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5° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée un arrêté du directoire du département de l'Ardèche, qui demande que les dépenses occasionnées par les deux détachements de gardes nationales envoyés pour réprimer les désordres, soient à la charge du Trésor public;

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances.)

6o Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée une lettre du département de la Corse, qui réclame une somme de 20,000 livres pour payer la solde des équipages des bateaux entretenus pour la correspondance entre la France et la Corse et qui demande que cette somme soit payée en espèces;

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances.)

7° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée l'état approximatif des dépenses que l'exécution du décret du 14 mars 1792, relatif aux troubles d'Arles, a occasionnées à la commune de cette ville;

(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.)

8° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, dans laquelle il prévient l'Assemblée qu'il est averti par le directoire du département de Paris, que, d'après les renseignements fournis par la municipalité, il paraît constant que l'on transporte dans des maisons particulières des meubles appartenant à des émigrés, pour les soustraire au séquestre et à la surveillance des corps administratifs. Je ne puis, ajoute-t-il, que dénoncer cette infraction des lois à l'Assemblée nationale, qui statuera dans sa sagesse;

M. Thuriot. Je demande l'ordre du jour. Il est étonnant que le ministre de l'intérieur consulte sans cesse l'Assemblée sur des questions dont la solution dépend de lui seul. Il faut qu'il étudie les lois, ou qu'il déclare qu'il est incapable de remplir ses fonctions. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :

9° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée copie d'une lettre du directoire du département de Paris, relative à la gendarmerie, dans laquelle la municipalité demande qu'il soit cousigné des fonds pour le casernement de la division faisant le service à pied et pour subvenir aux frais des corps de garde de l'une et l'autre division;

Plusieurs membres : Nous demandons l'ordre du jour motivé!

(L'Assemblée, considérant que la loi du 16 février 1791 fixe le mode de logement des divisions et brigades de la gendarmerie nationale, passe à l'ordre du jour.)

10° Adresse de la municipalité de Provins, qui se plaint de ce que son marché se trouve dégarni par suite des enlèvements considérables de grains faits pour les départements éloignés, et témoigne la crainte d'une disette prochaine.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)

M. Charlier. Je renouvelle une demande que j'ai déjà faite plusieurs fois, c'est que le mi1re SÉRIE. T. XLV.

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Un de MM. les secrétaires annonce que M. Claye, député du département d'Eure-et-Loir a obtenu un congé de 4 jours pour affaires pressantes.

M. Carnot-Feuleins, le jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport sur une pétition de la ville d'Autun, et propose d'accorder à cette ville 6 pièces de campagne; il s'exprime ainsi : Les citoyens de la commune d'Autun vous ont présenté une pétition pour recouvrer 6 canons de 4 livres de balles, dont elle fut dépouillée en 1665 et en 1682 par Louis XIV, pendant la guerre, à condition qu'ils lui seraient rendus pendant la paix. Votre comité a examiné scrupuleusement les titres de la ville d'Autun, et il a vu la preuve que ces canons lui appartenaient en toute propriété. Il en existe encore plusieurs aux armes de cette ville; mais votre comité n'a pas cru devoir, dans les circonstances actuelles, dégarnir vos arsenaux. Il vous propose d'en accorder deux pour le moment à la commune d'Autun.

M. Tartanac. Il est un grand nombre de villes qui sont dans le cas de former des réclamations semblables à celle de la ville d'Autun. Ces villes avaient des arsenaux qui ont été pillés ou plutôt utilisés. Les canons d'Antun sont employés à la défense de la liberté. Le patriotisme de ses citoyens n'en peut désirer un plus digne usage. Je demande donc la question préalable.

Un membre: Si vous vouliez vous charger de faire rendre toutes les usurpations de Louis XIV, tous les revenus de l'Etat ne suffiraient pas. J'appuie la question préalable.

