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cet égard je rappellerai à l'Assemblée qu'elle a accueilli avec transport la proposition qui lui a été faite de décréter que ces instituteurs publics seraient considérés comme fonctionnaires publics. Or, y a-t-il un moyen plus propre de les faire jouir de ce caractère de magistrature que de leur confier la fonction essentielle, la commission vraiment civile, de constater les naissances, mariages et décès?

M. Ducastel. On doit convenir et on convient de ce premier point, c'est que ces officiers municipaux seront préférables, si en tous lieux ils sont capables d'exécuter la loi. On doit encore convenir d'un autre point, c'est que, si le mode est simple, les officiers municipaux en seront capables; et que, si le mode est compliqué, ils n'en seront pas capables, surtout dans les municipalités rurales. Il s'agit donc de voir si le mode que l'on vous propose sera assez simple. Mais, enfin, si vous ne nommiez pas ces officiers municipaux, il faudrait nécessairement prendre un autre individu. Or, en prenant un individu, il y a cet inconvénient considérable à craindre: c'est qu'il peut s'absenter, c'est qu'il peut être malade; c'est qu'il faut le suppléer, et par les officiers municipaux. Or, si dans ce cas les officiers municipaux peuvent le suppléer, ils peuvent donc en être capables.

D'ailleurs, une réflexion me paraît tranchante. On donnera des modèles à la municipalité, des extraits tout rédigés. L'officier municipal n'aura que sa signature à mettre.

Les instituteurs encore seront une ressource; ils se trouveront dans les paroisses; ils deviendront alors scribes; ils le sont déjà dans leurs paroisses. Les officiers municipaux s'en servent: les maîtres d'école même pourront aussi les suppléer; et quoiqu'on puisse prétendre que dans des paroisses il y a des officiers municipaux absolument ignares, cependant ils sont chargés de fonctions très importantes, de lois difficiles à entendre. Il est possible véritablement qu'ils fassent des fautes; mais il sera possible d'y suppléer, et bientôt on apprendra, au moyen des modèles, à constater les naissances, mariages et décès.

M. Hérault de Séchelles. L'opinion est généralement fixée. On ne peut pas s'empêcher de reconnaître que, suivant tous les principes, le droit de constater l'état des citoyens doit appartenir aux officiers municipaux. On a observé que dans quelques communes les officiers municipaux ne devaient pas pouvoir déléguer: on a levé parfaitement cette objection, en disant qu'alors ils pourraient avoir le droit de déléguer. Je demande, Messieurs, que pour ménager les moments de l'Assemblée, elle se borne à décréter aujourd'hui la proposition que les officiers municipaux constateront l'etat civil des citoyens, soit par eux-mêmes, soit avec le pouvoir de déléguer (Murmures.) et qu'elle renvoie les dispositions au comité de législation, pour en rapporter sous 3 jours la rédaction.

M. Clémenceau. Il faut d'abord charger les fonctionnaires qui reçoivent les actes de constater l'état civil des citoyens. Je demande que l'Assemblée décrète comme principe, à compter du jour de la publication du présent décret, que l'état civil des citoyens sera constaté par des actes reçus par des officiers civils. Voilà le premier principe à décréter

M. Ducastel. Voici ma rédaction: « Les municipalités recevront et conserveront à l'avenir

les actes de naissances, mariages et décès. » Plusieurs membres: Aux voix !

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte la rédaction de M. Ducastel qu'elle renvoie au comité de législation pour les détails.)

M. Léonard Robin. Je demande que la discussion du projet de décret pour constater l'état civil des citoyens soit quotidiennement mis à l'ordre du jour jusqu'à ce qu'il soit terminé.

(L'Assemblée adopte cette proposition.)

