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Voix diverses. Oui! oui! Non! non!

M. Henry-Larivière..... en comparant son commandant genéral à M. Rebecqui, et je demande qu'il soit envoyé pour 3 jours à l'Abbaye. (Longue agitation.)

M. Vergniaud. Je ne suis point étonné des alarmes que la garde nationale parisienne conçues.....

Plusieurs membres: Monsieur Merlin, à l'Abbaye! (Vive agitation.)

M. Vergniaud. Si vous faites justice de M. Merlin en l'envoyant à l'Abbaye, je demande que vous la fassiez aussi des interrupteurs indécents qui troublent sans cesse l'Assemblée..... (Murmures prolongés.)

(La tribune est environnée de beaucoup de membres. M. Dubois de Bellegarde vient se placer entre la tribuue et les membres de la droite avec un air menaçant dont on s'est plaint avec force. Il veut alors enjamber une barrière et tombe. On s'informe autour de lui s'il ne s'est pas fait de mal et il vient s'asseoir, en passant par le chemin ordinaire, à côté de ceux auprès desquels il s'était placé d'abord. Le calme eùt été rétabli saus M. Maribon-Montaut qui a prétendu que M. Tarbé avait insulté quelqu'un. On est parvenu enfin à lui imposer silence).

M. Vergniaud. Comme je n'ai point la présomption de croire que je m'explique de la manière la plus claire et la plus précise, je demande que l'on m'écoute avec quelque patience. J'ai des faits à rappeler d'abord. Ils pourront déterminer ensuite la conduite de l'Assemblée envers M. Merlin.

Je ne suis point étonné des alarmes que la garde nationale parisienne a conçues sur le décret que vous avez rendu. Ces alarmes ne supposent en elles-mêmes aucune méfiance inciviLa cause en est dans les opinions manifestees que. á cette tribune. On n'a pas, en effet, seulement combattu le projet de décret en lui même, on n'a pas cherché à prouver qu'il était mauvais, on a voulu souiller l'idée la plus patriotique par des idees de factions. C'est ici, c'est à cette tribune qu on a commencé à dire que la motion qui avait éte faite était injurieuse à la garde nationale parisienne; c'est à cette tribune que l'on a fait entendre que l'on se proposait de lui enlever ses canons; c'est à cette tribune que l'on a dit que l'on ne provoquait la formation d'un camp pour faire faire le service de la garde nationale parisienne que parce qu'on ne comptait plus assez sur son zèle; ou du moins qu'on a cherché à prouver à l'Assemblée, par les opinions que l'on développait, que telle était l'intention de ceux qui proposaient le décret.

Et remarquez, Messieurs, que ceux qui développaient une opinion aussi insultante pour l'Assemblée nationale et pour la garde nationale parisienne, avaient sans cesse à la bouche le mot de factieux, de telle sorte qu'en soufflant le feu de la discorde ils paraissaient chercher à diviser les citoyens. Si l'on était moins sur de la pureté de leurs intentions, si l'on ne savait que ce mot leur échappait en improvisant leur opinion, on eut cru qu'en répétant le mot de factieux, ils voulaient se dénoncer eux-mêmes. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)

Ainsi, Messieurs, il n'y a dans les alarmes conçues par la garde nationale parisienne qu'un juste mouvement de sensibilité, de patriotisme,

qui est digne d'éloges. Il n'en est pas de même de la pétition que l'on se propose de vous présenter et sur laquelle je reviendrai. Mais je dis que quand on demande que M. Merlin soit envoyé à l'Abbaye pour une expression que j'avoue injurieuse pour M. le commandant, on aurait dù auparavant y envoyer ceux qui ont développé à cette tribune une opinion séditieuse, sinon dans l'intention, au moins dans la forme. (Applaudissements dans les tribunes.)

Un membre: Où donc est la liberté des opinions?