M. Brunck. Je réclame 200 pièces d'artillerie pour la ville de Strasbourg.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de la ville d'Autun.)

M. Thuriot. Je demande que l'Assemblée autorise les communes à se défaire des sonneries très inutiles à présent et à employer le prix qui en proviendra en acquisition de pièces de canon; car, enfin, il faut bien que les villes aient en leur pouvoir des moyens de défense.

Un membre: Les cloches sont à la nation. Je demande l'ordre du jour!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la motion de M. Thuriot.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des amis de la Constitution de Périgueux, conçue en ces termes :

« Législateurs,

Vous avez décrété la guerre, et tous les cœurs, amis de la liberté, ont béni ce décret; il ne reste plus qu'à la faire avec cette énergie qui convient à des Français; de notre part, les moyens ne manqueront pas. Faut-il des troupes? Déjà une foule de nos patriotes sont allés joindre les régiments les plus près de l'ennemi; bientôt deux bataillons vont partir de ce département,

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et s'il faut que nous formions dix autres bataillons, il vous suffira d'un signe. Faut-il du numéraire? Nous pouvons peu vous en offrir, car nous ne sommes pas riches; mais, tant que nous aurons un écu, il sera pour la patrie. Nous lui offrons en ce jour 1,599 livres, savoir : 950 livres en assignats, et 649 livres en argent. Nous offrons aussi quelques bijoux, parmi lesquels vous distinguerez les ornements de nos femmes, qui n'en veulent plus d'autres que des époux, que des enfants dignes de la patrie. Vous y trouverez encore une épée à poignée d'argent du maire de notre ville, jadis garde du corps, mais toujours vertueux et patriote; il la destine, sous votre bon plaisir, à l'un de nos soldats qui se distingueront à la guerre.

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Legislateurs, ici les cœurs patriotes n'ont plus qu'une passion, celle de la liberté, l'idole des Français.

་་

Les amis de la Constitution de Périgueux vous chérissent comme frères, vous honorent comme législateurs. >>

(Suivent cinquante-deux signatures.)

(L'Assemblée, applaudissant au patriotisme des citoyens de Périgueux, décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse, et qu'elle sera insérée au procès-verbal.)

M. Duvant, au nom des comités des domaines et de liquidation réunis, fait la seconde lecture d'un projet de décret (1) sur les échanges et traités faits entre le roi et le sieur Clément de Barville, et sur les rentes payées par la nation aux créanciers qu'il a délégués; ce projet de décret est ainsi conçu

"L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des domaines et de liquidation, considérant que l'Assemblée constituante a, par son décret du 17 juin 1789, mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de la loyauté française, que les engagements contractés par le chef de la nation font partie de la dette publique; considérant que le nouveau mode de comptabilité établi par le décret du 15 octobre, a fait naître des lenteurs pour le payement des créances qu'il importe de faire cesser, décrète ce qui suit

Art. 1er. En exécution du décret du 15 octobre 1790, concernant le payement des rentes sur le clergé, les domaines et autres revenus publics, les arrérages des rentes dues aux créanciers délégués par les sieur et dame Clément de Barville, suivant le contrat passé le 23 juillet 1784, contenant vente au roi de la terre de Montgomery et autres situées en Normandie, seront payés aussitôt après la sanction du présent décret, pour les termes échus en 1791 et ceux qui écherront par la suite, par les payeurs des rentes de l'Hôtel-de-Ville. A cet effet il sera fait des fonds extraordinaires, par les commissaires de la Trésorerie nationale, entre les mains des payeurs des rentes, aux époques des 1er janvier et 1er juillet, pour lesdites rentes et obligations être payées à présentation et sans aucun ordre de lettres.

« Art. 2. Les payements s'effectueront tous les 6 mois aux époques des 1er janvier et 1er juillet de chaque année, et seront faits, soit aux créan

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 30 mai 1792, page 327, le rapport de M. Duvant. Le projet de décret était alors précédé du décret d'urgence.

ciers, sur leurs simples quittances données dans les formes usitées, soit à M. Clément de Barville, en justifiant par lui des quittances des rentiers pareilles à celles qui sont en usage pour les rentes payées par l'Hôtel-de-Ville.

