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2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, relativement aux arrangements faits avec M. Shorft, ministre des Etats-Unis.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)

3° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui adresse différentes pièces relatives aux nouveaux troubles arrivés dans le ci-devant Comtat-venaissin à l'occasion de l'élection du sieur Duprat au poste de maire d'Avignon, et que M. Terrier, ministre de l'intérieur, avait promises le matin même à l'Assemblée.

(L'Assemblée renvoie ces pièces aux comités chargés de l'affaire d'Avignon.)

M. le Président. Voici, Messieurs, le résultat du scrulin pour la nomination des membres qui doivent composer la commission des Douze :

Sont élus membres MM. Bigot de Préameneu.

Lacépède. Lacuée.

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la dette publique dans les chefs-lieux des départements; il s'exprime ainsi :

Messieurs, il n'est aucune partie du Trésor national qui exige plus impérieusement votre sollicitude, et la reforme qu'il convient d'y porter, que celle qui a pour objet le payement des pensions et des intérêts de la dette publique.

Cette vérité conduit naturellement aux questions de savoir: 1o Si l'on doit, si l'on peut, dans le régime actuel, conserver les payeurs des rentes et pensions établis à Paris; si, dans un Etat dont la Constitution a proscrit la vénalité des charges, il peut encore exister des fonctionnaires revêtus d'offices ou de titres héréditaires.

2. Si la suppression des payeurs des rentes peut se concilier avec l'organisation du Trésor national, où toutes les recettes viennent se confondre, et d'où, par conséquent, doivent sortir les sommes destinées aux dépenses, pour se répandre dans toutes les parties de l'Empire où le besoin et l'intérêt public en ordonnent la distribution.

Vous avez chargé, Messieurs, votre comité de l'ordinaire des finances d'examiner ces deux questions. Considérées dans leur rapport avec la comptabilité du Tresor public, elles acquièrent beaucoup d'importance, mais elles présentent bien plus d'intérêt encore lorsqu'on les envisage dans les effets salutaires et bienfaisants que les pensionnaires et les créanciers de l'Etat peuvent attendre de leur solution.

Votre comité a d'abord examiné la première question dans le rapport qu'elle peut avoir avec le principe constitutionnel; il a pensé qu'une compagnie de payeurs, résidant dans la capitale, revêtus d'offices héréditaires, était un corps monstrueux dans la nouvelle organisation de l'administration publique; il a vu que l'esprit de la Constitution reléguait, parmi les erreurs de l'ancien gouvernement, une institution par laquelle la nation semblerait plutôt appartenir à ses fonctionnaires que les fonctionnaires à la nation, qui ne peut dépendre que d'elle seule, et qui renferme essentiellement en elle-même le droit d'élire ses comptables et ses agents.

La compagnie des contrôleurs et payeurs des rentes ferait-elle une exception? Serait-elle, par privilège, inaccessible à la loi constitutionelle? Lorsque toutes les corporations sont détruites; lorsqu'il n'existe plus que des agents élus par lé peuple ou par son représentant heriditaire, verriez-vous avec indifférence un corps étranger dans l'Etat, contraster avec notre nouveau régime, entièrement isolé de l'administration intérieure, éloigné de toute espèce de surveillance de la part des corps constitués, exerçant pour ainsi dire, un pouvoir arbitraire dans ses fonctions? Non, Messieurs, car il serait difficile de justifier, même avec l'apparence du raisonnement, la conservation d'un établissement si bizarre, et tout à la fois si contraire à nos institutions. Votre comité a donc pensé que cette compagnie devait disparaître à l'instant où vous aviez formé le dessein de donner une constitution à vos finances, et d'établir un mode uniforme et général de comptabilité.

Après avoir examiné la question sous le rapport qu'elle peut avoir avec le principe constitutionnel, envisageons-la dans ses relations avec la comptabilité et l'organisation du Trésor public.

Est-il d'abord avantageux à une grande nation de concentrer la comptabilité de tous les intérêts de sa dette dans un seul lieu, même en la

confiant à des payeurs d'une solvabilité reconnue?