M. Vergniaud. Pourquoi, Messieurs, n'a-t-on pas seulement proposé de rappeler à l'ordre ceux qui cherchaient ainsi à troubler la tranquillité publique? c'est parce que les opinions sont libres da ns cette Assemblée, d'après laConstitution, et qu'on est maître d'y parfer selon sa conscience. Or, M. Merlin a dit ce qu'il pensait dans sa conscience... (Murmures prolongés dans l'Assemb ée. Applaudissements dans les tribunes.) Il n'est pas question ici de justifier les paroles de M. Merlin. J'ai énoncé mon opinion sur elles et je crois l'avoir fait assez clairement pour qu'on ne pense pas que je les approuve. Mais je dis que M. Merlin, en énonçant son opinion qui était injurieuse pour M. le commandant, inais qui n'était injurieuse ni pour la garde nationale, ni pour l'Assemblée, n'a fait qu'user du droit qui appartient à chaque membre.

M. Boullanger. M. Calvet et M. Frondière avaient aussi énoncé leur opinion; on les a pourtant envoyés à l'Abbaye (1).

M. Vergniaud. On me cite les opinions de MM. Calvet et Frondière; mais il s'agissait dans ces opinions d'une insulte faite directement au Corps législatiť.

Plusieurs membres: Non! non! mais à M. Guadet. M. Vergniaud. M. Calvet fut envoyé à l'Abbaye parce qu'il avait compare l'Assemblée nationale aux Séjan et aux Tibère, e certes, ceux qui ne voient pas là une insulte, ne serout jamais insultés. M. Frondière y était envoyé.... M. Ramond. C'est tout simple, pour avoir commis un crime de lèse-Gironde.

M Vergniaud...... pour avoir insulté aussi un représentant du peuple dans le sein de l'Assemblée nationale, lorsqu'il énonçait son opinion; vous n'avez puni M. Frondière que pour n'avoir pas respecté lui-même la liberté d'opinion, que devait avoir M. Guadet dans cette tribune. La proposition d'envoyer M. Merlin à l'Abbaye, n'est donc qu'un misérable incident suscité dans ce moment, pour vous faire perdre de vue la question principale pour laquelle vous avez mandé M. le commandant à la barre.

M. Boullanger. M Vergniaud vous a dit que les opinions manifestées à cette tribune avaient occasionné la pétition de la garde nationale. Je réponds à cela que M. le commandant de la garde nationale vous a observé, vous a dit, que le vœu de la garde nationale s'était manifesté aussitôt que M. Servan avait fait sa proposition à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire avant que la discussion fùt ouverte. Ce ne sont donc pas les opinions qui ont été émises à cette tribune, qui ont provoqué la pétition. Au surplus, il n'est

(1) Voy. Archives parlementaires, 1r série, t. XLIV, se nc du 9 mai 1792, au soir, page 296 et 308, les décrets relatifs à MM. Froudiere el Calvet.

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[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1792.]

pas étonnant que M. Vergniaud vous ait proposé d'envoyer à l'Abbaye tous les membres qui veulent avoir la liberté d'opinions contraires à celles de ces messieurs. On veut maîtriser toutes les opinions et empêcher l'Assemblée même de réclamer.

M. Leroy (de Bayeux). Je voulais dire de plus à l'Assemblée qu'il était faux que ce fussent les opinants qui afent donné lieu aux inquiétudes de la garde nationale. C'est le rapporteur du comité militaire qui a dit que l'on pouvait se servir et qu'on se servirait des armes et des canons de la garde nationale parisienne.

