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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du vendredi 22 juin 1792, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS.

La séance est ouverte à dix heures.

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1° Les employés au bureau de liquidation envoient 116 assignats de 5 livres, donnant un total de 580 livres, et 2 coupons de caisse de 3 livres.

2o Le sieur Lebroc, sergent-major de la 1re compagnie du 1er bataillon de l'Yonne, offre 20 livres en assignats et 10 livres par jour sur sa paye.

3o Les juges, commissaire du roi et greffier du tribunal du district de Saint-Lo, département de la Manche, s'obligent, par leur délibération du 15 juin, de payer, dans le mois, 650 livres.

4° Les siours Gumiot, Digey, Ligoret, Guyan et Florent Guyan, juges du tribunal du district de Semur-en-Auxois, et Simon, suppléant, s'obligent, conjointement avec le sieur Belin, greffier, de payer, savoir: les juges, le neuvième de leur traitement et le greffier, le sixième de son traitement.

5. La demoiselle Roussel-Vangen offre 40 livres en assignats.

6o Les citoyens volontaires nationaux des HautesPyrénées, cantonnés dans le district du Gard, offrent un jour de leur paye en argent, pendant la durée de la guerre, suivant la lettre du sieur Medrano, lieutenant-colonel, écrite le 26 mai 1792.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des 2 lettres suivantes :

1° Lettre des administrateurs du directoire du département de Rhône-et-Loire du 16 juin 1792, relative à une proclamation du roi, qui a cassé un arrêté dont l'objet était de sequestrer une somme de 300 livres au profit de la commune de Lyon ou de la Nation.

(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de législation et de l'extraordinaire des finances réunis.)

2o Lettre de M. Gaspard Toustaint, qui se plaint de la violation qu'on a faite de son domicile et de ce qu'il est menacé d'être arrêté.

(L'Assemblée renvoie la lettre au Pouvoir exécutif.)

M. Rühl. Nous n'avons que 8,000 hommes dans le département du Bas-Rhin, tandis qu'il y plus de 30,000 Autrichiens aux environs. Vous pouvez être assurés que de ce côté vous serez attaqués en très peu de temps. On tâche de fixer vos regards sur le Nord, tandis que vous devriez les fixer sur le Rhin. Je vous préviens, Messieurs, que l'on peut passer le Rhin très promptement malgré les garnisons qui sont là. Je vous prie donc de charger le Pouvoir exécutif de renforcer les garnisons de ce côté.

M. Delacroix. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, séance

tenante, de la situation du département du HautRhin. (Applaudissements des tribunes.) Je propose que ces troupes soient augmentées des troupes soldées qui sont à Paris (Bravo! Applaudissements des tribunes), et je demande l'ajournement de ma dernière proposition à l'heure de midi.

M. Goupilleau. Je renouvelle la proposition que j'ai déjà faite pour la recomposition des gardes françaises.

M. Bréard. J'appuie la motion de M. Delacroix, avec une addition néanmoins, c'est que ce compte rendu du ministre de la guerre soit fait par écrit.

M. Thuriot. Les généraux se plaignent de ce que leurs armées ne sont pas assez nombreuses; du côté de Strasbourg il n'y a pas de troupes suffisantes. Les troupes de ligne, qui sont à Paris, ne peuvent être déplacées sans un décret du Corps législatif: il faut donc rendre au Pouvoir exécutif la liberté que nous lui avons ôtée et il faut l'autoriser à disposer des régiments, qui sont à Paris, pour les envoyer aux frontières.

M. Merlet. Je crois que le Corps législatif doit se borner à donner au Pouvoir exécutif la faculté de disposer des régiments qui sont à Paris, sans se mêler d'en fixer la destination; je crois qu'il faut laisser, à ce sujet, au Pouvoir exécutif toute la latitude de pouvoir qui lui est assurée par la Constitution. Je demande, enfin, que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, séance tenante et par écrit, de l'état de nos forces dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, en distinguant celles qui sont en garnison et celles qui sont campées.