Cette proposition n'aurait jamais été mise en question dans un temps où le Trésor public était placé à côté du trône, où les volontés du prince avaient, pour instrument, des ministres toujours asservis aux caprices et aux prodigalités de la cour, où enfin il importait aux agents du despotisme de s'emparer de toutes les recettes pour mieux persuader au monarque que tout était à lui, et qu'il faisait grâce aux créanciers de l'Etat de ce qu'il voulait bien leur laisser.

Alors le Trésor public était esclave lui-même, les plus épaisses ténèbres cachaient l'intérieur des affaires et de l'administration. Les premières sources de la prospérité de l'Empire étaient aveuglément remises à la disposition du gouvernement. L'ancienne indifférence du peuple pour ses plus chers intérêts laissait un libre Cours aux erreurs, aux abus de tous genres, et semblait consacrer toutes les dilapidations.

Mais aujourd'hui, que l'esprit et le motif des lois se lient naturellement à des intentions bienfaisantes et pures; qu'il y règne cette franchise et cette simplicité, qui met la nation à portée de suivre la situation des affaires; aujourd'hui, que les idées générales sur le bien de l'Etat, et que les notions sur tout ce qui peut être utile et salutaire, s'épurent et se perfectionnent à mesure que nous nous formons à notre régime constitutionnel, chacun s'associe pour ainsi dire aux opérations de finance; chacun voit et calcule son intérêt particulier dans celui de la chose publique. Par heureux mélange de liberté et de lumières qui trouvent leur source naturelle dans le désir et dans l'espoir de réparer tous les maux qu'a produits l'ancienne administration, chacun s'attache une grande importance aux mesures nouvelles qui peuvent développer et féconder dans les différents départements tous les moyens de force, de richesse et de prospérité.

Aussi, Messieurs, ne devons-nous pas nous étonner si de toutes parts on demande la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes établis à Paris, et une loi qui ordonne le payement des intérêts de la dette publique et des pensions dans les chefs-lieux de departements.

Cette mesure est non seulement nécessaire dans la circonstance où vous vous disposez à constituer vos finances d'une manière invariable; et qui fixe l'opinion et le crédit public; mais elle s'applique naturellement au príncipe constitutionnel, qui, ayant voulu que les justiciables fussent rapprochés de leurs juges, et les administrés des administrateurs, veut encore que les créanciers de l'Etat soient rapprochés de leur débiteur.

C'est ainsi qu'en considérant attentivement les différents rapports qui existent entre les diverses parties du gouvernement, le législateur aperçoit l'heureuse influence que doit porter cette justice distributive, qui respecte les droits du citoyen, et proscrit, comme une atteinte à l'ordre public, tout établissement qui, s'éloignant des principes qu'elle a consacrés, affaiblit la confiance et décourage le patriotisme.

Dans quelque administration que ce soit, il faut une organisation simple. Il faut que la comptabilité descende par degrés, et qu'à chaque degre soit placé un payeur subordonné. à côté duquel se trouve un surveillant qui puisse, d'un coup d'œil, et à chaque instant, embrasser toute la comptabilité qui lui est confiée.

Or, si l'expérience a déjà prouvé que les recettes et les dépenses qui se font dans chaque département ne peuvent, sans un danger réel, être confiées au même agent; si la raison démontre aussi que, du moment que leurs opérations sont confondues, celui qui en est chargé trouve, auprès des autorités qui le surveillent, bien plus de facilités pour dissimuler sa situation, pour se réserver des fonds surabondants qu'il fait jouer à son profit; si, pour éviter et prévenir tous les abus de la comptabilité si justement reprochés à l'ancienne finance, vous reconnaissez, comme principe en comptabilité, que la recette et la dépense, essentiellement distinctes, ne peuvent être confiées au même fonctionnaire; si enfin, conséquemment à ce principe, vous ne pouvez vous dispenser de conserver les payeurs généraux établis dans les départements par le décret du 24 septembre, vous chargerez alors ces payeurs généraux d'acquitter les intérêts de la dette publique dans leur arrondissement respectif.