M. Vergniaud. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour. (Bruit.)

M. Quatremère-Quincy. Je demande la parole pour M. Merlin et contre M. Vergniaud.

Je pense, Messieurs, que M. Merlin a manqué à la décence et au respect dù à l'Assemblée, en comparant des personnes et des chosse très peu susceptibles de parallèle. M. Merlin n'ignorait pas que M. Rebecqui avait été dénoncé à l'Assemblée nationale, qu'il y venait pour se justifier d'inculpations appuyées sur des pièces authentiques et sur un rapport de vos comités. M. le Président a donc dû suivre alors l'usage constant de ne point admettre aux honneurs de la séance ceux qui étaient traduits au tribunal de l'Assemblée nationale. M. Merlin sait tout cela et doit connaître l'usage de l'Assemblée nationale. Le parallèle qu'il vient de faire est donc injurieux et au commandant de la garde nationale et à l'Assemblée elle-même. Cependant, Messieurs, je m'oppose à ce que, pour une pareille inconséquence, il soit envoyé à l'Abbaye. Je ne saurais m'habituer à voir les membres de cette Assemblée se menacer réciproquement de la prison, et se faire un jeu scandaleux de ces moyens de discipline intérieure. Je demande que simplement M. Merlin soit rappelé à l'ordre.

Mais je demande aussi, et à plus forte raison, que M. Vergniaud soit rappelé à l'ordre pour avoir ici donné le plus extraordinaire exemple de la violation de la liberté des opinions, en calomniant avec autant de hardiesse les intentions de ceux qui ont opiné dans la discussion du décret des vingt mille hommes. Assurément on se ferait une singulière idée de la liberté des opinions si les membres de cette Assemblée n'avaient pas le droit de développer tous les dangers qui pourraient se cacher sous un projet de décret dont un ministre s'est permis l'inconstitutionnelle initiative. (Bruit.)

J'ajoute que la crainte conçue, par la garde nationale, de l'enlèvement de ses canons et de ses armes, n'a pu être le résultat des opinions débitées à cette tribune, mais bien de la lettre même du ministre, où ce projet était énoncé, comme l'était encore dans le considérant du rapport. Bruit.)

M. Lasource parle dans le bruit.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à
l'ordre du jour sur la motion d'envoyer M. Mer-
lin à l'Abbaye.)

Plusieurs membres se lèvent pour se retirer.
M. Thuriot. Si M. Vergniaud n'a plus rien à
ajouter à ce qu'il a dit, je demande que l'As-
semblée prenne un parti sur le fond de l'affaire
et qu'elle prononce le renvoi de la dénonciation
au comité de surveillance. (Rire.)

Plusieurs membres demandent l'adjonction du comité de législation au comité de surveillance. D'autres membres : L'ordre du jour!

M. Vergniaud. Je crois qu'il faut en effet renvoyer cette affaire aux comités de législation et de surveillance. Il n'est pas douteux que la pétition annoncée est inconstitutionnelle dans la forme. Il paraît constaté qu'il a été fait une invitation à la signer; or, cette invitation est inconstitutionnelle... (Murmures.) parce qu'on s'est servi de la voie de l'ordre pour la faire parvenir aux divers bataillons... (Murmures.) ce n'est sûrement pas par la voie de l'ordre que l'on peut inviter à signer une pétition car, en agissant ainsi, c'est se regarder comme militaires et délibérer comme corps armé.

M. Mathieu Dumas. Le commandant général a dit le contraire.

M. Vergniaud. Il y a encore une autre illégalité dans la manière dont cette invitation a été faite. Il paraît qu'on voulait faire passer cette pétition d'individu à individu pour la signer. Or, c'est là une illégalité. Ceux qui se sont donné la peine de lire l'instruction du 7 mai, pour les corps administratifs, sur le droit de pétition, doivent savoir que, quand plusieurs citoyens veulent signer une pétition, il leur est expressément défendu de la colporter de porte en porte, et il serait très facile de prouver la sagesse de cette défense. Donc, lorsque plusieurs citoyens veulent présenter une pétition, ils sont obligés de suivre les formes que leur prescrit la loi, et comme ici la loi n'a pas été suivie, il y a illégalité.

Je sais bien que cette pétition n'a pas encore été présentée, en sorte que la faute n'est pas encore consommée. Aussi, je ne la dénonce pas. Mais je demande que les comités réunis soient chargés d'examiner les faits et de proposer un plan de conduite, afin que, dans le cas où la pétition serait présentée, l'Assemblée puisse sur le-champ prendre un parti convenable pour réprimer la violation de la loi.

