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lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que le roi vient d'apposer la formule constitutionnelle : le roi examinera: 1° sur le décret du 27 mai 1792, qui détermine le cas et les formes de la déportation des ecclésiastiques insermentés; 2° sur le décret du 7 de ce mois, portant que la force armée sera augmentée de 20,000 hommes qui se réuniront près de Paris au 14 juillet.

« Je suis avec respect.....

« Signé : DURANTHON. »

Plusieurs voix : L'ordre du jour !

M. Delacroix. Je crois que le ministre doit renvoyer les expéditions des lois, au bas desquelles est la formule: le roi examinera; c'està-dire que les expéditions qui ont été portées soient envoyées au Corps législatif, et qui constatent que le roi a apposé la formule constitutionnelle. J'examinerai.

Je demande que le ministre de la justice fasse passer ces expéditions à l'Assemblée.

M. Hua. Il n'y a pas un mot dans la Constitution de la dernière motion de M. Delacroix.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y pas lieu à délibérer sur cette dernière proposition.)

M. Delacroix. Je demande si, lorsque le roi a apposé son premier veto, le ministre de la justice ne l'a pas déposé sur le bureau. On lui fit une grande querelle de ce qu'il avait voulu le motiver, de sorte que, dans les deux hypothèses, on lui fait une querelle.

M. Baignoux. La motion de M. Delacroix est dans la Constitution.

(L'Assemblée décrète que le ministre de la justice enverra les expéditions des lois au bas desquelles le roi a apposé la formule constitutionnelle le roi examinera.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des dons patriotiques suivants :

1° Un inconnu envoie 61. 10 s. en billets patriotiques et en assignats;

2o La société des amis de la Constitution de Tournus, département de Saône-et-Loire, envoie 441 1. 5 s. en assignats; 7 1. 3 s. en espèces et une montre d'argent;

3o Le tribunal du district de Domfront se soumet à laisser son traitement, 200 livres par quartier, à compter du 1er juillet 1792, pendant la durée de la guerre.

(L'Assemblée accueille ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)

M. Rouyer. Je demande la parole pour une motion d'ordre. Elle n'est pas relative à la discussion, mais elle est relative à l'intérêt de la nation. C'est avec douleur que je me vois obligé de répéter la motion que j'ai déjà faite et qui déjà été adoptée par l'Assemblée. Je défie aucun militaire, soit dans cette Assemblée, soit même en France, qui puisse me prouver que les forces que nous avons contre l'ennemi pour faire la guerre offensive soit suffisantes. Je dirai à tous ceux qui m'entendent que, lors des dernières

guerres, ayant affaire au même ennemi, nous avions sous les ordres du maréchal de Saxe, 150,000 hommes, et nous avions une armée dé 50,000 hommes contre les Savoyards. Malgré toutes ces forces supérieures, nous restions des années entières sans prendre des places. On ne fait pas la guerre offensive avec des forces comme les nôtres.

Lorsque le roi exerça son initiative pour demander à l'Assemblée une armée de 15,000 hommes, nous crùmes tous que ces 15,0000 hommes seraient envoyés effectivement contre l'ennemi. Le ministre a demandé qu'on arrêtât les progrès du recrutement, qui était si fort qu'il dépassait déjà de beaucoup les 5,000 hommes que l'on avait demandés pour compléter l'armée. Cependant il est constant que nos armées ne sont point complètes, que vous n'êtes pas en état de faire une guerre offensive, que vous ne pourriez pas même faire une guerre défensive honorablement.

Le Dieu des armées est toujours du côté des gros bataillons. Je ne cesserai de le répéter. J'avais demandé que le comité militaire fit un rapport sur l'état effectif des troupes, qui sont dans les différentes garnisons du royaume, le nombre des régiments et le nombre de l'armée du Midi. Que cet état soit imprimé et distribué à chaque membre de l'Assemblée, afin qu'on puisse être à même de juger par le nombre, si la distribution a été bien ou mal faite et de savoir quel est le ministre qui a fait ces bonnes ou mauvaises distributions. Vous serez encore dans le cas, d'après cet exposé du comité militaire, et la connaissance que vous aurez par ces états, de juger si vous ne devez pas ordonner un recrutement de 30 ou de 50,000 hommes.

Un membre: Le roi n'en a pas besoin. (Murmures.)

