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MM. Berrou, horloger; Gauthier, couvreur; Diché, cadet; et Desbarrats, fils, avait, au péril de ses jours, sauvé la vie à un citoyen dans une émeute populaire, le directoire, sur la demande du tribunal, a indiqué une fête civique, dans laquelle Jean Himounet a reçu, au nom de la patrie une couronne de chêne, et ses 4 coopérateurs des témoignages solennels de la reconnaissance publique. Je demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal. (Applaudissements.)

M. Clémenceau. Sans doute, il faut faire mention honorable de la conduite des citoyens généreux qui exposent leurs jours pour sauver un citoyen. Mais votre respect pour la loi doit vous empêcher de l'accorder au département, qui outrepassé ses pouvoirs, et qui n'a d'excuse que la Déclaration des droits, qui permet tout ce que la loi n'a pas défendu. Je demande que le mémoire expositif des faits qui ont déterminé cette récompense, soit renvoyé au comité d'instruction publique, qui doit présenter à l'Assemblée un travail sur le moyen d'encourager et de récompenser ces actes de courage et de civisme, et que l'Assemblée se borne à faire mention honorable de la conduite de Jean Himounet et des citoyens qui l'ont aidé.

(L'Assemblée renvoie le mémoire expositif des faits au comité d'instruction publique et décrète la mention honorable au procès-verbal de la conduite de Jean Himounet et de ses compagnons.)

M. Brival. Un officier municipal, un magistrat du peuple, revêtu de son écharpe, a été insulté et maltraité à coups de poing aux Tuileries. Comme j'ignore ceux qui ont donné de pareils ordres, je demande que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte de ce qui s'est passé à cet égard.

Un membre: Je demande qu'on passe à l'ordre du jour!

M. de Bonnefoy, ex-député de l'Assemblée Constituante, est admis à la barre.

Au nom de la commune de Thiers, département du Puy-de-Dôme, il informe l'Assemblée du civisme pur qui anime les habitants de cette commune et dépose sur l'autel de la patrie un don patriotique de 192 livres en or, 158 livres en argent et 2,650 livres en assignats.

M. le Président répond à M. de Bonnefoy et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :

1° Lettre du commissaire administrateur de la caisse de l'extraordinaire, qui prévient l'Assemblée qu'il est nécessaire d'ordonner une nouvelle création d'assignats de 5 livres et demande qu'on s'occupe incessamment de cet objet.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)

2° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui envoient l'état des recettes et dépenses faites pendant la première quinzaine de ce mois.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)

3° Lettre de l'ex-ministre de la guerre Servan, qui envoie les comptes de son administration. (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)

4° Lettre de l'ex-ministre de la guerre Servan (1), qui annonce que toutes les pièces à l'appui de sa correspondance avec le général Lamorlière, que l'Assemblée lui avait demandées, se trouvent dans les cartons du ministère de la guerre et transmet quelques détails sur cette affaire. Cette lettre est ainsi conçue :

« Paris, le 21 juin, l'an IV de la liberté,

Monsieur le Président,

« J'ai lu dans le Logographe que, sur la demande de M. Rulh, l'Assemblée a décrété que je remettrais les pièces qui m'avaient autorisé à écrire à M. Lamorlière. J'ai laissé dans les cartons du ministre de la guerre, ou dans ceux de ses bureaux, tous les papiers qui sont relatifs à cet objet. Mais je dois ajouter que quelques jours avant que je reçusse ces dernières nouvelles de Strasbourg, MM. Arbogast, Rulh, Wilhem et de Laporte, députés, s'étaient donné la peine de venir à l'hôtel de la guerre pour me communiquer une lettre écrite à M. Arbogast par M. Saudmam, officier municipal, dans laquelle il se plaint de la manière dont on s'était conduit à Strasbourg. Ces messieurs m'avaient écrit, quelques jours après, pour me presser d'en faire part à M. Lamorlière, sur le compte duquel, d'ailleurs, je n'ai reçu aucune plainte particu lière, ainsi que je m'empresse de lui écrire aujourd'hui à ce sujet. »

Signé SERVAN, ancien ministre de la guerre.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité extraordinaire des Douze.)

