevoir les signatures est illégale et insidieuse, en employant le ministère d'officiers respectables par les fonctions qu'ils exercent et leur confiance généralement méritée du public pour donner plus de poids à ces signatures. Je pense que peu de notaires se seront prêtés à cette manœuvre nouvelle, et que, s'il s'en trouve qui en aient reçu, ce ne peut être que par le défaut de réflexion et inconsidération. J'ai encore l'honneur d'observer qu'il est à ma connaissance que plusieurs citoyens non domiciliés, mais logeant en chambre garnie, et dont le patriotisme est plus que douteux, se sont présentés chez un de ces notaires, qui n'a voulu recevoir aucune signature. Il en est sans doute de même chez tous les autres notaires où tous les nouveaux revenus de Coblentz se seront empressés de se transporter et signer.

« Je suis loin d'approuver la violation de domicile qu'ont faite les honnêtes habitants des faubourgs envers le représentant héréditaire de l'Empire français, c'est une véritable infraction à la loi que je respecte, mais les bons esprits se persuaderont aisément qu'elle n'a été fomentée que par des gens soudoyés par des malveillants, qui de la porte Saint-Antoine au Château, se sont glissés dans le cortège de ces honnêtes artisans que l'on calomnie avec tant d'acharnement et que l'on veut faire détruire par la garde nationale.

«J'ai fait quelques remarques sur l'exemplaire que je dénonce, mais l'Assemblée nationale jugera beaucoup mieux que moi, dans sa sagesse, le but de cette pétition mendiée et captée.

(1) Archives nationales. Carton DLx, dossier n° 14. (2) Voy. ci-après cette pétition aux annexes de la séance, page 596.

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(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)

6° Lettre des administrateurs du directoire du département de l'Aude, datée du 12 juin 1792, dans laquelle ils dénoncent une adjudication faite par le sieur Claverie, commissaire des guerres, de 2,000 lits, lorsque l'administration en avait fait une à un autre citoyen pour le même objet. Ils préviennent encore l'Assemblée, que M. Danselme, maréchal de camp commandant la deuxième division, a donné des ordres pour former un établissement militaire dans la ville de Narbonne, sans en avoir référé à l'administration du département.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)

7° Lettre du suppléant du procureur général syndic du département de l'Hérault, datée du 18 juin 1792, relative à un arrêté du directoire du département, sur les élections du syndic des gens de mer.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de marine.)

8° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, datée du 25 juin 1792, dans laquelle il prévient l'Assemblée que beaucoup de directoires de départements n'ont pu lui adresser encore la liste des colonels et des lieutenants-colonels de la gendarmerie nationale, ce qui le met dans l'impossibilité de faire aucun travail pour le 1er juillet, époque fixée par le décret d'organisation sur la gendarmerie.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité mili

taire.)

9 Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 25 juin 1792, relative aux besoins urgents de l'hôpital des enfants trouvés de Valenciennes.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours publics.)

10° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 25 juin 1792, relative à une pétition des maires et officiers municipaux de Dunkerque. pour les besoins de l'hôpital de cette ville.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours publics,)

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 20 juin 1792, au soir.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

M. Rivoalan donne lecture d'une adresse des citoyens de la ville de Guingamp, département des Côtes-du-Nord, à l'Assemblée nationale; elle elle est ainsi conçue :

« Guingamp, le 18 juin 1792, l'an IVe de la liberté.

Législateurs,

Des rebelles que nous abhorrons, nous forceront à une guerre cruelle; nous la soutiendrons. Voilà notre offrande pour repousser ces monstres. Elle est de 1,080 livres, en assignats, 145 1., 6 s.

en espèces, et 54 livres en divers effets d'argent, soit un total de 1,270 1. 6 s. (Applaudissements.) « Nos volontaires seront victorieux ou périront, ils l'ont juré. S'ils périssent, nous irons tous les venger ou mourir. »

(Suivent les signatures.)

M. Deverneilb, au nom des élèves de l'institution provisoire de Nontron, dépose sur le bureau de l'Assemblée, un don patriotique de 210 livres en assignats pour subvenir aux frais de la guerre.

(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Laureau. Je viens vous représenter les peines et la situation malheureureuse des citoyens qu'une détention arbitraire a entassés, malgré leur âge et leurs infirmités, dans une espèce de prison.

Je n'examinerai pas s'ils sont coupables ou non, c'est l'ouvrage de la loi; je demande seulement qu'elle leur soit appliquée et qu'il y ait un rapport prompt de leur affaire renvoyée au comité des Douze.

Parmi les prêtres qu'un ordre tyrannique a précipité dans le séminaire de Dijon beaucoup sont accablés d'infirmités et d'années; l'un d'eux, l'ancien directeur de l'Académie, âgé de quatrevingt quatre ans ne sortait plus depuis deux

ans.