M. Brémontier, au nom du comité des décrets, donne lecture d'un rapport sur les causes qui ont retardé l'envoi à la sanction des deux décrets relatifs à l'amnistie des déserteurs rentrés en France depuis le commencement de la Révolution, et à l'administration forestière, rendus par l'Assemblée constituante le 28 septembre 1791; il s'exprime ainsi :

Messieurs, les deux décrets dont le ministre de la justice a envoyé la note à l'Assemblée, portent tous les deux la date du 28 septembre 1791; les expéditions de ces 2 décrets n'ont été présentés à la sanction que le 18 de ce mois. Je crois pouvoir distinguer cet objet en deux époques A la fin de la session de l'Assemblée nationale constituante, il a été impossible de suivre l'ordre qu'on aurait voulu établir. L'Assemblée nationale se rappelle, sans doute, que l'Assemblée constituante, désirant de mettre ces objets à jour, avait nommé particulièrement MM. Camus, Gaultier de Biauzat et Bouche pour signer ces décrets; ils avaient été envoyés au ministre de la justice, qui, remarquant que plusieurs d'entre eux n'étaient point revêtus de ces signatures, les envoya à l'un de ces commissaires; les reprenant ensuite pour les porter lui-même à la sanction, et sans l'intermédiaire des commissaires établis à cet effet, ordre qui a été suivi depuis l'installation de l'Assemblée nationale législative; dès lors, Messieurs, l'Assemblée nationale concevra aisément que son comité des décrets actuel ne peut être responsable de ce genre d'omission.

Vient la seconde époque. Vous avez chargé, depuis environ trois semaines, votre comité des décrets de la surveillance particulière et de la rédaction des procès-verbaux; déjà, messieurs, votre comité s'est occupé des moyens de rétablir l'ordre dans cette partie. Il existe des registres; j'en ai fait déposer un sur le bureau, qui attestera que cet ordre s'est suivi avec constance; j'ajouterai, Messieurs, qu'à l'inspection de ce registre on pourrait remarquer que les derniers décrets enregistrés portent la date du 30 avril. Mais, Messieurs, je dois observer à cet égard que le comité des décrets est obligé d'attendre l'impression et l'envoi des procès-verbaux, afin de pouvoir opérer cet enregistrement avec la régularité et l'exactitude qui est nécessaire. J'ajouterai encore une réflexion, c'est que votre comité des décrets n'a pu cependant encore mettre au placement de ces décrets l'ordre qu'il désire. J'atteste à l'Assemblée nationale, qu'au moyen de quelques secours extraordinaires que les circonstances autorisent, on pourrait facilement combler l'arriéré qui existe; ce secours extraordinaire et momentané peut se borner à 3 ou 4 commis expéditionnaires, car il serait impossible de faire la besogne courante et extraordinaire avec le même nombre de commis qui existe, et d'expédier les décrets qui sont rendus.

J'atteste à l'Assemblée nationale qu'avant 15 jours | jugements en dernier ressort, à perdre la vie, tout sera au courant. Je lui propose donc d'adopter le projet de décret suivant:

« L'Assemblée nationale autorise son comité des décrets à employer le nombre qu'il jugera convenable de commis expéditionnaires, extraordinaires, pour combler au plus tôt l'arriéré de l'expédition des décrets. »

M. Voysin de Gartempe. J'observe à l'Assemblée qu'il y a dans ses comités beaucoup de commis qui ne font rien, et il n'en coûtera pas plus à la nation de prendre ces messieurs pour faire ces expéditions. I suffit que MM. les inspecteurs de la salle fournissent au cómité des décrets le nombre de commis qui lui sera nécessaire.

M. le Président. L'Assemblée est satisfaite des explications qu'elle a entendues.

(L'Assemblée, consultée, adopte les deux propositions de M. Brémontier et de M. Voysin de Gartempe.)