M. Rouyer. Si je ne connaissais pas l'état de l'armée et si je ne voyais le péril menaçant dans lequel nous sommes, si l'Assemblée nationale ne prend pas des mesures vigoureuses pour y parer (Applaudissements à gauche. Murmures à droite.)... nous ne sommes pas dans le cas de continuer la guerre, et je le soutiens, et je défie qui que ce soit d'établir le contraire par une preuve suffisante. Quand je dis que vous serez dans le cas d'ordonner un recrutement de troupes, je n'entends pas, par là, ôter le veto, parce que cela ne nous regarde pas. Mais j'entends qu'une fois que le roi a exercé son initiative, soit pour la déclaration de guerre, soit pour le complément des troupes, vous devez déclarer par un décret que vous entendez porter le nombre des hommes à tel taux. Je crois que lorsque vous aurez fixé ce nombre, le décret qui le fixera ne sera surement pas vetoté, parce que le veto serait contre les formes constitutionnelles.

Je demande que le comité militaire soit tenu, samedi, de vous faire un rapport, à défaut de quoi j'offre moi-même de détailler à l'Assemblée les états qui ne sont peut-être pas exacts; et je proposerai à l'Assemblée le nombre suffisant de troupes qu'il faut décréter. (Applaudissements des tribunes.)

M. Aubert-Dubayet. Messieurs, l'Assemblée, dans sa sollicitude, décréta dernièrement qu'elle aurait une commission de douze de ses membres. Eh bien, Messieurs, cette commission s'est divisée en deux sections. L'une de ces sections est spécialement chargée de vous présenter demain ou après-demain, d'abord l'état du recrutement

actuel et du déficit de l'armée au 1er juin. Il est impossible d'aller plus loin d'une manière authentique, parce que c'est là où sont les procès-verbaux des différentes recrues passées, qui constatent le déficit des hommes. Ensuite, Messieurs, on vous présentera l'état des emmagasinements pour les places de guerre et des subsistances pour l'armée. Dans cette semaine, votre commission vous fera connaitre l'état des troupes de vos armées; et, si vous ne trouvez pas ces forces suffisantes, vous pourrez prendre des mesures pour les augmenter, mais daignez attendre le moment où votre commission vous rendra compte.

M. Rouyer. Je suis parfaitement de l'avis du préopinant, puisque je n'avais demandé le rapport que pour samedi.

(L'Assemblée décrète la proposition de M. AubertDubayet.)

(La séance est levée à quatre heures.)

ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU MARDI 19 JUIN 1792, AU MATIN.

PÉTITION DU SIEUR SAUNIER (2), ci-devant officier coureur de vin de la maison d'Artois, qui demande une revision du décret relatif à la liquidation des officiers des maisons des frères du roi.

Messieurs,

Je viens présenter à l'auguste Assemblée une juste réclamation sur un décret qu'elle vient de rendre tout récemment contre les officiers titulaires des frères du roi, sans qu'ils aient été entendus, et elle est sûrement le vœu de tous parce que les intérêts de tous sont grièvement blessés par ce décret. Par l'une de ses dispositions (art. 3 et 4) il est dit : « Que le commissaire du roi pour la liquidation des dettes de l'Etat liquidera ce qui devra être payé annuellement à chacun de ces officiers, d'après le montant de leurs finances, à raison de 7 0/0 de 25 à 40 ans, de 8 0/0 de 40 à 50 ans, de 9 0/0 de 50 à 60 ans et de 10 0/0 audessus de 60 ans. »

Ce qui a déterminé l'Assemblée à adopter ce mode est, sans doute, l'observation que lui a fait son comité, que ces officiers avaient acquis leurs charges à un double titre viager, qu'ils risquaient de les perdre par la mort du prince comme par la leur, mais, ce qui aurait du prémunir ce comité contre cette observation, sont les réflexions que je vais mettre sous vos yeux et qui lui sont échappées.

Si les officiers des princes ont acquis leurs offices viagèrement, c'est parce qu'ils en retiraient plus de 30 0/0 en activité et au moins 20 sans exercice; que cela leur formait un état qu'ils avaient l'espoir certain de conserver sous les descendants immédiats des princes en cas de mort de ceux-ci; autrement ils n'auraient jamais voulu courir le risque de deux chances si on ne leur eût offert que 10 0/0 de leur argent.

