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Déposition de M. le maire de Neuf-Brisach.

Et de suite nous avons reçu la déposition de M. Ignace Deschamps, maire de la ville de NeufBrisach, lequel nous a déclaré, après serment fait de dire la vérité, que lundi 4 du mois de juin vers les quatre heures de l'après-midi, comme il était occupé à dresser un procès-verbal de réception de bœufs pour l'approvisionnement de la place, et ce, en l'absence du commissaire des guerres, le sergent de garde de la porte de Bâle vint l'informer que plusieurs voitures de rouliers se présentaient et qu'on ne voulait pas les laisser passer parce qu'on avait des soupçons sur leur chargement; à quoi il avait répondu que, si les voituriers avaient des passavants en règle, il ne croyait pas qu'on dut les arrêter; qu'une demi-heure après, les voituriers sont venus chez lui, maire, lui montrer leurs papiers, que, quoiqu'ils lui aient paru en règle, il leur a dit de les aller faire vérifier au bureau de la douane; que peu de temps après M. d'Arlandes, adjudant-major du camp, est venu de la part de M. d'Herbigny, commandant de la place, le prier d'aller avec lui à la porte de Bâle, ordonner de laisser passer les voitures qui étaient arrêtées; qu'il lui avait répondu que préalablement il fallait passer au bureau de la douane pour savoir du receveur si les passavants étaient en règle, ce qu'ils ont fait; et sur la réponse du receveur que tout était en règle et que rien ne devait s'opposer au passage des voitures, ils se sont rendus sur la chaussée et ont dit aux soldats attroupés, que, conformément à la loi, ces voitures devaient passer librement que les soldats ayant crié avec fureur qu'elles ne passeseraient pas, lui, maire, voyant une grande foule fort échauffée, s'est retiré; que M. d'Arlandes l'est venu joindre et lui a proposé d'aller prendre des officiers municipaux et de revenir avec eux et les préposés de la douane, pour visiter les voitures, afin de satisfaire et de calmer les soldats; que pendant qu'il parcourait la ville pour chercher les officiers municipaux, qu'il n'a pas rencontrés, il a vu une foule de soldats qui traînaient en ville des voituriers, qu'il a jugé qu'on conduisait en prison; ce qui lui a fait penser que, sans doute, on avait trouvé sur ces voitures des effets prohibés; que peu après un soldat lui a montré un canon de fusil sur l'une de ces voitures; que lui, maire, dit aux soldats de venir le lendemain déposer à la municipalité ce canon de fusil, pour pièce de conviction: et qu'ensuite il rencontra des officiers municipaux, auxquels il dit de prendre leur écharpe, envoya un huissier de la municipalité avertir les préposés de la douane de se joindre à eux pour faire la visite des voitures et en dresser procès-verbal; que dans l'intervalle, ces voitures ayant été conduites au camp, ils s'y sont transportés, et à peine arrivés, un soldat en veste prit le maire au collet,

en lui disant: Vous vouliez faire passer ces voitures; vous avez bien tort puisque nous y avons trouvé des armes; qu'au même instant un officier du treizième régiment vint à lui en courant, qu'il était fort pâle et lui dit : Ne perdez pas de temps à vous sauver; vous êtes menacé; qu'aussitôt il entendit battre la générale au camp; sur quoi il se retira avec les officiers municipaux et les préposés de la douane, et que tous rentrèrent précipitamment en ville; qu'une heure après qu'il fut retiré chez lui, un soldat du treizième régiment, sans armes, entra dans son poële au rez-de-chaussée, demanda d'un ton menaçant où était le maire, et dès qu'il l'aperçut, lui, maire, il le prit au collet; que ses deux filles et sa servante, voulant le tirer des mains du soldat, le traînèrent dans sa chambre; que sur cela il arriva des soldats en foule, qui l'arrachèrent de force, malgré la résistance de ses filles, de sa servante et du chirurgien-major du huitième régiment de chasseurs; que, dans cette lutte, ses filles furent maltraitées de coups; que lui fut traîné par les rues, injurié par les soldats qui criaient Il faut l'attacher à la lanterne! qu'ils l'ont fait passer sur la place d'Armes et qu'en passant près des arbres qui la bordent, ils renouvelaient les cris: A la lanterne! que, continuant à l'injurier et à le frapper, ils l'ont conduit à l'hôtel de ville, et que, sans les prières et les exhortations d'un lieutenant de la garde nationale, nommé Frieth, qui demanda aux soldats qu'ils fissent entrer le maire dans l'hôtel de ville et qu'ils le missent en prison pour le faire juger et punir, s'il était trouvé coupable, il croit qu'on l'aurait accroché sous la porte; qu'il a été mis en prison et qu'il n'en est sorti qu'aujourd'hui un peu avant midi sur la réquisition de MM. les commissaires du département et par ordre de M. Victor Broglie.

