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DEUXIÈME ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU JEUDI 14 JUIN 1792.

OPINION DE M. GASTELLIER (2), député du département du Loiret, à l'Assemblée nationale, sur l'envoi aux 83 départements, de la lettre de M. Roland au roi (3).

Messieurs, je n'examinerai point les motifs qui ont déterminé M. Roland à écrire, deux jours, dit-il, avant sa disgrâce, sa lettre au roi, lettre qui aurait à mes yeux le caractère le plus imposant, le caractère le plus respectable du langage de la philosophie et de la vérité, si M. Roland se fùt borné à transmettre de lui au roi les réflexions qui lui paraissaient dictées par les circonstances qui nous environnent. Mais la publicité que M. Roland a donnée, par une lecture aussi irréfléchie qu'impolitique, dans le sein de l'Assemblée, à cette lettre dont on veut étendre la connaissance jusque dans les départements, est plus que suspecte elle fait gríèvement soupçonner la pureté de ses intentions. Ne vous y trompez pas Messieurs, en politique comme en physique, on confond souvent la cause avec les effets; hier, on m'en a fourni la preuve, et la voici :

J'entendais, pendant la lecture de cette lettre, répéter sans cesse à mes oreilles: Il ne faut plus être étonné de ce que le roi renvoie un tel ministre, c'est qu'il n'aime pas à entendre les vérités. Eh bien, Messieurs, je pourrais aujourd'hui rétorquer cet argument à ces habiles dialecticiens, et avec plus de fondement, en les assurant que ce n'a été qu'après la certitude que M. Roland a eue de sa disgrâce, qu'il s'est déterminé à écrire, ou plutôt que sa faction lui a dicté cette lettre. Eh! Messieurs, qui de vous ignore que depuis plus de quinze jours, il y avait une scission dans le ministère et que, quoique tous les membres qui le composent eussent été placés par la même main, tous n'avaient pas également la même dose de probité et de connaissances; que chacun a voulu être soi, et que le sieur Dumouriez, plus intrigant peut-être que les autres, est parvenu à triompher un instant; mais le triomphateur, aux yeux de ceux qui savent tout apprécier, n'en est pas plus irréprochable. Le temps, et ce temps n'est pas éloigné, vous apprendra si vous n'avez point trop précipité ces témoignages d'estime et d'approbation qui ne peuvent jamais obtenir la même mesure pour tous garantissons-nous de ces élans d'enthousiasme, ou plutôt de prévention, qui ne conviennent dans aucun cas à des législateurs dont les décisions doivent être mùries par la réflexion; éloignons-nous toujours, comme nous l'avons fait où dù faire, de l'esprit de partialité outrée de folliculaires qui prodiguent, qui versent à pleines mains l'éloge et l'injure aux

(1) Au cours de la scance, M. Gastellier avait demandé la parole pour proposer le rapport du décret concernant l'envoi aux 83 departements de la lettre de M. Roland au roi. L'Assemblée, sans l'entendre, passa à l'ordre du jour. (Voy. ci-dessus, mème séance, p. 197.) (2) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collec tions des affaires du Temps, tome 148, no 26.

(3) Voy. ci-dessus, seance du mercredi 13 juin 1792, page 163, la lettre de M. Roland au roi.

mêmes individus, suivant la versatilité très versatile de leurs affections.

La lecture de la lettre, couverte d'ailleurs des applaudissements de l'enthousiasme, ne m'a point permis de la suivre très exactement dans toutes ses parties, mais les transitions les plus fortes, transitions qui m'ont soulevé d'indignation, sont celles où M. Roland semble menacer le roi des excès de la fureur du peuple; celles où il invoque les insurrections; celles où il dit que la nation se lèvera debout; ce n'est pas la nation, sans doute, dont il entend parler, parce que la nation est saine, juste, bonne et généreuse; qu'elle est lasse (la nation), qu'elle est fatiguée des troubles de l'anarchie, sans cesse suscités et renouvelés par les factieux de tous les partis qui veulent tout désorganiser; qu'elle désire ardemment de voir le terme de ses maux; qu'elle veut une paix solide et durable, mais une paix qu'elle sait ne pouvoir obtenir et conserver que par son respect pour la loi et sa soumission au pouvoir qu'elle a constitué, pouvoir que l'on outrage et que l'on cherche à avilir sans cesse. Oui, Messieurs, la nation se lèvera, elle se lèvera tout entière, et l'Assemblée nationale lui en donnera l'exemple; il est temps enfin que nous ouvrions les yeux, et que nous cessions d'être le jouet des passions, et trop souvent l'instrument aveugle des machinateurs de toute espèce, dont nous sommes investis de toutes parts.