Plusieurs membres : L'Assemblée n'est pas assez nombreuse encore pour prendre une détermination, nous demandons que la discussion soit renvoyée à un autre moment.

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer et renvoie l'observation de M. Rühl au Pouvoir exécutif, en le chargeant d'en rendre compte dans la journée) (1).

M. Delaunay (d'Angers), secrétaire, donne lecture des décrets sanctionnés le 19 juin 1792 : Décret du 19 juin 1792, portant établissement d'une direction pour la fabrication des assignats;

Décret du 28 septembre 1791, portant que la désertion, depuis le commencement de la Révolution, est comprise dans l'amnistie;

Décret du 28 septembre 1791, qui charge l'administration forestière de la régie des forêts affectées aux salines.

M. Delacroix. Je demande que le comité des décrets soit chargé de vérifier la date à laquelle ce décret du 28 septembre 1791 a été présenté à lajsanction et de voir si le Pouvoir exécutif, violant la Constitution, a voulu étendre l'amnistie à tous les officiers déserteurs, qui sont rentrés en France, en ne sanctionnant ce décret que le 19 juin.

M. Delaunay (d'Angers), secrétaire. Le ministre de la justice observe, en note, que ce décret n'a été présenté à la sanction que le 18 de ce mois.

M. Delacroix. Dans ce cas, je demande que le comité rende compte, séance tenante, des motifs qui ont retardé la présentation du décret à la sauction.

(1) Voy. ci-après, même séance, page 471, le compte rendu écrit de M. le ministre de la guerre.

M. Thuriot. Je demande que le comité vérifie aussi la date de présentation de tous les décrets et de leur sanction ou du refus. Il faut que le Pouvoir exécutif fasse son devoir comme nous.

Un membre: Il y a au comité des décrets un registre très en règle sur lequel on peut vérifier où l'on est à cet égard.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Delacroix) (1).

Un membre demande que le comité de législation fasse son rapport, dans 3 jours, sur la cumulation des fonctions publiques exercées par le même citoyen.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Une députation des citoyens de la section de l'Oratoire est admise à la barre.

L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (2) :

Législateurs,

« La section de l'Oratoire vient déposer sur l'autel de la patrie le don des citoyens qui la composent. Elle a recueilli 9,495 1. 2 s. dont 121 1. 1 s. en argent, pour être employé aux frais de la guerre.

« Vous entendrez, sans doute, avec intérêt, qu'une citoyenne nommée Petit, logée au 7 étage, découvrant une serviette, qui cachait un reste de pain desséché, dit à nos commismissaires J'en ai encore assez pour aujourd'hui, voici un billet de 15 sols oui, c'est le seul que je possède, je le donne à la patrie, recevez-le; sans quoi, je ne serais pas satisfaite. »

:

:

« Une autre, donnant un billet de 40 livres, leur dit « Je vous attendais, voici tout ce que je possède, mais si vous avez encore besoin, je vendrai mon grabat, et je saurai coucher sur paille. »

« Si la section de l'Oratoire trouve au milieu d'elle de si bons citoyens, que ne devez-vous pas attendre de 24 millions de Français, dont les fortunes et l'existence sont à la patrie?

"

Législateurs, vous jouissez de notre confiance, de notre amour, parlez; s'il faut combattre, le dernier d'entre nous volera à la défense de la patrie, et s'il faut mourir, nous saurons mourir. »

« Signé : DELAPLANCHE, BONHOMME, VACHETTE, MARTIN, PAYEN, HUBERT, VABOIS, etc..... >>

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: Je demande l'impression de l'adresse, la mention honorable au procèsverbal et l'envoi aux 83 départements!

(L'Assemblée, après avoir accepté cette offrande avec les plus vifs applaudissements, en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs, puis décrète l'impression de l'adresse et son envoi aux 83 départements.)