Un de MM. les secrétaires annonce le don patriotique des président, administrateurs et procureur-syndic du district de Nantes, qui envoient 600 livres en assignats.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Hua, au nom du comité de législation, soumet à la discussion un projet de décret sur les lettres de grâce, de commutation de peines et sur l'exécution des jugements criminels; ce projet de décret est ainsi conçu (1):

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Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, considérant que l'usage des lettres de grâce n'est aboli que pour les crimes poursuivis par voie de jurés, qu'il doit être encore suivi pour toutes les procédures dont les formes moins prévoyantes ont pu compromettre l'innocence et égarer la justice, qu'il est important que ceux qui sont dans le cas de les obtenir ne languissent pas plus longtemps dans l'attente d'un secours que l'humanité leur réserve;

Considérant aussi que ceux des condamnés qui ont mérité la peine de mort et dont les jugements sont antérieurs à la promulgation des nouvelles lois, ne doivent pourtant la subir que par le mode d'exécution qui rend la punition aussi exemplaire pour la société, mais moins rigoureuse pour les individus, décrète qu'il y a

urgence.

Décret définitif.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :

Art. 1er. Le pouvoir exécutif continuera de délivrer des lettres de grâce, de commutation de peines, de réunion, d'abolition de procédures, de rappel des galères ou de prison perpétuelle, dans tous les cas où il les jugera nécessaires, et seulement, dans les proces instruits par les formes antérieures à l'établissement du juré.

Art. 2. Ceux qui ne seront pas dans le cas de les obtenir et qui auront été condamnés par des

(1) Voy. Archives parlementaires, 1" série, tome XLIII, séance du 28 mai 1792, page 594, le rapport de M. Hua.

seront exécutés suivant le mode déterminé par la loi du 25 mars dernier.

Art. 3. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »

M. Goujon. Messieurs (1), je combats le projet du comité de législation, et propose, pour arriver au même but, un mode qui vous paraîtra peut-être plus d'accord avec les principes de la Constitution.

On connaissait, sous l'ancien régime, quatre espèces de grâce; abolition, rémission, commutation et rappel. Votre comité les confond; moi, je les distingue. Quelques développements vont vous prouver combien cette distinction est ici nécessaire.

Les lettres d'abolition ne s'accordaient que lorsqu'il y avait peine de mort, et pour crimes irrémissibles. C'étaient de véritables lettres de grâce. L'abus de l'autorité en avait introduit l'usage, l'abus le dirigeait; et, par un étrange renversement de toutes les idées, il était reçu comme règle en grande chancellerie où ces lettres s'expédiaient, qu'il fallait moins, pour les accorder, prendre en considération les circonstances du délit que la qualité de la personne. Ainsi un homme dit de naissance, parvenait à faire effacer, par une fiction que l'aveugle préjugé soutenait, jusqu'à la mémoire de son crime, tandis que pareil crime conduisait, le même jour, celui qui n'était qu'un homme à l'échafaud ou au gibet. Ce n'est pas sans étonnement que j'ai vu reproduit dans le projet du comité l'usage des lettres d'abolition, comme encore possible. Il ne saurait l'être, sans doute, dans un gouvernement libre. La loi peut quelquefois, pour des causes importantes à l'ordre Social, accorder un pardon commun à une universalité d'individus, que des circonstances d'une force en quelque sorte majeure ont précipitamment entrainés au crime, c'est le cas de l'amnistie. Mais la loi ne pourrait, sans blesser son essence, accorder le pardon à tel ou tel coupable, et le dérober ainsi, par une exception spéciale, à la peine qu'il aurait encourue. La peine doit être égale pour tous; c'est à la loi à la prononcer; c'est aux juges institués par le peuple, et à eux seuls, qu'il appartient d'en faire l'application. Je demande donc la question préalable sur le projet en tant qu'il frappe sur les lettres

d'abolition.