D'après ces courtes réflexions, qui mériteraient un tout autre développement, je demande l'ajournement de l'envoi de la lettre de M. Roland au roi jusqu'à ce que chaque membre de l'Assemblée se soit convaincu, par une lecture réfléchie, que les principes qu'elle contient méritent d'être adoptés par le Corps législatif; et je demande en outre qu'il nous soit rendu compte très incessamment, sous le plus court délai, de la conduite du sieur Dumouriez, depuis l'époque de la déclaration de guerre, que lui seul a provoquée au conseil du roi, par un rapport dont les motifs rassurants sont diamétralement opposés à ceux qu'ils nous a énoncés hier, dans un mémoire qui serait fait pour jeter l'alarme et le découragement dans tous les esprits, s'il fallait ajouter foi à toutes les variantes de ce ministre inconséquent.

Je demande donc le rapport du décret concernant l'envoi de la lettre du sieur Roland au roi, aux 83 départements, et son ajournement à un terme qu'il plaira à l'Assemblée nationale de fixer.

GASTELLIER.

P. S. Jeudi dernier je me suis présenté pour faire cette proposition de l'ajournement, qui n'a point été accueillie. L'Assemblée nationale m'ayant refusé la parole, je suis descendu de la tribune avec résignation et sans murmure, je n'aurai pas même écrit mon opinion, si je n'eusse été indignement calomnié par le sieur Brissot, qui dans sa feuille fort improprement dite Patriote français, se permet, non seulement de jeter des doutes sur mon patriotisme, mais encore d'avancer que ma motion avait été proprement arrangée aux Feuillants. Je ne prendrais pas la peine de m'étendre beaucoup en explications vis-à-vis du sieur Brissot, à qui il me suffira de demander ce qu'il entend par patriotisme : S'il entend par patriotisme un amour pur et sincère pour la justice, pour le roi, pour la monarchie, pour la Constitution; enfin, un patriotisme qui a pour base la probité la plus délicate et la

plus intacte, je me flatte que le sieur Brissot ne me le disputera pas sur ce point, et qu'il ne peut avoir de parallèle à établir entre lui et moi. l'ajouterai de plus, que mon nom n'est pas une épigramme, qu'au nom de Gastellier est attaché l'idée de citoyen probe et vertueux; qu'après avoir été 11 ans consécutifs maire de la ville de Montargis, place que je n'ai quittée que pour venir occuper celle de législateur, j'ai emporté les regrets et conservé l'estime de tous mes concitoyens. Que le sieur Brissot s'informe, et il verra si lui et moi sommes faits pour marcher sur la même ligne. Il porte (le sieur Brissot) l'impudence jusqu'à dire que ma motion a été proprement arrangée aux Feuillants. Le sieur Brissot s'est menti à lui-même, parce qu'il sait, comme tous mes collègues, que je n'ai jamais mis le pied dans aucun club, que je n'appartiens à aucun esprit de parti; que je suis moi et que je ne suivrai d'autres impulsions que celles de ma conscience; enfin, que, parlant ou écrivant je m'appartiens à moi seul, que mes erreurs sont les miennes, je dirai plus, que mon cœur n'y prend aucune part. Je somme le sieur Brissot de déclarer la source où il a puisé ce dernier fait, jusqu'à ce qu'il m'en ait donné la preuve, j'ai droit de l'honorer d'un sentiment qui me coûte peu et que j'ai voué depuis longtemps aux vils calomniateurs de son genre.