Un membre: Je demande si pour les pétitions du faubourg Saint-Antoine, on a fait les mêmes difficultés.

M. Ramond. Je demande la parole pour un fait.

M. Delmas. Je demande que la lettre du citoyen qui a été annoncée par M. Charlier, et dont la lecture a été retardée, soit lue à l'Assemblée.

M. Mathieu Dumas. Après la discussion.

Un membre: Je m'oppse formellement à ce que des lettres mendiées soient lues pour influencer la délibération de l'Assemblée. (Bruit.)

M. Cambon, secrétaire, donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue (1):

Paris, le 9 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
Monsieur le Président,

Citoyen soldat et père de famille attaché à la Constitution, je ne souillerai jamais mon nom en l'apposant à une pétition qui, dans ce moment, peut être considérée comme une provocation du veto sur un acte législatif rendu après une mûre délibération. J'étais ce soir à la

(1 Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Pélitions, tome 1, no 37.

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séance de l'Assemblée et j'y ai entendu la discussion sur la dénonciation faite par nos frères du bataillon des Petits-Augustins; j'ai entendu la lettre signée « Charlemagne, père et fils ». Ces citoyens vous y dénoncent la manière odieuse avec laquelle on travaille en ce moment la garde nationale de Paris, en lui faisant signer une pétition contraire à votre décret relatif au corps de réserve de 20,000 hommes ces signatures sont mendiées auprès des personnes peu éclairées qui signent trop légèrement; ce fait, qui vous est denoncé, vient d'avoir son application dans la personne de mon fils âgé de 15 ans. Absent de chez moi, je ne fus pas peu étonné en y rentrant, au sortir de l'Assemblée, d'apprendre qu'un soldat de ma compagnie, Day, capitaine de la compagnie du Palais-Royal, était venu chez moi avec une pétition imprimée, et avait forcé mon fils à la signer, en lui disant d'un ton perfide: « Signez, si votre père était pré<< sent, il signerait bien, car il est patriote, et il n'y a que les patriotes qui signent cette péti« tion. » Mon fils a donc signé et quelle est la validité de la signature d'un jeune homme de 15 ans, qui, au terme de la loi, ne peut jouir de ses droits politiques? Mais il parait qu'on n'y regarde pas de si près. Sitôt que j'ai eu connaissance de cette violation à la loi et aux principes que je me fais honneur de professer, j'ai conduit mon fils sur-le-champ chez M. Toublanc, commissaire de police de la section du PalaisRoyal, afin de dresser procès-verbal de cette violation (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.), et obtenir devant un officier public rétractation de la signature de mon fils. Je ne me permets aucune réflexion sur ce fait, qui pourra vous donner une idée de l'expression prétendue du vœu de la garde nationale parisienne qu'on aura l'audace de vous présenter; mais j'ai cru qu'il était de mon devoir de citoyen, ami de la Constitution, de protester devant les réprésentants du peuple contre un acte qui insulte à leur sagesse et aux vœux des bons citoyens.

K

Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble serviteur.

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M. Basire. Je demande l'impression de cette lettre et l'envoi aux sections de Paris, pour leur faire connaître comme on les trompe.

M. Adam. Monsieur le Président, je demande qu'on suspende l'impression de la lettre au moins pendant 24 heures, pour savoir si elle ne sera pas désavouée. (Rires et applaudissements à droite.)

M. Basire. Je la garantis vraie. (Rires.)

M. Maribon-Montaut. J'appuie l'impression de la lettre afin que les citoyens connaissent les moyens employés pour les égarer.

(Après deux épreuves successives, l'Assemblée décrète l'impression de la lettre de M. Deplagne.)

M. Lecointre. J'insiste pour que l'on mette aux voix la proposition de l'envoi aux sections. (Cette motion n'a pas de suite.)