M. Gossuin donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens de Vauvert, district de Nimes, département du Gard, qui, voyant que la ville de

(1) Voy. ci-après, même séance, page 468, le rapport de M. Brémontier au nom du comité des décrets.

(2) Archives nationales. Carton 132, dossier n° 270.

Paris a envoyé beaucoup de troupes aux frontières, prient l'Assemblée d'autoriser les 83 départements à envoyer chacun 250 volontaires pour le maintien de la Constitution et pour partager avec la garde nationale parisienne les fatigues du service. Il demande la mention honorable.)

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens de Metz, qui dénoncent l'incivisme du directeur de l'arsenal de cette ville et le danger de lui confier plus longtemps un poste aussi important. Cette adresse est ainsi conçue :

. Législateurs,

« Dans les circonstances où la France se trouve, rien n'est plus essentiel que la fidélité et le patriotisme des fonctionnaires publics; c'est surtout dans une ville frontière au sort de laquelle tient peut-être le salut de l'Empire, qu'il faut être assuré des principes des chefs militaires. Il n'en est aucun dont le genre de commandement influe autant sur la conservation de la place, que le directeur de l'arsenal. Si donc un directeur de l'arsenal avait hautement manifesté des principes contraires à la Constitution; s'il avait toujours été suspect aux citoyens et aux soldats; s'il avait été dénoncé avec fondement par cette partie de la force publique qui est plus immédiatement sous ses ordres; s'il avait négligé avec affectation ou à dessein, les ouvrages les plus essentiels aux fortifications; s'il avait employé les ouvriers à des ouvrages moins utiles et peut-être frivoles et étrangers à sa direction; s'il retardait le départ des courriers d'artillerie pour l'armée, sous prétexte que le nombre des chevaux destinés à son transport était insuffisant, et que néanmoins il en emploie à chaque pièce un nombre plus considérable que celui usité jusqu'à ce jour; s'il avait un fils dans le camp des émigrés, sans avoir lui-même le civisme de Brutus; si, au contraire, ses sentiments inconstitutionnels, qu'il ne prendrait jamais la peine de dissimuler, avaient éveillé la crainte la plus vive dans l'âme de tous ceux qui aiment la liberté et qui connaissent les plans que les ennemis ont formés sur cette ville, il serait du devoir des bons citoyens de déclarer qu'un tel homme n'a jamais eu et ne mérite pas la confiance, et de demander son changement et son remplacement par un directeur plus disposé à remplir ses sèrments, et à garder les postes qui lui sont confiés, et il serait du devoir de l'Assemblée nationale de leur accorder promptement l'objet de leur demande.

« Cet homme, Messieurs, est M. Derissan. Nous ne croyons pas la place et l'arsenal en sûreté, tant qu'il y aura quelque commandement. Si la Révolution est faite ailleurs que dans les choses, les preuves de patriotisme doivent seules donner des titres aux places, et nous ne connaissons M. Derissan que par son incivisme. Si nous avions dénoncé le lâche et traître Bouillé avant son évasion, nous aurions rendu un grand service à la patrie. Nous le pouvions, car il nous était suspect comme le sieur Derissan. Si les officiers du sixième régiment d'artillerie et ceux de Royal-Allemand, qui ont déserté honteusement les drapeaux de la nation et volé son argent, étaient encore dans nos murs, nous demanderions leur renvoi, et nous rendrions encore

un grand service à la patrie, car ils seraient plus dangereux à Metz qu'à Coblentz.

"Législateurs, avec un peu de réflexion, on sent qu'il faut se défier de la bonne foi de tous les patriciens, et surtout ne jamais confier la défense des places à ceux qui, depuis la Révolution, ont signalé leur amour pour l'ancien régime. Songez qu'il n'est plus temps d'apporter des preuves et de provoquer les jugements contre les traîtres, lorsque les places sont livrées et les Empires détruits.

