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si l'Assemblée doit s'occuper de cette affaire. Or, je soutiens qu'elle peut et qu'elle doit seule s'en occuper, et non pas du tout ses comités.

Si je considère l'affaire comme simple fait de police, l'Assemblée seule en est juge, et un juge ne peut déléguer le droit qui lui a été donné.

faisant les fonctions de jurés, et vous devez le faire avant de caractériser le délit.

Je demande donc qu'avant qu'on lise la lettre, avant que l'Assemblée passe à une délibération quelconque, l'on appelle les témoins à la barre. (Applaudissements.)

L'Assemblée doit seule remplir les fonctions de juré et le tribunal d'Orléans devra en connaître. Je demande que l'Assemblée nationale entende, sans délai, les témoins qui lui sont pré-sur-le-champ les témoins.) sentés.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la lecture de la lettre, puis ferme la discussion et accorde la priorité à la proposition d'entendre

M. Viénot-Vaublanc. Vous ne devez considérer cette affaire que sous le simple rapport de délit de police correctionnelle, et je maintiens qu'il n'y a que M. Grangeneuve seul qui puisse, quant à present, la considérer sous un autre rapport. Je ne suis pas inquiet des sentiments qui sont dans son cœur; M. Jouneau doit être puni. Je demande qu'il soit envoyé pour 3 jours à l'Abbaye, et qu'on passe à l'ordre du jour.

M. le Président. Je viens de recevoir une lettre relative à cette affaire.

Un de MM. les secrétaires en commence la lecture:

« Monsieur le Président,

« Un grand nombre de citoyens réunis en ce moment près de l'Assemblée nationale, instruits par des témoins oculaires, de la manière atroce avec laquelle M. Grangeneuve... (Grand bruit à à droite.)

Plusieurs membres : C'est une abomination!

Un membre: C'est un artifice honteux. (Bruit à droite.) Je soutiens qu'un rassemblement de citoyens, sans permission de la municipalité, est un attroupement. (Murmures dans les tribunes.)

M. Basire jeune. On ne saurait trop s'étonner de la fureur de ces messieurs contre des citoyens quand ils ont tant d'indulgence pour M. Jouneau.

Un membre: On vient de faire cette pétition dans un café, et on l'a fait signer par tous ceux qui se sont présentés, on en impose à l'Assemblée nationale, on se joue de la Constitution et de la nation.

Un membre: Je demande que la lettre soit lue, sauf à l'Assemblée à avoir égard ou non à son contenu. (Applaudissements à gauche.)

M. Lagrévol. Je m'oppose à la lecture de cette lettre. Il paraîtrait que l'opinion de l'Assemblée nationale aurait pu être influencée. Je ne dis pas, Messieurs, que vous soyez capables ni les uns ni les autres d'avoir égard à tout ce qu'on peut dire, à tout ce qu'on peut écrire; mais il suffit qu'on puisse le présumer pour que Vous deviez vous garantir vous-mêmes de cette prétendue influence. Il me paraît important que l'Assemblée prononce sur le délit qui lui est dénoncé avant que cette lettre soit lue; et alors, on saura que les opinions des membres sont libres, et que l'Assemblée est juste. (Applaudissements.)

En revenant sur le fait dont il s'agit, il se présente sous trois points de vue, comme vous l'a observé M. Bigot; mais il faut que l'Assemblée cherche quel est le point de vue juste et convenable qui doit caractériser le délit. Or, qu'elle est la manière de connaître ce délit? C'est celle de la preuve acquise. Devant qui rette preuve doit-elle être acquise? Est-ce devant vos comités? Non, Messieurs, c'est devant vous, comme

Un membre: Avant que cette proposition soit décrétée, je demande par amendement que les témoins soient indiqués tant de la part de M. Jouneau, que de celle de M. Grangeneuve.

(L'Assemblée adopte la proposition, et décrète que les témoins seront appelés à la barre.

M. Becquey. Comment est-il possible que les témoins soient là tous prêts? Tout témoin qui se présente pour témoigner est récusable.

Plusieurs membres demandent le rapport du décret qui a ordonné le renvoi de l'affaire au comité des Douze.

M. Delacroix. Il est inutile de rapporter ce décret parce que les déclarations des témoins devront être renvoyées au comité.