M. le Président. La parole est à M. Ramond pour un fait.

M. Ramond. Messieurs, il s'est glissé dans l'opinion de M. Vergniaud une erreur de fait. Le projet de pétition n'a point été envoyé aux gardes nationales par la voie de l'ordre. Il ré

sulte du rapport de M. le commandant général que les citoyens, qui sont venus à l'ordre, se le sont respectivement communiqué, sans que cela ait eu aucun caractère ni forme militaire. (Bruit.)

M. Maribon-Montaut. Je demande que Monsieur soit entendu parce qu'il est bien instruit.

M. Ramond. Je réponds à l'indécente interruption de M. Montaut que je suis instruit pour avoir fait mon devoir, celui d'écouter le compte rendu par le commandant général de la garde nationale parisienne.

On appelle mettre à l'ordre l'acte d'envoyer parle commandant aux différents bataillons, pour être lue à la tête des bataillons ou des compagnies, une chose quelconque. On ne peut point appeler mise à l'ordre une chose qui a été communiquée individuellement et particulièrement par des personnes qui se sont rencontrées à F'ordre. (Murmures à gauche.) Je n'entends pas relever les faits pour ceux qui craignent l'évidence des faits. J'ajoute que M. Vergniaud, en jugeant illégale une pétition, dont le projet seulement est parvenu à l'Assemblée nationale, par la dénonciation qui lui en a été faite, a prononcé, ce me semble, un jugement précipité sur une chose dont l'inégalité ne pourra être jugée que lorsqu'on la présentera, que lorsqu'on verra si, aux termes de la loi, la pétition n'est pas individuellement signée.

Les caractères qu'une pétition doit avoir sont marqués par la Constitution et par la loi du 7 mai. Le droit de pétition doit avoir la plus grande latitude. Une pétition n'est inconstitutionnelle qu'autant qu'elle est faite par un corps et signée en nom collectif. Si elle est signée individuellement, elle est constitutionnelle, quand même son objet ne le serait pas. Je vous le demande, si le Corps législatif, de feu pour certaines pétitions, était de glace pour d'autres; s'il distribuait, au gré de ce qu'il croirait son intérêt personnel, la louange ou le blâme sur celles qui lui seraient apportées; s'il frappait les unes de l'improbation la plus sévère, avant même qu'elles fui solent connues et après l'inquisition la plus illégale; s'il imprimait avec éloge les opinions contraires, je demande si la dignité du Corps législatif serait bien conservée, et si la liberté individuelle du citoyen, qui n'a pas de plus forte garantie que le droit de pétition, serait bien assurée. C'est là cependant le résultat des différentes opinions qui vous ont été si tumultueusement présentées.

La pétition qui vous a été dénoncée ne vous est pas connue encore vous ne pouvez donc la juger. C'est pourquoi je demande, qu'avant de rien statuer, l'Assemblée attende que la pétition lui ait été présentée et qu'elle passe à l'ordre du jour sur toutes les propositions qui ont été faites. M. Gensonné. M. Ramond n'a pas rappelé exactement à l'Assemblée le fait énoncé par le commandant. Le voici: La distribution de cette adresse a été faite à tous les bataillons de la garde nationale de Paris par le ministère des adjudants. Ainsi, elle a été faite à tous les citoyens actifs de Paris, puisqu'ils sont tous dans la garde nationale. Ce fait est constaté par l'aveu de M. le commandant. Ce n'est donc plus un vœu individuel qu'on veut émettre, mais celui de la commune de Paris. Or, les pétitions des citoyens actifs de la commune doivent être arrêtées dans les assemblées de section. On a voulu prendre la voie de l'ordre pour éviter les assemblées des sections. On a donc violé la loi, lorsqu'on a voulu, en quelque sorte, donner un caractère

militaire à une pétition qui devait être faite dans des formes purement civiles. D'après cela, je demande le renvoi du tout aux comités de législation et de surveillance réunis.