(1) Au cours de la séance, un des secrétaires avait donné connaissance du titre de cette pétition. L'Assemblée sans l'entendre, décréta l'ordre du jour. (Voy. ci-dessus, même seance, page 363.)

(2) Archives nationales. Carton 152, dossier n° 270.

Les princes ont reconnu eux-mêmes, dans un temps non suspect, qu'ils n'avaient pas le droit de faire la loi à cet égard à leurs officiers. C'est en 1780, l'une des époques du dérangement de leurs officiers, alors ils firent proposer, à ceux de leurs officiers qui voudraient conserver leurs charges, sans faire de fonctions, de leur donner, comme dédommagement, 10 0/0 de leurs finances mais aucun d'eux ne voulut accepter parce que cet intérêt n'était pas proportionné aux risques des deux chances à courir, et les princes ont fini par transiger avec ces officiers, et à leur assurer au moins 20 0/0. C'est un fait qu'on ne peut pas révoquer en doute, et dont j'ai déjà fourni la preuve, pour ce qui me regarde, en produisant mes titres au bureau de liquidation, avant le décret contre lequel je réclame.

Sans doute, cet arrangement ne lie pas la nation, qui n'y a contribué en rien, mais il prouve que jamais les officiers des princes n'ont entendu, ni voulu, que la finance de leurs offices füt aliénée pour un simple intérêt viager, même de 10 0/0. On risque volontiers une partie de sa fortune, et, quelquefois le tout, lorsqu'elle est modique, pour se procurer un état honnête et lucratif, mais rarement on hasarde tout pour jouir d'un simple viager. Les pères de famille surtout seraient très blâmables de le faire et il en existe beaucoup dans le nombre des officiers des princes.

Que les représentants de la nation aient jugé à propos de proscrire en général la vénalité des offices pour tendre à la liberté et à l'égalité, rien de mieux; c'est un acte auquel tout bon citoyen se soumet; mais, en même temps, ils ont senti qu'il était de la justice de la nation de rendre aux officiers le prix ou la finance de leurs charges, et, pour cela, ils ont adopté différents modes avant de les rembourser sur le pied des derniers contrats d'acquisition, ou du centième denier, ou des quittances de finances.

Dans l'espèce, il y a une double nécessité d'user de l'une et de l'autre manière à l'égard des officiers des princes la première résulte de l'engagement qui était déjà pris, au nom de la nation, par le décret du 9 juin 1790, qui veut que le remboursement des charges de la maison du roi et de celles de ses frères, soit compris dans la liquidation des dettes de l'Etat par suite de la proscription de leur vénalité ; et la seconde est puisée dans l'exacte justice qui ne permet pas de traiter un officier qui a acquis un office dans le commerce, pour une somme supérieure à sa finance, comme celui qui n'a payé que cette seule finance sur le pied de la fixation, lors de la création.

Les officiers de la maison du roi sont des officiers à vie comme ceux des maisons des princes; s'est-on permis et aurait-on pu se permettre de leur assigner une rente viagère pour remboursement? Non, sans doute, parce que cela aurait été contrevenir à l'engagement pris, au nom de la nation, par le décret de 1790, et par la même raison on ne le peut pas davantage par rapport aux offices des maisons des princes, d'autant que ce serait faire retomber le crime de ceux-ci sur d'honnêtes citoyens, qui sont restés attachés à leur patrie et les punir d'un fait qui leur est absolument étranger.

La nation, comme souveraine, peut bien abolir tous les offices, tous les droits qu'elle croit nuisibles à la société, à la liberté, à l'égalité, au bonheur de tous; mais elle doit justice à ceux qu'elle prive par là de leur bien et de leur état, et

la moindre qu'elle puisse leur rendre, c'est de leur rembourser le prix de leur acquisition, comme elle l'a fait jusqu'ici en général, et c'est cette justice que je réclame en ce moment, comme tous les autres officiers des princes.

Quand la nation ne serait pas engagée par le décret de 1790, elle ne pourrait pas, avec justice, forcer des citoyens à recevoir une rente viagère, pour tenir lieu de remboursement; il faut, pour cela, le consentement des parties intéressées, auxquelles on peut seulement laisser le choix d'être remboursées, ou de se faire constituer une rente viagère d'après un mode déterminé, et, certainement, aucun des officiers des princes n'opterait pour ce dernier parti, surtout d'après la gradation défavorable adoptée par l'Assemblée.