Et c'est ainsi que vous trouvez, dans un établissement déjà tout formé, un moyen d'exécution qui se présente de lui-même, et qui, bien loin d'occasionner une nouvelle dépense, procure à l'Etat l'avantage une économie de 600,000 livres, dont le Trésor public se trouve chargé pour le traitement des payeurs et contrôleurs des rentes établis dans la capitale.

Cette réforme, si politique, et si justement commandée par les circonstances, est surtout applicable à la constitution que vous vous proposez de donner aux finances; car il faut, autant qu'il est possible, lier le bien qu'on est capable de faire à des institutions qui le rendent stable et indépendant des événements.

C'est dans cet esprit que votre comité vous propose de décréter que les intérêts de la dette publique et les pensions ne seront plus désormais acquittés exclusivement dans la capitale, mais que les fonds en seront versés dans la caisse des payeurs généraux établis dans chaque département.

Votre comité a vu, dans ce nouvel établissement, un double avantage, puisqu'en rapprochant les créanciers du débiteur, il se concilie avec l'organisation actuelle du Trésor public, et s'allie à toutes les combinaisons, sans trop compliquer la correspondance ni la comptabilité.

Mais, en fixant l'attention de l'Assemblée nationale sur les payeurs généraux établis dans les départements, comme présentant un moyen d'exécution très facile pour le payement des pensions et des intérêts de la dette publique, votre comité n'a pas entendu préjuger la question qui est actuellement en discussion, et qui consiste à savoir si les payeurs généraux euxmêmes seront conservés. Il a voulu seulement s'arrêter un instant sur le grand caractère d'utilité publique que prendrait cette institution, dans la supposition où l'Assemblée nationale se déterminerait à décréter la suppression des payeurs et contrôleurs établis à Paris. C'est alors, Messieurs, que l'institution des payeurs généraux des départements présenterait un moyen efficace pour arriver sans effort au but que vous désirez atteindre.

Si, au contraire, l'Assemblée nationale supprimait les payeurs généraux, la difficulté de faire payer les pensions et les intérêts de la dette publique par les receveurs de districts serait insurmontable. Car quelle confusion, quel embarras, quelle complication n'existerait-il pas

alors dans la comptabilité de 544 receveurs? Quelles entraves une pareille mesure ne mettrait-elle pas à la marche de l'Administration et de la correspondance, par les difficultés en tous genres qui naîtraient de la multiplicité des Comptables, abstraction même des risques qu'il y aurait à courir à leur égard?

Vous pouvez en juger, Messieurs, d'après le compte que le commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire vous a rendu du travail de ses bureaux. Vous avez reconnu les obstacles sans nombre qu'il a fallu surmonter pour organiser une comptabilité dont la nature exige une correspondance suivie avec 544 receveurs. En jetant un coup d'œil sur le tableau qu'il vous à présenté, vous avez aperçu dans son ensemble les détails infinis qu'exige un compte ouvert avec chacun de ces receveurs, soit pour vérifier et contrôler chaque article de recette, soit pour être en état de déterminer à chaque instant, par le résultat de cet immense travail, l'époque et la quotité des recettes sur lesquelles la nation a droit de compter.

La comptabilité présenterait bien d'autres difficultés, et qui seraient absolument insurmontables, si la recette et la dépense se trouvaient réunies sur les mêmes individus; si la ligne de démarcation entre ces deux parties essentielles de l'administration publique n'existait plus; si enfin, en chargeant les receveurs de districts de la recette et de la dépense, comme on vous l'a déjà proposé, vous ordonniez la suppression des payeurs généraux, qui, par l'intimité de leurs relations avec la trésorerie nationale, comme centre de la comptabilité du royaume, peuvent seuls entretenir, dans les comptes relatifs à la dépense des départements, cette simplicité sans laquelle la comptabilité sera toujours obscure, irrégulière, vicieuse et imparfaite.

Ici se place naturellement une observation générale, qui achève de porter jusqu'à l'évidence la nécessité d'attribuer aux payeurs généraux des départements les fonctions qu'exercent aujourd'hui les payeurs des rentes à Paris; c'est que la séparation établie par décret du 24 septembre, entre les recettes et les dépenses publiques, n'est qu'une conséquence de l'organisation intérieure de la trésorerie nationale, telle qu'elle a été successivement décrétée les 11 et 18 mars, 30 juin, 11 juillet et 10 août 1791 (1).