Nous demandons formellement que M. Derissan, directeur de l'arsenal, soit remplacé par un officier patriote. Si ce dernier n'est point mal intentionné, ainsi que nous le pensons, qu'il fasse le sacrifice de sa place à la tranquillité des citoyens de Metz, et qu'il ne s'obstine pas à répandre ici des terreurs que l'utilité de ses services ne saurait jamais balancer.

<< A Metz, le 13 juin, l'an IVe de la liberté.

(Suit un grand nombre de signatures.) M. Duhem. J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée qu'il s'est élevé des plaintes contre un chirurgien-major employé à Strasbourg. Le directeur des hôpitaux met toute la lenteur possible dans la préparation des remèdes dont nos frères ont besoin. Je demande que le ministre soit directement responsable de tous les agents subalternes qu'il est obligé de faire marcher droit. Tous les jours un ministre vient vous dire : j'ai donné des ordres; et lorsqu'un ministre patriote écrit à un général pour lui dénoncer les fautes des subalternes, on dénonce le ministre patriote. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte de tous les détails qui se passent dans l'armée.

Un membre: Je demande qu'on ne s'écarte pas de la question, et qu'on renvoie la lettre dont il s'agit au pouvoir exécutif.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au pouvoir exécutif, pour en rendre compte dans le plus bref délai.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens d'Arras, par laquelle ils témoignent leurs regrets de ne plus voir au ministère les 3 ministres, Clavière, Servan et Roland, que le roi a remerciés au moment où l'on commençait à sentir les bons effets de l'harmonie qui existait entre le pouvoir exécutif et l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements des tribunes.) Ils émettent le vœu que l'Assemblée adopte les mesures qui lui ont été proposées il y a quelques mois par M. Isnard, et annoncent que, dès que les législateurs le voudront, la nation se lèvera tout entière et prendra l'attitude imposante qui convient à un peuple libre. (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres : La mention honorable!
D'autres membres : L'ordre du jour !

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

M. Forfait, au nom du comité de marine, soumet à la discussion un projet de décret sur les découvertes de M. Demandres, curé de Donneley; ce projet de décret est ainsi conçu (1):

« L'Assemblée nationale, considérant les bons

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLII, seance du 3 mai 1792, page 723, le rapport de M. Forfait, et tome XLIV, seance du 2 juin 1792, page 703, la lettre de M. Demandres, demandant qu'il soit statué sur sa pétition.

1re SÉRIE. T. XLV.

et utiles services rendus à l'Etat par le sieur Demandres, curé de Donneley, département de la Meurthe, et les décrets de l'Assemblée nationale constituante, d'après lesquels ce mécanicien a fait de grandes dépenses pour constater l'utilité de ses découvertes; considérant les épreuves dispendieuses qu'il a faites en différents temps dans les grands ports, par ordre des ministres, et sans indemnité; considérant enfin les avantages qui résultent pour la navigation de la haute et basse Marne, des travaux que ledit sieur Demandres y a faits, et qui sont constatés par les témoignages et la reconnaissance des administrateurs de ce département: après avoir entendu le rapport de ses comités de marine, de liquidation et des secours publics, décrète ce qui suit :

« Art. 1er. Pour indemnité des travaux et des voyages que le sieur Demandres a faits en diverses circonstances par ordre du gouvernement, il recevra une pension viagère de 3,000 livres sur les fonds destinés à l'encouragement des

arts.

« Art. 2. La proposition faite par ce mécanicien de se rendre entrepreneur des travaux publics, où il établira le mécanisme qu'il a imaginé, est renvoyée au pouvoir exécutif, pour être acceptée s'il y a lieu, et servir au sieur Demandres de dédommagement pour les frais et les expériences qu'il a faits sans réquisition, et pour l'abandon par lui fait à la nation du privilège exclusif qui lui avait été donné par le roi le 30 septembre 1791. »

Un membre: Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité de la marine : ce n'est point à l'Assemblée à statuer sur de pareilles indemnités.

