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Un membre sur l'article premier de ce projet de décret propose un amendement tendant à ce que la pension de Mme veuve Goujon, comprise pour 600 livres dans le premier état annexé à ce décret, soit portée à 1,000 livres. Il motive son amendement sur ce que le mari, ancien officier major commandant de la ville de Haguenau, département du Bas-Rhin, a péri en voulant préserver la ville et sauver ses concitoyens d'une inondation extraordinaire, causée par la crue subite des eaux et des glaces, arrivée la nuit du 22 au 23 janvier 1757.

Un membre demande la question préalable sur cet amendement.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)

M. Jard-Panvillier, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur les pensions ou gratifications à accorder aux ci-devant employés supprimés par la loi du 31 juillet dernier et aux ci-devant magistrats de la Corse, non originaires de cette ile, qui n'auraient pas été appelés aux mêmes fonctions par les élections faites; ce projet de décret est ainsi conçu:

« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des états dressés par le commissaire du roi directeur général de la liquidation, en exécution, tant de l'article 8 du décret du 2 juillet 1791, que de la loi du 31 du dit mois relative aux employés des ci-devant fermes, régies et administrations supprimées, après avoir entendu les trois lectures faites dans les séances des 23 et 31 mai dernier et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions, secours et gratifications, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

«Il sera payé par la Trésorerie nationale, à titre de pensions annuelles et viagères, aux employés supprimés de la première classe, compris dans le premier état annexé à la minute du présent décret, la somme de 202,181 l. 1 s. 9 d., laquelle somme sera répartie suivant la proportion établie par ledit état.

Art. 2.

«Il sera payé par la Trésorerie nationale, à titre de pensions annuelles et viagères, aux employés supprimés de la deuxième classe, compris dans le second état annexé à la minute du présent décret, la somme de 35,100 l. 14 s. 3 d., laquelle somme sera répartie suivant la proportion établie par ledit état.

Art. 3.

« La Trésorerie nationale payera, à titre de secours, aux employés supprimés de la troisième classe, compris au troisième état annexé à la minute du présent décret, la somme de 305,805 1. 11 s. 8 d. laquelle somme sera répartie

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 31 mai 1792, au soir, page 397, la seconde lecture de ce projet de décret.

entre lesdits employés, suivant la proportion portée audit état.

Art. 4.

« Les pensions accordées par les articles 1 et 2 du présent décret, auront lieu à compter du 1er juillet 1791, conformément à l'article 16 de la loi du 31 dudit mois de juillet, sauf la déduction des secours provisoires que chacun desdits employés aura reçus depuis ledit jour 1er juillet: la même déduction aura lieu sur les secours accordés par l'article 3 du présent décret.

Art. 5.

« Il sera payé par la caisse de l'extraordinaire : 1° aux 52 employés dénommés au quatrième état annexé à la minute du présent décret, la somme de 33,717 1. 11 s. 8 d. à titre d'indemnités accordées conformément aux articles 12 et 13 de la loi du 31 juillet dernier, pour raison des dégâts faits dans leurs maisons et meubles, lors des mouvements qui ont eu lieu depuis le 12 juillet 1789, laquelle somme de 33,717 1. 11 s. 8 d. sera répartie entre lesdits 52 employés, suivant la proportion portée audit état;

2° La somme de 7,000 livres à Anne Mondeher, épouse du sieur l'Hôpitau, elle ci-devant receveur des droits de haut pavé à Nantes, tant pour indemnité de la perte de pareille somme par elle versée dans la caisse du fermier des devoirs, sous la condition qui a été effectuée de lui donner, sa vie durant, une place dans ladite administration, qu'en considération de ce que son sexe ia prive de l'admission au remplacement dans l'organisation nouvelle, comme tous les employés supprimés, et du dénuement absolu où elle se trouve par la perte d'un état pour l'obtention duquel elle avait sacrifié toute sa fortune;

« 3° Aux représentants du sieur Bouëbe, ancien chirurgien-major du régiment de Salis, la somme de 4,1671. 9 sols pour complément de ce qui restait dû audit sieur, à titre d'indemnité; et quant au surplus des demandes faites par lesdits représentants, l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a lieu à délibérer, attendu que les inventions postérieures dudit sieur Bouëbe ne peuvent être d'aucune utilité à la marine.