Art. 3. Sera tenu le sieur Clément de Barville de remettre aux payeurs des rentes de l'Hôtelde-Ville un état des payements qu'il a faits ou dû faire, en emploi des sommes qui lui ont été remises par le Trésor public, avec les pièces justificatives, ainsi que l'état des créances qui restent à payer.

« Art. 4. Il sera obtenu des lettres de ratification sur le contrat du 23 juillet 1784, à la diligence des commissaires du roi près les tribunaux de district dans le ressort desquels sont situées les terres vendues par le contrat du 23 juillet 1784.

Art. 5. S'il survient au sceau des lettres de ratification des oppositions, autres que de la part des créanciers déclarés par le sieur Clément de Barville à l'époque du contrat du 23 juillet 1784, il sera tenu d'en rapporter la mainlevée et radiation. »

(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)

M. Debranges, au nom des comités de liquidation et des secours publics réunis, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur la pétition des ci-devant trésorier et administrateurs de l'hôpital général de Notre-Dame du Pont-du-Rhône et grand Hôtel-Dieu de Lyon; ce projet de décret est ainsi conçu :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de liquidation et des secours, sur la pétition des ci-devant administrateurs et trésorier de l'hôpital du Pont-du-Rhône et grand Hôtel-Dieu de la ville de Lyon, reconnaissant qu'il est de sa justice de pourvoir à la restitution des avances qu'ils ont faites personnellement aux besoins des pauvres et de l'humanité souffrante, considérant que par les règlements particuliers de l'Hôtel-Dieu de la ville de Lyon et l'usage constamment suivi dans son administration, les administrateurs et le trésorier étaient assujettis à une avance de fonds déterminée dont les administrateurs sortants recevaient successivement le remboursement des administrateurs entrants;

་་

Que le sieur Faye, ci-devant trésorier, indépendamment de son avance déterminée, s'est mis à découvert de sommes considérables, tant pour améliorer la situation dudit Hôtel-Dieu, en remboursant aux Gênois une dette onéreuse par les effets du change, que pour subvenir aux dépenses intérieures, à défaut de rentrée des revenus ordinaires;

Que l'administration dudit Hôtel-Dieu étant passée, en vertu des nouvelles lois, sous le régime municipal, le remboursement des administrateurs sortants par les administrateurs entrants a cessé d'avoir lieu; que d'ailleurs l'administration actuelle, par l'insuffisance des revenus ordinaires, est dans l'impossibilité de rembourser les avances desdits anciens administrateurs et trésorier; décrète ce qui suit:

"Art. 1er. En attendant qu'il ait été statué par le Corps législatif sur l'ajournement prononcé par le décret de l'Assemblée nationale consti

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIII, séance du 10 mai 1792, au soir, page 204, la seconde lecture de ce projet de décret

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<< Sans que ladite somme puisse être prise sur les fonds décrétés les 8 juillet et 4 septembre 1791 et 17 janvier 1792, qui sont uniquement destinés pour subvenir provisoirement aux besoins intérieurs et actuels des hôpitaux.

«Art. 2. Par l'effet de ce remboursement, la nation sera subrogée aux droits desdits ci-devant trésorier et administrateurs, qui feront mention de ladite subrogation dans leurs quittances; et au surplus, seront affectés à la restitution de ladite somme de 471,333 l. 16 s. 5 d., conformément à l'article 4 du décret du 8 juillet 1791, les capitaux des rentes appartenant audit Hôtel-Dieu sur le Trésor national, ainsi que toutes autres créances à la charge dudit Trésor, liquidées à la caisse de l'extraordinaire et les biens que possède ledit Hôtel-Dieu.