Une femme célèbre en parlant du bon La Fontaine, disait que ce poëte faisait des fables comme un pommier portait des pommes; elle l'appelait son fablier. Ne pourrait-on pas, en sens inverse et très inverse, appliquer cette comparaison au sieur Brissot, dont la malheureuse organisation le porte naturellement aux dénonciations et à la calomnie!

16 juin l'an IV de la liberté.

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système d'iniquité des ombres de la popularité; ils veulent rétablir la prééminence d'une caste privilégiée en ramenant avec elle la féodalité, la tyrannie, l'oppression et l'esclavage. Législateurs, la patrie éplorée appelle tout votre courage, toute votre fermeté. Vous êtes entourés par le crime et par les factions, votre ruine ou votre dissolution doivent être les suites de leurs efforts combinés, et dès lors un crêpe funèbre couvre l'autel de la patrie et de la liberté. Elus par le peuple, revêtus de sa confiance, c'est à vous de le préserver des malheurs qui le menacent, mais si, contre son attente, telle était la fatalité de la France que le système des 2 Chambres vint s'établir sur les ruines de la Constitution, nous nous précipiterions au milieu de nos concitoyens, et en offrant à leurs regards le livre de la loi, nous leur dirions: Citoyens, voilà le dépôt précieux que nous avons tous juré de conserver et de défendre jusqu'à la mort s'il doit nous être ravi, si la déclaration solennelle des Droits de l'Homme doit être effacée, que notre sang seul en efface les caractères sacrés et que la postérité apprenne que, fidèles à leur serment, les citoyens du département du Tarn sont morts pour la patrie en prononçant ces mots la Liberté, l'Egalité, jamais 2 Chambres.» (Applaudissements.)

:

« Les administrateurs composant le directoire du département du Tarn.

(Suivent les signatures.)

Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !

(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)

2° Lettres des sieurs Jacqueminet, Henry Leplatre neveu, Poirier, Cabint et Ducamp qui rétractent la signature qu'on leur a surprise au bas de la pétition qui a été présentée, pour demander le rapport du décret qui ordonne le rassemblement de 20,000 gardes nationales.

(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)

3o Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Morbihan accompagnant une pétition des sous-officiers du bataillon auxiliaire des colonies, qui sollicitent un décret pour régler leur avancement: ces pièces sont ainsi conçues (1)

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<< Nous avons l'honneur de vous faire passer une pétition des sous-officiers du bataillon auxiliaire des colonies, en garnison au Port-Louis. Nous recommandons cette pétition à l'Assemblée; nous attestons leur civisme, leur bonne conduite, qu'ils ne se sont jamais écarté de la plus sévère discipline. L'exactitude et le zèle qu'ils ont développés pour se rendre à toutes réquisitions qui ont été faites, tant par nous que par les sous-administrateurs, nous portent à solliciter, avec l'intérêt le plus vif, celui de l'Assemblée en la priant de faire droit à la pétition de ces bons et braves militaires citoyens.

« Nous sommes avec respect, etc...

(1) Archives nationales, Carton 152, dossier n° 272.

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La France est en état de guerre; de nouvelles levées sont décrétées pour chaque département. Par quelle fatalité le bataillon auxiliaire des colonies est-il encore réduit à l'inaction la plus complète? Sa conduite, depuis la Révolution, sa résistance à l'anarchie, sa soumission la plus absolue aux lois, une discipline intacte et la subordination la mieux établie, lui ont mérité les éloges des corps administratifs et des généraux aux ordres desquels il s'est trouvé. Ce corps a dû s'attendre à former le fond d'un des 6 régiments décrétés par l'Assemblée constituante, cependant on lui fait craindre de rester aujourd'hui dans l'état monstrueux qui ne l'assimile à aucun des corps de l'armée, où les officiers de toute arme ont eu l'avancement le plus rapide, tandis que ceux du bataillon n'ont encore que faiblement participé aux bienfaits de la Constitution. Le sort des individus qui le composent est donc dans les mains des représentants de la nation, qui lors de la discussion déjà ouverte à l'égard des 6 nouveaux régiments, leur feront trouver la récompense d'une fidélité sans bornes à leurs devoirs où le désespoir de l'avoir vainement mérité. »

(Suivent les signatures.)