Art. 6.

«En conformité de l'article 8 de la loi du 20 juillet 1791, il sera payé par la Trésorerie nationale, aux ci-devant magistrats de l'île de Corse, compris dans le cinquième état annexé à la minute du présent décret, sous le titre de pensions créées, la somme de 7,308 l. 15 sols, laquelle somme sera répartie suivant les proportions portées audit état.

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)

M. Jard-Panvillier, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture d'un projet de décret relatif aux pensions à accorder sur la proposition du roi; ce projet de décret est ainsi

conçu :

L'Assemblée nationale, sur le rapport de son

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, · séance du 31 mai 1792, au soir, page 398, la seconde lecture de ce projet de décret.

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comité de liquidation, qui lui a rendu compte des états approuvés par le roi, et adressés à l'Assemblée en conformité de l'article 4 du chapitre IV de l'acte constitutionnel, concernant les pensions et gratifications à accorder aux fonctionnaires et veuves de fonctionnaires publics dans les départements de la guerre et de l'intérieur; après avoir entendu les 3 lectures faites dans les séances des 23 et 31 mai dernier, et 9 juin présent mois, d'un projet de décret relatif aux pensions et gratifications, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

Sur le fonds de 10 millions destiné aux pensions par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, il sera payé la somme de 102,724 1. 1 s. 2 d. aux personnes comprises dans l'état de répartition annexé à la minute du présent décret, sous le n° 1.

Art. 2.

« Sur le même fonds de 10 millions, il sera payé la somme de 87,421 1. 5 s. aux personnes dénommées dans l'état également annexé à la minute du présent décret, sous le n° 2, laquelle somme sera répartie suivant la proportion portée audit état.

Art. 3.

« Sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications par l'article 14 du titre Ier de la loi sus-datée, il sera payé aux personnes comprises dans l'état annexé à la minute du présent décret, sous le n° 3, la somme de 10,200 livres, laquelle somme sera répartie dans la proportion portée audit état.

Art. 4.

Sur la réclamation faite par le sieur DenisLouis Dubosc de Vitermont, ancien major au 8 régiment de cavalerie, l'Assemblée nationale, vu les certificats joints à la réclamation, produits par le ministre de la guerre, le lieutenant général commandant en chef dans la ci-devant province d'Artois, et le conseil d'administration du 8 régiment de cavalerie, qui atteste que ledit sieur de Vitermont a 38 ans 11 mois de services, y compris 4 campagnes de guerre, pendant lequel temps il s'est toujours conduit avec zèle et distinction; après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, décrète que, conformément aux articles 18, 19 et 20 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, la pension dudit sieur de Vitermont sera portée à la somme de 1,753 1. 2 s. 6 d., et que l'article qui le concerne dans le premier état annexé au décret du 7 avril dernier, sanctionné par le roi le 29 dudit mois, sera réformé, et regardé comme non avenu, et il en sera fait mention sur la minute dudit décret, ainsi que sur les expéditions qui ont pu en être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et partout où besoin sera.

Art. 5 (1).

« L'Assemblée nationale, satisfaite de la con

(1) Cet article 5 est la reproduction du projet de décret présenté par M. Jard-Panvillier, dans la séance du

duite généreuse des sieurs Jean Mascot père, Marc Noël, pilotes; Louis Walle, Louis Désobier, navigateurs; Legros et Barthelemi Devosse,marins, qui n'ont pas craint d'exposer leur vie pour sauver celle de 26 personnes près de périr dans un naufrage, la nuit du 17 octobre 1791, près de la ville de Calais, décrète que, sur le fonds de 2 millions ordonné par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, il sera payé à chacun d'eux une gratification de la somme de 100 livres, et qu'il leur sera, en outre, décerné sur leur demande une marque d'honneur qui rappelle le souvenir de leur belle action.