M. Arbogast. J'offre de communiquer la lettre que j'ai reçue et que j'ai fait voir à plusieurs de mes collègues.

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et pétitions adressées à l'Assemblée :

5o Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui envoie l'état des payements qui avaient été ordonnés jusqu'au 17 juin sur les fonds assignés pour les dépenses extraordinaires de la guerre.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)

6o Lettre du maréchal de Beauveau, accompagnant une pétition relative à la liquidation de la dime inféodée de la terre de Morley.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)

7° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, accompagnant diverses pièces qui lui ont été adressées par les administrateurs de l'hôpital de Chartres, pour obtenir la permission de vendre les bâtiments de l'ancien hôpital.

(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de l'extraordinaire des finances et des secours publics réunis.)

8° Lettres des sieurs Jean-L. Gendrin, Canon frères, J.-B. Pajot, qui prient l'Assemblée de bien

(1) Voy. ci-dessus, page 372, la lettre de M. de La morlière à l'Assemblée à ce sujet.

vouloir annuler leurs signatures à la pétition tendant à obtenir le rapport du décret qui ordonne le rassemblement de 20,000 hommes autour de Paris.

(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)

9° Procès-verbal du commissaire de police de la section de l'Isle, par lequel les sieurs Jean Escabasse et François Bonnet rétractent leurs signatures à la même pétition.

(L'Assemblée renvoie le procès-verbal aux comités de législation et de surveillance réunis.)

10° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Haute-Marne, qui expriment leur regret sur la perte du général Gouvion et demandent que l'Assemblée décrète des honneurs à sa mémoire.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité d'instruction publique.)

Un membre: On annonce que le faubourg Saint-Antoine arrive. Il parait que le roi a des inquiétudes, puisqu'il a fait demander si l'Assemblée tenait ses séances. Je demande qu'on envoie une députation.

Un autre membre: Je demande que l'Assemblée nomme des commissaires pour aller au-devant de ce rassemblement, et lui annoncer qu'il ne sera point admis.

Un membre: Je demande que les députés qui sont dans les comités soient avertis de se rendre à la séance.

Un autre membre : J'étais dans la grande cour des Tuileries, quand j'ai vu les officiers de la garde nationale se rassembler autour de leurs commandants. Je me suis approché, j'ai entendu le comm andant dire aux officiers que M. le procureur général syndic avait été prévenu qu'un rassemblement considérable de peuple se trouvait actuellement dans la rue de l'Arbre-Sec; qu'en conséquence, il fallait battre le rappel, afin que toutes les divisions des gardes nationales se trouvassent à leurs postes. Au même instant, on a fait le rappel, et tous les gardes nationaux se sont à l'instant portés à leurs postes respectifs.

Plusieurs membres: Il faut toujours envoyer la députation !

M. Garreau. Messieurs, la loi a été violée. Un magistrat du peuple a été insulté. Des membres de la force armée se sont portés sur un fonctionnaire public revêtu de son écharpe. (Murmures à gauche.)

Plusieurs membres parlent ensemble.

M. Delacroix. Si l'Assemblée était informée officiellement que la liberté, la vie du roi sont menacées, elle devrait prendre des mesures efficaces. Mais sur le récit d'un fait particulier, qui ne présente aucun danger pour le roi, sans que le roi vous en fasse prévenir, vous ne devez pas..... (Murmures à droite et au centre. Applaudissements des tribunes.) Le roi a, dit-on, fait demander si l'Assemblée tenait ses séances. Il faut attendre la démarche que le roi paraît dans l'intention de faire. L'Assemblée doit rester à sa séance; c'est ici son poste. Je demande donc l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Voysin de Gartempe, au nom du comité

de législation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur l'interprétation de l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790, sur l'organisation judiciaire, relativement à l'incompatibilité des fonctions judiciaires avec le ministère ecclésiastique il s'exprime ainsi :

Messieurs, la loi du 11 novembre 1790, sur l'organisation judiciaire, s'explique ainsi, article 6: »

"

Les ecclésiastiques ne peuvent être élus aux places de juges, dont les fonctions sont déclarées incompatibles avec celles de leur ministère. »

C'est d'après cette disposition que le tribunal de cassation a refusé d'admettre aux fonctions de substitut du commissaire du roi M. Bertholio, que l'on dit avoir été prêtre du culte catholique.