Mais il est des délits matériels qui n'ont que l'apparence du délit, sans en avoir le caractère. Tel est l'homicide involontaire, l'homicide commis par nécessité d'une légitime défense. La loi ne distinguait pas; elle prononçait peine de mort. Les lettres de rémission remédiaient à ce défaut, qu'on aimait sans doute à voir exister pour entretenir dans les esprits l'idée de la toutepuissance de celui qui s'élevait, en les accordant, au-dessus de la loi. Mais depuis que la loi a repris son empire exclusif, depuis que les jurés ont à déclarer, non seulement si l'homicide a été commis, si l'accusé en est l'auteur, mais à déclarer, en outre, les circonstances qui l'ont pu rendre nécessaire ou légitime et qu'enfin dans le cas où des lettres du prince faisaient autrefois remise de la peine, le tribunal déclare aujourd'hui, au nom de la loi, le prévenu acquitté; la juste prévoyance de la législation a

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés, Collection des affaires du Temps, tome 148, no 5.

rendu pour l'avenir les lettres de rémission inutiles.

Il en est de même des lettres de commutation. Un code barbare exigeait cet adoucissement; puisque le despotisme se croyait intéressé à né point réformer l'intolérable disproportion qui subsistait entre les délits et les peines. Mais aujourd'hui que la peine est graduée à raison des circonstances qui rendent le délit plus ou moins excusable, l'usage de pareilles lettres ne peut plus subsister, la loi a tout prévu, a satisfait à tout; il ne s'agit que de l'appliquer.

Cependant le nouveau code du 29 septembre 1791, ne devait, suivant son propre texte, concerner que les procès à instruire, en conséquence de ses dispositions, par voie de jurés; et par une suite indispensable, le remède qu'apportait à l'abus des anciennes formes et à la rigueur des lois anciennes les lettres de grâce dont je viens de parler, est demeuré nécessaire.

Mais il a dû cesser d'être réclamé du jour où les tribunaux de district purent appliquer, même aux délits poursuivis suivant les anciennes formes, les dispositions de la loi nouvelle. Les peines ainsi rendues proportionnées aux délits, plus de rémission, plus de commutation, en un mot plus de grâce. Je propose, en conséquence, par un premier article, de décréter l'usage de ces lettres aboli, à dater de la publication de la loi du mois de janvier dernier, par laquelle vous avez enjoint aux juges de districts d'appliquer les dispositions du Code pénal nouveau aux procès instruits autrement que par jurés.

Et néanmoins, comme il peut se faire qu'il y ait des jugements antérieurs à cette époque, qui réclament pour les condamnés le juste bénéfice de la rémission ou d'un adoucissement, il est juste d'examiner par qui ce secours doit être accordé.

Ou c'est un acte de la puissance souveraine, ou c'est un acte de justice. Dans l'un comme dans l'autre cas, il répugne d'en référer au pouvoir exécutif la dispensation arbitraire, je ne puis donc adhérer à l'avis de votre comité.

Remettre une peine, lorsqu'elle n'a pas été encourue, en modérer par la commutation l'excessive sévérité, c'est sans contredit une justice rigoureuse. A la loi seule appartient de déterminer le caractère auquel on reconnaîtra le crime, ainsi que la mesure de la peine à y appliquer. Un tribunal quelconque doit faire cette application.

J'ai cru que la loi actuelle n'ayant fait, sous ce double rapport, que déclarer des principes d'une éternelle justice, il convenait d'en faire la base des lettres de rémission ou de commutation que l'on pourrait avoir à accorder à l'égard des jugements antérieurs au décret du mois de janvier ; j'ai cru qu'un tribunal unique et supérieur convenait pour l'application; j'ai cru enfin que la délivrance des lettres, d'après l'acte déclaratoire de la loi, rendu par le tribunal, était le seul qui fùt du ressort du pouvoir exécutif. En conséquence, je propose pour les cas de rémission et de commutation, je propose, dis-je, le décret suivant :

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(1) Nota de l'opinant: La crainte de distraire l'attention du plan général dont les 7 articles ci-dessus présentent les bases, a fait renvoyer, lors de la premiere lecture, à la discussion définitive, dans le cas où le projet serait adopté, plusieurs articles de détails indispensables pour son exécution. Les voici :

« Art. 8. Il sera, à l'effet que dessus, sursis pendant 3 jours à l'exécution du jugement définitif. Če délai courra du moment de la notification qui sera faite dudit jugement au condamné par le greffier, qui lui déclarera, en outre, la faculté que lui réserve le présent décret.