M. Mathieu Dumas. Je demande l'ordre du jour et à le motiver. (Murmures.)

Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée décide qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)

M. Reboul. Je propose, par amendement, de charger les comités de présenter des articles additionnels sur la manière dont les pétitions doivent être faites.

M. le Président. Je mets aux voix la motion qui a été faite de renvoyer aux comités de législation et de surveillance réunis l'examen des faits dénoncés à l'Assemblée par le bataillon des Petits-Augustins et les éclaircissements donnés par M. le commandant général sur la pétition dont il s'agit.

Plusieurs membres: La question préalable! (L'Assemblée rejette la question préalable et renvoie l'examen de cette affaire aux comités de législation et de surveillance réunis.)

(La séance est levée à une heure et demie du matin.)

PREMIÈRE ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 9 JUIN 1792, AU SOIR.

PIÈCES (2) adressées à l'Assemblée nationale par le conseil général de la commune et la garde nationale de la Loupe, département d'Eure-et-Loir, pour réclamer contre le dernier décret de l'Assemble, sur le complément de l'organisation de la gendarmerie nationale et l'emplacement particulier d'une brigade.

I

Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de la Loupe, en date du 15 avril 1792.

Aujourd'hui dimanche, 15 avril 1792, le conseil général de la commune du Bourg-de-la-Loupe, chef-lieu de canton de 12 paroisses, district de Châteauneuf-en-Thimerais, département d'Eureet-Loir, assemblé en la maison commune, M. le maire a annoncé que le bruit se répand que la brigade de gendarmerie nationale etablie et résidant depuis quelque temps en ce bourg de la Loupe est sur le point d'être transférée dans la paroisse de Champrond; que toute incroyable que soit cette nouvelle, il serait possible que l'Assemblée nationale eût été induite en erreur contre la préférence due au bourg de la Loupe pour un établissement que le département a lui-même jugé devoir y être fixe; qu'il a rédigé en conséquence une adresse à l'Assemblée nationale législative pour lui mettre sous les yeux les motifs

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 20, la réolamation de la commune de La Loupe.

(2) Archives nationales, Carton 132, dossier n° 270 bis.

qui ont déterminé cet établissement, qu'il s'empresse de la communiquer au conseil général et qu'il le prie de bien vouloir prendre en ce moment tel arrêté ou délibération que sa prudence lui suggère.

Suit la teneur de ladite adresse:

Adresse au Corps législatif de la nation française par le conseil général de la commune du bourg de la Loupe.

La commune du hourg et paroisse de la Loupe, affectée au bruit parvenu jusqu'à elle que la brigade de gendarmerie qui réside dans son sein doit être déplacée pour être transférée dans la paroisse de Champrond, à deux lieues de distance de la Loupe, prend la liberté de faire parvenir au Corps législatif ses justes doléances et ses promptes réclamations sur cet objet.

« Un des besoins, senti depuis longtemps par la commune de la Loupe, était d'avoir une force active et vigilante au milieu d'elle pour y réprimer les abus et y maintenir le bon ordre ; pénétrée de cette vérité, elle n'a pas eu plutôt connaissance de la loi du 16 février 1791 sur l'organisation de la gendarmerie nationale qu'elle s'est empressée de demander au Directoire du département d'Eure-et-Loir, qui la gouverne, une des trois brigades d'accroissement que cette loi lui accordait; la justice du directoire a été telle sur cette demande et sur celle des autres communes de Bonneval et d'Anet, qu'il les a jugées préférables à toutes celles qui lui avaient été faites alors par plusieurs autres villes et communauté. On en trouve la preuve dans le rapport de ses operations fait au conseil général du département, le 15 novembre dernier, où on lit que le directoire a fixé dans ces 3 chefs lieux la résidence des 3 brigades dont il pouvait disposer, qu'il sollicite une augmentation de 3 autres brigades qu'exigeait l'intérêt du département et qu'il en a designé dès lors la résidence à Chartres, à la Ferté-Vidame et à Brézolles. II résulte donc de ce rapport des vérités constantes. La première, que le bourg de la Loupe a été considéré primitivement par le directoire du département comme un endroit qui nécessitait impérieusement une brigade de gendarmerie nationale, les établissements demandés pour Chartres, la Ferté-Vidame et Brézolles n'ayant pas prévalu et ayant été subordonnés à une augmentation ultérieure de 3 brigades.