M. Louis Rotrou, curé dans le département de l'Eure, n'a pas pu être reçu juge de paix, place où le vœu de ses concitoyens l'avait appelé, quoiqu'il se soit démis de la cure dont il était pourvu. Plusieurs autres personnes ont éprouvé les mêmes difficultés. Et il devient absolument nécessaire de fixer d'une manière précise en quoi consiste l'incompatibilité prononcée contre les ecclésiastiques, par l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790. Tout prêtre du culte catholique, sera-t-il pour jamais exclu des places judiciaires? ou l'exclusion doit-elle, au contraire, se borner à ceux qui, pourvus de titres, ont des fonctions actives à remplir dans l'église salariée par la nation? Voilà, Messieurs, les questions à résoudre, et quoique la solution en soit facile, votre comité a cru nécessaire de vous présenter quelques développements qui justifieront l'opinion qu'il m'a chargé de vous soumettre.

C'est en recherchant les principes des lois, en découvrant le but qu'elles doivent atteindre, qu'on parvient à en justifier, à en expliquer les dispositions, et qu'on peut (lorsque l'intérêt public l'exige) se permettre des modifications, des améliorations, sans en dénaturer l'esprit.

Lorsque, d'une main hardie, l'Assemblée constituante brisa les ressorts gothiques de l'ancien gouvernement, pour rétablir le système social, sur les bases éternelles de l'égalité, de la liberté et de la raison; lorsqu'elle détruisit ces ordres bizarres, ces corporations distinctes qui, au milieu du peuple français, formaient 10 peuples différents et rivaux, pour remettre entre les mains de la nation elle-même les éléments de la volonté publique, la législation, elle dut sans doute se rappeler tous les attentats des prêtres contre l'ordre social; et afin d'anéantir ce clergé ancien, qui, toujours indépendant dans l'Etat, n'avait cessé d'y dominer et de le troubler, se déterminant à créer, par une politique nouvelle, un autre clergé, dont elle réglà tous les rapports extérieurs dans la société, elle dut, avec raison, interdire aux ecclésiastiques la faculté d'exercer des fonctions civiles; car ce fut toujours par le cumul des fonctions civiles et religieuses que, partout, se formèrent, s'agrandirent et s'enrichirent ces collèges de prêtres, toujours plus avides, à proportion qu'ils devinrent plus riches; toujours plus ambitieux, lorsqu'ils purent devenir puissants; toujours dangereux et corrompus, lorsqu'ils eurent des richesses et de la puissance : tandis qu'au contraire on les verra vertueux,

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés, Collection des affaires du Temps, tome 148, no 3.

humains et modestes, lorsqu'ils seront bornés à l'exercice de leurs fonctions, à des rapports particuliers et individuels avec leurs sectateurs.

Ainsi, Messieurs, nul doute que des ecclésiastiques salariés par la nation, investis de la confiance des citoyens qui fréquentent leur église, directeurs de la moralité des actions de leurs prosélytes, ne doivent pas en même temps être revêtus de fonctions publiques, d'une magistrature quelconque. L'officier public ne doit appartenir à aucune secte particulière; il est l'homme de la nation, et tout son temps, tous ses moyens, doivent être consacrés à son service. Mais il n'est pas moins nécessaire alors de fixer le sens du mot ecclésiastique, de déterminer ceux auxquels on peut encore appliquer cette dénomination, et d'examiner, enfin, si ce titre est tellement indélébile, qu'on ne puisse y re

noncer.