Quoi, parce que je n'ai encore que 40 ans, on ne me donnera que 7 0/0 de ma finance (taux insuffisant en tout temps) lorsque je pourrais la faire valoir autant, et même davantage, dans le commerce, en conservant mon capital? Quoi, j'aurai un 0/0 de moins que mon confrère parce que j'ai un mois ou deux de moins que lui en age? Quoi, un officier qui a acheté son office dans le commerce à un prix double de la finance, comme cela était autorisé par l'Administration, ne recevra que la même somme que celui qui n'a compté que la finance originaire? Tout cela est trop contraire à la justice pour pouvoir exister.

En un mot, un officier, qui perd son état, ne peut pas vivre avec une modique rente viagère; il faut qu'il cherche à s'en procurer un autre, à commercer, à faire valoir son industrie et ses talents, et ce n'est qu'avec les fonds qu'il avait mis pour acquérir celui dont il se trouve privé qu'il peut y parvenir, il faut donc les lui rembourser, cela est de toute équité. Je vais, Messieurs, mettre sous vos yeux un fait qui m'est personnel et qui servira d'exemple et de preuve à ce que je viens d'avancer: avec 1,000 écus, je puis rentrer dans une rente de 900 francs que j'ai été forcé d'aliéner à vil prix pour faire honneur à mes engagements, et je ne le pourrai pas, si, au lieu de me rembourser, on me constitue une rente viagère contre mon vœu et celui de la justice et la nation sera cause que je verrai cette perte ajoutée à celle de mon état.

D'après ces réflexions, j'ai lieu d'espérer, ainsi que tous les autres officiers des princes, que l'auguste Assemblée se portera à revoir son décret et à ordonner le remboursement de leurs charges d'après le mode qu'elle croira devoir prescrire, eu égard aux différences qui existent dans les acquisitions des titulaires.

Il me reste deux observations à faire sur les articles 5 et 6 du même décret qui me semblent aussi devoir en déterminer la réforme ou au moins l'explication.

Première observation. L'Assemblée constituante avait ordonné, par un décret du 29 juillet 1791, que le million de traitement, attribué à chacun des frères du roi, serait employé au payement de leurs officiers et domestiques étant dans le royaume, tant que leurs charges ne seraient pas liquidées: cependant et quoiqu'elles ne le soient. pas encore, le nouveau décret fait cesser ce payement dès le 12 février dernier, époque à compter de laquelle il supprime le million de traitement et fait courir les rentes viagères, dont il ordonne la création pour tenir lieu de remboursement de finances.

D'abord, il y a une contradiction évidente

entre ce nouveau décret et celui de 1791, puisque celui-ci assurait aux officiers le payement de leurs gages et traitement tant que leurs charges ne seraient pas liquidées, et que l'autre en fixe la cessation au 12 février dernier en ordonnant seulement la liquidation, ce qui, d'ailleurs, est donner un effet retroactif à la loi dont l'exécution ne devrait cependant jamais avoir lieu que du moment qu'elle est prononcée.

D'un autre côté, en prononçant contre les princes la suppression du traitement que la nation leur accordait, à compter du 12 février dernier, ce n'est point eux que l'on punit, mais leurs officiers ou domestiques au payement desquels ce traitement avait été affecté par le décret de 1791, pour avoir lieu tant que leurs charges ne seraient pas liquidées, ce qui ne peut pas être dans l'intention de l'Assemblée, dont la justice exige, au contraire, de les faire payer par la nation de leurs gages et traitement jusqu'au jour de leur remboursement ou, au moins, jusqu'à celui du nouveau décret qui les supprimera en leur accordant l'intérêt de leurs finances à partir de cette dernière époque.

Deuxième observation. Le nouveau décret, en déclarant la rente apanagère saisissable par les autres créanciers des princes, semble accorder à ces créanciers un privilège et l'exclusion des officiers et domestiques des princes, tandis que ceux-ci sont leurs vrais créanciers privilégiés pour tout ce qui leur est et sera dù d'arrérages de leurs gages et traitement à l'époque où la nation se chargera de leur payer l'intérêt de leurs finances et de les rembourser, privilège qu'ils ont droit d'exercer sur tous leurs biens, de quelque nature qu'ils soient, au nombre desquels est nécessairement la rente apanagère.

