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[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1792.]

poste aux chevaux de la Loupe peut facilement communiquer avec celles de Regmalard, Nogentle-Rotrou, Courville et Châteauneuf; que par conséquent les postes de Montlandon, les Murgers et Digny sont de toute inutilité et qu'elles ne doivent leur existence qu'au vice de l'ancien régime et pèsent sur l'intérêt national.

la par 6° Que la poste aux lettres en passant Loupe passera en même temps par Poucqoin qui est un gros bourg; que dans ces deux endroits elle déposera des paquets; qu'à ce moyen le service sera simplifié et mieux entendu. Considérant qu'une brigade de gendarmerie nationale à Champrond ne sera éloignée que de 3 lieues de celle d'Illiers et de 6 de celle de la Ferté-Vidame, tandis qu'étant à la Loupe elle sera à 6 lieues et demie de ces deux brigades, ce qui rend le service plus facile.

Le conseil général de la municipalité déclare à l'unanimité qu'il répugne à sa conscience et à sa délicatesse de cesser de réclamer contre un pareil changement aussi préjudiciable à l'intérêt public; qu'elle persiste dans l'adresse qu'elle a faite au Corps législatif le 15 avril dernier, qu'il lui sera même impossible de remplir ses fonctions à partir de l'instant où cette brigade sera supprimée; que ne voulant pas qu'il ne lui soit rien imputé, elle déclare que de cet instant elle remercie ses concitoyens de l'emploi dont ils l'ont honorée, mais que ne pouvant le remplir comme elle l'a fait jusqu'à présent et sans courir des dangers, elle n'entend plus, au dit cas, en faire les fonctions; arrête que copie du présent arrêté sera envoyé au directeur du district de Châteauneuf avec prière de se joindre à eux pour continuer à réclamer auprès du Corps'législatif contre un changement aussi préjudiciable à l'ordre ainsi que le département et lui en sont convaincus.

(Suivent les signatures.)

Pour copie :

HUBERT, secrétaire.

III.

Arrêté de la garde nationale de la Loupe,
en date du 23 mai 1792.

Aujourd'hui 23 mai 1792, la garde nationale de
la Loupe assemblée, partageant avec tous les
bons citoyens du canton la surprise extrême où
l'a plongée la nouvelle confirmative du déplace-
ment de la brigade de la gendarmerie nationale
installée et résidente au chef-lieu de canton
depuis environ 2 mois, et ne pouvant se dissi-
muler que ce déplacement ne peut être que le
fruit des manœuvres sourdes de quelques hommes
qui, pour favoriser leurs vues personnelles, ne se
sont fait aucun scrupule de surprendre la reli-
gion du comité militaire, en défigurant la vérité
sous les traits du mensonge et la plus insigne
mauvaise foi, elle a en conséquence arrêté que,
vu l'impossibilité de veiller, elle seule, au main-
tien de l'ordre public et de pouvoir se trans-
porter dans tous les lieux où sa présence serait
journellement nécessaire, pour réprimer les dé-
lits qui s'y commettent impunément sur toutes
les propriétés, si ses efforts n'étaient secondés
par ceux d'une brigade dont on connaît de plus
en plus l'indispensable nécessité, elle se trouve-
rait forcée, malgré tout le zèle qui n'a cessé de
l'animer jusqu'à ce jour, de cesser toute espèce
de service du moment où elle serait privée de

celui d'une brigade dont elle reconnaît toute
l'importance et, dans un temps surtout où
l'anarchie imposant silence aux lois, se permet
les excès les plus condamnables. Tout parlant
en faveur de l'établissement d'une brigade à la
Loupe, ce que personne ne peut révoquer en
doute, à moins d'être aveuglé par la partialité la
plus grande, la garde nationale dudit lieu se
croirait donc autorisée à regarder le déplace-
ment projeté comme un acte purement arbi-
traire qui, sous l'ancien régime, n'aurait pu
exciter la moindre surprise, par l'usage où l'on
était de tout accorder au crédit et à la faveur,
mais qui, sous le nouveau, aurait d'autant plus
lieu de surprendre que le règne de la justice et
de la raison semblait avoir déplacé celui des
abus. Elle ose donc encore espérer que ses récla-
mations seront d'autant plus favorablement
accueillies qu'elles ont pour base la justice, rien
que la justice que le comité militaire est à
portée de vérifier, s'il daigne toutefois considérer
l'objet en question sous tous les rapports dont
il est susceptible, et démêler par ce moyen la
vérité sur laquelle on s'est plu à répandre les
plus épaisses ténèbres, c'est dans cette confiance
que la garde nationale de la Loupe ne cessera de
bénir les travaux de notre auguste Assemblée
législative dont la noble tâche est de travailler
sans relâche au bonheur d'une nation libre et
généreuse qui n'a pas craint de lui confier ses
plus chers intérêts.

