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Vigan, déclaré convaincu, a été condamné à la peine de 4 années de fers, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud dressé à la place publique du Vigan.

« Du 16 mai. Séance depuis 7 heures du matin jusqu'à minuit sans désemparer. Le sieur Labrunière, prêtre, grand vicaire du ci-devant évêque d'Uzès, accusé d'en avoir continué les fonctions en accordant des dispenses de bans de mariage, en envoyant des ordres et en donnant des pouvoirs à des curés, déclaré convaincu, a été condamné à 2 années de gêne, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud dressé sur la place publique d'Uzès, pour y rester exposé pendant 4 heures.

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« Du 18 mai. Séance commencée à 7 heures du matin, finie à 3 heures après minuit, sans désemparer, a été examinée l'accusation contre Antoine et Joseph Meyselle frères, le nommé Provin, de Pougnadouresse, et le sieur Roche, officier municipal d'Uzès, élu en 1790, ayant pour cause l'incendie des titres des ci-devant seigneurs de Pougnadouresse et la contribution d'une somme de 1,290 l. 14, le tout commis dans la nuit du 11 au 12 avril, par un attroupement d'environ 50 hommes, dont 10 ou 12 armés de fusils et 2 de haches. La déclaration du juré a été que Roche et Antoine Meyselle sont convaincus, que Joseph Meyselle et Provin sont non convaincus, ces 2 derniers ont été acquittés. Roche et Meyselle ont été condamnés à la peine de 24 années de fers, et à être exposés pendant 6 heures sur un échafaud dressé à la place publique d'Uzès.

• Du 19 mai. Joseph Roux, de Bagnols, accusé d'avoir volé, dans une auberge où il était couché, 7 assignats de 5 livres, déclaré non convaincu, á été acquitté.

» Du 21 mai. Guilh Charonier, natif de Tarascon, compagnon cordonnier chez le sieur Eldin, de Lussan, accusé de vol chez ledit Eldin pendant la nuit, déclaré convaincu, a été condamné à la peine de 10 années de fers, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud sur la place publique d'Uzès, pour y rester exposé pendant 6 heures.

« Du 22 mai. Séance depuis 7 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir. Coste, dit le milicien, Suzanne Soulier, sa femme, Espérance Coste, sa fille, Moyse Laporte et Antoine Laporte, co-accusés de rébellion à la loi et d'avoir concouru à un attroupement de 20 personnes ayant procuré l'évasion de Louis Coularon, prisonnier, déclaré non convaincus, ont été acquittés.

« Du 23 mai.-Françoise Ribot, de la ville d'Uzès, accusée de vol avec effraction pendant la nuit, dans la maison habitée du sieur Portal, déclarée convaincue, a été condamnée à la peine de 12 années de réclusion, préalablement attachée à un poteau dressé sur un échafaud pour y rester exposée pendant 6 heures.

a Du 24 mai. - Simon Roure, originaire du Pont-Saint-Esprit, prévenu de vol avec effraction dans une maison habitée pendant la nuit, déclaré non convaincu, a été acquitté.

a Du 26 mai. Nicolas Chenel, commis à la poste aux lettres de Montpellier, accusé d'avoir soustrait à la poste aux lettres une lettre conte

nant 2,404 1. 10 s. en assignats et de les avoir dérobés, déclaré convaincu, a été condamné à la peine de 12 années de fers, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud qui sera dressé à la place publique de Montpellier pour y rester exposé pendant 6 heures.

"Le présent état, certifié véritable par nous accusateur public du département du Gard, soussigné, ce 30 mai 1792.

« Signé : BLANCPASCAL. ›

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à ceux qui seraient poursuivis pour faits relatifs à la Révolution.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de législation, pour en faire le rapport incessamment et charge le pouvoir exécutif de rendre

compte demain du retard apporté dans l'envoi de la loi d'amnistie.)

8° Note des décrets sanctionnés par le roi ou dont il a ordoné l'exécution; elle est ainsi conçue :

Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le président de l'Assemblée nationale la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.

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Une députation des citoyens de la section du Palais-Royal est admise à la barre. Ils dénoncent l'état-major de la garde nationale de Paris et demandent son licenciement, comme étant aussi corrompu que celui de la garde du roi et pour avoir provoqué la pétition présentée à l'Assemblée nationale dimanche dernier. (Murmures.) Ils donnent lecture à l'Assemblée de la rétraction donnée par le sieur Debuy, volontaire du bataillon de Saint-Roch, de sa signature au bas de la pétition.

Plusieurs membres : Les honneurs de la séance! M. Hua. Lorsque le droit de pétition dégénère en dénonciation, les pétitionnaires ne doivent pas avoir la faveur qui leur est due. En demandant le licenciement de l'état-major de la garde nationale, sans motifs et sans preuves, ils ne font que semer la désorganisation dont nous avons vu les funestes effets à Mons et à Tournay. (Murmures à gauche.)