Pour obtenir une brigade de gendarmerie nationale, la commune de la Loupe n'a employé jusqu'ici que des notifs de justice et d'équité et ce sont encore les mêmes moyens dont elle se servira aujourd'hui auprès du Corps législatif pour la lui conserver.

« 1° La Loupe est un gros bourg traversé par 4 grandes routes, 4 diligences principales, 4 fourgons et autres voitures publiques et où se trouve une poste aux chevaux pour le service des Voyageurs;

"

20 Ce bourg, qui est fort peuplé ainsi que ses enviros, est un chef-lieu de canton de 12 paroisses qui y ont une relation habituelle pour le tribunal de la justice de paix, les bureaux de paix et de conciliation et les différents tribunaux de police créés par les lois ;

3° Ce chef-lieu de canton est situé de manière que la brigade qui lui a été accordée n'a pu équitablement lui être refusée parce que sa position topographique forme un point central et de correspondant avec les villes et bourgs de

Nogent-le-Rotrou, Illiers, Courville, Châteauneufen-Thimerais, la Ferté-Vidame et Regmalard qui en sont à 4 ou 5 lieues, où il y a des brigades établies, et qu'il n'était pas possible de priver une aussi vaste étendue de pays d'un secours qui était justement acquis.

« On observe que c'est au moyen de la correspondance qui existe entre la brigade de la Loupe et celle des 6 endroits qu'on vient de dé.. signer qu'il se fait un service des plus exacts dans tous les lieux intermédiaires, en sorte que la paroisse de Champrond, qui n'est qu'une bourgade traversée par une seule route d'embranchement et qui, dit-on, a l'étonnante prétention d'avoir une brigade particulière et le quadruple avantage d'être surveillée par celle de Courville, Illiers, Nogent-le-Rotrou et la Loupe au milieu desquelles cette paroisse est située.

« 4° 11 se tient tous les mardis à la Loupe un des plus forts marchés de la ci-devant province du Perche, auquel concourent quatre foires des plus considérables dans l'année. Ces foires et marchés sont un entrepôt de commerce en chevaux, bestiaux, grains, volailles et denrées nécessaires au pays et à l'approvisionnement de Paris. L'affluence y est si grande qu'elle exige toujours un rassemblement de plusieurs brigades pour pourvoir à la sûreté publique et déjà on doit à celle de la Loupe d'avoir arrêté plus d'une fois les progrès des agitations qui se sont manifestées pour la liberté de la vente des grains dans les marchés des mois de janvier, février et mars derniers.

<< 5° Enfin le bourg de la Loupe est entouré à la distance d'une lieue, plus ou moins, par environ 15,000 arpents tant bois nationaux que particuliers qui rendent très dangereux le passage des chemins et des routes dans les endroits ou on est obligé d'y passer, soit de les cotoyer. Il en est de ces endroits à une lieue de la Loupe sur la grande route de Regmalard, sur celle de Châteauneuf et sur celle de Courville, qui effrayent les voyageurs, de même que les communications avec la Ferté-Vidame, Senonches et Champrond qui offrent jusqu'à une lieue et plus de bois ou de forêts à traverser.