(Signé par la garde nationale de la Loupe.)
Délivré par le secrétaire de la garde
nationale de la Loupe :

IV.

CHEVALLIER.

Lettre du procureur syndic du district de Châteauneuf-en-Thymerais aux officiers municipaux du chef-lieu du canton, à la Loupe.

Châteauneuf-en-Thymerais, 30 mai 1792.

Messieurs,

L'administration n'a pas balancé à croire, lors de l'organisation de la gendarmerie nationale et de sa distribution entre les chefs-lieux de son ressort, que le vôtre devait y avoir part, ses efforts n'ont pas été vains puisque le vôtre a été pourvu d'une brigade. C'est cette brigade qu'on veut vous enlever et dont la translation est déjà ordonnée à Champrond, mais comme l'administration est persuadée que ce changement est un véritable obstacle à l'intérêt public, elle réunira ses efforts aux vôtres pour vous la conserver. Les raisons qu'elle alléguera et dont elle a d'avance frappé le Corps législatif, ne lui permettent pas de douter de sa réussite.

Le procureur-syndic de Châteauneuf :
Signé MARREAU.

V.

:

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reçu la délibération du conseil général de votre commune du 15 avril dernier, en laquelle est insérée une adresse au Corps législatif, relativement aux craintes qu'elle manifeste que la brigade de gendarmerie nationale placée en votre bourg, ne soit transférée. Le directoire avait aussi entendu parlé du projet de cette translation, et le 12 avril, il a écrit au comité militaire de l'Assemblée nationale chargé du travail pour la gendarmerie, pour que cette translation n'eût pas lieu. Aujourd'hui, le directoire vient de remettre à M. Bellier (Duchesnay), l'un de nos députés, copie de cette même lettre et de la délibération du conseil général de votre commune, pour rappeler l'attention de l'Assemblée sur votre réclamation. Il y a tout lieu d'espérer qu'elle sera accueillie.

Le procureur syndic du département d'Eure-et-Loir,

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D'après la loi du 16 février 1791, nous avons organisé la gendarmerie nationale. Nous avons depuis longtemps fixé, de concert avec le lieutenant-colonel qui réside en ce département, le placement de 15 brigades que cette loi nous accordait la faculté d'organiser. Ce placement effectué, nous avons reconnu l'insuffisance de ces 15 brigades, et nous avons formé une demande à fin d'augmentation. Sur votre travail, Messieurs, l'Assemblée nationale nous a accordé 2 nouvelles brigades, ce qui porte le nombre à 17 pour notre département, mais en même temps l'Assemblée a procédé au placement de ces 17 brigades, et il paraît qu'elle a transféré à la Ferté-Vidame, celle que nous avions placée à la Loupe; elle a indiqué la résidence des deux nouvelles, l'une à Avêt et l'autre à Champrond. La translation de la brigade de la Loupe à la FertéVidame fait l'objet de notre réclamation, les raisons qui la fondent nous paraissent péremptoires, les voici : La Loupe est un des chefs-lieux de canton de ce département, les plus fréquentés; il s'y tient une fois la semaine un marché très considérable, ce bourg est situé sur une grande route très fréquentée qui conduit dans les cidevant provinces du Maine et de la Basse-Bretagne, il y passe 5 voitures publiques par semaine. Cette route a besoin d'être toujours inspectée à cause du nombre des militaires, ou soi-disant tels qui la fréquentent; la sûreté des grandes routes est, comme vous le savez, Messieurs, d'un intérêt bien puissant pour le gouvernement, c'est cette sûreté qui donne au commerce toute son activité, et l'on ne doit pas se dissimuler qu'on n'obtient cette sûreté des grandes routes qu'en y plaçant, de distance en distance, des portions de cette force armée essentiellement destinée au maintien de l'ordre public. Il est encore un objet de considération dans le placement d'une brigade à la Loupe, c'est que cette brigade est à peu près dans le