M. Quatremère-Quincy. Aux termes de la Constitution, c'est au pouvoir exécutif à faire dresser la liste des pensions et à statuer sur les indemnités réclamées. Ce serait violer la Constitution que d'accorder nous-mêmes ce que sollicite M. Demandres, sans avoir un garant res ponsable. Si ce prêtre, par ses travaux, mérite une pension, il doit se retirer auprès du pouvoir exécutif, pour être classé au nombre de ceux que le roi doit désigner chaque année au Corps législatif devoir en mériter. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.

Un membre: L'Assemblée ne saurait oublier tous les travaux et services utiles rendus à la patrie par M. Demandres et l'état de dénuement dans lequel il se trouve pour avoir fait tous ces travaux à ses frais et sous la foi qu'ils lui seraient payés par le gouvernement. J'appuie le projet de décret du comité de la marine.

Un autre membre: Sans méconnaître la vérité et tout en rendant justice à la réalité des travaux et du génie de M. Demandres, je demande que la pension soit réduite à 2,000 livres.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres : La question préalable! (L'Assemblée, consultée, repousse la question préalable.)

D'autres membres: Nous demandons la priorité pour le renvoi au pouvoir exécutif!

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de renvoyer au pouvoir exécutif, puis l'adopte.) Suit le texte définitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale renvoie au pouvoir exécutif la demande du sieur Demandres, pour

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"Représentants de la nation,

« Nous n'avons pu résister au désir de vous offrir notre hommage.

• La municipalité de Beauvais nous envoie, pour ramener, sous notre escorte, 4 pièces de canon, que la commune destine à repousser les ennemis de la patrie.

« Un négociant de Bulles, M. Caron, a donné 1,200 livres pour en fabriquer un cinquième; les citoyens et citoyennes de Beauvais se sont empressés de fournir le surplus, car nous voulons tous la liberté.

« Nous avons nommé celui-ci, l'Ami de la Constitution.

« Soyez sûrs qu'avec eux et nos piques, nous rendrons bon compte des amateurs des deux Chambres, et de tous ceux qui voudraient porter atteinte à cette Constitution que nous avons juré de maintenir.

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« Deux orages menacent la France; l'un éclate déjà sur nos frontières, l'autre se forme sourdement au milieu de nous.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome I, no 49.

(2) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Pétitions, tome I, n° 50.

"

Quelques-uns de nos frères d'armes ont été affronter le premier; nous qui voulons aussi combattre, nous bravons ici le second.

« A cette première offrande de leurs bras, et surtout de leurs cœurs à la patrie, les citoyens de la section des Enfants-Rouges joignent celle d'une somme bien modique sans doute; elle eut été plus considérable si le riche eût donné son or avec autant de générosité que la veuve a mis d'empressement à nous apporter son denier. Que nous importe cependant? N'avons-nous pas du fer à vous offrir de l'or? pour

Un étranger disait à Agésilas: « Où fixez<< vous les bornes de la Laconie?» Au bout de nos piques, répondit le Lacédémonien. Et le peuple français aussi, puisque les despotes l'y forcent, ne fixera pas d'autres bornes à l'empire de la liberté.

--

« Nous déposons sur le bureau la somme de 1,1151. 17 s. (Vifs applaudissements. L'orateur dépose sur le bureau 41 l. 12 s. en espèces et 1,074 l. 5 s. en assignats.)

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: Je demande la mention honorable et l'insertion de l'adresse au procès-verbal.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse et son insertion au procès-verbal.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. de Chambonas, ministre des affaires étrangères, datée du 22 juin 1792, relative à l'admission dans nos armées d'officiers étrangers.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire, avec ordre d'en faire le rapport sous trois jours.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.

M. Vincens-Plauchut déclare qu'il attendra pour présenter ses vues que l'Assemblée ait accordé la priorité à un des projets de décret présentés.