D'un autre côté, pour peu qu'on ait une légère idée de la comptabilité, on sait que la recette des deniers publics n'exige, dans l'agent qui en est chargé, qu'une grande exactitude et beaucoup d'ordre dans des opérations qui ne sont au fond que purement mécaniques, parce qu'elles ne sont assujetties qu'à des formes arithmétiques.

La dépense, au contraire, et les payements dont elle est composée ont un régime à part; elles

(1) Si l'Assemblée nationale se détermine à conserver les payeurs généraux établis par décret du 24 septembre 1791, pour les charger des dépenses decrétées pour chaque département, les receveurs de district, qui se trouveraient à ce moyen déchargés du payement des fonctionnaires publics, et dont, par conséquent, le travail serait beaucoup moins considérable, ne seraient plus fondés à réclamer une augmentation de traitement. Le comité de l'extraordinaire des finances a présenté un projet de décret à ce sujet. H serait convenable d'en ajourner la discussion, jusqu'au moment où l'Assemblée aura établi un mode uniforme de comptabilité pour toutes les parties qui composent la recette et la dépense du royaume.

sont assujetties à des formalités légales, et subordonnées à une comptabilité et à une garantie qui leur sont particulières, et qui exigent dans le fonctionnaire des connaissances inutiles à celui dont l'agence se borne à constater, par de simples enregistrements, l'existence et la date des différents articles dont sa recette est composée.

Ces considérations sont puissantes, Messieurs; elles ont déterminé votre comité à vous proposer, comme moyen d'exécution pour le payement des pensions et des intêrets de la dette publique, d'attribuer aux payeurs généraux des départeinents les fonctions des payeurs des rentes. Ces derniers ne peuvent offrir qu'une corporation vicieuse dans l'organisation nouvelle, qu'un intermédiaire inutile entre le Trésor national et le public, et par conséquent, qu'une forme étrangère, et une complication nuisible au régime actuel, qui ne saurait avoir trop de promptitude et de simplicité.

Quoique le projet de votre comité ne soit autre chose que l'opinion de l'Assemblée nationale elle-même, qui a déjà plusieurs fois manifesté son vou, il a cru néanmoins qu'il était nécessaire d'entrer encore dans quelques détails qui pourront éclaircir davantage là discussion, et fixer avec plus d'intérêt votre attention sur un des objets les plus importants qui puissent appeler vos regards et votre sollicitude.

Le payement des intérêts de la dette constituée s'élève à 175,000,000 de livres, dont 100,000,000 de livres en rentes viagères, et 75,000,000 de livres en rentes perpétuelles.

Ce payement de 175,000,000 de livres, réparti également entre les 40 payeurs, donne à chacun un maniement annuel d'environ 4,000,000 de livres à distribuer.

Et pour cette distribution de 4,000,000 de livres, chaque payeur jouit, non compris l'intérêt de la finance, à 5 0/0 sans retenue, d'un traitement de 12,000 livres. Il pèse en outre sur la masse des rentiers de l'État d'environ quatre autres mille livres par les frais d'immatricule qu'il est autorisé à percevoir.

Au moyen de cet avantage, il regarde la fonction de payer 4,000,000 de livres des intérêts de la dette nationale non seulement comme un devoir qui lui est imposé, mais comme un droit exclusif dont il a la propriété.

Cette bizarrerie, aussi peu économique que constitutionnelle, frappa quelques bons esprits de l'Assemblée constituante, et particulièrement M. Beaumetz, qui, dans une opinion sur l'organisation du Trésor public, proposa la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes après avoir démontré leur inutilité, mais l'Assemblée était alors occupée d'objets d'une autre importance.

La corporation des payeurs était un de ces petits colosses, qui, cachés dans un coin de l'Empire, put d'abord échapper à la faux salutaire qui nettoya l'aire politique sur laquelle devait reposer la Constitution; mais il devait périr tôt ou tard, afin qu'il ne restât plus rien sur la surface de la France qui pùt laisser le plus léger souvenir de l'ancien système.