:

Lecture à lui faite de sa déposition, il a déclaré y persister et qu'elle est véritable. En foi de quoi il a signé avec nous.

Signé DESCHAMPS, maire, BRUNCK.

Maintenant que l'Assemblée connaît, par les dépositions de l'adjudant-major d'Arlandes et du maire de Brisach, les faits qui se sont passés avant l'arrivée du général Victor Broglie et du maire de Brisach, je continue la relation du procureur général syndic du département et du général.

A midi et demi, MM. Rewbell, Victor Broglie et Brunck se rendirent à la maison commune, où le maire et M. d'Arlandes étaient détenus un piquet de la seconde compagnie de grenadiers du 13 régiment d'infanterie avait été placé en bataille devant la maison commune, le 8 régiment de chasseurs qui était monté à cheval pour recevoir ses étendards qui venaient d'être bénis, avait eu ordre de rester sur la place voisine. Des piquets étaient commandés dans les différents quartiers. M. Rewbell réitera de vive voix, en présence des troupes placées devant la maison commune, la réquisition au nom de la loi de faire sortir les prisonniers; et aussitôt il monta avec M. Victor Broglie et M. Brunck à la prison et en fit sortir M. le maire et M. d'Arlandes. M. Victor Broglie ordonna aux grenadiers du 13 régiment de le suivre et d'escorter M. le maire et M. d'Arlandes, que le procureur général syndic, le commissaire des guerres et le général voulaient accompagner chez eux. Dans ce moment de grands cris s'élevèrent de tous

côtés, ils partaient de plusieurs groupes de soldats et de volontaires sans armes, qui, en désignant les prisonniers, disaient: Ils ne sortiront pas, il ne marcheront pas, nous ne voulons pas. Les grenadiers, ébranlés par ces cris séditieux, témoignèrent de la résistance à obéir. Leurs officiers, indignés d'une telle conduite, en avertirent M. Victor Broglie, qui parla luimême avec énergie à cette troupe, dont les rangs étaient déjà rompus; plusieurs grenadiers avaient osé énoncer à haute voix leur refus de marcher. M. Victor Broglie ordonna aussitôt de battre la générale et envoya chercher un piquet de chasseurs à cheval, qui, fidèle à son devoir, s'avança avec la contenance la plus ferme. Cet exemple décida les grenadiers à marcher et les prisonniers furent ainsi conduits, à pied et sans trouble, chez M. le maire, par MM. Rewbell, Victor Broglie, Brunck et plusieurs autres officiers. Un piquet de 25 chasseurs à cheval, de 50 hommes du 13 régiment et de 50 volontaires nationaux, fut placé à la porte de M. le maire. M. Victor Broglie ordonna en même temps à la compagnie de grenadiers, dont une partie s'était livrée à une insubordination si répréhensible, de partir pour Strasbourg, où, d'après les plaintes portées par M. Brunck, commissaireauditeur, les coupables seront jugés d'après la loi. Cet ordre fut exécuté malgré les oppositions que quelques malveillants voulaient y mettre : la compagnie partit et cet exemple parut en imposer. M. Victor Broglie parla ensuite sur la place d'Armes à toute la garnison assemblée, retraça aux soldats leurs devoirs, leur reprocha avec force les désordres auxquels ils s'étaient livrés; il fit rentrer les troupes dans leurs quartiers respectifs, et se rendit ensuite au camp, accompagné de 25 chasseurs. Le premier bataillon dont il s'approcha, était le premier de l'Ain, il était sous les armes. M. Victor Broglie commença à parler à ces volontaires, pour leur faire connaître les fautes qu'ils avaient commises, pour leur rappeler les principes de la discipline. M. Latour, premier lieutenant-colonel de ce corps, demanda la parole à M. Victor Broglie, et commença fort mal à propos à vouloir justifier le fait de l'arrestation des voitures. M. Victor Broglie l'interrompit pour lui faire remarquer combien ses observations étaient mal placées. Cet officier insista. M. Victor Broglie s'apercevant que c'était un ancien officier, qu'il portait la décoration militaire, le pria de nouveau de cesser son discours et de lui épargner la peine de punir un vieux serviteur de la patrie. Il continua toujours. Alors M. Victor Broglie lui ordonna les arrêts.