Art. 3. L'Assemblée nationale surseoit à déterminer le mode du remboursement à faire de ladite somme, ou par la commune de Lyon, ou par ledit Hôtel-Dieu, soit par retenue sur le seizième revenant à ladite commune sur la vente des biens nationaux, ou par sous additionnels aux contributions foncière et mobilière, soit par compensation avec les capitaux des rentes et autres créances sur le Trésor national appartenant audit Hôtel-Dieu, ou par l'aliénation de partie des biens qu'il possède, jusqu'au rapport du comité de secours sur la nouvelle administration des hôpitaux, et sur l'ajournement prononcé par le décret des 23 et 28 octobre 1790; et cependant l'administration dudit Hôtel-Dieu payera à la caisse de l'extraordinaire l'intérêt de ladite somme de 471,333 1. 16 s. 5 d., acquittée à sa décharge, comme faisant partie des dépenses fixes et ordinaires. »

(L'Assemblée ajourne la discussion à huitaine.)

M. Delaunay (d'Angers), secrétaire, donne lec

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Dijon, le 18 juin 1792.

« Représentants du peuple français,

«La patrie est en danger, mais les destinées de la France vous sont confiées. En vain le pouvoir exécutif entrave votre marche; en vain il voudrait nous persuader que la Constitution lui lie les bras; nous ne sommes dupes ni de lui ni des perfides conseillers qui l'égarent; et nous savons que l'action du gouvernement sera forte du moment qu'il le voudra.

་་

Quelle peut donc être l'intention du roi lorsqu'il fait une guerre ouverte à l'Assemblée nationale? (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (Vive agitation.)

Un membre: Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si la lecture sera continuée!

M. Charlier. La vérité est à l'ordre du jour, je demande qu'on l'entende.

M. Hua. Je demande la parole pour un fait. J'observe que ce matin, à l'ouverture de la séance, une pareille pétition a été lue; et que l'Assemblée, sur le motif que la pétition contenait des déclamations contre une autorité constituée, a passé à l'ordre du jour.

M. Duquesnoy. Je demande la parole pour un fait, et ce sera encore la vérité...

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres: La lecture!

(L'Assemblée, consultée, décide que la lecture sera continuée.) (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Delaunay (d'Angers), secrétaire, continue: «Compterait-il sur les rassemblements de Coblentz? Nous méprisons les rebelles de Coblentz. Sur les forces des ennemis de l'intérieur ? Ils ne doivent la vie qu'à notre indulgence et à la pitié qu'ils nous inspirent. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Sur la coalition des despotes de l'Europe? Nous mourrons ou les despotes de l'Europe succomberont.

Qu'il se désabuse, s'il pense que nous sacrifierons à son ambition notre bonheur et celui de nos enfants, et que nous ferons céder les droits sacrés et imprescriptibles du peuple à ce que de vils esclaves osent appeler le patrimoine d'une famille. Qu'on ne nous répète plus que le roi est trompé et qu'il veut le bonheur des Français si telles étaient ses intentions, il exécuterait les lois sans lesquelles il n'est point de vrai bonheur pour les Français.

α

:

« Je veux la Constitution, dit-il; s'il voulait la Constitution aurait-il souffert que les cours étrangères donnassent retraite à des rebelles armés (Rires et murmures.) et insultassent aux ambassadeurs chargés de leur notifier l'acceptation de la Constitution? Aurait-il souffert les émeutes provoquées par les agents soudoyés de l'aristocratie et les troubles excités par les prêtres insermentés, tandis que l'Assemblée nationale lui indiquait des moyens efficaces de repression? Aurait-il souffert que des traîtres occupassent

(1) Archives nationales. Carton 151, dossier n° 268.

dans l'armée les places les plus importantes, ou qu'il en restât de vacantes, parce qu'il lui répugnait d'y nommer des soldats-citoyens? S'il voulait la Constitution, s'obstinerait-il à conserver des ministres pervers et à renvoyer ceux qui font preuve de civisme, ceux qui veulent donner de l'activité au gouvernement ou qui ont le courage de lui dire la vérité? S'il voulait la Constitution, s'environnerait-il des plus ardents ennemis de la Constitution, qui le flattent du chimérique espoir du rétablissement de la noblesse, par la création des deux Chambres, et qui osent tenir jusque dans sa maison un comité de contre-révolution? (Murmures à droite.)