A ces pièces étaient joints les 2 certificats suivants :

« Nous, colonel directeur du corps royal d'artillerie, commandant la ville et citadelle du PortLouis, attestatons que le bataillon auxiliaire des colonies depuis qu'il tient garnison dans cette ville, ne s'est écarté dans aucune occasion des règles de la subordination et de la plus exacte discipline, et que sa manière de servir lui a mérité, dans tous les temps les éloges des chefs aux ordres desquels il s'est trouvé. » « Port-Louis, le 6 juin 1792.

Signé : CAMAS.

« Nous maire et officiers municipaux de la ville de Port-Louis, district d'Hennebont, département du Morbihan, attestons que depuis l'année 1786 que le bataillon auxiliaire des colonies y tient garnison, il s'y est toujours montré avec la subordination, la discipline et la conduite la plus soutenue; que depuis la Révolution tous les individus de ce corps n'ont cessé de bien mériter de la nation, soit dans la garde de cette place, soit dans les divers détachements pour lesquels ils ont été requis, et qu'enfin la commune de cette ville reconnaissante de leur civisme, autant éloigné de l'anarchie que soumis aux lois de l'Etat, leur a décerné unanimement le brevet de citoyens. »

« Fait à Port-Louis, le 6 juin 1792.

Signé MARIN, maire; LE VOIRIER, BESAN-
CENET, DELPECHE, officiers municipaux.

M. Merlet. Un décret incorpore ces régiments dans l'armée; c'est au pouvoir exécutif à le faire. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour et qu'on renvoie au pouvoir exécutif.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, attendu qu'il a été statué sur cette demande.)

M. Borie. Messieurs, le bataillon de la Corrèze, cantonné dans le pays de Porrentruy, a reçu ordre de se mettre en état d'entrer en campagne, et le payeur de la guerre a refusé de lui payer en numéraire les ordonnances que le commissaire de la guerre leur a délivrées après un mois d'attente pour l'achat d'un chariot et 4 chevaux, sous prétexte que la trésorerie le lui a défendu. Le conseil d'administration du bataillon observe, dans sa pétition, que si la loi autorise ce refus, il est nécessaire que l'Assemblée prenne en considération que le papier n'a pas de valeur hors de nos frontières, et que les volontaires du bataillon qui supportent la perte sur leur paye, ne peuvent fournir à ces mêmes dépenses pour les objets nécessaires, afin d'entrer en campagne.

Il est bon de propager les bons principes: en voici qui sont dignes d'être publiés. M. Custine a été dénoncé par M. Luckner, pour avoir, malgré les ordres, donné le temps aux Autrichiens et aux émigrés de prendre la fuite. Les volontaires du bataillon m'observent que la conduite de M. Custine est faite pour diminuer la confiance, et qu'ils attendent son jugement,, mais qu'en attendant, leur soumission à ses ordres ne diminuera en rien jusque-là.

Je demande, Messieurs: 1° le renvoi de la pétition au comité militaire pour en faire son rapport très incessamment; 2° que le pouvoir exẻcutif rende compte, sous huitaine, de la suite de la dénonciation contre M. Custine; 3° que l'Assemblée nationale fasse mention honorable de la conduite du bataillon de la Corrèze.

(L'Assemblée décrète ces 3 propositions.)

M. GONDICHEAU, citoyen de la section de la Fontaine de Grenelle, est admis à la barre et demande que la mémoire des soldats, défenseurs de la patrie, qui ont été tués avec M. Gouvion, partage les mêmes honneurs qui seront décernés à celle de ce général.