« L'Assemblée nationale charge, en conséquence, son comité d'instruction publique de lui présenter, sous 3 jours, un projet de décret sur cet objet.

"

Il sera aussi payé, sur le même fonds, une gratification de 150 livres à chacune des nommées Maréchal et Gavet, dont les fils ont été victimes de leur humanité et de leur dévouement, pour sauver leurs concitoyens du même naufrage ».

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)

M. Jard-Panvillier, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur les réclamations des pensionnaires de la ci-devant province de Bretagne pour le payement des arrérages de leurs pensions pendant les années 1788 et 1789; ce projet de décret est ainsi concu : L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les 3 lectures faites les 23 et 31 mai 1792 et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions et secours, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit :

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ments ordonnés par les articles précédents, seront tenues de fournir à la Trésorerie nationale un certificat, sur papier libre, des caissiers, régisseurs ou administrateurs des caisses, fonds et administrations sur lesquels leurs pensions ou gratifications annuelles étaient assignées; lequel constatera le montant des sommes dont elles jouissaient, et l'époque à laquelle le payement des arrérages antérieurs au 31 décembre 1789, ou celui des secours provisoires accordés par les décrets du 2 juillet 1791, et autres y énoncés, auront cessé d'être faits.

Art. 4.

« Pour effectuer le payement des pensions, gratifications annuelles ou secours ordonnés par le présent décret, la Trésorerie nationale se conformera aux lois précédemment rendues à cet égard, et notamment aux dispositions relatées dans celle du 28 juin 1791, auxquelles le présent décret n'a point dérogé.

« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »

(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)

M.Tarbé, au nom du comité colonial, fait un rapport et présente un projet de décret sur les réclamations de M. Jean Borée; le projet de décret est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant l'état de détresse où se trouve réduit le sieur Borée par son séjour forcé en France, ayant égard à l'intérêt pressant qu'a ce citoyen de retourner incessamment à Saint-Domingue pour y rétablir sa fortune; considérant enfin que les bâtiments qui doivent transporter dans cette colonie les secours qui lui ont été accordés, sont sur le point de partir, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

"L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :

Art. 1er.

« Le ministre de la marine sera tenu, dans le plus bref délai, d'arrêter un passage pour le sieur Jean Borée, sur l'un des bâtiments qui sont prêts à faire voile pour l'île de Saint-Domingue.

Art. 2.

« Sur les fonds destinés au service de la marine, il sera accordé audit sieur Jean Borée une somme de 200 livres à titre de secours et pour sa conduite jusqu'au port de mer de son embarquement. »

Un membre demande que les mêmes dispositions soient étendues aux sieurs Guys et Bosque, dont l'Assemblée a précédemment rejeté la réclamation (1).

Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur cette motion.

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIII, séance du 5 mai 1792, page 40, la troisième lecture du projet, concernant les sieurs Guys et Bosque.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion et adopte le projet de décret présenté par M. Tarbé.)

M. Coppens, au nom des comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur l'indemnité réclamée par Mme Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine à Dunkerque, et Mile Touch, sa sœur (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, la circulation des grains et farines dans le royaume a fourni pendant quelque temps, aux malveillants et aux brigands, le prétexte d'occasionner des troubles considérables dans divers départements. Celui du Nord, un des plus productifs en blé, a été un de ceux qui ont le plus éprouvé ces mouvements désastreux, produits par un peuple qu'on égarait. Douai et Saint-Omer ont été successivement le théâtre de ces scènes d'horreur, si affligeantes pour l'humanité. Enfin Dunkerque, cette ville qui, grâce à la fermeté et à la bonne conduite d'uné garde nationale bien organisée, avait joui, pendant les 3 premières années de la Révolution, d'une tranquillité parfaite, a été tout à coup en proie à une insurrection bien fatale à quelques-uns de ces citoyens.