Lorsqu'il existait des ordres, des privilèges en France, on rangeait dans la classe du clergé, on appelait ecclésiastiques, tous ces hommes qui, faisant profession du célibat, portaient une robe longue, vivaient du produit des autels, soit qu'ils priassent eux-mêmes ou fissent prier par des gagistes, tandis qu'ils dépensaient agréablement les dons de la piété de nos pères. Mais aujourd'hui que ces dons, arrachés par l'astuce à la superstition, ont servi à assurer la Révolution, et sont devenus la dot de notre Constitution; maintenant que le nouveau clergé a été ramené à ses véritables devoirs, que les prêtres reçoivent des salaires en proportion de leur travail, pour lequel tout homme est né, et auquel il doit se livrer, à peine de devenir le rebut et le mépris de la société, pouvons-nous donner le nom d'ecclésiastiques à d'autres que ceux qui ont des fonctions actives à remplir dans l'église ? Ceux-là seuls sont salariés par la nation et ont contracté l'obligation d'exercer leur ministère.

Les seuls ecclésiastiques parmi nous sont donc les évêques, les curés et leurs vicaires, institués par l'Etat et payés par lui. Tout autre prêtre n'a pas de caractère extérieur, et rien n'annonce en lui une qualité différente des autres citoyens. Penser autrement, ce serait s'exposer à faire renaître le clergé ancien. Et ce n'est pas lorsque toutes les règles de la bonne police s'accordent pour conseiller de rejeter absolument les prêtres hors de l'ordre civil, que l'Assemblée nationale voudra perpétuer la caste des prêtres catholiques, en les rangeant tous, à cause de leur profession, dans une corporation distincte.

Tant que subsistera dans le code de nos lois celle d'abord appelée constitution civile du clergé, sans doute il faudra justifier qu'on est prêtre du culte catholique, pour être élu aux évêchés, aux cures; mais cette qualité n'est autre chose qu'un grade qui donne l'aptitude à des places ecclésiastiques, de même que la qualité d'homme de loi est nécessaire pour être promu aux fonctions judiciaires; et comme rien n'empêche un licencié en droit de renoncer à l'expectative que lui donne son grade, et de préférer la profession militaire ou de postuler tout autre emploi dans la société, de même l'homme qui est prêtre peut, renonçant à la carrière que lui assure son titre singulier, se présenter pour remplir les emplois civils auxquels il est propre.

Messieurs, on n'objectera pas, sans doute ici, que le caractère du sacerdoce est ineffaçable; qu'aux yeux du chrétien, suivant les préceptes

de sa doctrine, le titre de prêtre soit sacré et indélébile; c'est chose convenue ! Mais, devant l'homme d'Etat, aux yeux du législateur, un prêtre ne doit jamais être aperçu. Aujourd'hui même, et d'après la loi positive, ce titre ne peut être considéré que comme un simple grade exigé pour des fonctions conférées par la société. Et celui-ci, comme d'autres, ne peut donner, au citoyen qui en est revêtu, aucun caractère contre sa volonté et son intention.

Aussi votre comité, Messieurs, vous proposera, non seulement de borner l'exclusion prononcée entre les ecclésiastiques aux seuls évêques, curés et vicaires en fonctions, mais encore il vous demandera d'accorder à ceux-ci l'option entre les fonctions publiques et celles de leur ministère. Cette disposition est fondée sur la justice, sur l'égalité des droits, sur des lois déjà existantes. Les lois relatives aux municipalités et administrations prohibent aux évêques, curés et vicaires, les fonctions municipales et des directoires, à moins qu'ils n'optent pour celles-ci. La loi alors est juste, elle n'éloigne pas certains citoyens des emplois publics, mais elle prononce l'incompatibilité de ces emplois avec un ministère qui les rend déjà très puissants. Elle empêche le cumul de fonctions qui doivent demeurer distinctes et séparées. Elle veille à ce qu'un homme ne puisse en même temps recevoir de la nation un double salaire, qui doit être le partage de deux citoyens.

Pourquoi mettrait-on quelque différence entre les fonctions judiciaires et les fonctions administratives? Les unes sont-elles moins importantes que les autres? La Constitution a-t-elle moins prononcé pour celles-ci que pour celle-là, l'égalité des droits entre les citoyens, qui d'ailleurs ont le degré d'aptitude fixé par les lois? Non, Messieurs, non, c'est une erreur que cette prohibition échappée aux premiers législateurs, et c'est à vous de la réparer.