M. le Président accorde à M. Gondicheau les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité d'instruction publique.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, qui sollicite une décision sur la demande faite par le directoire du département de la SeineInférieure, pour être autorisée à lever 4 bataillons de canonniers nationaux volontaires, pour faire le service des batteries des côtes de leur département.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)

2o Lettre signée individuellement par les Amis de la Constitution de Bouzonville, district de Sar relouis, département de la Moselle, pour féliciter l'Assemblée de la contenance fière qu'elle a su prendre; l'inviter à soutenir toujours son caractère, et la prier de purger la terre des restes de la barbarie féodale, de s'occuper de l'instruction publique et des réformes à faire dans l'administration de la justice. (Applaudissements.)

A cette lettre est jointe la copie d'une adresse qu'ils ont faite au roi.

Plusieurs membres demandent la lecture de l'adresse au rói.

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« La notoriété publique proclame que le château des Tuileries est la résidence des contrerévolutionnaires; que l'on y médite des crimes; qu'on ourdit des trames coupables; que c'est de ce foyer que s'exhalent des vapeurs infectes qui obscurcissent l'atmosphère de la liberté.... Quelle douleur serait-ce pour nous, Sire, qui sommes les vrais amis de la royauté constitutionnelle, de penser que vous protégez les ennemis de la Révolution !.... Non, Sire, nous ne pouvons y ajouter foi; il répugne à notre loyauté de croire à la perversité du sang de Henri IV, dont vous descendez, dont vous vous plaisez à descendre... Faites, Sire, tous vos efforts pour conserver l'estime et l'amour des Français; éloignez de vous tous les conseillers perfides qui vous entourent; ils sont les ennemis de la Constitution, ils sont aussi les vôtres; vous ne pouvez plus négliger ces avis sans compromettre votre couronne. It faut quitter le trône, Sire,... (Applaudissements des tribunes).

M. Crublier-d'Optère. Je demande que les tribunes n'applaudissent pas quand on dit qu'il faut que le roi quitte le trône.

M. Basire jeune Il vaut mieux le quitter que de l'avilir (Bruit). Mettez donc un veto sur l'opinion publique. (Bruit).

M. le secrétaire, continue la lecture:... « Il faut quitter le tróne, Sire, ou soutenir de tout votre pouvoir, au prix même de votre sang, s'il est nécessaire, l'entière indépendance et la souveraineté de la nation, qui vous y a placé (Applau dissements réitérés) et maintenir la Constitution dans toute son intégrité: rompez toute espèce de liens avec les amis de l'ancien régime qui vous obsèdent sans cesse. Ils vous entourent de pièges; guidez-vous par la volonté du peuple, manifestée par ses représentants et par des ministres patriotes qui ont enfin succédé à ceux dont depuis longtemps la voix publique demandait la démission; que votre conseil ne soit plus influencé surtout par une personne d'un sexe que la Constitution a sagement éloigné des rênes du gouvernement.... Personne ne doit mieux savoir que vous, Sire, que cette influence est une véritable calamité publique.... Les épouses que veulent bien se donner nos rois ne doivent point se mêler des affaires d'Etat, il faut qu'elles se renferment dans les affaires domestiques; elles doivent surtout aux épouses des autres citoyens, l'exemple de la pureté des mœurs et de toutes les vertus civiques. (Applaudissements.) Plusieurs membres : C'est assez!

M. Basire jeune. Oui, je demande l'impression de cette adresse; nous en avons assez entendu pour en sentir tout le mérite.

M. Mayerne. Cette adresse est imprimée; il est inutile d'ordonner qu'elle sera réimprimée, à moins que l'Assemblée ne juge à propos d'en faire une seconde édition.

M. Fauchet. Je demande qu'elle soit au nom de l'Assemblée. (Murmures à droite. Applaudissements à gauche.)

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M. Lequinio. Cette lettre contient des principes très philosophiques. La lecture à cette tribune est très propre à répandre et à faire parvenir au roi les vérités qu'elle contient, et qui, bien qu'elles lui soient envoyées, resteront enseveliès dans son palais. L'Assemblée a ordonné que cette adresse serait lue; je demande l'exécution du décret et que la lecture soit achevée. On statuera ensuite sur la motion de l'impression.