centre du district de Châteauneuf, que la correspondance de cette brigade avec les autres est on ne peut plus aisée, plus facile et plus prompte, qu'elle peut, dans des moments de troubles, se joindre soit à la brigade de Châteauneuf, soit à celle de Courville, ce qu'elle a déjà fait plusieurs fois. Tous les avantages du placement d'une brigade à la Loupe sont donc bien évidents; mais si en transplantant cette brigade à la Ferté-Vidame, on n'y trouve aucun des avantages ci-dessus, il est certain que le bien public exige qu'elle reste à Loupe. Or, Messieurs, la position de la FertéVidame est on ne peut plus incommode au placement d'une brigade, ce bourg est absolument sur la lisière du département, il est dans un fond au milieu de bois qui ne sont pas percés, sans aucune route fréquentée, sans aucune voie facile à la correspondance. Une brigade placée dans cet endroit serait entièrement perdue et sans aucun pouvoir de conserver par sa surveillance, l'ordre et la tranquillité au delà de l'enceinte du bourg. Votre intention étant, Messieurs, comme nous n'en doutons pas, d'opérer le plus grand bien possible, nous sommes assurés que vous rendrez à la Loupe une brigade dont la résidence en cet endroit est si précieuse. Nous vous observons, d'ailleurs, qu'on a fait des dépenses à la Loupe pour le placement de cette brigade, que les bâtiments qu'elle occupe sont loués, ou sur le point de l'être, que tous les préparatifs sont faits et qu'il en coûtera considérablement si l'Assemblée persiste à placer cette brigade à la Ferté-Vidame.

Quant aux 2 brigades nouvelles dont l'une est placée à Anet et l'autre à Champrond, nous pensons que les localités bien consultées, la première serait peut-être mieux à Brézolles. Nous n'insisterons pas cependant pour ce dernier endroit parce qu'à Anet elle peut produire par sa surveillance un bien égal à celui qu'elle pourrait faire à Brezolles.

Mais nous ne pouvons vous dissimuler que celle qui est destinée pour Champrond serait bien avantageuse placée à Brou, chef-lieu d'un canton où se tient le plus fort marché du département; on peut appliquer au placement d'une brigade dans cet endroit, la plus grande partie des avantages qu'on trouve dans le placement d'une brigade à la Loupe, que nous avons développé plus haut.

Nous vous prions, Messieurs, de prendre dans la plus grande considération les observations contenue en cette lettre; nous vous prions d'être persuadés que dans les changements que nous vous proposons, nous n'avons mis aucun autre intérêt, nous n'avons été guidés par aucun autre motif que ceux du bien public.

Les administrateurs et procureur général d'Eureet-Loir,

Signé FOREAU, président; Loiseleur, LABICHE, etc.

DEUXIÈME ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 9 JUIN 1792, AU SOIR.

PROJET DE DÉCRET (2), présenté par M. COPPENS, au nom des comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, sur l'indemnité réclamée par Mme Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine à Dunkerque, et Me Touch,

sa sœur.

Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, considérant que les troubles qui ont eu lieu les 13 et 14 février dernier dans la ville de Dunkerque, ayant eu pour prétexte l'opposition des gens malintentionnés à la libre circulation des grains dans le royaume, sont évidemment l'effet des artifices et manoeuvres criminelles de ceux qui trament contre l'abondance des subsistances dans toutes les parties de l'Empire considérant que les malintentionnés, après avoir contraint les officiers municipaux de Dunkerque à ordonner le déchargement des blés adressés à Mme Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine au port de cette ville, se sont ensuite transportés dans la maison qu'elle occupait avec sa sœur où ils se sont livrés aux excès les plus atroces, soit en menaçant la dame Saint-Laurent et sa sœur de leur ôter la vie, soit en portant leur fureur sur tous les objets qui garnissaient leur maison et détruisant toutes leurs propriétés mobilières; que dans cette dévastation, sont compris les registres et papiers de la régie des vivres de la marine et autres papiers, les lettres de change, assignats et argent monnayé qui se trouvaient dans cette maison à ladite époque ; que tous ces faits sont prouvés tant par les procès-verbaux des administrateurs du directoire du district de Bergues, de la municipalité et du juge de paix de Dunkerque, que par une information faite par-devant le même juge de paix, dans laquelle un très grand nombre de témoins ont été entendus, et encore par beaucoup d'autres pièces légales et authentiques; considérant que plusieurs lois, et notamment celle du 2 octobre 1791, ont eu pour principal objet de rassurer ceux qui font le commerce des blés, en leur procurant protection et garantie, et que la dame SaintLaurent, en sa qualité de directrice des vivres de la marine, chargée spécialement des subsistances des gens de mer employés au service de l'Etat, dans les ports de Lorient, Cherbourg, Brest et Rochefort, est encore plus particulièrement dans le cas prévu par la loi; considérant enfin qu'il faut faire connaître aux administrations et aux communes que leur responsabilité n'est pas illusoire, et que l'Assemblée nationale veut que les lois de police et de sûreté qui mettent les personnes et les propriétés sous leur protection, soient exécutées, décrète qu'il y a urgence.