La politique vous dicte cette mesure; les prêtres veulent toujours former une corporation. En les confondant avec les autres citoyens, en ne voyant jamais dans eux un caractère distinctif, vous détruirez leurs prétentions.

Si, au contraire, vous remarquiez les prêtres catholiques, en leur affectant un titre commun; si vous reconnaissiez en eux quelque différence avec les ministres des autres cultes, avec les autres citoyens; alors vous vous exposeriez à voir renaître les prétentions et les privilèges de la cléricature, si sagement abolis.

Il faut, enfin, que devant la loi, il n'y ait plus de prêtres. Qu'on sache, que si vous conservez encore le terme ecclésiastique, c'est pour désigner les employés à la desserte des temples du culte catholique, salarié par la nation. Il faut que le peuple apprenne à ne voir en eux, que des citoyens, n'ayant ni plus ni moins de prérogatives qu'eux.

Peut-être qu'à l'aide de ces principes, nous avancerons l'heureuse époque où, absolument rejetés hors de l'ordre civil, les ministres de tous les cultes, sans distinction, soumis à la seule surveillance des magistrats de la police dans leurs actes intérieurs, n'occuperont plus l'attention des législateurs. Alors s'établira sans difficulté la tolérance, ce culte universel des âmes justes et sensibles: alors la religion servira à consoler les hommes, sans en tourmenter quelques-uns.

Voici, Messieurs, le projet de décret de votre comité de législation:

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<< J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée qu'il se porte en ce moment vers le château un rassemblement armé.

« Le procureur général syndic du département. « Signé ROEDerer. »

M. Louis Hébert. Je demande qu'une députation de 24 membres se rende auprès du roi. Plusieurs membres De 60.

M. Callhasson. Je viens de traverser avec plusieurs de mes collègues les cours et le jardin des Tuileries on fait des préparatifs de défense, et il paraît qu'on est très alarmé. Messieurs, à l'heure actuelle, au moment où la nuit va arriver, un rassemblement armé, des préparatifs de défense doivent exciter les plus vives craintes de la part de l'Assemblée nationale. Vous avez rendu ce matin un décret qui défend de venir en armes sous prétexte de présenter une pétition. Ce ne sont pas des pétitions qu'on vient vous présenter, et cependant des rassemblements s'avancent ici. C'est donc une attaque. Il est impossible de ne pas voir dans un rassemblement qui se porte au château, le plus grand danger, un danger qui doit faire frémir tous les bons citoyens. Je demande que l'Assemblée nationale entière se transporte chez le roi. (Murmures à gauche. Vive agitation dans l'Assemblée.) Si la proposition que j'ai faite n'était pas convenable, du moins les motifs qui la dirigent sont les plus purs. (Applaudissements.)

Un membre: Je viens de chez un juge de paix qui a parcouru toute la ville pour savoir s'il y avait des rassemblements. Il n'y en a aucun.

Plusieurs membres : C'est faux! c'est faux! Un membre D'après cela j'ai pensé que le poste de l'Assemblée était ici.

M. Cailhasson. Je pensais que quand tous les représentants du peuple seraient réunis dans cette enceinte sacrée, la force même ne serait pas nécessaire pour la défendre. Voilà mon motif. Du reste, si vous croyez que l'Assemblée doivent veiller continuellement pour le salut public, je me bornerai à demander une nombreuse députation.

On prétend que la mesure est précoce, et moi je dirai, si le moment n'était pas pressant, si le danger n'était pas imprévu, le procureur général syndic vous aurait-il écrit sans vous détailler les mesures qu'il a prises? (Murmures à gauche.) Le style même de sa lettre n'annonce-t-il pas le danger? Or, pouvez-vous différer davantage? Je ne le crois pas, et je suis persuadé qu'aucun membre de cette Assemblée ne le croit. Je borne ina demande à une députation de 60 membres. Nouveaux mur(Applaudissements à droite. mures à gauche.)

Plusieurs membres: Fermez la discussion!
M. Brunck. Il n'y a pas de temps à perdre.