(L'Assemblée décrète que la lecture de l'adresse sera continuée.)

M. le secrétaire, continuant la lecture de l'adresse :

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Vainement, Sire, vous avez proclamé votre acceptation libre à la Constitution; les rois étrangers vous ont insulté, en publiant que toutes vos démarches n'étaient que de vaines parades, et que vous n'avez jamais été libre... Vous devez vous mettre loyalement à la tête de la Constitution et repousser ainsi les calomnies que les puissances voisines se plaisent à répandre contre vous... Soyons francs et sincères; dites-nous, Sire, si, il y a 10 ans, vos frères, vos parents, se fussent élevés contre les lois alors existantes, sans doute vous les auriez punis; eh bien, Sire, vous avez consenti à régner par la Constitution; vos frères, vos parents sont rebelles à cette Constitution et vous tardez à les punir... et vous voulez que la France vous accorde sa confiance...

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Repoussez loin de vous, Sire, et de votre épouse, tous ceux qui ne sont pas les amis de l'égalité des droits; ces mesures sont les seuls moyens de faire fuír les bandes de scélérats qui disent agir en votre nom...

« Levez, Sire, la suspension qui vous fut surprise par un mauvais génie, sur le décret du mois de novembre dernier, concernant les prêtres; alors vous aurez anéanti les factieux qui comptaient sur les troubles religieux pour établir un nouvel ordre de choses, alors vous aurez droit à toute la reconnaissance de la nation... (Applaudissements.)

«Voilà la vérité, Sire; nous vous estimons, nous vous aimons assez pour vous la dire. Le temps de la patience est passé; le peuple français veut l'exercice de son indépendance, de sa souveraineté; justice s'exercera enfin, la nation tout entière se lèvera. Mettez-vous à sa tête, Sire, et vous serez certain de la reconnaissance de tous les Français. » (Applaudissements prolongés.)

M. Charlier. Je demande l'impression de cette adresse, et son envoi aux 83 départements

M. Duvant. Si l'Assemblée faisait imprime cette adresse remplie, il est vrai, d'excellentes vérités, elle aurait l'air de mendier la sanction et de vouloir influencer la volonté du roi. Cette conduite est indigne d'elle. (Murmures.)

M. Taillefer. Certainement, on doit applaudir aux sentiments qui ont dicté cette adresse, mais l'Assemblée a dù remarquer qu'on semblait y improuver le veto que le roi a mis sur deux de vos décrets et le choix des ministres qu'il a fait. Je crois que si nous faisions imprimer cette

adresse et si nous en ordonnions l'envoi aux 83 départements, nous aurions l'air de nous laisser guider par un sentiment de mécontentement indigne de législateurs. Je demande la question préalable sur l'impression.

M. Basire jeune. Il n'y a qu'une question à examiner; c'est de savoir si cette adresse contient de bons principes; or, je soutiens qu'elle est remplie des plus saines maximes et personne n'a de doute à cet égard. Je maintiens donc ma demande d'impression et d'envoi. (Applaudissements des tribunes.)

M. Champion. Cette adresse renferme des faits contredits par vos comités. MM. Gensonné, Brissot, Chabot et tous les grands dénonciateurs du comité autrichien n'ont pu trouver une seule preuve qui tendit à inculper la reine. Et cependant elle est inculpée dans cette adresse. (Murmures.)

M. Brival. Je demande qu'on rappelle à l'ordre M. Champion pour avoir insulté ses collègues. (Applaudissements des tribunes.)

Un grand nombre de membres : L'ordre du jour! M. le Président. Je consulte l'Assemblée. (Après une épreuve douteuse, l'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour et repousse l'impression de l'adresse.)

Plusieurs membres Mais, c'est le contraire, l'ordre du jour est rejeté!

M. Merlin. Monsieur le Président, vous ne devez pas juger sur le rapport du bureau, parce qu'il est intéressé à voter contre l'impression. (Murmures.) Je demande l'appel nominal.