« Tels sont les puissants motifs que la commune de la Loupe à fait valoir auprès du directoire du département d'Eure-et-Loir quand elle lui a demandé et qu'elle a obtenu de sa justice une brigade de gendarmerie nationale qui fait sa plus grande sûreté. Tels sont aussi ceux qu'elle présente au Corps législatif pour le prier de ne pas la priver d'un établissement qui a eu lieu suivant son vœu et ses besoins, et dont les heureux effets se sont déjà fait sentir par la vigilance et les soins du brigadier et des gendarmes dont la brigade est composée. Il suffit à la commune de la Loupe d'avoir ainsi développé ses moyens pour motiver en même temps l'exclusion de la paroisse de Champrond sur un gros bourg et un chef-lieu de canton qui sous tous les rapports doit lui être préféré. Forte de la justice de sa demande, la commune de la Loupe met toute sa confiance dans celle des législateurs purs et intacts qui travaillent à consolider la liberté de la nation, elle attend de leur sagesse et de leur équité qu'ils voudront bien lui conserver l'établissement de la brigade résidant actuellement à la Loupe, et à ce moyen réformer l'erreur dans laquelle on les aurait mis si cet établissement leur avait été indiqué comme plus nécessaire dans un autre endroit. »

« Sur quoi la matière mise en délibération, lec1 SÉRIE. T. XLV.

ture prise de ladite adresse et ouï le procureur de la commune, tous les membres composant le conseil général de la commune ont déclaré l'adopter et ont remercié M. le maire d'avoir bien voulu la rédiger.

« Arrête, en conséquence, le conseil général de la commune que ladite adresse sera envoyée, sans délai, au Corps législatif et que le sieur BourdonMonfreville, député extraordinaire de la commune à Paris, sera invité d'employer ses soins et ses bons offices pour en solliciter l'effet, et ont tous les membres signé :

BRICHON, maire, LORIN, BLANCHARD,
GARNIER et LEMARCHAND, etc.,
etc., officiers municipaux.
Pour copie :

11

HUBERT, secrétaire.

Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de la Loupe, en date du 22 mai 1792.

Aujourd'hui 22 mai 1792, 5 heures de relevée. Le conseil général de la commune du Bourg et paroisse de la Loupe, district de Châteauneuf en-Thimerais, département d'Eure-et-Loir, assemblé au lieu ordinaire, assuré qu'on va transférer à Champrond-en-Gastine, sous le district de Nogent-le-Rotrou, la brigade de gendarmerie nationale qui réside en ce bourg.

Considérant: 1° que le bourg de la Loupe est un endroit considérable traversé par plusieurs grandes routes; qu'il s'y tient chaque semaine un marché le plus considérable du pays et quatre foires par an qui y attirent une foule d'étrangers; 2° Que la municipalité n'a maintenu l'ordre avant la résidence d'une brigade de gendarmerie à la Loupe qu'en employant journellement les gardes nationaux qui n'ont cessé de faire le service dans l'espoir qu'ils seraient secondés par cette brigade;

3° Que le bourg de la Loupe étant avoisiné par les forêts nationales de Senonches, Montecor et la Grande-Maison et dévastées par des gens du pays, il est impossible d'empêcher ce désordre sans une brigade de gendarmerie nationale à la Loupe, ce qui est prouvé par ce qui s'y est passé depuis qu'elle y réside;

4° Que l'établissement d'une brigade de gendarmerie nationale à Champrond n'est que l'effet de la surprise qui a été faite au comité militaire, parce que Champrond est une bourgade, de sorte que le motif du courrier aux lettres qui y passe est illusoire parce que l'embranchement de route qui se rend de Courville à Nogent-le-Rotrou n'est pas plus longue que l'embranchement de Champrond; que cet embranchement doit être supprimé; que le voyageur venant de Courville à la Loupe peut, de ce dernier endroit, se porter facilement à Bellesme, Mortagne, Verneuil et Châteauneuf, par les grandes routes qui communiquent à ces différents endroits, tandis que de Courville à Nogent par Champrond le voyageur n'a pas ces facultés et manque le plus souvent du nécessaire;

5° Considérant qu'en supprimant l'embranchement de route de Courville à Nogent-le-Rotrou, la nation gagne l'entretien de 8 lieues de route; qu'en la route de Châteauneuf à Angers, l'embranchement par les Murgerde, la nation gagnera encore 2 lieues et demie de route et la

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