M. Basire. Je demande que l'on nomme 4 commissaires pour aller recevoir la déclaration de M. Grangeneuve, et l'indication des témoins qu'il pourra désigner.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Basire, et désigne, en qualité de commissaires, MM. Crestin, Croichet, Croizé et Crublier d'Optère.)

M. Cazes. L'Assemblée doit encore déterminer la forme dans laquelle les témoins seront entendus, et les faits sur lesquels ils seront entendus; on ne peut remplir ce préalable que lorsque les faits dénoncés seront posés par écrit. Je demande donc que M. Guadet, qui s'est porté dénonciateur, soit tenu de déposer par écrit la dénonciation et les faits sur lesquels elle pose.

Un membre: Je demande que les témoins ne soient entendus que sur la déclaration de M. Grangeneuve.

(L'Assemblée adopte cette dernière proposition.)

M. Vergniaud, au nom du comité colonial, présente un projet de décret additionnel à la loi relative à l'envoi des commissaires civils à SaintDomingue (1); ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe au succès des différentes expéditions ordonnées pour les colonies, de les accélérer et de déterminer avec précision les pouvoirs donnés aux commissaires civils, chargés d'y ramener la paix, décrète qu'il y a urgence.

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L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

« Les commissaires civils nommés pour la pacification des colonies, en vertu du décret du 28 mars, sont autorisés à suspendre et à dissoudre, non seulement les assemblées coloniales, mais encore les assemblées provinciales, les municipalités, ainsi que tous corps administratifs

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. LX, séance du 28 mars 1792, page 575, le décret relatif à Saint-Domingue.

ou autres se disant populaires, sous quelque dénomination qu'ils soient établis.

Art. 2.

« Les commissaires civils sont également autorisés à suspendre provisoirement, et sauf le recours à l'Assemblée nationale, l'exécution des arrêtés desdites assemblées ou corps qu'ils jugeraient contraires à la souveraineté nationale ou au rétablissement de la paix, et généralement dans tous les conflits des pouvoirs; dans les doutes qui pourraient s'élever sur la nature ou l'étendue de ceux desdits commissaires civils, on sera tenu de déférer provisoirement à leur réquisition, sauf le recours à l'Assemblée nationale.

Art. 3.

« Pourront les commissaires civils, en attendant l'organisation définitive de l'ordre judiciaire dans les colonies, rétablir et remettre provisoirement en activité les anciens tribunaux, tant de première instance, que de dernier ressort; transférer les séances desdits tribunaux dans tels lieux que les circonstances exigeront. En cas d'absence, mort ou démission des cidevant titulaires, les commissaires civils présenteront au gouverneur général un nombre de sujets ayant les qualités requises par la loi pour être juges, double de celui des places vacantes, et le gouverneur sera tenu de choisir entre les sujets présentés, et de leur donner des commissions provisoires.

Art. 4.

« Dans le cas où les commissaires éprouveraient quelques difficultés pour débarquer dans la colonie, de la part des troupes de terre ou de mer qui s'y trouveront, ils requerront, par des avisos qu'ils enverront, tant à terre 'à bord qu'à des vaisseaux et frégates stationnés, les commandants généraux et particuliers, administrateurs civils, assemblées coloniales et provinciales, municipalités et autres corps administratifs, ainsi que les commandants desdits vaisseaux et frégates, de faire proclamer et reconnaître dans l'intérieur des colonies, et à bord desdits vaisseaux et frégates, le caractère et l'autorité, tant desdits commissaires civils que du gouverneur général nouvellement nommé par le roi, sur les copies de leurs commissions qu'ils enverront d'eux certifiées véritables, et d'obéir aux ordres qui leur seront donnés sur la réquisition desdits commissaires.

Art. 5.

« La désobéissance sera regardée comme crime de haute trahison, et ceux qui s'en rendraient coupables seront envoyés en France avec les pièces qui constateront le délit, pour être poursuivis et jugés suivant la rigueur des lois.

Art. 6.

"Les commissaires civils porteront, dans l'exercice de leurs fonctions, un ruban tricolore passé en sautoir, auquel sera suspendue une médaille d'or, portant d'un côté ces mots : la nation, la loi et le roi; de l'autre ceux-ci : commissaires civils.

Art. 7.

« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »

(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret).

(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du vendredi 15 juin 1792, au soir. PRÉSIDENCE DE MM. GÉRARDIN, vice-président, BIGOT DE PRÉAMENEU ET MURAIRE, ex-présidents.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.