Qu'ils soient jugés, s'ils sont coupables; mais ne permettez pas qu'ils soient persécutés. Votre conduite, dans cette occasion, va donner à la France la mesure de vos sentiments d'humanité. Si cette vertu était bannie du reste du royaume, elle devrait se retrouver dans cette Assemblée. Les malheureux n'ont pas d'amis; il leur reste votre justice. N'agissez pas avec ces hommes que vous avez accusés d'intolérance, en vous rendant tout à la fois injustes et intolérants; n'examinez pas s'ils sont de tel ou de tel autre parti, s'ils ont telle ou telle opinion; mais songez qu'ils sont des hommes, et que vous êtes leurs juges. Le sage qui gouverne ne voit que les choses et les devoirs.

Cet ordre malheureux est une grande preuve de l'instabilité qui peut atteindre tous les hommes. Leur sort actuel vous fera faire de profondes reflexions, et vous engagera à leur rendre la prompte justice que je demande pour eux. Chaque heure que l'innocent passe en prison est un reproche pour son juge qui connait son innocence. Je demande que le rapport les concernant soit fait dès demain.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. Douyet, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1), relatif aux dépenses de l'ancienne administration de l'ile de Corse: ce projet de décret est ainsi conçu :

le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre des contributions publiques, et sous sa responsabilité: 1° la somme de 62,500 livres pour compléter le fonds de 250,000 livres, attribué en 1791 aux dépenses de la caisse civile de l'île de Corse; 2° celle de 250,000 livres pour semblable fonds en 1792.

Art. 2.

« Ces deux sommes réunies seront employées à acquitter ce qui reste dù sur les dépenses de l'ancienne administration, tant civile que judiciaire, de l'île de Corse. »

(Après une courte discussion, l'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.) M. Calvet, au nom des comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur le payement du loyer des casernes de la garde nationale soldée de Paris; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la troisième lecture du projet de décret proposé par ses comités militaire et de l'ordinaire des finances, précédemment lu dans ses séances des 11 et 18 juin, considérant que les dépenses de la garde nationale soldée doivent être, d'après un décret de l'Assemblée nationale constituante, du 28 juillet 1791, considérées comme dépenses nationales et acquittées par le Trésor public, décrète ce qui suit :

Art. 1°r.

« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur la somme de 170,415 livres pour être employée au payement des loyers des casernes de la garde soldée parisienne, suivant l'état annexé à la minute au présent décret.

Art, 2.

Le loyer de la caserne, rue Mêlée, no 29, qui, à dater du 1er janvier 1792, est occupée par la 29 division de la gendarmerie nationale, et dont le bail courra jusqu'au temps de son expiration, sera acquitté par le département de Paris, conformément à ce qui est prescrit par l'article 7 du titre IV de la loi du 16 février 1791. »

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement puis adopte le projet de décret.)

M. Lavigne, au nom du comité des assignats et monnaies, soumet à l'Assemblée la question de savoir si une somme prêtée en argent peut être remboursée en assignats aux termes de la loi de 1790; il s'exprime ainsi :

Au nom du comité des assignats et monnaie,

« L'Assemblée nationale, considérant que pluje soumets à la décision de l'Assemblée une quessieurs personnes employées dans l'ancienne administration de l'île de Corse, attendent depuis longtemps les gages ou appointements qui leur sont dus, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Dėpenses publiques. S.

tion qui lui a été renvoyée par le tribunal de Nancy, pour demander l'interprétation d'une loi. Cette question, objet d'une contestation entre deux citoyens de cette ville, consiste à savoir si un citoyen, auquel il aurait été prêté une somme

(1) Voy. ci-dessus, séance du 18 juin 1792, page 337, la seconde lecture de ce projet de décret.

en numéraire est tenu de la restituer dans la même nature. Voici d'ailleurs le fait : Un citoyen avait prêté à un autre la somme de 2,000 livres en espèces d'argent par billet portant que le payement serait fait en mêmes espèces. Le terme de payement étant échu, le prêteur a voulu payer en assignats, se fondant sur la loi du 12 septembre 1790, qui dit que tous les engagements pris pour quelque cause et sous quelques conditions que ce soit pourront être effectués en assignats. L'avis du comité et le mien est qu'il n'y a pas lieu à interpréter cette loi, et je propose à l'Assemblée de passer à l'ordre du jour. Je la prie néanmoins de charger en même temps son comité de législation de lui présenter une loi qui résolve, d'une manière précise et claire, toutes les questions de ce genre qui pourraient s'élever à l'avenir.

M. Cambon. Je ne pense pas que l'Assemblée puisse ainsi passer vaguement à l'ordre du jour. Puisqu'il existe des lois, il faut en renvoyer l'exécution au Pouvoir exécutif. Je suis d'avis néanmoins de renvoyer la question soumise par le tribunal de Nancy au comité des finances qui s'est déjà occupé d'un rapport sur cet objet.

M. Delacroix. Je ne pense pas, du moment que l'argent est devenu une marchandise, qu'il puisse être permis à un citoyen, après avoir reçu une somme d'argent, de pouvoir se libérer pour une pareille somme en assignats. Je suis donc d'avis qu'une question de cette importance doit être renvoyée à un comité.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Lavigne.)