Le sequestre de tous les biens des princes émigrés étant ordonné, cette rente apanagère doit en faire partie et c'est, avec les administraleurs des biens sequestrés, que chacun des créanciers en particulier doit faire reconnaitre ses titres et sa créance et c'est par eux que le payement doit être fait, en commençant toutefois par les officiers et domestiques, comme privilégiés, et d'après les états certifiés par le ministre de l'intérieur que l'Assemblée a ordonné qu'ils lui fussent remis par les ci-devant trésoriers des princes, des gages, émoluments et attributions des charges dont les officiers étaient titulaires avant le 1er juin 1789. Les renvoyer à se pourvoir dans les formes déterminées par les lois, c'est éloigner leur payement, c'est les exposer, sans nécessité, à des frais immenses qu'ils sont hors d'état de faire; enfin, c'est les réduire à la mendicité, les faire périr de misère.

En conséquence, ces officiers ont lieu d'espérer que lorsque l'auguste Assemblée aura pesé, dans sa sagesse, toutes leurs respectueuses représentations, elle voudra bien pourvoir suivant sa justice sur les différents points qu'elles embrassent.

Signé SAUNIER, officier coureur de vin de la maison d'Artois, demeurant à Paris, rue Vieille-du-Temple, no 180.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 19 juin 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et adresses suivantes :

1° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui annonce à l'Assemblée une procédure commencée par le tribunal du district de Nîmes, contre les nommés Pierre Borelly et Joseph Baume, prévenus du crime d'embauchage.

(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de surveillance.)

2o Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée diverses pièces relatives aux troubles arrivés dans la ville d'Yssingeaux: cette lettre est ainsi conçue (1):

« Paris, le 19 juin 1792.

« Monsieur le Président,

« J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 13 de ce mois une copie de la procédure instruite contre les auteurs des troubles arrivés dans la ville d'Yssingeaux. J'ai joint à ces pièces le jugement du tribunal, qui, sur le rapport du directeur du juré, a renvoyé devant le Corps législatif pour statuer s'il y a lieu à accusation. Je viens de recevoir trois pièces relatives à cette affaire et je m'empresse de vous les transmettre (2). J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous prier d'engager l'Assemblée nationale à presser le rapport qui doit lui être fait de cette affaire, à raison de laquelle plusieurs citoyens sont détenus depuis longtemps. S'il importe à l'ordre public, à la sûreté de l'Etat, que les factieux, qui ont cherché à les troubler, soient sévèrement punis, il n'est pas moins essentiel que les peines qu'ils ont encourues soient promptement infligées.

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(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)

5° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, relative à une proclamation du roi, qui casse et annule un arrêté du conseil général du département du Morbihan, par lequel cette administration a accordé une indemnité aux corps électoraux et aux membres du conseil d'administration de ce département.

M. Mailhe. Je demande que le comité de division soit chargé d'examiner la question de savoir s'il ne serait pas utile d'accorder une indemnité aux électeurs, afin d'empêcher l'aristocratie des richesses de s'élever sur les débris de celle de la noblesse.

Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi au comité de l'ordinaire des finances.

(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au comité de l'ordinaire des finances.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et adresses envoyées à l'Assemblée :

6° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, relative à la demande du sieur Collot, maréchal de camp et gouverneur de Sainte-Lucie, qui sollicite un aide de camp du grade de lieutenant-colonel, à l'instar des généraux commandants d'armée; cette lettre est ainsi conçue (1):

« Paris, le 19 juin 1792.

« Monsieur le Président,

M. Collot, maréchal de camp, qui va passer à l'île de Sainte-Lucie, dont il est nommé gouverneur, est dans le cas, suivant la loi, d'avoir un aide de camp du grade de capitaine seulement. Il en demande un de lieutenant-colonel; c'est un avantage que les décrets n'accordent qu'aux commandants généraux d'armée. Cet officier général, à qui l'observation en a été faite, insiste, prétendant que la qualité de gouverneur de cette île le met dans cette classe. Les officiers généraux, adjudants généraux et les aides de camp qui passent aux îles du Vent et Sous-le-Vent, se regardant dès lors dans l'état de guerre, pensent qu'ils sont fondés à demander les gratifications qui ont été accordées, pour la formation des équipages, aux officiers des armées de terre. Je vous supplie, Monsieur le Président, de mettre ces demandes sous les yeux de l'Assemblée nationale. Si cette faveur leur est accordée, je regarde comme une conséquence nécessaire que les officiers des bataillons de troupes de ligne, ainsi que ceux des volontaires nationaux, qui passent à Saint-Domingue, l'obtiennent aussi. C'est à l'Assemblée nstionale de décider; ce qui devient d'autant plus instant, que les officiers, qui doivent se rendre dans ces deux colonies, n'attendent pour leur départ que cette décision que je vous prie de vouloir bien me faire connaître le plus tôt possible. « Je suis avec respect, etc.