M. Delacroix. Je fais une motion d'ordre : c'est d'accorder la priorité à l'un des projets de décret présentés et de le discuter ensuite article par article.

M. Ducastel. Comme vous avez entendu des discours étendus sur cette matière et que les opinions de l'Assemblée me paraissent fixées sur les principes, je demande d'abord que la discussion soit fermée. En second lieu, je propose de substituer à la motion de M. Delacroix la motion suivante. La Constitution vous a chargés également de désigner les officiers qui recevraient et conserveraient les actes relatifs à l'état civil des citoyens. Quel sera ce mode? quels seront ces officiers? Voilà, Messieurs, les deux questions; mais la première dépend de la seconde. Il faut nécessairement que vous déterminiez quels seront les officiers; il faut que la discussion se borne à ce premier point: car il est impossible de vous présenter un mode que l'on ne parle de la supposition qu'il y a tels ou tels officiers. J'ai étudié cette matière, et je crois que ceux qui l'auront étudiée également sont d'accord qu'il est impossible que vous

(1) Voy. ci-dessus, scance du mardi 19 juin 1792, au matin, page 379, la discussion à ce sujet.

décrétiez 4 articles de suite avant que vous n'ayez déterminé quels seront les officiers.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Ducastel.)

M. Jollivet et M. Masuyer (1) combattent le projet du comité de législation, en ce qu'il attribue la fonction de tenir les registres des naissances, mariages et baptêmes aux municipalités. Le premier demande que le soin de constater l'état civil des citoyens soit confié aux juges de paix, le second aux notaires.

M. Lagrévol. La question qu'il s'agit de discuter est celle-ci : A qui accorderons-nous les fonctions de constater l'état civil des citoyens? On a proposé d'accorder ces droits aux juges de paix cette mesure ne me paraît point adoptable en ce que les juges de paix, surchargés de fonctions indispensables et pressantes, se trouveront souvent empêchés dans l'exercice des fonctions qu'il est question de leur attribuer, et dans le nombre desquelles il en est qu'il est indispensable de remplir à l'heure même. Sous ce rapport je crois donc qu'il serait inconvenant de charger les juges de paix de constater les naissances, mariages et décès des citoyens.

Sera ce aux notaires que vous les déléguerez? L'établissement des notaires n'est pas encore assez certain. D'ailleurs, il est des cantons où la position des notaires ferait courir aux citoyens les mêmes inconvénients que les juges de paix par leur éloignement. Je crois donc que les notaires ne valent pas mieux que les juges de paix.

Venons aux instituteurs. Si l'Assemblée eût décrété les bases relatives aux instituteurs, cette mesure peut-être alors pourrait convenir; mais décréter que les instituteurs seront chargés de ces fonctions avant que les instituteurs soient établis, c'est arriver de la conséquence au principe. Maintenant, pour constater l'état civil, il ne vous reste plus que les municipalités qui, sous tous les rapports, paraissent les seules à qui vous puissiez confier ce soin.

D'abord elles sont élues par le peuple; elles le représentent et font fonction de corps administratif. En second lieu, les municipalités sont sur les lieux et sont plus à portée de faire les actes qui exigent la plus grande célérité. Il n'y aurait, Messieurs, qu'un inconvénient à prévoir, c'est que beaucoup de municipalités ne sont pas capables de constater l'état civil. Eh bien, si l'inconvénient peut être levé, alors les municipalités peuvent et doivent être chargées de cette fonction. Je dis que l'inconvénient peut être levé en laissant aux municipalités le droit de choisir celui qui devra recevoir ces actes. Le principe posé, on demande qui le payera. Par qui doit-il être payé? Il faut qu'il le soit par la nation. Sur quoi doit être prise cette somme? Moi, je crois qu'elle doit être prise en diminution du traitement des curés. (Murmures à droite.) Sous l'ancien régime les curés avaient un double traitement; l'un légitime, l'autre usurpé. Le légitime était la portion congrue qui était de 700 livres et qui leur était payée par les ci-devant privilégiés; l'usurpé qui était le casuel. L'Assemblée constituante a cru devoir ne plus laisser subsister cette espèce de bénéfice que Messieurs les curés prenaient sur les naissances, mariages et décès. En conséquence, l'Assemblée constituante a augmenté la