A ce moment l'insurrection se manifesta parmi les volontaires. Des cris tumultueux s'élevérent; on criait que le lieutenant-colonel n'irait pas aux arrêts; plusieurs volontaires mirent M. Victor Broglie en joue; le plus grand désordre se manifesta; quelques officiers s'y opposèrent, mais leurs efforts furent vains. Le général s'approcha du 6 bataillon du Jura, qui était sous les armes. Il lui parla avec la vigueur et le calme qui convenait dans les circonstances. II fut écouté avec assez d'attention; mais les volontaires de l'Ain étant accourus en foule derrière le front, renouvelèrent leurs cris séditieux, et les volontaires du Jura n'eurent pas la force de résister à ce mauvais exemple. Quoique moins échauffés que ceux de l'Ain, ils partagèrent bientôt leurs torts, et se livrèrent à des menaces et à des cris. M. Victor Broglie s'approcha alors

du détachement de 800 hommes du 13 régiment, campés auprès des volontaires du Jura. Ce détachement qui était sous les armes, conserva une bonne contenance; et quoiqu'il fut bientôt entouré des volontaires en état de rébellion, il demeura dans l'ordre et la discipline. Le général crut devoir parcourir de nouveau le front du camp, au pas; il n'avait aucune force suffisante pour réprimer la sédition; il rentra, après avoir témoigné à ces soldats rebelles, en s'arrêtant plusieurs fois vis-à-vis d'eux, combien leur conduite était coupable, mais aussi combien leurs menaces étaient vaines pour l'émouvoir.

En rentrant dans la ville, M. Victor Broglie la trouva tranquille; il ordonna des patrouilles d'infanterie et de cavalerie, pour maintenir l'ordre, prévenir les attroupements: il y réussit, et le calme fut maintenu malgré l'affluence des volontaires du camp et l'agitation des esprits. Le général ayant mandé les lieutenants-colonels et quelques officiers du premier bataillon de l'Ain, pour savoir d'eux la cause de la sédition de ce bataillon, apprit qu'avant son arrivée au camp, on avait cherché à prévenir les volontaires par des rapports et des écrits calomnieux : ils lui témoignèrent leurs regrets de ce qui s'était passé.