Quoique cette insurrection se fût annoncée dès le 13 février dernier, à l'occasion de quelques chariots de blés arrivés de Bergues à 6 heures du soir, ce ne fut cependant que le lendemain matin 14 qu'elle éclata dans toute sa fureur. Huit maisons furent dévastées et pillées plus ou moins; mais celle sur laquelle la fureur des brigands s'exerça plus particulièrement, est celle qu'occupaient Mme Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine, et Mile Touch, sa sœur. Tous les meubles, argenterie, bijoux, argent, papiers, livres de comptes, lettres de change, billets, assignats, furent jetés par les fenêtres, ou pillés: il n'est pas même resté en place vestige des boiseries des appartements et des cloisons qui les séparaient. Ces dames, que leurs domestiques avaient hissées, par une trappe, dans un petit grenier qui n'avait point d'escalier, y restèrent pendant 4 heures, entre la vie et la mort; et M. SaintLaurent fils fut obligé de se sauver par les toits.

Cet acharnement des brigands contre les propriétés de Mme Saint-Laurent et de sa sœur est d'autant plus étonnant, qu'elles n'ont jamais donné au peuple le moindre sujet d'exercer à leur égard les excès dont il s'est rendu coupable; que ces dames ont toujours joui de l'estime de tous les honnêtes gens, qui se sont empressés de leur témoigner la part qu'ils prennent à leur désastre, et à leur faire toutes sortes d'offres de service.

Voici, Messieurs, ce que les administrateurs du directoire du district de Bergues, qui se rendirent à Dunkerque dès qu'ils furent informés, par la municipalité de cette ville, des excès qui s'y commettaient, ont consigné dans leur procès-verbal, au sujet des dégâts commis dans la maison de Mme Saint-Laurent: Etant parvenus dans la rue Saint-Sébastien, escortés d'un détachement de 12 hommes et de quelques gardes nationales de Dunkerque, nous avons remarqué que tout le poids de la fureur des forcenés avait

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été jeté sur la maison de Mme Saint-Laurent, et les meubles et effets qui la garnissaient, dont les débris couvraient les pavés de toute la rue.

Le 17 au matin, un des juges de paix de Dunkerque s'étant transporté dans la maison qu'occupaient Me Saint-Laurent et sa sœur, sur la réquisition qui lui en avait été faite par ces dames, à l'effet de constater l'état de ladite maison, tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur; il s'exprime ainsi dans son procès-verbal Ayant parcouru successivement toutes les pièces et chambres de ladite maison, ainsi que les cours, caves et magasins, dans lesquels nous n'avons trouvé que des monceaux de meubles de toute espèce, brisés et rompus, ainsi que toutes les boiseries de nécessité ou d'ornement, et toutes les clotures de l'intérieur et de l'extérieur, nous avons remarqué que, dans toute la maison, il n'existait rien d'entier, ce qui est le fait des gens qui se sont attroupés dans la journée du 14 de ce mois, et qui se sont livrés aux excès et aux dévastations qui ont eu lieu ledit jour chez différents particuliers. Avons pareillement observé que l'endroit de ladite maison qui servait de cabinet, et qui contenait les papiers de la régie des vivres de la marine, a été totalement spolié et dévasté; et nous étant enquis des personnes préposées à la garde du lieu, que nous avons trouvées dans ladite maison, si aucun des meubles et effets qui la garnissaient n'avait échappé au brigandage, il nous a été unanimement allesté que ceux qui s'étaient portés au pillage n'avaient absolument rien épargné.

Une declaration, signée par Mme Saint-Laurent et Mile Touch, porte à 172,000 livres la valeur des effets, meubles, bijoux, or, argent, assignats, lettres de change et marchandises que ces dames avaient en leur possession dans la maison qui a été dévastee, et se trouve annexée à ce procès-verbal.