« Art. 9. Le condamné qui voudra se pourvoir, remettra sa requête soit en rémission, soit en commutation de peine, dans le délai ci-dessus, au greffier, qui lui en délivrera sa reconnaissance. Le greffier la remet

Messieurs, je n'ai parlé, et il n'est question que des cas où la peine pourrait être remise ou commuée, et de la manière dont les lettres de rémission ou de commutation devront être expédiées. En suivant la nomenclature que nous offre le premier article du projet du comité, et toutefois sans m'arrêter à l'abolition qui s'y trouve, mais dont l'Assemblée nationale entend sans doute repousser jusqu'à l'idée, je dois appeler un moment votre attention sur les lettres de rappel de galères ou de prisons perpétuelles.

Cette espèce de grâce s'accordait, sous l'ancien régime, avec une facilité que justifiait, que commandait même en quelque sorte la rigueur d'une peine que sa durée infinie rendait souvent plus insupportable que le dernier supplice.

L'humanité et la philosophie ont rendu ce remède inutile pour l'avenir; le mal n'existe plus. Il n'existe plus de peine perpétuelle. Les fers, la gêne, la réclusion, auront un terme. Je pense que les motifs qui ont fait consacrer ce principe dans le nouveau Code pénal, doivent déterminer en faveur des malheureux condamnés avant sa promulgation aux galères ou à la prison pour toute leur vie.

Mais aussi l'intérêt de la société réclame, en permettant cet acte tout à la fois de bienfaisance et de justice, qu'il soit appliqué de manière que la sûreté générale n'en soit pas compromise.

La justice elle-même veut une gradation dans la mesure de grâce correspondante à la gradation des délits dont elle doit avoir pour objet de modérer la punition. Je n'ai pas cru, Messieurs, que ce fût ici le moment des détails dont cette mesure peut être susceptible. Il suffira du principe; si vous l'adoptez, vous en renverrez le soin à votre comité de législation. Je me contenterai donc de vous proposer, sur le rappel, l'arrêté suivant.

SECOND PROJET DE DÉCRET

Non sujet à sanction,

Sur les lettres de rappel de galères ou de prison perpétuelle.

« L'Assemblée nationale, désirant faire participer tous les Français au bienfait des lois nouvelles, et considérant que lorsque la perpétuité des peines afflictives est généralement abolie, la justice et l'humanité réclament un terme à celles de galères et de prisons prononcées d'après les lois précédemment en vigueur;

« Charge son comité de législation de lui proposer incessamment une loi qui concilie l'application du principe de la non-perpétuité des peines afflictives aux condamnés par jugements antérieurs au nouveau régime pénal, avec les mesures indispensables à la sûreté publique. » (Vifs applaudissements.)

tra au commissaire du roi, qui sera tenu de l'envoyer aussitôt, avec expedition du jugement, au ministre de la justice.

«Art. 10. Le ministre de la justice, aussitôt la réception des pièces mentionnées au précedent article, les adressera au commissaire du roi prés le tribunal de cassation, qui, à sa réquisition et sans délai quelconque, procedera a la vérification de la demande.

« Art. 11. Le tribunal pourra, en s'adressant au ministre de la justice, et non autrement, se faire apporter les pièces du procès, toutes les fois qu'il le jugera nëcessaire. »

Un membre: J'appuie le projet de décret présenté par M. Goujon et j'en demande l'impression ainsi que celle du discours qu'il a prononcé. Je demande, en outre, l'ajournement de cette question.

(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Goujon et prononce l'ajournement de la discussion.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, par laquelle il rend compte des troupes et forces effectives qui se trouvent actuellement dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, Elles sont de 46,195 hommes.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)

M. le Président. M. Guyton-Morveau, rapporteur de la commission extraordinaire des Douze, demande la parole pour un décret urgent.