Un boucher de l'armée, qui s'était fait remarquer par des violences envers M. d'Arlandes, avait été arrêté le matin par ordre de M. Victor Broglie. Le général apprit, dans la soirée, qu'on avait formé le projet de venir l'enlever; et, pour en prevenir l'exécution, il ordonna qu'un détachement de chasseurs partirait, à portes ouvrantes, pour mener le prisonnier à Colmar. Les rebelles, soit qu'ils fussent instruits de cette disposition, soit qu'ils l'eussent prévue, se portèrent aux portes de grand matin; et lorsque le détachement se présenta pour sortir, il fut enveloppé de toutes parts le prisonnier lui fut enlevé. Instruit de ce fait, et sans aucun moyen de connaître les coupables, sans force suffisante pour les faire arrêter, M. Victor Broglie sentit que le seul parti qui lui restait à prendre était de séparer les troupes qui avaient déjà enfreint tous leurs devoirs, et que les malintentionnés pouvaient porter aux extrémités les plus dangereuses pour la sûreté de la place, en les alarmant sur les suites de leur insubordination. Il ordonna, en conséquence, que le premier bataillon de l'Ain partit sur-le-champ pour se rendre à Belfort, le sixième du Jura à Amerschwir, la compagnie d'artillerie à Strasbourg, et que le détachement du 13° régiment rentrat dans la place. Cet ordre n'éprouva aucune opposition: les troupes se disposèrent à l'exécuter, et un grand nombre de soldats des bataillons de l'Ain et du Jura vinrent, avant leur départ, témoigner au général leurs regrets de ce qui s'était passé; lui exprimer la douleur et la honte qu'ils ressentaient d'appartenir à des corps dont la majorité tenait une conduite aussi affligeante pour les départements auxquels ils appartenaient, que pour le corps entier des volontaires nationaux. Plusieurs d'entre eux paraissaient désirer qu'il leur fût permis, ou de servir comme simples volontaires dans des bataillons plus dignes de la confiance nationale, ou que leur démission fùt acceptée. Le général leur fit sentir que le moment était venu où tout bon citoyen devait rester à son poste, quelque pénible, quelque périlleux qu'il pût devenir; que la patrie serait perdue, si les gens de bien

dats qu'ils désigneraient et nommeraient par compagnies, et qu'on s'assurerait ainsi de la conformité de chargement avec les lettres de voiture; que cette vérification commencerait le lendemain 8, à 6 heures du matin. Peu de soldats parurent désirer fortement cette visite formellement contraire à la loi sur le commerce de transit; et il fut permis de bien augurer des dispositions de la majorité.

se décourageaient et abandonnaient leurs places | visiterait les deux voitures en présence des solaux lâches et aux malveillants; il les exhorta à rechercher ceux qui, par des faux rapports et par des écrits calomnieux, qu'ils avaient répandus la veille dans le camp, comme il venait de l'apprendre d'eux-mêmes, avaient porté les troupes à la rébellion, et les engagea à les dénoncer. Il les assura que cette conduite prescrite par l'Assemblée nationale aux corps compromis dans les affaires de Mons et de Tournai, etait la seule qui put rétablir l'honneur de leurs bataillons, et prévenir les dispositions sévères et générales que sans cela l'Assemblée nationale prendrait sans doute à leur égard; que dès ce moment ils devaient renoncer à l'espérance de faire partie des troupes destinées à marcher les premières à l'ennemi, et que conformément à l'ordre donné par M. le maréchal Luckner, ils seraient renvoyés sur les derrières, s'ils ne donnaient pas des preuves éclatantes d'un sincère et véritable repentir. Cette exhortation parut faire beauconp d'impression sur eux; ils rejoignirent leurs bataillons prêts à partir.

Les volontaires, en quittant le camp, tirèrent leurs armes pour les décharger; le commandant du poste de la place d'arme vint rendre compte au général que les balles tombaient dans la ville. M. Victor Broglie fut informé en même temps, que l'un des bataillons avait fait prendre un uniforme de volontaire au boucher de l'armée qui avait été enlevé le matin au détachement qui le conduisait, et qu'à la faveur de ce déguisement les volontaires l'avaient emmené avec eux dans les rangs.