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 36, la note,

n° 1.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Secours publics, no 10.

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Décret définitif.

L'Assemblée nationale ayant entendu ses comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, sur les malheurs, violences et voies de fait que la dame Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine, et sa sœur, ont éprouvé le 14 février dernier, et les circonstances qui y ont donné lieu, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. La nation doit à Mme Saint-Laurent et à Mile Touch, sa sœur, l'indemnité des pertes qu'elles ont éprouvées par le fait de l'insurrection qui a eu lieu à Dunkerque le 14 février dernier.

«Art. 2. Avant de fixer la quotité de l'indemnité, la pétition de Mme Saint-Laurent et de sa sœur, les procès-verbaux des administrations du département du Nord et du juge de paix de Dunkerque, l'état d'évaluation des dommages que ces dames ont éprouvés, s'élevant à 137,373 livres, non compris 40,000 livres de lettres de change, et les autres pièces justificatives de leurs pertes, seront envoyés, par le ministre de l'intérieur, au directoire du département du Nord. Ces administrateurs, après avoir pris l'avis du directoire du district de Bergues et de la municipalité de Dunkerque, sur ledit état d'évaluation, renverront lesdites pièces, avec leur avis et ceux du district de Bergues et de la municipalité de Dunkerque, au ministre de l'intérieur, qui les adressera, avec ses observations, à l'Assemblée nationale.

« Art. 3. L'indemnité sera fixée par l'Assemblée nationale, et payée à Mme Saint-Laurent et à sa sœur, sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, et, en conformité de l'article 2 de la loi du 2 octobre 1791, le montant de l'indemnité sera repris, par forme d'imposition, sur le département du Nord, sauf son recours, aux termes de ladite loi.

« Art. 4. Il sera, dès à présent, payé à titre de provision, à Mme Saint-Laurent, sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, une somme de 70,000 livres.

« Art. 5. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire ne payera à Mme Saint-Laurent la somme de 70,000 livres portée en l'article précédent, qu'après qu'elle lui aura remis un acte de cautionnement et de soumission de rapporter ladite somme, au cas qu'il fût, par la suite, ainsi ordonné. La solidité et la validité desdits cautionnement et soumission seront préalablement reçues et reconnues par le directoire du déparment du Nord, et visées par le ministre de l'intérieur.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 10 juin 1792.

PRÉSIDENCE DE MM. TARDIVEAU
ET FRANÇAIS (DE NANTES.)

La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, sur la demande formée par le sieur Bourgeois du payement de ses salaires de 115 journées em

ployées comme gardien des scellés apposés chez le sieur Delattre, décrété d'accusation.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)

2° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui, conformément au décret du 1er de ce mois, informe l'Assemblée des moyens qu'il a pris relativement aux comptes à rendre par l'économe général et autres régisseurs des biens nationaux. (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)

3° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui invite l'Assemblée à prononcer sur la demande du directoire du département de la SeineInférieure, relative au nombre des commissaires de police à établir dans son arrondissement.

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de division.)

4° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée de la demande qui lui a été faite par le directoire du département du Var, de faire payer en espèce les gendarmes de la gendarmerie nationale de ce département.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)

5o Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui représente l'urgente nécessité de décréter le payement de l'indemnité de 30 livres par chaque cheval, due aux maîtres de poste, d'après la loi du 5 mai 1790.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)

6° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, par laquelle, conformément au décret du 2 dé ce mois (1), il rend compte de l'insurrection qui a eu lieu au Beausset, près de Toulon, dans le département du Var, les 13, 19, 20 et 21 du mois dernier, et des poursuites qui se font à ce sujet ; cette lettre est ainsi conçue (2) :

« Paris, le 9 juin 1792.