Le même juge de paix s'étant transporté, le soir dudit jour 17 février, dans la maison où la dame Saint-Laurent et sa sœur s'étaient réfugiées, elles lui ont déclaré que, depuis la veille, il leur avait éte rapporté quelques parties de linge de corps, de lit et de table, qui avaient été tirées des débris de leurs meubles et effets qui gisaient sur le pavé de leur ci-devant domicile, mais qui étaient déchirées, imprégnées d'ordures, et hors d'état de servir; lesquelles parties de linge ayant été représentées audit juge de paix, ontele reconnues pour étre absolument hors d'état de pouvoir servir.

Le 22 dudit mois de fevrier, le juge de paix s'étant encore transporté, sur une nouvelle réquisition de Mme Saint-Laurent et de Me Touch, dans la maison où elles s'étaient réfugiées, ces dames lui ont dit que dans la déclaration qu'elles avaient faite le 17, elles avaient omis d'y comprendre plusieurs objets, tels que les glaces, une somme de 1,080 livres en assignats, qui était dans le secrétaire de leur commis, une autre de 1,075 livres en médailles, pièces d'or étrangères et jetons d'argent, ainsi que divers effets et marchandises dont elles ont donné le détail, et qui sont reprises dans le procès-verbal, le tout se montant à 6,751 livres, de laquelle somme il a été déduit celle de 2,158 livres, pour quelques bijoux, argenterie et linge qui leur avaient été rapportes par le cure et autres personnes inconnues, ce qui la réduit à celle de 4,593 livres, qui, ajoutée aux 172.000 livres portees dans la première déclaration, tait monter la perte essuyée par Mme Saint-Laurent et sa sœur, à 176,593 livres.

1" SERIE. T. XLV.

Tel est, Messieurs, le résultat des procès-verbaux adressés par le ministre de la marine à celui de l'intérieur, qui les a fait passer à votre président, avec une lettre par laquelle il expose que, d'après l'article 2 de la loi du 2 octobre dernier sur la libre circulation des grains, Mme Saint-Laurent paraît dans le cas d'être indemnisée de ses pertes; mais que, comme aux termes de cette loi il y aurait lieu à augmenter en conséquence l'imposition du département, il n'appartient qu'à l'Assemblée nationale de statuer sur cette demande, et de fixer l'indemnité qui peut être accordée à la dame Saint-Laurent.

Cette dame et sa sœur ont cru devoir ne pas borner seulement aux pièces dont je viens de vous rendre compte, les preuves de la dilapidation de leurs propriétés: elles ont pensé qu'elles devaient recourir à tous les moyens qu'il leur était possible d'employer, tant pour prouver la cause des excès auxquels les malintentionnés se sont portés, que pour constater l'authenticité de leurs pertes, et leur valeur. A cet effet, elles ont fait faire une information par forme d'enquête, par devant l'un des juges de paix de Dunkerque, dans laquelle 53 personnes de tout état ont été entendues. Il appert des dépositions que ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on est parvenu à sauver ces dames de la fureur des brigands qui vomissaient des imprécations contre elles; que le nommé Vanbeveren, l'un de ceux qui les ont arrachées des mains des brigands, a couru les plus grands dangers, par les menaces qui lui ont été faites de le pendre ou de l'assommer; et ce citoyen n'a dù son salut qu'à la fuite, après avoir abandonné un panier renfermant des objets précieux qu'il voulait soustraire au pillage. Il est prouvé, par d'autres dépositions, que l'or et l'argent monnayes, une boîte contenant des lettres de change, un portefeuille avec des assignats, plusieurs bijoux et pièces d'argenterie, avaient d'abord été cachés par les domestiques de ces dames, sous la paillasse du lit d'une servante, et ensuite mis sous du linge, dans le panier que les brigands ont arraché des mains de Vanbeveren et d'une servante qui aidait à le transporter.

sa

Une marchande chez laquelle ces dames avaient été transportées fut obligée, pour sauver maison du pillage dont elle était menacée, de les faire sortir après les avoir gardées un quart d'heure. Elles furent conduites à l'hôpital, et ensuite chez le sieur Mirabel, officier-major de la place de Dunkerque, où elles ont resté jusqu'au moment de leur départ pour venir solliciter la justice de l'Assemblée nationale.