Après le départ des troupes campées, le calme paraissait rétabli, lorsque deux voitures chargées, venant de Strasbourg, traversèrent la ville. Les préposés de la douane nationale avaient trouvé leurs connaissements en ordre, et leur permirent de passer outre; mais lorsqu'elles voulurent partir, une foule de volontaires de la Haute-Saône et des soldats du 13° régiment s'y opposèrent, en demandant que ces voitures fussent visitées. Les craintes, les défiances des jours précédents se renouvelèrent, et les esprits parurent précisément dans le même état où ils étaient auparavant. Le général averti, avait commandé une escorte de 25 chasseurs à cheval; il marcha lui-même avec des commissaires du département, et trouva la rue obstruée de soldats. Il jugea bientôt que les têtes exaltées par le vin ne pouvaient être ramenées; que la loi ne triompherait pas sans combats, et que les méfiances ne pouvaient être calmées que par des moyens plus doux. Les commissaires du département, les officiers supérieurs et autres furent du même avis, et l'on se décida unanimement à tenter encore une fois l'effet de la persuasion, pour ramener la soumission avec la confiance. Le général, les commissaires, les officiers, les sous-officiers, chasseurs et soldats amis de l'ordre, se mêlèrent dans les différents groupes, raisonnèrent sur les malheurs qui résulteraient pour l'Etat, de la perte du commerce de transit, sur le danger des méfiances exagérées et sans fondements, sur la nécessité de s'unir contre les traitres qui les provoquaient, et l'obligation tant de fois jurée de maintenir les lois au prix de tout notre sang; enfin, un peu avant la nuit, M. les commissaires et le général vinrent auprès des voitures, et dirent à ceux qui les environnaient, que, pour faire cesser une fois pour toutes les inquiétudes qui pourraient demeurer dans quelques esprits, on

Le lendemain matin, les chasseurs à cheval du 8 régiment viurent dire au général que, contents de faire leur devoir de soldats, ils ne se chargaient point de faire celui de commis de la douane, confié à d'autres qu'à eux, et qu'aucun d'entre'eux n'assisterait à la visite des voitures. Les grenadiers du 13° régiment ne nommèrent point de députés, et ceux que les autres compagnies avaient désignés vinrent assurer le général que les sentiments des vrais soldats du 13° régiment étaient l'amour de la discipline, le respect pour la loi; que les désordres que l'on pouvait encore attribuer à la totalité du corps, avaient été excités par un petit nombre d'hommes pervers, qu'ils dénonceraient eux-mêmes, qui avaient abusé de la jeunesse et de l'inexpérience de quelques recrues arrivées depuis peu de mois; qu'ils répondaient au général que de pareilles scènes ne se renouvelleraient plus; qu'ils se rendraient dignes de conserver au régiment le glorieux surnom de régiment sans tache, et la place qui lui avait été désignée dans le premier rassemblement. Le général leur parla de manière à les maintenir dans ces bonnes intentions; il fit ensuite prendre les armes à tous les corps de la garnison, et il parla à chacun d'eux d'une manière convenable à la conduite qu'ils avaient tenue.

7 soldats du 13 régiment d'infanterie, dénoncés par leurs camarades pour être chefs d'émeute, ont été arrêtés. Un volontaire de la Haute-Saône a été reconnu pour avoir été la veille un des plus acharnés à s'opposer à la sortie des voitures; il a été mis en prison: enfin, à 2 heures, les voitures sont parties sans avoir été visitées, au milieu d'une foule de soldats qui marquaient un véritable empressement de n'avoir plus sous les yeux les témoins de leurs erreurs. Le général et le procureur général syndic partirent aussitôt après, celui-ci pour Colmar, et le premier pour venir rendre compte de sa conduite à M. de Lamorlière.

Le procureur général syndic du département du Haut Rhin,

Signé REWBELL.

Le maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Rhin,

Signé VICTOR BROGLIE. Conforme à l'original qui nous a été présenté. Le lieutenant général, commandant l'armée du Rhin,

Signé LAMORLIÈRE.