Un membre: Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l'ordre ceux qui interrompent.

M. Delaunay (d'Angers), secrétaire, reprend : «S'il voulait la Constitution, craindrait-il le rassemblement de volontaires nationaux qui sont les amis et les plus fermes appuis de la Constitution?

<< Non, le roi ne veut point la Constitution, et quand il dit : « Je la veux, il ment à la nation et la nation en est convaincue. (Murmures à droite et au centre.)

Je veux la Constitution! » étrange expression dans la bouche d'un roi. Dépend-il de lui de la vouloir actuellement? C'est nous qui l'avons voulue et qui la voulons tout entière. (Applaudissements.) Nous la voulons actuellement malgré lui.

་་

Législateurs, le dépôt de cette Constitution vous est confié, vous en devez compte à la nation, et ce compte sera sévèrement exigé. Les moyens de la conserver sont en elle où hors d'elle; cherchez-les, indiquez-nous-les c'est là votre devoir, le nôtre c'est de les exécuter, et vous pouvez compter sur nos fortunes, sur nos forces et sur nos vies. La liberté ou la mort, » c'est la devise écrite sur nos drapeaux, mais elle est gravée dans nos cœurs en caractères ineffaçables.

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C'est le vœu des citoyens de Dijon soussignés. » (Applaudissements à gauche.)

(Il y a deux pages de signatures.)

M. Hua. Je demande à motiver l'ordre du jour.

Plusieurs membres : La mention honorable!
D'autres membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse du 58 régiment d'infanterie, en garnison à Thionville, conçue en ces termes :

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« C'est à vos mains qu'a été confié le soin d'entretenir l'arbre de la liberté, dont les rameaux doivent ombrager toute la terre; déjà la Pologne a ensanglanté la main profane qui a tenté d'en arracher les branches; les barbares se promettraient-ils plus de succès en s'attachant au tronc que vous entourez? On s'agite en tous sens pour vous détourner de vos occupations; on vous inspire la méfiance sur les ineilleurs citoyens, pour les éloigner des emplois que leur mérite vous désigne leur être propres. (Applaudissements à droite.) Il n'est aucune autorité qu'on ne veuille avilir (Nouveaux applaudissements à droite.), paralyser, ou induire en erreur. On veut tout désorganiser pour vous rendre

comparables à l'ancien gouvernement que vous avez détruit. (Applaudissements à droite.) Il n'est qu'un point sur lequel on ne peut réussir, c'est à éteindre la bravoure qui a toujours caractérisé la nation. (Applaudissements à droite.) En vain le pouvoir exécutif promène son choix sur des ministres... (Applaudissements à gauche.)

Plusieurs membres : Ah! ah!