(L'Assemblée décide qu'il sera entendu à l'instant.)

M. Guyton-Morveau, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport et présente deux projets de décret tendant à mander les ministres pour leur faire rendre compte des mesures que le roi a dû prendre, sous leur responsabilité individuelle, pour la sûreté de l'Empire; il s'exprime ainsi :

Messieurs, votre commission extraordinaire des Douze n'a pas perdu un moment à s'occuper des objets importants que vous avez renvoyés à son examen. Son travail n'est pas assez avancé pour qu'elle puisse vous présenter le rapport qu'elle doit faire, relativement aux diverses mesures que les circonstances présentes exigent; mais il est une mesure en quelque sorte préparatoire, que votre commission croit devoir vous proposer surle-champ, et qui produira le double effet, et de donner à la commission des bases pour diriger son travail, et de donner à la France entière des preuves de la confiance et de la fermeté avec laquelle elle va s'occuper des moyens de rétablir l'ordre et de raffermir la liberté. Il s'agit d'appeler les ministres, et de leur ordonner à tous, en présence de tous, comme formant le censeil du roi, de vous rendre compte des mesures que le roi a dû prendre, sous la responsabilité individuelle de chacun d'eux. pour la sûreté de l'Empire. Voici les deux décrets qu'elle vous propose :

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« Le roi est chargé, par la Constitution, de veiller à la sûreté générale de l'Etat l'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte par écrit, à sa séance de demain, des mesures qui ont été prises pour y pourvoir.

(L'Assemblée adopte successivement ces deux projets de décret.)

M. Lafon-Ladebat, au nom du comité de l'ordinaire des finances propose, en conséquence des observations soumises à l'Assemblée par le ministre de l'intérieur (1), de rapporter le décret qui fixe le traitement des premiers commis des bureaux des ministères à 8,000 livres (2), et de porter ce traitement à la somme de 10,000 livres.

M. Lamarque. Vous avez, par un premier décret, réduit le traitement des ministres à 50,000 livres, et c'est à l'époque où la France voyait pour la première fois, depuis la Révolution, des ministres patriotes, que vous avez prononcé ce décret. Ainsi, Messieurs, ce ne sont pas les intérêts individuels, mais la chose publique que vous avez considérée. Tels doivent être et tels seront toujours les motifs et la marche invariable des vrais représentants de la nation.

Cependant, quelque sage que soit cette réduction, qui, à mes yeux, n'est pas encore assez forte, quelques personnes, de celles-là même dont l'opinion n'est nullement suspecte, ont paru s'en alarmer. Je demanderai, par quels signes, par quels caractères de représentation extérieure les fonctionnaires publics, et notamment les ministres, doivent s'annoncer? Est-ce par la somptuosité de leur table, où une foule de parasites viendraient chaque jour se corrompre et s'avilir? Est-ce par la magnificence de leur mobilier ou par la richesse de leurs équipages? Non, Messieurs... Que les ministres se fassent connaître par la fermeté de leur administration, par la loyauté de leur conduite, par la pureté de leurs mœurs; qu'ils gardent constamment ces caractères sacrés, et sans s'enquérir quel est leur traitement, quel est le nombre de leurs valets, l'Europe entière s'apercevra qu'ils représentent dignement la nation française.

Ceci s'applique parfaitement aux chefs de bureau et à tous les citoyens salariés des deniers publics.

Le ministre de l'intérieur et votre comité des finances, d'accord avec lui, demandent le rapport du décret qui a fixé à 8,000 livres le maximum du traitement des premiers commis. L'un et l'autre désirent que ce traitement soit porté à une somme beaucoup plus forte.