La séance est ouverte à six heures du soir. M. Thuriot dépose sur le bureau, au nom des membres de la Société villageoise et philanthropique de Perreux, département de Rhône-et-Loire, district de Roanne, 424 livres en assignats.

M. Taillefer, au nom du sieur Fournier, de Sarlat, fait offre à la patrie d'une somme de 200 livres par an jusqu'au remboursement de sa charge, et 400 livres par an, pendant la durée de la guerre, après son remboursement.

M. Lostalot, au nom de la Société des amis de la Constitution, à Bayonne, offre 2,124 livres, et et au nom des grenadiers volontaires du 1er bataillon en garnison à Pau, 300 livres.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Merlet, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui communique à l'Assemblée les mesures quí lui sont indiquées par les grands juges de la Haute-Cour nationale, pour réduire les frais immenses qu'occasionne au Trésor public l'instruction des procédures relatives aux crimes de lèse-nation.

(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité de législation.)

2o Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, demandant que l'Assemblée prononce incessamment sur l'augmentation du nombre des juges des 6 tribunaux d'arrondissement de Paris, attendu qu'il leur est impossible de remplir leurs fonctions, d'après leur organisation actuelle.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)

3° Lettre de M. Mourgues, ministre de l'intérieur, relative à une disposition de la loi du 8 avril 1792, concernant le séquestre des biens des émigrés, dont il demande l'interprétation. (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)

4° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, à laquelle sont joints plusieurs numéros de la correspondance de M. Roume, commissaire civil délégué à Saint-Domingue et différentes pièces relatives aux opérations de la commission dont il était membre.

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(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)

Une députation des citoyens volontaires du bataillon des Carmes est admise à la barre.

L'orateur de la députation dénonce les coupables manœuvres qu'on a employées pour séduire les citoyens et les engager à signer une pétition contre le décret relatif à la formation d'un nouveau corps de 20,000 hommes. Il demande que cette affaire soit examinée avec la plus scrupuleuse attention et que les coupables soient punis.

Un membre: Je demande la mention honorable et l'insertion au procès-verbal de cette adresse et propose qu'elle soit renvoyée aux comités de législation et de surveillance, parce qu'elle dénonce des coupables. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. Je rappelle à l'Assemblée qu'elle s'est interdit tout signe d'approbation et d'improbation. (Murmures à droite, applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

(1) Archives nationales. Carton 152, dossier, n° 270.

Si l'Assemblée manque à son règlement, il m'est impossible de rappeler les tribunes à la loi. (Applaudissements dans les tribunes.)

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal et en ordonne le renvoi aux comités de législation et de surveillance réunis, déjà chargés de l'examen de cette affaire.)

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

M. ROMUALD BERTIN, commissaire civil, nommé par le département des Bouches-du-Rhône, pour l'organisation des districts de Louvèze et de Vaucluse, est admis à la barre pour rendre compte de sa conduite en vertu du décret du 11 mai dernier (1); il s'exprime ainsi :

་་

Législateurs (2), vous avez ordonné que les commissaires nommés par l'administration du département des Bouches-du-Rhône, pour l'organisation des districts de Louvèze et de Vaucluse, comparaîtraient à la barre de l'Assemblée nationale.

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Déjà M. Rebecqui vous a rendu compte de sa conduite et de la mienne; je respecte trop vos moments pour revenir sur les détails qu'il vous a présentés, mais j'ajouterai quelques preuves à celles qu'il vous a données. Je dirai comment les hommes qui ont servi la liberté, et dans les jours orageux de l'insurrection nationale, et dans les moments non moins critiques où devait éclater la conjuration du midi liée à la conjuration de Coblentz, ont attiré sur eux la haine d'un parti dont ils ont détruit les espérances, et dont ils s'honorent d'être les victimes.

« L'administration du département des Bouchesdu-Rhône m'a nommé le 18 avril dernier, pour organiser, conjointement avec M. Rebecquí, les districts de Vaucluse et de Louvèze, en conformité de la loi du 28 mars.

« J'étais alors à Aix, mais pour détruire l'infâme supposition que ma présence a gêné la liberté des suffrages, je n'ai qu'à produire la lettre de convocation qui m'avait appelé dans Aix, et les procès-verbaux d'élection, desquels il résulte que je n'ai été nommé qu'en remplacement de M. Millot, de Marseille, et sur sa démission.

« J'ai vu que la loi exigeait impérieusement notre réunion dans Avignon, huitaine après notre nomination et je n'ai cru que cette réunion fût possible sans force publique.