M, le secrétaire continue... qu'un jour revêtit de l'autorité, dont l'autre les dépouille; ils vont de l'armée au cabinet, qu'ils quittent avec joie pour reprendre les armes. (Applaudissements.) Depuis que vous avez livré au glaive de la loi ceux qui avaient osé abuser du pouvoir, les Français ont vu la lumière; on ne saurait plus leur en imposer. (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Dissipez la tourbe des factieux par des décrets foudroyants (Rires et applaudissements à droite.), mais réfléchis et sages, et laissez aux bras que vous avez choisis pour terrasser nos ennemis armés, le soin de vous délivrer de leur rage téméraire; forcez les malveillants à donner cours à tous les approvisionnements de tous les genres, qui sont si bien payés et si mal fournis aux armées de nos frontières, qui, à raison de cela, sont en partie réduites à l'inaction. Ordonnez que les emplois soient nommés et remplis, au lieu de laisser les corps sans officiers, dont le patriotisme seconderait l'ardeur des subordonnés. Faites-vous éclaircir du mystère qui vous met dans l'impossibilité d'attaquer vos faibles ennemis, tandis que vous avez quatre cent mille hommes enrégimentés et payés. Ecrasez les coupables, et tout sera aplani devant vous; voir les ennemis, les vaincre ou périr, tel est le cri de l'armée. Vous aurez moins de tracasseries autour de vous, quand vous aurez dissipé le foyer qui les alimente; l'amour de la liberté est un torrent irrésistible, il nous précédera partout et émoussera les armes de beaucoup de ceux qu'on nous oppose. Nous avons des Dillon, des Gouvion et autres victimes de l'intrigue et de la guerre à venger (Applaudissements.); mais faut-il ajouter au feu qui nous anime? Non, notre Constitution ou la mort, est le serment que le 58° régiment renouvelle aujourd'hui et vous demande à sceller du sang de ses ennemis.» (Vifs applaudissements.)

(Cette adresse est revêtue d'un grand nombre de signatures.)

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande la mention honorable et l'insertion au procès-verbal de cette adresse vraiment patriotique.

(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion au procès-verbal, et l'envoi de l'extrait du procès-verbal au régiment.)

M. Muraire, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport au sujet des provocations coupables et des placards criminels qui ont été dénoncés à l'Assemblée (1) et présente un projet de décret invitant tous les bons citoyens à réunir tous leurs efforts aux autorités constituées pour le maintien de la tranquillité publique; il s'exprime ainsi :

« Vous avez renvoyé à votre commission extraordinaire les pièces qui vous ont été remises ce matin, par le ministre de l'intérieur. Votre commission s'en est occupée de suite, et quoiqu'elle ait bientôt aperçu que les lois déjà exis

(1) Voy. ci-dessus, séance du 23 juin 1792, au matin, la discours du ministre de l'intérieur.

tantes ont tracé la route que les autorités constituées auraient à suivre dans les circonstances qui vous ont été dénoncées, si malheureusement elles se vérifiaient, elle a considéré qu'il était de la dignité de l'Assemblée de professer hautement ses sentiments et ses principes autant pour déjouer les intrigues perfides des malveillants qui oseraient lui imputer les événements qu'ils auraient eux-mêmes préparés, que pour ramener, par la voie de la persuasion, des citoyens qu'on trompe et qu'on égare. (Applaudissements à droite et au centre.) C'est dans ce sens et dans cette vue que votre commission a unanimement arrêté le projet de décret suivant:

L'Assemblée nationale, instruite par le ministre de l'intérieur que les ennemis du peuple et de la liberté recherchant tous les moyens de renverser la Constitution, et usurpant le langage du patriotisme, sont sur le point d'égarer quelques hommes actuellement résidant à Paris :

« Justement indignée des provocations coupables et des placards criminels qui lui ont été dénoncés:

• Considérant que le devoir du Corps législatif est de maintenir la Constitution et l'inviolabilité du représentant héréditaire de la nation, mais que les lois ont remis entre les mains des autorités constituées tous les moyens qui leur sont nécessaires pour assurer l'ordre et la tranquillité publique, déclare qu'il n'y a pas lieu à prendre de nouvelles mesures législatives; mais invite, au nom de la nation et de la liberté, tous les bons citoyens à la fidélité desquels le dépôt de la Constitution a été remis, à réunir tous leurs efforts à ceux des autorités constituées pour le maintien de la tranquillité publique, et pour garantir la sûreté des personnes et des propriétés.