P. S La seconde compagnie des grenadiers du 12 régiment, qui, par ordre de M. Victor Broglie, était partie de Neuf-Brisach pour Strasbourg, y est arrivée le 8; le lendemain 9, au matin, par ordre de M. Lamorlière, elle s'est rassemblée

sans armes dans un des ouvrages de la place, où se trouvait un piquet de chacun des régiments de la garnison de Strasbourg, et un piquet à pied et à cheval de la garde nationale citoyenne de la ville. Alors M. Victor Broglie a ordonné au capitaine de la compagnie d'appeler à haute voix tous ceux qui n'étaient point du piquet qui avait donné une preuve si affligeante de son insubordination. Les soldats appelés sont sortis du rang, et ont reçu du général l'ordre d'aller reprendre leurs armes au quartier et de revenir à leur poste. Cependant M. Brunck, commissaire-auditeur, a sommé l'officier qui commandait le piquet à Neuf-Brisach, de dénoncer ceux des soldats qu'il regardait comme les principaux auteurs de la rébellion; il en a nommé 4, et les sous-officiers et grenadiers en ont dénoncé 2 autres. M. Victor Broglie a cru devoir saisir ce moment pour détailler avec force aux piquets rassemblés, les suites funestes d'une insubordination aussi criminelle aux yeux de la loi, que dangereuse pour la patrie; puis, s'adressant aux soldats de la compagnie, de grenadiers du 13° régiment, qui venaient de reprendre les armes, il leur a dit, que pour leur faciliter les moyens de prouver combien leur conduite et leurs sentiments étaient éloignés de ceux de leurs camarades coupables, il leur confiait le soin de conduire eux-mêmes à la prison militaire les 6 grenadiers dénoncés. Cette disposition a été exécutée avec zèle: les grenadiers détenus seront traduits demain au juré d'accusation; ceux qui composaient le piquet à Neuf-Brisach, ont été conduits à la citadelle, où ils sont consignés, et le reste de la compagnie, qui n'avait pas participé à leur faute est parti sur-le-champ pour rejoindre le 13 régiment.

Le maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Rhin,

Signé VICTOR BROGLIE.

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Après les détails que vous venez d'entendre, le compte particulier que rend le lieutenantgénéral Lamorlière est digne de votre attention. Le voici :

«Je vous supplie, Monsieur le président, de vouloir bien engager l'Assemblée nationale à entendre la lecture des différentes pièces que je vous envoie, à les examiner avec toute l'attention qu'une affaire aussi grave commande impérieusement, et à ne pas perdre de vue que le rétablissement de la discipline dans l'armée que je commande, et par conséquent la sûreté des places frontières dont la défense m'est confiée, sont directement subordonnés à la décision que l'Assemblée nationale portera, et aux moyens qui seront pris pour assurer la punition des coupables.

« Les actes d'insubordination et de révolte auxquels se sont livrés le premier bataillon des volontaires nationaux du département de l'Ain, et le 6 bataillon du Jura, me paraissent provoquer contre eux un décret semblable à celui qui a été rendu contre le 6 régiment de dragons: c'est en fournissant à ces corps les moyens de dénoncer eux-mêmes les vrais coupables, et de se délivrer ainsi d'une partie du poids de l'inculpation collective, que la loi sera vengée, et que la patrie pourra reconnaître la partie des individus qui composent ces bataillons qui est encore digne de la servir. »

Votre comité militaire a trouvé dans vos

propres décisions, dans les décrets que vous avez rendus sur les 5e et 6e régiments de dragons, ie modèle des dispositions qu'il devait vous proposer. Après la lecture des pièces, il est inutile de vous faire observer que les attentats commis envers les personnes de l'adjudant général d'Arlandes et du maire de Brisach, M. Deschamps, sont de la nature de ceux dont le souvenir vous a fait frémir d'indignation.

Vous l'avez entendu, Messieurs, ces victimes de la fureur d'une soldatesque effrenée n'ont échappé au sort du malheureux Dillon, que par le courage des fonctionnaires publics, et le dévouement touchant de quelques soldats fidèles, que la fraternité d'armes et le respect à la loi ont porté à se jeter entre les assassins et la victime. Eh! quels soldats se sont portés à de telles violences? Quels soldats ont donné le premier exemple de la violation de la loi? Des enfants de la loi; des gardes nationales, le premier appui, et la dernière espérance de la patrie. Effrayez, Messieurs, les scélérats audacieux qui portent dans nos camps une frénésie contagieuse, et qui ont tellement profané l'expression des sentiments civiques, que les soldats de la liberté, au milieu de leurs cris, ne peuvent reconnaître l'accent de la vérité, ni la voix de leurs devoirs. Vous devez aux gardes nationales, non moins jalouses de préserver intact l'honneur national, que les troupes de ligne, la même rigueur, le même acte de justice salutaire que Vous avez fait à l'égard de ces dernières.