Cependant, Messieurs, vous serez peut-être surpris de la division d'opinions qui régna dans le comité des finances lorsque la suppression des payeurs y fut proposée. Leurs partisans avaient cherché à multiplier les craintes pour douner à leur cause le peu de faveur dont elle était susceptible.

Comme cette forme de payement choquait les idées les plus naturelles par sa complication, par sa cherté, par l'embarras qu'elle jetait dans la comptabilité, il fallait bien lui chercher un prétexte dans la sûreté du service. Ceux qui ne pouvaient espérer de convaincre les bons esprits, tâchèrent de les effrayer, en leur annonçant que tout autre système exposerait l'Etat à payer quelquefois indûment, à prendre de faux créanciers pour les vraies parties prenantes, et, par conséquent, à payer deux fois.

Mais cette frayeur si étrange pouvait-elle avoir quelque fondement?

Plusieurs Etats de l'Europe, tels que l'Angleterre et la Hollande, ont aussi une dette publique; mais ils n'ont pas cru devoir soumettre le payement des intérêts à une multitude de formalités qui, chez nous, compliquent la comptabilité, la rendent très dispendieuse, et qui, fatiguant la patience des créanciers de l'Etat, les forcent à placer chez l'étranger des capitaux que la confiance nous aurait livrés.

Ne serait-il pas convenable d'adopter le mode de payement par émargement, tel qu'il est usité en Angleterre? Ne pourrait-on pas faire disparaître 3,000 gros sommiers d'immatricules si pénibles à tenir, par une refonte de toutes les rentes et leur conversion en titres nouveaux ? Cette opération si nécessaire tendrait au moins à simplifier nos formes et à n'admettre que celles qui seraient jugées indispensables pour assurer les droits du vrai propriétaire et garantir au Trésor public la légitimité de ses payements.

Votre comité n'a pas cru devoir entrer, à cet égard, dans une discussion qui, ne touchant qu'indirectement à la suppression des payeurs. n'est relative qu'aux moyens d'exécution qu'il vous proposera lorsque vous aurez décrété que le payement des intérêts de la dette publique se fera dans les chefs-lieux de départements.

Votre comité se bornera donc, quant à présent, Messieurs, à répondre à quelques objections qui ont été faites par ceux mêmes qui ont beaucoup d'intérêt à les faire valoir; comme si leur existence ou leur fortune semblaient attachées à la perpétuité des abus.

Les partisans des payeurs argumentent d'abord de l'immensité du travail, et prétendent que rien ne peut être substitué à leur régime actuel.

Cette objection est détruite par l'effet même de l'attribution aux 83 payeurs généraux établis dans les départements; car dans la supposition que les intérêts de la dette publique pussent se répartir dans une proportion plus ou moins égale dans les départements, il résulterait toujours évidemment que 83 fonctionnaires feraient, avec beaucoup plus de facilité, les opérations de 40 payeurs établis dans la capitale et qui, chacun, n'ont qu'un jour de service par semaine alternativement.

Il faut considérer, d'un autre côté, que les seuls créanciers domiciliés en France pourront participer à l'avantage d'être payés dans leurs départements; mais les créanciers étrangers continueront de toucher leurs arrérages dans la capitale, comme centre de la comptabilité du royaume, et suivant le nouveau mode qui sera déterminé. D'après cette observation on peut estimer que les payements qui se feront dans 82 départements n'excéderont pas 50,000,000 de livres, ce qui fera pour chacun, pris dans le terme moyen, 550.000 livres. dont le payeur

général sera chargé de faire la distribution (1). L'objection qui parut davantage fixer la majorité du comité des finances de l'Assemblée constituante fut celle que les payeurs tiraient de la sûreté de leur service.