D'autres dépositions constatent que ces dames étaient dans un tel état de détresse, que leurs amis se sont empressés de leur porter des vêlements et une somme de 2,800 livres en assignats, pour fournir à leurs plus pressants besoins. La dame Saint-Laurent était arrivée chez le sieur Mirabel n'ayant qu'un soulier, et sa sœur avec ses habillements déchirés par les brigands qui l'avaient déjà saisie par le bras, lorsque des hommes courageux eurent le bonheur de la sauver.

35 témoins, parmi lesquels se trouvent deux officiers municipaux et le président du district de Bergues, déposent uniformément que la dame Saint-Laurent vivait d'une manière qui annonçait beaucoup d'aisance; qu'elles occupaient une très grande maison, très bien meublée en glaces, trumeaux, tableaux, pendules, rideaux de Perse, des Indes, et autres beaux meubles recherchés; qu'elles avaient de très belles dentelles, et des

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robes des plus belles étoffes, de beau linge de corps et de table, beaucoup d'argenterie, de très belles porcelaines, des montres d'or à répétition, garnies de diamants, et beaucoup d'autres bijoux précieux; enfin qu'elles avaient chez elles tout ce qu'on peut voir chez les personnes les plus aisées, et qu'elles ont dû perdre considérable

ment.

Le sieur Girardeau, tapissier, troisième témoin, déclare que, d'après la connaissance qu'il avait des meubles de ces dames, il estime que, pour ce qui regarde sa partie, il en coûterait 18 à 20,000 livres pour remettre la maison dans l'état où elle était avant le pillage.

Plusieurs autres dépositions, dont il serait trop long de rendre compte, constatent la vente de bijoux précieux faite à ces dames, et qu'elles étaient bien approvisionnées en vins et liqueurs.

Mme Saint-Laurent a encore produit beaucoup d'autres pièces, parmi lesquelles se trouvent:

Un état, certifié le 3 mai, par les régisseurs des vivres de la marine, par lequel il appert que depuis 1776 jusqu'au jour où elle a été pillée, elle a fait des achats de grains et légumes pour l'approvisionnement des ports, pour une somme de 2,642,873 liv. 4 s. 6 d., et que les 5 dernières années d'achats montent à celle de 1,846,347 liv. 19 s. 4 d.

Une déclaration des mêmes régisseurs, portant que la dame Saint-Laurent occupe, depuis 1771, la place de directrice des vivres de la marine; qu'en cette qualité, elle a été chargée, et particulièrement dans les derniers temps, d'achats de blé et de légumes pour être expédiés à Brest, Rochefort et Lorient, pour le service de la marine. Ils louent l'exactitude, le zèle et l'honnêteté avec lesquels elle a constamment exécuté les ordres qui lui ont été donnés.

Un état délivré par les officiers municipaux de Dunkerque, par lequel il est prouvé que cette dame a expédié, depuis le 15 mai 1790 jusqu'au 6 février dernier, 32 navires pour les ports de Cherbourg, Brest, Rochefort et Lorient : les notes marginales de cet état prouvent que toutes ces expéditions ont été faites pour le service de la marine.

Plusieurs certificats du commissaire-ordonnateur et d'autres officiers supérieurs de la marine à Dunkerque, constatent que, lors de l'insurrection du 14 février, la dame Saint-Laurent avait, à l'écluse de Bergues, deux bélandres chargées de blés destinés pour le service de la marine, et que l'une de ces bélandres ayant été attaquée par la populace, les blés qu'elle contenait ont été débarqués et transportés dans l'eglise des Capucins; qu'elle avait, en outre, dans le port, un bâtiment chargé de blé qui était destiné pour Rochefort.