M. Cambon. Eh bien! si la patrie est en danger, si j'étais citoyen, je serais le premier aux portes du château pour m'opposer à tout rassemblement; mais nous sommes ici représentants du peuple pour faire les lois, nous sommes une autorité constituée, nous avons notre pouvoir, et plus la patrie est en danger, plus ce pouvoir est respecté; c'est la Constitution qu'il faut suivre par dessus tout. La loi a voulu que quand il y aurait des rassemblements ce fut aux municipalités à déployer la force armée, s'il était nécessaire. Si les municipalités ne fout pas leur devoir, c'est au procureur général syndic à déployer le drapeau rouge. Les lois sont faites, et cependant le procureur général syndic, le directoire, la municipalité, viennent toujours dans le sein du Corps législatif, nous dire de prendre le pouvoir exécutif qui est entre leurs mains. Ne voyez-vous pas le piège? (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Messieurs, nous sommes ici pour faire des lois, (Murmures à droite.) il y a un rassemblement; si le rassemblement venait attaquer le Corps législatif, quel serait le membre qui ne voudrait pas partager tous ses dangers? Il faut que nous soyons ici, que nous périssions ici. (Vifs applau· dissements à gauche et dans les tribunes.) La destinée de la France est liée à cet événement-ci. Plusieurs membres: Résumez-vous!

M. Cambon. Vous n'avez pas de temps à perdre la destinée de la France tient peut-être à cet événement-ci. Il existe deux grands pouvoirs.

Plusieurs membres : Finissez donc!

M. Cambon. Le pouvoir exécutif pour faire exécuter les lois; le pouvoir législatif pour les faire. Si tous les deux étaient livrés au hasard du coup de canon, quel serait le sort de la France? quel serait le sort de nos commettants? A la veille d'être attaqués par nos ennemis, rallionsnous; que jamais aucun des pouvoirs ne soit attaqué. Si le pouvoir exécutif, ou si le domicile (1) Archives nationales, Carton 152, dossier n° 269. du pouvoir exécutif est attaqué, qu'il vienne avec

les représentants du peuple; nous les recevrons, et il sera toujours ici dans le sanctuaire des lois. (Applaudissements.) Il faut que le ministre de l'intérieur veille à ce que les autorités fassent leur devoir. Faites que le directoire du département, que le procureur général syndic et la municipalité exécutent les lois qui sont déjà décrétées; manifestons notre opinion, vous verrez que tous les bons citoyens s'y rallieront. Je demande qu'il soit ordonné au ministre de l'intérieur de prendre les mesures nécessaires pour faire exécuter les lois.

M. Calon. Je demande la parole pour un fait. Messieurs, des officiers de paix se sont présentés à l'instant, ils sont venus de la part du roi pour dire à l'Assemblée nationale que tout était tranquille dans Paris.

Plusieurs membres Ce n'est pas vrai, nous n'en savons rien!

M. Brunck. M. Lasource nous avait hier, comme M. Calon le fait aujourd'hui assuré, qu'il n'y avait aucun danger et que le rassemblement était paisible.

Un membre: Je demande que la déposition de M. Calon soit écrite au procès-verbal.

M. Delacroix. Monsieur le Président, des juges de paix se sont présentés pour être admis à la barre pour rendre compte de ce fait, vous l'avez laissé ignorer à l'Assemblée. (Murmures.) Je fais la motion qu'avant la discussion l'Assemblée décrète que le maire et un officier municipal de Paris viendront lui rendre compte de la véritable situation de la ville, et vous apprendrez que le procureur-syndic du département est trompé ou vous a trompés. (Applaudissements des tribunes.)

M, le Président. Les officiers de paix m'ont demandé à être admis de la part du roi pour rendre compte du fait. Je n'ai pas cru que des officiers de paix, sans lettre et sans pouvoirs, pussent être annoncés à l'Assemblée.

M. Brival. Il fallait leur demander leurs pouvoirs.

MM. Thuriot, Dubois de Bellegarde et plusieurs autres membres Vous nous trompez, l'abbaye le Président!

:

M. le Président. M. le procureur-syndic a écrit une lettre signée de lui; je l'ai fait lire. Voilà ma conduite. (Murmures.)