« Monsieur le Président,

« L'Assemblée nationale par un décret du 2 de ce mois, m'a fait le renvoi d'une lettre qui lui été adressée par l'accusateur public près le tribunal criminel du département du Var pour l'informer d'une émeute arrivée à Beausset dans laquelle deux citoyens ont perdu la vie, et l'Assemblée a ordonné que je lui rendrais compte de ce fait. Il résulte des détails qui m'ont été donnés à ce sujet, par le directoire du département, que le 13 du mois dernier un huissier de Toulon se transporta au Beausset pour assigner 19 témoins à l'effet de déposer dans une procédure qui s'instruit à la requête de l'accusateur public, et dans laquelle la municipalité et la société patriotique du lieu sont impliquées, comme accusées d'avoir vexé les citoyens par des amendes arbitraires et d'avoir contribué à la démission forcée du curé assermenté. Le peuple croyant que parmi les citoyens assignés, 14 étaient plutôt partie que témoins relativement à des griefs qu'ils pouvaient avoir contre la majorité des habitants, craignit la suite de cette

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, sance du 2 juin 1792, page 491.

(2) Archives nationales. Carton DXL, feuille n° 17.

affaire et d'attrouper sur la place du lieu en menaçant de se porter aux derniers excès contre les citoyens qu'il suspectait. La municipalité se rendit au lieu du rassemblement et parvint à le dissiper, mais à peine était-elle retirée que l'attroupement recommença et presque aussitôt 2 citoyens, dont l'un avait été arraché de sa maison et l'autre arrêté sur la place, furent assommés et criblés de coups de fusil.

«Dès que la municipalité fut instruite de cet événement elle fit publier la loi martiale et dépêcha un exprès au directoire du département pour l'en instruire. Deux commissaires du directoire se transportèrent le lendemain au Beausset avec un détachement de la garde nationale de Toulon et leur présence y rétablit l'ordre.

« Le directoire du département dénonça à l'accusateur public les auteurs du meurtre de 2 citoyens, et comme rien n'annonçait que la tranquillité dùt encore être troublée dans ce lieu, le détachement de la garde nationale de Toulon en fut retiré. Mais le 19 mai les habitants du Beausset se mirent de nouveau en mouvement pour célébrer, disaient-ils, le retour de la paix dans leur bourg et, à la suite d'une fête qui dura jusqu'au 21, une troupe de gens armés pilla et démoliten partie 8 maisons de citoyens qui s'étaient retirés à Toulon et à la Cadière pour échapper aux menaces qui leur avaient été faites.

Le directoire du département ayant été informé de ces nouveaux désordres, envoya surle-champ au Beausset un détachement de 500 hommes de troupes de ligne et un pareil nombre de gardes nationales de Toulon, tant pour contenir les séditieux que pour protéger les opérations du directeur du juré qui devait s'y rendre afin d'informer contre les auteurs des délits commis le 13 et de ceux du 14 qui venaient d'être également dénoncés. Mais ces précautions n'ont pu rassurer ni les témoins qui auraient pu déposer, ni même le directeur du juré contre les menaces qui leur étaient faites et les informations paraissaient avoir été prises avec tant de précipitation et de faiblesse qu'il n'en est résulté qu'une procédure incomplète qui ne donne aucune lumière sur les coupables.

Le directeur m'en ayant donnéavis, j'ai aussitôt communiqué sa lettre au ministre de la justice en l'engageant à se faire rendre compte de cette procédure et à donner des ordres pour qu'elle fût reprise avec toute l'activité qu'exige la gravité des délits qui en sont l'objet. J'ai en même temps chargé le directoire du département de continuer les précautions qu'il a prises pour contenir les habitants du Beausset. Les 500 hommes de la garde nationale de Toulon en ont été retirés; il n'y reste plus que les 500 hommes de troupe de ligne, et d'après ce que le directoire m'a marqué, cette force sera suffisante pour prévenir de nouveaux désordres ainsi que pour assurer la poursuite des coupables aussitôt que la procédure aura été reprise.

Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.

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« Je m'empresse de remplir auprès de l'Assemblée nationale la commission infiniment flatteuse dont m'a honoré l'avant-garde de l'armée du Centre commandée par le général Gouvion, lorsqu'elle a reçu l'ordre de lever le camp dé Jamaque, près de Philippeville. Elle a laissé dans cette ville le souvenir de sa gloire acquise le 23 mai à la vue de ses remparts, et l'adresse que ces braves guerriers m'ont chargé d'envoyer à l'Assemblée nationale lui serait plutôt parvenue si la garnison de Philippeville, jalouse de se modeler sur ses frères d'armes dans les combats, n'eût ambitionné de les imiter par avance dans l'expression de leur dévouement au maintien de la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale constituante et acceptée par le roi.