Une copie de lettres et de procès-verbaux de la municipalité de Dunkerque, d'où il résulte que les brigands ayant voulu piller cette bélandre'de blés, des commissaires de la municipalité ont cru devoir la faire décharger pour apaiser la fureur de la populace; ces mêmes procès-verbaux contiennent encore que les mal intentionnés ont aussi exigé le débarquement des navires chargés de blé, et que les officiers municipaux ont été obligés de leur promettre qu'ils les feraient décharger.

Je dois observer que ces brigands s'étant opposés à la circulation et embarquement des blés par le port de Dunkerque, la dame Saint-Laurent a été obligée de résilier une charte-partie, qu'elle avait passée avec le capitaine Héroul,

pour l'expédition du navire le Patriote, à la destination du port de Rochefort. Elle a aussi été obligée de faire emmagasiner, tant à Bourbourg que dans d'autres villes, des blés qui étaient expédiés pour être embarqués à Dunkerque pour la subsistance des gens de mer de sorte que son service a été interrompu depuis l'insurrection du 14 février dernier. Ces faits sont prouvés par des pièces et certificats authentiques.

Votre comité de la marine, que vous avez chargé, Messieurs, de vous rendre compte de cette affaire, après avoir pris communication des procès-verbaux des différentes administrations du département du Nord, et du juge de paix de Dunkerque, ainsi que de l'enquête et de toutes les autres pièces jointes et produites par la dame Saint-Laurent; après avoir examiné la loi du 2 octobre 1791, concernant la libre circulation des grains, a pensé qu'il était d'autant plus juste d'accorder à la dame Saint-Laurent et à la demoiselle Touch, sa sœur, l'indemnité qu'elles réclament, que ce n'est que parce que la première remplissait les ordres qui lui étaient donnés par les régisseurs des vivres de la marine, d'après ceux qu'ils recevaient du ministre, d'acheter et de faire passer dans les arsenaux des ports de France les blés nécessaires pour la subsistance des équipages, qu'elles ont perdu tout ce qu'elles possédaient, puisque jamais cette directrice n'a fait le moindre achat ou envoi de grains pour son compte.

Une considération qui vient encore à l'appui de l'opinion de votre comité, c'est que, quoique la dame Saint-Laurent ait fait dans diverses occasions des achats très considérables de blés et légumes pour la marine, il ne lui a jamais été passé de commission pour cet objet; qu'elle ne jouissait que des modiques appointements attachés à sa place de directrice des vivres de la marine, et de quelques faibles gratifications qui lui étaient accordées de temps à autre pour les peines et soins extraordinaires que nécessitaient les achats et embarquements d'une très grande quantité de blés et autres grains.

Votre comité de la marine, Messieurs, a pensé qu'il ne convenait pas qu'il vous fit le rapport de cette affaire, sans en avoir auparavant conféré avec votre comité de l'extraordinaire des finances. Les deux comités réunis, après avoir mûrement examiné la demande de Mme SaintLaurent, et toutes les pièces que j'ai citées, ainsi que la loi sur la libre circulation des grains, et après une longue discussion pendant deux séances, ont unanimement reconnu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 2 octobre 1791, la nation doit à Mme Saint-Laurent l'indemnité de ses pertes; mais, attendu que la nation doit reprendre la valeur de l'indemnité, en l'imposant sur le département du Nord, où le désordre a été commis, et que le département doit faire porter cette charge sur le district ou sur les communes dans le territoire desquelles le délit a eu lieu, sauf à elles à exercer leur recours solidaire contre les auteurs des désordres, vos comités ont pensé qu'ils ne pouvaient, quant à présent, vous proposer d'accorder à Mme Saint-Laurent la totalité de ses pertes, quoiqu'elles leur aient paru bien constatées, et l'évaluation bien justifiée. Ils fondent leur opinion à cet égard sur la considération que les départements, et, par suite, le district de Bergues, la municipalité ou la commune de Dunkerque en définitif, étant dans le cas, d'après les termes de la loi, de rendre à la nation la valeur de l'indemnité, il était de votre

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