« Le Trésor public, disaient-ils, a reçu 24 millions pour la finance de nos offices; c'est un cautionnement qui répond d'autant mieux des sommes qui nous sont confiées que jamais, entre nous tous, nous n'avons à la fois plus de 5 à 600,000 livres à notre disposition. Ainsi notre situation est constamment connue, et notre service est garanti par une immense responsabilité. »

C'est un bien faible argument que celui des cautionnements; car, si l'Assemblée législative, dirigée par les mêmes principes qu'a manifestés l'Assemblée constituante, regarde ces énormes avances, dont la nation paye les intérêts aux financiers, bien moins comme un gage qui les attache à son service que comme un lien qui l'asservit elle-même à leur ministère onéreux; si elle redoute ces prêts faits à l'Etat comme un obstacle invincible à l'abaissement de l'intérêt de l'argent; si elle les repousse comme autant de fonds soustraits à l'acquisition des biens nationaux ; si, en un mot, elle continue à proscrire les cautionnements en argent, alors l'objection des payeurs de rentes s'évanouit tout entière. Les cautionnements en immeubles des payeurs généraux offriront au Trésor public une responsabilité non moins réelle. Ainsi, la frivole raison imaginée par les payeurs pour faire en sorte de paraître utiles, lorsqu'il est prouvé qu'ils sont très onéreux, n'offre plus même le plus léger prétexte à invoquer.

Mais comment, lorsque tant de motifs vraiment puissants semblent concourir à faire désirer la suppression d'un établissement à charge à l'Etat, et évidemment inconstitutionnel, comment pourrait-on balancer à prendre une résolution definitive pour détruire cet abus qui nous reste encore de l'ancienne finance?

Cette singulière administration, composée de 40 chefs étrangers les uns aux autres, et indépendants des autorités constituées, est-elle celle qu'indique la raison? A-t-elle jamais été imaginée pour la sûreté de la dette ou pour la promptitude du service? N'est-il pas évident au contraire qu'un tel abus est une production de la vénalité? si cette manutention n'existait pas, viendrait-il dans l'esprit de quelqu'un de l'établir, et sur quelle théorie pourrait-on l'appuyer ? Ce dernier raisonnement suffit pour en justifier la suppression.

Si l'on objectait encore qu'une partie des intérêts de la dette publique n'étant pas exigée à l'époque précise des échéances, il serait à craindre que les départements ne fissent un usage arbitraire des fonds oisifs; on peut répondre qu'il sera facile à votre comité de vous proposer, dans le décret d'exécution, des moyens propres à empêcher l'influence des corps administratifs

(1) En obligeant les créanciers étrangers à toucher leur rentes à la capitale, on ne leur fait aucune injustice, puisque c'est une des conditions de l'engagement que I'Etat a contracté envers eux. D'un autre côté, et sous le point de vue politique, la nation y trouverait un grand avantage, parce que la capitale, plus que toute autre ville du royaume, procurerait aux étrangers les moyens de laisser leurs fonds en France, soit par des collocations, soit par des revirements, soit entiu par des spéculations de commerce qu'une grande ville offre nécessairement.

sur les comptables chargés du payement des intérêts, et la stagnation des fonds dans leurs caisses.

Après avoir démontré, Messieurs, que les payeurs de rentes ne peuvent subsister avec le régime actuel, qu'il serait dangereux et injuste de concentrer la comptabilité de tous les intérêts de la dette publique dans la capitale, votre comité va jeter un coup d'œil rapide sur les avantages qui résulteront, tant pour la chose publique que pour les pensionnaires et créanciers de l'Etat, de la distribution des payements dans chaque département.

D'abord la perception des rentes et des pensions fera connaître plus facilement cette partie de la fortune des contribuables, et facilitera d'autant plus l'assiette proportionnelle de la contribution mobilière.

D'un autre côté la contribution elle-même sera beaucoup mieux acquittée; car le rentier ou le pensionnaire, bien plus rapproché de son payeur, et debarrassé des frais, des formalités et des lenteurs qu'entraînaient nécessairement les agents qu'il était obligé de mettre en mouvement pour recevoir de petites sommes à Paris, les touchera directement par ses mains, et s'acquittera sans contrainte, parce qu'il recevra sans peine et sans dépenses.