« L'aristocratie dominait dans Avignon et le comtat, les ci-devant commissaires civils l'avaient écrit mille fois; ils avaient dénoncé à la fin de leur mission, une coalition très réelle entre les municipalités d'Avignon, de Carpentras, et les contre-révolutionnaires d'Arles.

« Ils s'étaient plaints, dans une lettre au directoire du département de la Drôme, de l'incivisme des troupes qui les entouraient, et des commandants militaires qui refusaient d'obéir à leurs réquisitions.

Ils nous avaient instruit que le régiment d'Enghien, coupable des plus grands excès dans la ville d'Apt, était en pleine rébellion à Avignon, puisqu'il y était arrivé sans réquisition, ni des

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIII, séance du 11 mai 1792, page 240, le décret mandant MM. Rebecqui et Bertin, à la barre, et tome XLIV, séance du 8 juin 1792, page 705 le compte rendu par M. Rebecqui.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Administration, tome 1, n. 37.

commissaires civils, ni des commandants militaires.

и

Ces circonstances que l'Assemblée nationale n'avait pu prévoir dans son décret, exigeaient certainement quelques mesures; et c'est pour les concerter avec les commissaires du département de la Drôme que nous avions proposé une entrevue à Beaucaire, Nimes ou Montpellier.

« D'un autre côté, l'extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale, imprimé à la suite de la loi du 28 mars, portait expressément que les pouvoirs civils cesseraient au moment où les nouveaux entreraient en fonctions, et ce moment était indiqué par la loi, huitaine après nomination des membres de la commission. Cette huitaine était expirée pour nous; elle l'etait également pour les commissaires de la Drôme, nommés le 17; et quoique l'article 9 de la loi parùt soumettre les commissaires civils à ne cesser leurs fonctions qu'après notre réunion, comme cette réunion avait un terme indiqué, nous avions lieu de craindre que les commissaires civils n'abandonnassent, à cette époque précise, leurs fonctions pour montrer que nous n'étions pas à notre poste, et nous accuser d'avoir violé la loi. Le départ du sieur Champion, qui eut lieu le 28 avril, avant notre arrivée, prouve que nos craintes étaient fondées, et les ridicules accusations portées au directoire de la Drôme par les commissaires civils, établissent assez quel était le caractère de ces hommes, et combien nous avions à craindre leur avidité à nous créer des torts.

«Tels furent, législateurs, les motifs qui nous déterminèrent à requerir des gardes nationales pour protéger notre entrée dans Avignon, fixée au 29, et maintenir dans cette ville l'ordre public.

« La nécessité de cette mesure était constatée. Des officiers municipaux d'Avignon, venus en députation à Arles, auprès de nous, l'avaient eux-mêmes provoquée.

« Un assassinat commis à Carpentras, sur un patriote dont le corps sanglant avait été foulé aux pieds par les assassins, démontrait le danger de laisser ce pays sans force publique.

Nous ne pouvions croire qu'on regardât comme irrégulières des réquisitions qui, faites sur le territoire d'Avignon, eussent été très légales, en constatant, par leur procès-verbal, que notre sûreté était compromise, ce qui peut-être n'avait pas besoin d'être prouvé par des procès-verbaux ; car il n'est douteux pour personne, pas même pour les commissaires civils, qu'Avignon et le comtat étaient devenus le repaire de tous les contrerévolutionnaires du Midi.

<< Enfin, nous avions quelque droit de compter sur l'approbation de nos collègues, elle nous a été effectivement donnée, d'abord par le sieur Faure, qui nous l'a délivrée par écrit, et ensuite par le sieur Pinet qui, ayant eu connaissance de toutes nos opérations, a signé avec nous une de nos plus importantes réquisitions, et qui, au moment même de son départ, écrivait au sieur Faure, qu'il ne pensail pas que son absence portát le moindre préjudice à nos opérations et qu'il laissait les affaires entre bonnes mains.