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(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande.)

7° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre la femme de Louis-Joseph Bonnetier, prévenue d'avoir tenté de débaucher des officiers français et de les avoir engagés à passer à Coblentz.

(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)

8° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre Alexandre Régnier, prévenu d'avoir sollicité des soldats français à déserter en pays étranger.

(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)

9° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre Louis-Joseph Berger, prévenu d'avoir sollicité les soldats français à déserter en pays étranger.

(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)

10° Lettre des officiers municipaux de SaintJean-Pied-de-Port, qui dénoncent à l'Assemblée un passeport dans lequel, au mépris des lois, le sieur Hardouin-Châlon, ambassadeur de France en Portugal, prend des titres et qualités proscrits et anéantis, et lui transmettent ce passeport dont la suscription est ainsi conçue : "M. le comte de Châlon, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ambassadeur de S. M. T. C. auprès de S. M. très fidèle. »

M. Ducos. On brûle dans ce moment, sur la place Vendôme, les titres de noblesse qui étaient dans les dépôts publics. Je demande le renvoi de ce passeport à la place Vendôme. (Rires et applaudissements.)

M. Thuriot. Je demande le renvoi de cette lettre au pouvoir exécutif, afin que l'ambassadeur en Portugal, qui s'est permis cette violation de la loi, soit renvoyé.

(L'Assemblée renvoie cette dénonciation au Pouvoir exécutif, à l'effet d'examiner la conduite de cet ambassadeur et de le poursuivre pour ne s'être pas conformé à la loi.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et adresses envoyées à l'Assemblée:

11° Lettre des juges du tribunal du district de Joigny, au département de l'Yonne, qui demandent une addition à la loi du 20 avril 1791, relative aux droits de propriété et d'usage des communes sur les terres vaines et vagues.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

12° Adresse d'un grand nombre de citoyens de la ville d'Orléans, qui, instruits que la patrie est en danger, offrent à leurs représentants de voler à leur secours; cette adresse est ainsi conçue (1):

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« Législateurs,

La liberté française est en péril : les hommes libres du Midi sont tous levés pour la défendre.

« Le jour de la colère du peuple est arrivé. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Ce peuple, qu'on a toujours voulu égorger ou enchainer, las de parer des coups, à son tour, est près d'en porter; las de dejouer des conspirations, il a jeté un regard terrible sur les conspirateurs. Ce lion généreux, mais aujourd'hui trop courroucé, va sortir de son repos pour s'élancer contre la meute de ses ennemis.

« Favorisez ce mouvement belliqueux, vous qui êtes les conducteurs, comme les représentants du peuple; vous qui avez à vous sauver ou à périr avec lui. La force populaire fait toute votre force; vous l'avez en main, employez-la. Une trop longue contrainte pourrait Taffaiblir ou l'égarer. Plus de quartier, puisque nous n'en avons plus aucun à attendre. Une lutte, entre le despotisme et la liberté, ne peut être qu'un combat mort; car, si la liberté est généreuse, le despotisme sera tôt ou tard son assassin. Qui pense autrement est un insensé, qui ne connaît ni l'histoire, ni le cœur humain, ni l'infernal machiavélisme de la tyrannie.

« Représentants, le patriotisme français forme un væù, celui de secourir la patrie. Il vous demande un décret qui l'autorisé à marcher, avec des forces plus imposantes que celles que vous venez de créer, vers la capitale et les frontières. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Le peuple veut absolument finir une Révolution qui est son salut et sa gloire, qui est l'honneur de l'esprit humain. Il veut se sauver et vous sauver; devez-vous empêcher ce mouvement sublime? Le pouvez-vous? Législateurs, vous ne refuserez pas l'autorisation de la loi à ceux qui veulent aller mourir pour la défendre. » (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

Plusieurs membres : Quelles sont les signatures?

M. Cambon. Il y a 105 signatures (2), puis

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Le3, no 92.

(2) Voici les noms des signataires de l'adresse portés

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