Effacez, ou plutôt, prévenez la tache que des gardes nationales, indignes de ce titre civique, auraient imprimée aux couleurs de la liberté.

Votre comité vous propose le projet de décret suivant :

Projet de décret.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle doit au salut public, à l'honneur national, au maintien des lois et du respect dù aux fonctionnaires publics, de veiller à la punition de ceux qui ont violé la loi, troublé son exécution, attenté à la vie de leurs chefs, excité à l'insubordination, et compromis la sûreté du camp sous Brisach, par les désordres qu'ils y ont produits, soit prompte et éclatante; considérant l'entière obéissance des soldats comme la sauvegarde de la liberté et de la Constitution;

« Voulant, par cet acte de justice, prévenir les vœux de tous les soldats fidèles, et accorder aux fonctionnaires publics qui ont fait leur devoir, en se dévouant pour la défense de la loi, comme une récompense égale à leur zèle, le suftrage des représentants du peuple, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :

«Art. 1°. Le pouvoir exécutif donnera des ordres pour qu'il soit assemblé dans tel lieu de l'armée du Rhin, que le général désignera, une cour martiale, devant laquelle seront immédiatement traduits le sieur Latour, lieutenant-colonel du premier bataillon de volontaires du département de l'Ain, et tous autres officiers, sous-officiers et volontaires de ce bataillon et du 6 du département du Jura, qui sont prévenus de s'être livrés à l'insurrection qui a eu lieu au camp sous Brisach, d'avoir violé la loi, et concouru à l'attentat commis, et aux violences exercées envers les autorité constituées, désobéi

aux ordres du général Victor Broglie et aux réquisitions des magistrats du peuple.

Art. 2. Immédiatement après la publication du présent décret, le général de l'armée du Rhin fera sommer le 1er bataillon de l'Ain et le 6e du Jura, de déclarer et faire connaître les officiers, sous-officiers et volontaires qui, soit par des instigations antérieures, soit par des cris ou des actes de violence, auraient excité ou produit l'insurrection ou la violation de la loi.

« Art. 3. Dans le cas où les bataillons ne déclareraient pas les coupables dans le délai prescrit par le général, et se trouveraient par là chargés du crime d'insurrection, de violation à la loi, et d'attentat envers les personnes des sieurs d'Arlandes, adjudant général de l'armée, et Deschamps, maire de la commune de Brisach; le pouvoir exécutif donnera les ordres nécessaires pour que ces bataillons soient cassés, sans préjudice, toutefois, de l'information et poursuites qui pourront résulter des comptes déjà rendus, et des dénonciations qui sont ou pourront être faites contre les prévenus coupables, comme aussi de la justification authentique des officiers, sous-officiers et volontaires qui auraient fait leur devoir.

"

Art. 4. Si, en conséquence des articles cidessus, il y a lieu à casser les bataillons de l'Ain et du Jura, ci-dessus dénommés, les drapeaux de ces bataillons seront portés avec une escorte aux directoires de leurs départements respectifs, qui les feront brùler, et dresseront procès-verbal du brûlement.

« Art. 5. Le ministre de la justice rendra compte de huitaine en huitaine des poursuites que les accusateurs publics ont dû faire, en vertu de l'article 3 du titre IIl de la loi du 30 septembre 1790, contre toutes personnes suspectes d'avoir provoqué à commettre les crimes qui ont eu lieu au camp de Brisach, soit par des discours prononcés dans les lieux publics, soit par des placards ou bulletins affichés ou répandus, soit par des écrits rendus publics par la voie de l'impression.