L'Assemblée nationale décrète que le présent acte du Corps législatif sera envoyé par le pouvoir exécutif aux 83 départements pour être publié et affiché, et elle ordonne que le ministre de l'intérieur lui rendra, tous les jours, un compte exact de l'état de la ville de Paris. » (L'Assemblée adopte le projet de décret) (1). Plusieurs membres : L'envoi aux 83 départements!

D'autres membres: La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et décrète l'envoi du décret aux 83 départements.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :

1° Lettre du sieur Jean-Baptiste Giraud, citoyen actif de la section de l'Arsenal et caporal volontaire de la garde nationale, qui fait hommage d'une somme de 25 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre et rétracte la signature qu'il a apposée à la pétition contre le camp de 20,000 hommes.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur, puis elle renvoie la lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)

2° Lettre du sieur Loiseau, garde national du bataillon du Val-de-Grâce, qui rétracte la signa

(1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, l'opinion de M. Boisrot de Lacour sur ce qui s'est passé, le mercredi 20 juin 1792, au château des Tuileries et sur la position actuelle du royaume.

ture qu'il a apposée à la pétition contre le camp de 20,000 hommes.

(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)

M. Debranges, au nom du comité de liquidation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (2) relatif aux pensions et gratifications des officiers ou employés ecclésiastiques ou laïques des chapitres séculiers et réguliers supprimés. Il s'exprime ainsi :

Messieurs, l'Assemblée constituante, après avoir solennellement décrété le principe de la propriété de la nation sur les biens ecclésiastiques, fixant son attention sur l'état des finances, dont le désordre était devenu le malheur public, n'a vu d'autre ressource pour le salut de l'Empire, que l'aliénation de ces biens, qu'elle avait déclarés être à sa disposition.

Mais, autant éclairée dans l'établissement du principe, que juste dans son application, elle a cru ne pouvoir faire l'aliénation de ces biens qu'en reconnaissant en même temps l'obligation d'en remplir la triple destination, l'entretien des ministres ecclésiastiques, la dépense du culte, et le soulagement des pauvres.

Ses grandes vues pour la réforme des abus, et pour établir l'économie dans les dépenses publiques, l'ont portée à rappeler le culte à la simplicité majestueuse de son origine.

L'Assemblée constituante a donc supprimé tous les ministres du culte qui surchargeaient la société politique de leur inutilité; elle n'a voulu conserver que ceux qui tenaient essentiellement à la religion par leur caractère et par leurs fonctions; et, réparant l'injustice des derniers temps, où la répartition des revenus attachés au culte était en raison inverse de l'utilité de ses miqu'elle supprimait, elle a pourvu au sort plus nistres, en retranchant le superflu des inutiles heureux de ceux qui portaient le poids du travail, et qu'elle conservait.

Rien ne devait échapper aux regards de sa sagesse et de sa justice. L'extinction de ces corps ecclésiastiques, établis pour le faste du culte extérieur, entraînait avec elle la suppression d'offices secondaires et d'emplois inférieurs, qui formaient l'état de nombre de citoyens attachés au service des églises. Ces citoyens méritaient sans doute que leur sort fût pris en considération; ils le méritaient aussi bien que ces ministres qui, la plupart, contents de leur revenu, se reposaient sur eux du soin de louer Dieu à leur acquit.

Ainsi l'Assemblée constituante, après avoir établi, dans son décret du 24 juillet 1790, les bases sur lesquelles serait fixé le traitement des bénéficiers et des titulaires des chapitres supprimés, s'occupant de l'état des officiers ou employés non titulaires, tant ecclésiastiques que laïques, s'était spécialement réservé, par l'article 12, de leur accorder, sur l'avis des corps administratifs, un traitement soit en pension, soit en gratification, suivant le temps, le taux et la nature de leurs services, et eu égard à leur âge et à leurs infirmités (ce sont les termes propres du décret), et elle leur avait, en attendant, conservé la plénitude du traitement dont ils jouissaient jusqu'au 1er janvier 1791.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Dette publique, tome I, n° 31.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Dette publique, tome II, K.

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