« Vous trouverez, Monsieur, les deux adresses ci-jointes.

J'ai l'honneur, etc.

Signé: MAURECOURT, capitaine commandant l'artillerie à Philippeville.

Au camp de Jamaque, près Philippeville, le 3 juin 1792.

« A l'Assemblée nationale. Messieurs,

L'avant-garde de l'armée du Centre a été vivement pénétrée des applaudissements dont vous avez bien voulu honorer la conduite qu'elle a tenue, dans la journée du 23 du mois dernier; elle n'a fait en cela que son devoir, et vous assure que tout ce qu'il y a de mérite de plus à cette action est dû à la valeur et aux talents militaires du général Gouvion.

"

Maintenant, les plus malintentionnés même ne pourront donc plus douter du patriotisme de nos généraux ni du nôtre. Nos serments sont sacrés et inviolables. On peut compter sur notre zèle et sur celui de nos compagnons d'armes, des gardes nationales et troupes de ligne de tout l'Empire. La Constitution sera respectée, ou nous ne serons plus. Non seulement nous combattrons pour elle jusqu'au dernier soupir au dehors, mais nous la maintiendrons au dedans telle qu'elle a été déclarée par l'Assemblée nationale constituante et acceptée par le roi. (Applaudissements.)

« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, les gardes nationales et troupes de ligne composant l'avant-garde de l'armée du Centre. »

« A Philippeville, le 4 juin 1792, l'an IVe de la liberté.

• Messieurs,

« C'est après un combat glorieux qu'il est beau d'offrir aux représentants de la patrie la

(1) Archives nationales. Carton 152, dossier n° 270 bis

preuve de son dévouement pour elle. Tel est l'avantage que nous envions à nos heureux frères d'armes de l'avant-garde commandée par le général Gouvion; mais quoique nous n'ayons pas partagé leurs périls et leur gloire, au désir brûlant que nous en avions tous, nous nous sentons dignes, Messieurs, de nous associer à eux pour vous assurer que nous remplirons nos serments de défendre jusqu'à la mort, au dehors et dans l'intérieur, la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. Tel est l'esprit de l'armée entière aux ordres du brave et vertueux Lafayette. (Applaudissements.)

« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, les gardes nationales et troupes de ligne composant la garnison de Philippeville. »

(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion au procès-verbal des deux adresses.)

8° Lettre des administrateurs du département de la Seine-Inférieure, qui se plaignent de ce que, malgré les instances qu'ils ont faites près des ministres, ils n'ont pu obtenir, pour leur département, l'instrument nécessaire à l'exécution des jugements portant peine de mort.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)

9° Pétition des députés de l'Ile-de-France, près l'Assemblée nationale, qui réclament un décret par lequel le ministre de la marine soit autorisé à pourvoir à l'entretien d'un consul en Chine, ainsi qu'aux frais qu'entraîne la possession du Hang ou vaste maison dans laquelle logent les négociants français qui abordent à Canton, et sans la possession duquel le consul ne pourrait arborer à son hôtel le pavillon national.

(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de commerce et de l'extraordinaire des finances réunis.)

10° Lettre des maire, officiers municipaux et autres habitants de Chefboutonne, district_de Melle, département des Deux-Sèvres, demandent que le sieur Saint-Vincent, lieutenant de gendarmerie, commandant la brigade, soit maintenu dans leur bourg, où la troupe qu'il commande est nécessaire, et qu'il soit autorisé à ne pas se rendre à Melle, où l'appellent les ordres du commandant en chef.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)

11° Lettre et mémoire du sieur Dagueau de Richecourt qui, ayant été forcé d'accompagner son épouse aux eaux de Spa et d'Aix-la-Chapelle, demande que son nom soit rayé de la liste des émigrés, et qu'on lui donne mainlevée des scellés apposés sur sa maison et du séquestre mis sur ses biens.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

12° Adresse des citoyens de la ville de Nantes, qui observent que la permanence des séances de l'Assemblée nationale fait croire que la patrie est en danger et qui annoncent que les Amis de la Constitution sont prêts à voler au secours de leurs frères de Paris et à défendre contre toute atteinte les représentants de la nation; cette adresse est ainsi conçue (1):

(1) Archives nationales, Carton 152, dossier n° 268.

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