« Art. 6. L'Assemblée nationale charge son président d'écrire au général Victor Broglie, pour lui témoigner sa satisfaction de la conduite ferme qu'il a tenue, et de l'exemple utile qu'il a donné én y ajoutant l'honorable commission de faire partager le témoignage au commandant de place d'Herbigny, à l'adjudant général d'Arlandes, au 8 régiment de chasseurs à cheval, qui s'est distingue par son obéissance et sa parfaite discipline, et à tous ceux dont l'honneur et le patriotisme, dans cette circonstance, ont résisté aux suggestions et à l'exemple de la plus lâche indiscipline. »

(L'Assemblée nationale charge aussi son président d'écrire au président du directoire du département du Haut-Rhin, pour lui témoigner sa satisfaction de la manière ferme et généreuse dont les administrateurs et les magistrats du peuple, notamment le procureur général syndic, M. Rewbell, et M. Deschamps, maire de Brisach, ont fait leur devoir, et employé, pour que force demeurât à la loi, tous les moyens qu'elle a mis entre leurs mains.)

(Ce rapport et ce projet de décret ont souvent été interrompus par des applaudissements.)

Plusieurs membres: Nous demandons que la discussion s'ouvre à l'instant.

M. Albitte. Le rapport qui vient d'être fait,

mérite toute votre attention. Je demande même, au nom de la chose publique, de ne pas précipiter votre décision dans cette affaire. Je suis loin de dire qu'il ne faut pas punir les coupables. Mais je vous prie de vouloir bien prendre une connaissance plus exacte des faits. Je vous prie, au nom des soldats, de vouloir bien ordonner l'impression et l'ajournement du projet qui vient d'être présenté.

M. Aubert-Dubayet. Je ne m'oppose point à la motion de ces Messieurs. C'est un moyen de plus de rendre, particulièrement à ceux des soldats du 13 régiment, auquel j'appartiens, l'hommage qui sera justement dû à leur courage patriotique. Quelques-uns d'eux effectivement dans cette occasion, ont oublié l'adage sacré pour les soldats de Bourbonnais, qu'ils appartiennent à des drapeaux sans tache. Il sera donc juste, pour l'exemple de l'armée, de sévir rigoureusement sur ceux qui ont été coupables.

Comme il sera encore prudent à l'Assemblée nationale de donner des preuves de sa satisfaction au capitaine Louis d'Arlandes, qui voyant la corde de l'homme qui était sur l'arbre prêt à le pendre, se dévoua plus particulièrement encore au service de la patrie, et au maintien de la Constitution. (Applaudissements.) C'est un hommage, Messieurs, qu'il m'est infiniment précieux de rendre à mon frère d'armes; comme vous entendrez encore avec une satisfaction égale, que deux volontaires ont couvert de leurs corps, le capitaine Louis Arlandes, qui allait être pendu; je demande donc aussi l'impression et l'ajournement au lendemain de la distribution.

Plusieurs membres: A 3 jours!

M. Théodore Lameth. Je demande que M. le président écrive à M. Broglie (Murmures) et à l'administration de district. Cette proposition peut être décrétée tout de suite. (Murmures.)

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret, et ajourne la discussion à 3 jours, après que la distribution en aura été faite.)

M. Carnot-Feuleins, le jeune. Je demande que l'Assemblée renvoie au comité de législation la proposition que je fais de défendre les duels. (Applaudissements.)

M. Ramond. J'appuie la proposition, et je demande, en outre, que le comité soit chargé de présenter une loi contre ceux qui diront des injures.

(L'Assemblée renvoie ces deux propositions au comité de législation.)

M. Carnot-Feuleins, le jeune, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret sur les moyens de procurer des armes à tous les citoyens du royaume, inscrits sur les registres de la garde nationale, et la nécessité de prohiber la sortie d'armes de toute espèce et de munitions de guerre; ce projet de décret est ainsi conçu: (1)

Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, connaissant l'empressement des citoyens à voler à la défense des

(1) Voy. ci-dessus, séance du 11 juin 1792, au soir, page 99, la présentation de ce projet de décret. Dans cette séance, l'Assemblée prohiba la sortie des armes et adopta les articles 13, 14 et 15 dn projet de décret. (Voy. page 100.)

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