« Il faut que les agents du pape, par qui cette trame a été ourdie à Paris, ayant bien senti euxmêmes que la prétendue irrégularité de nos réquisitions n'était pas un motif suffisant pour déterminer l'Assemblée à nous mander à la barre, puisqu'ils ont ajouté à cette accusation, et la calomnie des commissaires civils sur la préten

due arrestation des bœufs, et les récits les plus horriblement mensongers sur les excès commis à notre arrivée dans Avignon. Ils ont dit à la barre de l'Assemblée nationale, que le sang coulait dans les rues de cette ville, que Jourdan triomphait encore sur des cadavres, que nous étions les complices de ses assassinats, et qu'ils garantissaient sur leurs têtes la vérité de ce tableau, qui n'est pourtant que l'ouvrage perfide d'une imagination italienne. C'est ainsi que déchirant vos cœurs et abusant de votre propre sensibilité, ils ont arraché le décret qui nous mande à la barre,

་་

Comment l'Assemblée nationale n'a-t-elle pas vu que le nom de Jourdan était devenu dans la bouche de nos aristocrates une arme de diffamation plus meurtrière que les baïonnettes des Autrichiens? Les patriotes monaidiers d'Arles, après avoir donné l'exemple d'un véritable martyre civique, sont-ils entin rentrés dans leurs foyers; on a dit, pour les rendre suspects, qu'ils y avaient reçu Jourdan, échappé de sa prison. Les Marseillais ont-ils sauvé la liberté dans le Midi, on a publié, pour égarer l'opinion sur ce peuple généreux, que Marseille était l'asile de Jourdan, et le commissaire auprès du tribunal d'Avignon a tenté de donner quelque consistance à cette calomnie, en écrivant à la municipalité de Marseille de le faire arrêter. Marseille, Arles, demandent la réparation de ces imputations odieuses, et déjà les tribunaux sont investis de leurs plaintes. Resterons-nous seuls privés des moyens légaux de poursuivre nos calomniateurs? Et lorsqu'il est démontré que les pétitionnaires se disant d'Avignon, ont inenti à l'Assemblée nationale, en lui peignant cette ville dans la désolation, et le sang coulant dans ses rues, et lorsqu'il est constaté que l'arrestation des bœufs, dont on nous avait accusés, n'est qu'une méchante supposition des commissaires civils; lorsque des pièces authentiques attestent que nous n'avons ni réintégré le sieur Raphel dans ses fonctions de juge, ni rétabli dans la gendarmerie des hommes décrétés de prise de corps; lorsqu'enfin, il ne peut être contesté par personne, que nous n'avions ni mission ni pouvoir pour ordonner des arrestations, et que nous avons fait tout ce que la loi et l'humanité demandaient de nous, en provoquant les ordres du ministre de l'intérieur, et l'action du commissaire du roi auprès du tribunal d'Avignon, seul coupable de la non-arrestation des prisonniers, faudra-t-il que la calomnie pèse plus longtemps sur nous, que la diffamation se propage dans l'Europe entière, que nous voyions affichés, dans toutes les rues de la capitale, avec une profusion qui indique assez la main qui pourvoit à ces depenses, des placards injurieux, atroces, et ce coupable arrêté de l'administration du département des Bouches-du-Rhône, rendu sur le rapport de 2 commissaires qui n'avaient reçu des renseignements sur notre conduite, que de la municipalité d'Avignon, et s'étaient refusés à prendre connaissance de nos pièces justificatives; arrêté dans lequel M. Rebecqui a prouvé qu'il existait non seulement des erreurs de fait, mais encore un faux constaté par les propres actes de l'administration du département; faudra-t-il enfin, lorsque 24 heures ont suffi pour faire prononcer notre mandat à la barre, que nous soyions condamnés à attendre des mois entiers une décision nécessaire à notre honneur et à l'exemple public, soit que l'Assemblée nationale nous frappe, ou qu'elle nous rende à nos fonctions en frappant nos calomniateurs!

Vous ne nous verrez pas, législateurs, tels que les ci-devant commissaires civils à Arles, chercher notre justification dans des discours tortueux et dans le commentaire adroit d'un rapport mensonger; nous venons vers vous avec la bonne volonté de notre état; car nous n'avons pas le malheur d'appartenir à la classe des cidevant privilégiés, ni à celle des ci-devant avocats. Nous avons fait notre devoir, puisque vos lois ont été exécutées partout dans les districts de Vaucluse et de Louvèze puisque l'impôt et ses arrérages ont été payés, puisque la paix a constamment régné dans ces contrées pendant le court espace de notre commission. Les commissaires auxquels nous succédions ne l'avaient pas fait, leur devoir, puisque l'habit national était partout proscrit, puisque les sociétés popu laires étaient dissoutes et l'esprit public anéanti; puisqu'enfin la terreur régnait seule dans ce pays, et non la Constitution. Les commissaires qui nous ont remplacés ne font pas davantage leur devoir, car des troubles religieux se manifestent avec une alarmante rapidité dans tout le comtat. A Sainte-Cécile, des patriotes ont été assassinés; à Mozan, pays limitrophe de Caron, un autre patriote a été fusillé; à Carpentras, des juifs ont été massacrés au nom de la vierge du Rosaire, dont les fanatiques ont promené l'image dans les rues; tout annonce que le fanatisme que nous avions étouffé, renaît encore et cherche des victimes.