M. Dieudonné, au nom du comité de l'ordonnance des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur une pétition des sieurs Perrier frères et des administrateurs des eaux de Paris, de la décision de laquelle dépendent des mesures à prendre pour le recouvrement d'une somme de près de 20 millions, due au Trésor public par la Compagnie des eaux de Paris. Il s'exprime ainsi :

Messieurs, je suis chargé par votre comité de l'ordinaire des finances de vous rendre compte de pétitions, présentées à l'Assemblée constituante (et qui n'ont pas été décidées) tant par les sieurs Perrier frères, machinistes recommandables par leurs talents, que par les administratrateurs des eaux de Paris. Ces pétitions ont pour objet de vous demander le rapport d'un décret rendu le 22 novembre 1790, par lequel ils prétendent que leur honneur et leur fortune sont attaqués. Pour vous mettre à portée d'apprécier leurs moyens, il est nécessaire que j'entre dans le détail de plusieurs faits assez compliqués ; je suis obligé de vous parler de plusieurs créances dues au Trésor public, qui montent ensemble à près de 20 millions, et qui ont toutes leur source dans les malversations et les prévarications de plusieurs ministres des finances.

L'histoire de l'ancienne administration des revenus publics offre peu d'exemples d'une dilapidation plus criminelle que celle dont j'ai à vous entretenir pour vous montrer comment la nation est devenue créancière de sommes très considérables, et comment l'on a foulé aux pieds tous les moyens et toutes les précautions qui pouvaient au moins en assurer le recouvrement. Avant de vous mettre sous les yeux la véritable

(1) Bibliothèque nationale Assemblé législative. Trésorerie nationale, n° 7.

origine des créances dont il s'agit, il est nécessaire de vous parler de leur cause la plus éloignée.

Il est sans doute un grand nombre de personnes dans cette Assemblée qui ont connaissance des établissements faits pour la distribution des eaux dans la ville de Paris.

Les sieurs Perrier frères obtinrent, le 7 février 1777, des lettres patentes qui leur permirent d'établir à leurs frais des pompes à feu et autres machines propres à élever l'eau de la Seine, et à la conduire dans les différents quartiers de la ville et des faubourgs, pour être distribuée aux porteurs d'eau et aux particuliers dans les maisons, aux prix qui seraient convenus: ce privilège fut accordé aux sieurs Perrier pour 15 années.

L'exécution de ce projet exigeait des fonds considérables; et les sieurs Perrier n'en avaient pas ils trouvèrent un grand nombre de particuliers qui s'associèrent à eux par un traité de société en commandite du 27 août 1778. L'on fit un fonds de 1,440,000 livres au moyen de 1,200 actions, de 1,200 livres chacune: il fut arrêté qu'à compter du 1er janvier 1780 l'intérêt des mises se payerait à 5 0/0; que le 10 des actions serait mis en réserve pour les sieurs Perrier, et leur tenir lieu de leur privilège, sans qu'ils fussent tenus de faire aucun fonds; mais qu'elles ne leur seraient délivrées que lorsque, déduction faite des intérêts, les actions auraient produit aux associés commanditaires un bénéfice égal à leurs mises.

Par le même acte, il fut accordé aux sieurs Perrier un traitement de 20,000 livres pour leurs soins, sans y comprendre la fourniture des machines qu'ils devaient faire exclusivement.

L'on commença les travaux avec ces premiers fonds, mais ils furent bientôt épuisés; et au mois d'août 1784, on avait déjà créé successivement 2,800 actions nouvelles; ce qui faisait en tout 4,000 actions, de 1,200 livres chacune, et une somme totale de 4,800,000 livres; et cependant les dépenses excédaient encore de beaucoup les bénéfices; l'établissement penchait vers sa ruine.

Les actionnaires imaginèrent une ressource qui réussit bientôt au delà de leurs espérances: ils résolurent de mettre dans le commerce et de jeter dans l'agiotage leurs actions qu'ils avaient eu soin de faire intituler au porteur. Pour y parvenir, ils publièrent un prospectus dans lequel ils annonçaient que l'entreprise des eaux était florissante; qu'elle était appuyée de la protection la plus signalée du gouvernement; que déjà les bureaux ne pouvaient suffire à l'affluence de ceux qui faisaient des demandes de fourniture d'eaux; et pour donner plus de crédit à ces brillantes annonces, la compagnie faisait ouvrir de tous côtés les rues, plaçait des conduits, et faisait ainsi croire à des succès qui n'étaient au fond que des chimères. La cupidité des spéculateurs s'échauffa à un tel point, qu'en très peu de temps les actions des eaux s'élevèrent du prix créatif de 1,200 livres au prix imaginaire de près de 4,000 livres.

Pour soutenir cette erreur, il fallait réaliser les promesses merveilleuses faites d'une manière si brillante dans le prospectus répandu dans le public; il fallait montrer les succès de l'entreprise, et cela était impossible, puisque les sieurs Perrier, qui avaient compté sur 30,000 abonnés, n'en avaient encore qu'environ 900 au bout de 11 ans; il fallait, suivant leurs calculs, qu'ils

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