Aujourd'hui, Messieurs, le citoyen qui possède, quoique avec une très médiocre fortune, huit ou dix parties de rentes sur l'hôtel de ville, peut avoir affaire à huit ou dix payeurs différents; chaque rente exige de lui l'accomplissement des mêmes formalités. Chacune exige une quittance séparée, l'oblige au dépôt de cette quittance, l'expose à la voir rejetée au rebut par l'oubli des plus insignifiantes formalités; elle le contraint à faire des démarches pour s'informer des raisons qui ont motivé le rejet de sa quittance, et enfin à multiplier ses opérations dans la mème proportion qu'il possède de contrats différents.

Survient-il une mutation, il faut à chaque payeur une justification séparée, et tous les payeurs n'ont pas la même jurisprudence: ce qui paraît suffire à l'un ne satisfait pas l'autre, plus circonspect que le premier. Aussi voit-on qu'aucun citoyen, quelque temps qu'il ait à donner à ses propres affaires, ne peut percevoir ses rentes par lui-même. Il faut qu'il emploie des intermédiaires, qu'il sacrifie une partie de son revenu à soudoyer un fondé de pouvoir, et a'il coure encore les risques de son insolvabilité.

Si, au contraire, l'Assemblée nationale adoptait le mode de payenient par émargement, la comptabilité, bien moins surchargée de pièces et d'acquits, deviendrait par là d'une vérification plus facile. Chaque payeur pourrait présenter, sous un même point de vue, le résultat des payements effectifs, le montant des débets et celui des extinctions viagères. Un même esprit dirigerait la comptabilité dans toutes ses parties, dans toutes ses divisions.

Enfin, Messieurs, le changement que votre comité vous propose tend évidemment à vous faire prendre par la suite une mesure qui simplifiera la dette constituée, la dégagera d'un mode de payement incommode et dispendieux, en offrant aux créanciers le simple et légitime attrait d'une forme plus prompte de constater leur propriété.

D'après cet exposé, Messieurs, votre comité de

l'ordinaire des finances se borne à vous soumettre le projet de décret suivant:

Projet de décret.

« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'établir dans le payement des pensions et des intérêts de la dette publique un ordre de comptabilité qui s'accorde avec les principes de la Constitution, et voulant parvenir aux moyens d'exécution qui lui paraîtraient les plus propres à rendre la surveillance facile et la responsabilité impossible à éluder, après avoir entendu lecture du projet de décret dans les séances précédentes et de ce jour, et décrété qu'elle est en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit :

« Art. 1er. Les offices des 40 payeurs de l'hôtel de ville de Paris, et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés, pour cesser toutes fonctions à compter du 1er juillet 1793. Les finances desdits offices seront fiquidées et remboursées après l'apurement des comptes desdits payeurs.

Art. 2. Les pensionnaires et créanciers de l'Etat domiciliés en France toucheront, à compter du 1er janvier 1793, leurs pensions et rentes, tant perpétuelles que viagères, dans le chef-lieu du département où leur domicile sera établi, suivant le mode et les formalités qui seront déterminés par l'Assemblée nationale.

«Art. 3. Le comité de l'ordinaire des finances sera tenu de présenter dans deux mois un projet de décret relatif aux moyens d'exécuter l'article précédent.

Art. 4. Le comité de liquidation présentera incessamment à l'Assemblée les bases d'après lesquelles les offices des contrôleurs et payeurs des rentes doivent être liquidés. »

(L'Assemblée ajourne la seconde lecture à huitaine.)

(La séance est levée à dix heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 19 juin 1792, au matin. PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN, vice-président.

Un de MM. les serrétaires donne lecture des lettres des sieurs Maquenoz, Caillonne, Regnier. Gallaud, Daubigny, George, Schalter, Jouenne, de Lanchamp, Robin, Giraud, Mocquerit, Clamaran l'arné, Leroy, Bouin, Pierre-Charles Loyer, Cordiez, des citoyens du faubourg Saint-Denis, du bataillon des Filles-Dieu, de la compagnie des chasseurs du bataillon de Saint-Jacques-la-Boucherie, qui se rétractent de leurs sig atures à la pétition qui a été présentée pour demander le rapport du décret relatif au rassemblement de 20,000 gardes nationaux.

(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)

Un citoyen est admis à la barre pour déposer un don de 355 livres de la part des citoyens d'une petite ville.

M. le Président répond à ce citoyen et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la

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