M. Lasource. Je constate également que depuis plusieurs jours le bureau semble décider les décrets. Je demande qu'on mette aux voix la question de savoir si le bureau a commis une

erreur.

M. le Président. J'ai prononcé d'après la majorité du bureau. 3 secrétaires ont pensé qu'il n'y avait pas de doute. Un seul a été de l'avis contraire.

M. Merlet, secrétaire. L'inculpation portée contre le bureau par M. Merlin est une calomnie; car, moi seul des secrétaires, j'ai voté contre l'impression, et moi seul, j'ai cru qu'il y avait du doute dans l'épreuve.

MM. Rougier-La-Bergerie et Cambon, secrétaires, appuient les observations de M. Merlet. Ils témoignent leur mobilité aux inculpations qui leur sont faites et déclarent que dans toutes les occasions ils ont apporté dans leur conduite l'impartialité qui convient à des législateurs.

M. le Président. Pour éviter tout malentendu, je consulte une troisième fois l'Assemblée.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. le secrétaire continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :

3° Projet du sieur Dubois-Dumilac pour l'établissement de divers dépôts, à l'effet de réprimer la mendicité.

(L'Assemblée renvoie ce projet au comité des secours publics.)

4° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, qui demande si, en cas d'un service purement militaire, sur la réquisition légale du commandant de la place, pour suppléer à l'insuffisance des troupes de ligne, il doit être accordé aux citoyens requis, une indemnité, et le mode d'après lequel elle devra être réglée.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)

5o Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui fait des observations relatives à l'exécution du décret du 1er juin 1792, qui accorde 600 livres à la dame Martín, épouse du sieur Lavarenne. Cette lettre est ainsi conçue: (1)

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Paris, le 14 juin 1792.

Monsieur le Président,

Il a été présenté à la sanction du roi un décret du 1er de ce mois qui accorde à la dame Martin, épouse du sieur Lavarenne, une somme de 600 livres. Ce décret a été sanctionné le 8 et le lendemain j'ai adressé une expédition en forme de la loi à M. Amelot, administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Ce décret charge la caisse de l'extraordinaire de payer la somme de 600 livres sur le fonds des 2 millions accordés par le décret du 17 février 1791 pour secours et gratifications.

M. Amelot m'observe que ces 2 millions sont à la disposition de MM. les commissaires de la trésorerie nationale et non de la caisse de l'extraordinaire.

Je prie donc l'Assemblée de vouloir bien prononcer sur cette rectification afin de me mettre à portée de faire profiter la dame Martin du bénéfice de la loi dont ses services et ses besoins pressants sollicitent la plus prompte exécution. (1)

« Je suis avec respect etc.

"

Signé: DURANTHON. » (L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du jour, attendu qu'il a été statué sur ces observations.)

6° Lettre du sieur Rovère et adresse de mille citoyens habitants du ci-devant Comtat et d'Avignon, pour dénoncer les assassinats commis, depuis le décret du 10 mai 1792, à Sainte-Cécile, Carpentras et Muzan, sur des patriotes, et pour demander justice.

(L'Assemblée renvoie cette lettre et cette adresse aux comités de pétition, de surveillance et des Douze réunis.)

7° Délibération du conseil général de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, qui dénonce le journal du sieur Pastel, comme contenant des faits calomnieux et incendiaires, au sujet de prétendues réunions suspectes de M. Nivernais, du roi, de la reine, etc.

(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité de surveillance.)

8° Adresse du sieur Chaillot, de Prusse, qui offre de faire connaître un moyen de substituer, à l'usage du boulet rouge, un procédé plus simple, plus facile et d'un effet plus sûr.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)

9° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, suivie d'un état des 38 lois ou actes du Corps législatif, qu'il a adressés aux départements depuis le 31 mai jusqu'au 12 juin 1792.

(1) Archives nationales, Carton 151, dossier, n° 266. (2) La rectification demandée avait été faite à la séance du 10 juin. Voy. ci-dessus, page 57.

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