M. Kersaint. C'est sur cela, Messieurs, que je demande la parole. (Murmures.)

M. Delacroix. Mettez aux voix ma proposition de mander le maire.

M. Kersaint. Il est important que l'Assemblée connaisse le degré de confiance qu'elle doit avoir dans la lettre de M. Roederer. C'est l'avis de M. Roederer et non celui du procureur général syndic, il n'est point à son poste. Le directoire est sans président, sans procureur-syndic; ils sont dans le château des Tuileries, et sans doute M. Roederer, comme particulier, a été trompé par les bruits que les malintentionnés ont répandus; car la tactique des insurrections est de répandre de tels bruits, parce qu'en disant qu'il y a des rassemblements, on les fomente. Je sors du directoire, et M. le procureur général syndic avec deux membres du directoire siègent au château et non à leur poste. (Murmures.)

M. Lequinio. Je sors du carrousel dans l'instant. J'y ai été attiré par la curiosité, parce

que j'ai entendu battre le tambour et que j'ai vu des compagnies de gens armés se diriger vers cet endroit. Je dis gens armés de la garde nationale. Je m'y suis porté, j'y ai vu quelques douzaines de personnes, mais qui étaient attirées comme moi par la curiosité.

Plusieurs membres: Aux voix la proposition de M. Delacroix!

(L'Assemblée décrète que le maire de Paris, ou un officier municipal, se rendra à l'instant à la barre pour faire connaître la situation de la capitale et s'il existe réellement un rassemblement. (Applaudissements des tribunes.)

M. Thuriot. Je demande qu'on entende les juges de paix qui sont là.

M. le Président. On a demandé que les juges de paix fussent admis à la barre; mais j'annonce qu'ils ne sont pas ici.

M. Fouquet. Le procureur-syndic du département a annoncé des craintes à l'Assemblée sur la situation actuelle de Paris. Il m'est impossible de savoir si dans toutes les sections de la capitale la tranquillité y règne également. Mais la sollicitude de l'Assemblée paraît se porter particulièrement aux environs du château. Je crois devoir, pour sa satisfaction, avoir l'honneur de l'informer qu'il y a environ une heure un quart ou une heure et demie, il y avait effectivement aux environs du château quelques citoyens rassemblés. (Murmures.) M. le maire s'y est trouvé. Le peuple a marqué le plus grand respect à tout ce que les magistrats du peuple lui ont dit, et à marqué son consentement à ce que tout se fit au nom de la loi. Je suis rentré il y a un quart d'heure par la porte où j'étais sorti, et je n'ai trouvé exactement personne.

M. Jean-Debry (de Paris). Le mouvement n'existe que dans l'âme de ceux qui veulent exciter des troubles.

M. Duquesnoy. Messieurs, un citoyen député du faubourg Saint-Antoine (Murmures.) vient de me faire appeler en présence de quatre ou cinq de mes collègues. M. Goupilleau et d'autres peuvent attester ce fait. Voici ce qu'il m'a dit. 11 m'a dit qu'une quarantaine de personnes du faubourg Saint-Antoine partaient par pelotons de cinq, sans armes, pour aller à la municipalité. Je ne sais ce qu'ils vont y faire. Vous pouvez mander M. le maire, il vous dira ce qu'ils lui ont dit. Voilà tous les rassemblements qu'il y a. (Murmures.)

M. Deusy. Puisque ces messieurs vous disent qu'il n'y a rien à craindre, vous pouvez les croire, car ils doivent être bien informés.

M. Guitard, au nom du comité de législation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur les lettres de relief de laps de temps en matière civile et les demandes en revision en matière criminelle; il s'exprime ainsi :

Messieurs, la loi du 27 novembre 1790, qui a organisé le tribunal de cassation et supprimé le conseil des parties, a omis deux objets essentiels dans l'énumération de ceux dont elle lui a donné la connaissance; ce sont les lettres de relief de laps de temps en matière civile, et celles de revision en matière criminelle.

De là il est arrivé que, dans le doute si cette double forme de ce pouvoir était ou n'était pas

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés, Collection des affaires du Temps, tome 148, no 4.

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