Je demanderai pourquoi chez un peuple libre qui a donné pour base à la Constitution, l'égalité des droits, égalité qui ne peut se soutenir que par une tendance continuelle vers le rapprochement des fortunes, je demanderai pourquoi l'on veut que tel agent ait le traitement du riche, pendant que tel autre, qui souvent aura à remplir de plus importantes ou de plus pénibles fonctions, sera réduit à un modique salaire? Ne craint-on pas de voir renaître et con

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 2 juin 1792 au matin, page 479 la proposition de M. le ministre de l'intérieur tendant à porter à 10,000 livres, le maximum du traitement des premiers commis des bureaux du ministère.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 1er juin 1792, page 444, le décret fixant à 8,000 livres, le maximum du traitement des premiers commis des bureaux du ministère.

traster avec nos lois ce funeste état social, où plusieurs citoyens pouvaient étaler le luxe le plus dangereux, où ils avaient la faculté d'employer mille moyens de séduction, pendant que le plus grand nombre n'avait pas même de quoi subsister?

Arrêtons-nous un moment sur ces bases essentielles de l'administration publique, et partons du principe sur lequel elles reposent, pour traiter la question qui se présente en ce moment. 8,000 livres, a-t-on dit, ne suffisent pas pour le traitement des premiers commis des mínistres voilà ce qu'il faut examiner.

On objecte, en premier lieu, qu'un père de famille qui remplírait cette place, subsisterait très difficilement avec cette somme, dans une ville aussi considérable que Paris, et que, pour qu'il remplisse dignement ses devoirs, il faut qu'il soit au-dessus des besoins.

Cette objection, pure sans doute, dans les motifs de ceux qui la présentent, offre en elle-même un caractère bien frappant d'injustice et de partialité. En effet, nous savons tous qu'un très grand nombre de fonctionnaires publics, attachés au département et à la ville de Paris, sont aussi des pères de famille, et que la loi ne leur accorde que des traitements de beaucoup inférieurs à celui de 8,000 livres.

Cependant on a voulu que les fonctionnaires ne fussent pas avilis; on a donc pensé qu'un citoyen honnête pouvait vivre dans l'indépendance avec une somme moins forte que ce maximum de 8,000 livres que votre comité des finances ne trouve pas assez fort. Et ici se présente une alternative qui, selon moi, suffirait seule pour lever toutes les difficultés.

Les agents dont il est question seront pris dans la classe des citoyens riches, ou bien on les choisira parmi les citoyens peu fortunés.

Dans le premier cas, quel est l'homme qui, vivant déjà dans l'aisance, et trouvant l'occasion de servir son pays, oserait dire ou penser que le traitement de 8,000 livres, qui lui est offert pour l'indemnité de son travail, n'est pas assez fort?

Je n'hésite pas à prononcer hautement, et sans doute vous penserez tous comme moi, que celui qui se conduirait ainsi, serait indigne de la confiance des ministres, bien plus encore de la confiance publique. Quant à moi, je ne voudrais d'un tel homme ni pour mon voisin ni pour mon ami.

Dans le second cas, je veux dire si les premiers commis sont élus dans une classe moins favorisée de la fortune, il est incontestable qu'il se trouvera une foule de citoyens instruits qui, livrés à l'étude depuis leur enfance, accoutumés à une vie sage et laborieuse, se croiront riches avec ce traitement et serviront utilement la chose publique, parce qu'ils n'auront été corrompus ni par l'orgueil des titres, ni par l'insolence des richesses.

Voyez, en effet, voyez comment chaque jour la défense de la liberté est lâchement abandonnée par les riches, par les ci-devant nobles, qui n'avaient pris le masque du patriotisme que pour nous tromper, et soyez, d'après cela, bien convaincus que ce n'est pas dans cette classe, mais seulement parmi les citoyens qu'on ose appeler dédaigneusement le peuple, c'est parmi ceux qui ne se croient que leurs égaux, qu'on trouvera des âmes pures, des âmes ardentes, véritablement dignes de la liberté.

Mais vous oubliez, me dira-t-on, que les pre

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