«Quel est, en dernière analyse, le prétendu délit qu'on nous impute?

« Nous avons requis, avant notre réunion à Avignon, des gardes nationales tellement nécessaires à sa tranquillité, qu'il existait alors dans cette ville un régiment en rébellion, et que les nouveaux commissaires, aujourd'hui que ce régiment est éloigné, en ont requis un bien plus grand nombre.

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Quels sont les délits de nos accusateurs? Le directoire du département de la Drôme a retardé jusqu'au 17 avril la nomination des commissaires, quoiqu'il eût reçu la loi du 28 mars, depuis le 4 avril. C'est une violation formelle du décret du 5 novembre 1789, qui ordonne aux corps administratifs et aux tribunaux, de faire publier et exécuter les lois dans les 3 jours de leur réception, à peine de forfaiture.

« Ce directoire a arrêté que les 2 commissaires par lui nommés ne se rerdraient à Avignon que le 3 mai, c'est-à-dire 15 jours après leur nomination; et l'article de la loi du 28 mars ordonnait cette réunion huitaine après. L'infraction de cette loi ne saurait donc être plus caractérisée.

« Ce directoire a suspendu le sieur Faure de ses fonctions de commissaire; et ce pouvoir ne le compétait pas; car le sieur Faure, quoique nommé par lui, n'avait pas reçu sa mission de lui... Il la tenait, comme nous, de l'Assemblée nationale et du roi. C'est donc une usurpation de pouvoir.

« Ce directoire a nommé, en remplacement du sieur Faure, le sieur Rochas, membre du directoire; et l'article 7 de la loi du 28 mars ordonnait que les commissaires seraient pris dans les conseils des départements. C'est donc encore une infractien à cette loi.

« Enfin ce directoire méconnaissant que votre dernier décret avait consacré le principe qu'à l'Assemblée nationale seule appartenait le pouvoir de suspendre les commissaires, et se nettant au-dessus de ce décret, qui n'avait pas suspendu le sieur Faure, lui a intimé définitive

ment l'ordre de se retirer; ce qui est encore une usurpation du pouvoir législatif.

« La conduite de l'administration du département des Bouches-du-Rhône n'est pas inoins coupable.

« Cette administration a également retardé jusqu'au 17 avril l'exécution de la loi du 28 mars, qui cependant avait été transcrite sur ses registres, dès le 6 avril.

Elle a également usurpé le pouvoir législatif en suspendant les commissaires qui tenaient leur mission de l'Assemblée nationale et du roi.

Elle nous a également diffamés par la publication d'un arrêté dont tous les faits sont démentis par des pièces authentiques que les commissaires de cette administration ont refusé de lire, malgré nos interpellations.

«Mais le plus coupable, sans doute, est le sieur Hulin, commissaire du roi auprès du tribunal criminel d'Avignon, et c'est le plus ardent dénonciateur de notre commission.

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« Il a rompu tous les rapports d'impartialité, de confiance, qui doivent exister entre un juge et des accusés, en appelant ceux-ci des brigands, lui qui doit prononcer sur leur sort (1).

« Il a refusé de nouveau, depuis notre arrivée, d'exécuter la loi sur la réintégration des prisonniers.

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‹ Enfin, il n'a répondu à nos invitations que par cette allégation dérisoire, qu'il avait exécuté ses ordres, et en avait rendu compte au ministre. Voilà pourtant les hommes qui nous ont accusés. Je ne dis rien des ci-devant commissaires civils on pourrait croire qu'en retraçant leur tort, je cherche à faire l'éloge de notre commission. L'examen de notre conduite est indépendant de l'examen de leur mission, on a cherché à réunir ces deux causes pour les compliquer l'une par l'autre et les rendre interminables, mais votre justice réduira la question. Sommes-nous coupables des délits dont la supposition a déterminé notre mandat à la barre?

4

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