(1) Voy. ci-après, aux annexes de la séance, page 473, un travail de M. Masuyer sur cette question.

portion congrue de Messieurs les curés et l'a fixée, sous la dénomination de traitement, à la somme de 1,200 livres. L'Assemblée nationale, en leur ôtant la peine de constater l'état civil, doit prendre dans le traitement donné à ces prêtres de quoi payer ceux qui, à leur place, seront chargés de constater l'état civil des citoyens. Voilà, Messieurs, l'opinion que je soutiendrai formellement et, quant à présent, je me borne à ce que l'Assemblée décrète en principe que les actes seront constatés par les municipalités ou par leurs cotnmettants, soit qu'ils soient pris dans leur sein ou hors de leur sein.

M. Reboul. Messieurs, on demande la priorité pour le projet de faire constater les naissances, mariages et décès par les officiers municipaux, ou par les préposés des officiers municipaux. C'est cette proposition que je vais combattre.

Quels sont les avantages que vous devez chercher dans le mode que vous choisirez pour constater les naissances, mariages et décès? 1° Que les naissances, mariages et décès soient constatés d'une manière telle qu'il ne puisse s'introduire d'erreurs propres à rendre inutile la mesure que vous auriez prise; 2° que les hommes chargés des registres soient capables d'en tirer avantage pour la société; qu'ils soient suffisamment instruits. Il est assez généralement connu qu'il y avait un grand nombre de municipalités qui ne sont point instruites d'une manière suffisante pour pouvoir exercer les fonctions qu'on veut leur attribuer. M. Lagrévol vous proposait qu'elles pussent, dans ce cas, se faire suppléer par un individu. Il est très difficile, dans les campagnes, de trouver un individu qui puisse faire ce travail. Il est indubitable qu'il pourrait très bien se faire que les officiers municipaux voulussent en gratifier leurs amis au préjudice des personnes capables de le faire, et leur donnassent la préférence sur ceux qui en seront le plus capables, puisqu'il y aura maintenant des émoluments attachés à ces fonctions. D'ailleurs c'est un double emploi, c'est un nouvel ordre de fonctionnaires publics que vous créez; or il faut économiser les fonds publics et ne pas multiplier les êtres sans nécessité.

Je n'examinerai pas la proposition de M. Lagrévol, et je pense que l'Assemblée ne doute pas qu'il est impossible d'interpréter jusqu'à ce point l'article de la Constitution relatif aux titulaires ecclésiatiques actuels; l'Assemblée les ayant privés de leurs biens, lés a déclarés chacun créanciers, les curés d'une pension de 1,200 livres et les évêques d'une de 12,000 li

vres.

Je reviens au rapport de M. Gohier, qui me paraît réunir tous les avantages; et je pense avec lui que les instituteurs des écoles primaires seront les hommes qui pourront exercer ces fonctions avec le plus d'exactitude et de régularité, et cela sans augmentation de salaire. On me dit que l'institut national n'existe pas encore; mais n'est-il pas certain que vous ne pouvez vous dispenser de l'établir, puisque cela vous est formellement prescrit par la Constitution? D'après le projet qui vous a été proposé par votre comité d'instruction publique, il y aura au moins un instituteur à raison de 500 habitants, en sorte qu'il n'aura au plus que 4 ou 5 opérations par mois. J'y trouve enfin, outre l'avantage de l'économie et de l'exactitude, celui de procurer aux instituteurs publics, très essentiels dans la législation, un caractère de magistrature; et à

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