M. le Président accorde à la députation les honneurs de la séance.

Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la pétition.

D'autres membres : Le renvoi aux comités! (L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation et de surveillance réunis.)

M. Charlier, l'un des commissaires nommés ce matin (1) pour la vérification du scrutin relatif à l'élection d'un vice-président. Messieurs, je viens, au nom des commissaires que vous avez nommés ce matin, vous rendre compte du résultat de la vérification du scrutin qu'ils ont faite. Ils ont trouvé, par l'examen du procès-verbal de MM. les commissaires qui les avaient précédés, qu'il y avait dans la boîte 427 bulletins. A la vérité, dans le calcul que nous avons fait des noms qui se trouvaient sur les listes, il n'y avait que 421 signatures; mais MM. les commissaires nous ont affirmé que plusieurs de nos collègues, comme cela peut arriver souvent, étaient venus les pré

(1) Voy. ci-dessus, séance du mardi 12 juin 1792, au matin, page 117.

DATES DES SANCTIONS.

10 juin 1792.

10 juin 1792.

Le roi en a ordonné l'exécution le 10 juin 1792. 10 juin 1792.

venir qu'ils avaient déposé leur bulletin et qu'ils avaient oublié de signer sur les listes.

On avait annoncé, en second lieu, que plusieurs des bulletins avaient été écrits de la même main : vos commissaires n'ont rien trouvé de semblable. C'est pourquoi je vous propose, en leur nom, de passer à l'ordre du jour sur la dénonciation faite à la séance de ce matin, et d'ordonner que demain il sera procédé à un nouveau tour de scrutin entre MM. Gérardin et Delacroix.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Char

lier.)

Une députation de citoyens de la section de la Fontaine-de-Grenelle est admise à la barre.

M. XAVIER-AUDOUIN, aumônier de la garde nationale et électeur de Paris, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante : (1)

< Législateurs,

« Vous nous avez montré le précipice que l'on creusait sous nos pas; vous avez appelé, pour nous aider à le combler, nos frères des départements. Déjà, de tous les points de l'Empire, l'on répond à vos cris: pourquoi faut-il que cet accord soit troublé par ceux-là mêmes qui devaient le favoriser? Les malheureux, sur la foi des serments, ont voulu tromper notre crédulité! Ils ont essayé d'étouffer la voix de ceux qui seuls ici ont le droit d'exprimer la volonté nationale qu'ils soient punis!

Nos frères du bataillon des Petits-Augustins viennent d'instruire les citoyens composant l'assemblée générale de la section de la Fontainede-Grenelle, ils viennent de les instruire de l'outrage fait à leurs représentants: au récit de cet attentat, tous ont frémi d'horreur, et tous à l'envi se précipitent vers vous, pour vous exprimer l'indignation dont ils sont pénétrés.

" Législateurs, si vous aviez quelques doutes sur l'utilité de la mesure que vous avez adoptée,

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Pétitions, tome I, no 38.

la hardiesse des hommes que nous désavouons les détruirait tous.

«Eh! quand les êtres les plus pervers infestent Paris, pourquoi les meilleurs citoyens ne s'y coaliseraient-ils pas? N'est-il pas temps d'opposer la vertu au vice? et le froid et dangereux égoïsme ne doit-il pas enfin faire place au plus ardent patriotisme?

Si nous n'avions à combattre que des ennemis connus, si nous étions assurés de trouver cette loyauté, cette franchise, qui sied au courage, et fait souvent mêler les larmes du vainqueur au sang des vaincus, nous combattrions avec moins de peine; du moins nous n'aurions pas à ajouter à la haine que nous inspirent les instruments du despotisme; nous n'aurions pas à ajouter le mépris qui, de tous les sentiments, est le plus pénible aux grandes âmes; et si tel était notre sort, qu'il nous fallût périr sous le fer d'un ennemi dinge de nous, la mort alors, la mort serait pour nous un malheur, et non pas une honte.

« Mais quand on porte un cœur déchiré par le tourment de la haine et la soif de la vengeance; quand on souffre pour en étouffer les mouvements; quand on n'en retarde l'explosion que pour la rendre plus désastreuse; quand tous les vœux, tous les sentiments sont pour la destruction de l'ennemi que l'on flatte, que l'on caresse, et qu'alors on est encore assez lâche pour ne pas même oser paraitre méchant; cette scélératesse provoque la haine, et appelle la vengeance de tous les hommes vertueux; cette monstruosité avilit la nature; elle outrage le ciel il faut en bannir de la terre jusqu'aux traces; elles souilleraient l'air que nous respirons; elles contrasteraient trop avec nos vertus.

Qu'ils viennent donc, qu'ils viennent nos frères des départements! nos cœurs les appellent; la loi leur commande de ne pas résister: qu'ils viennent! que dans les douces étreintes qui vont nous réunir, nous puissions nous communiquer tous les sentiments divers qui embrasent nos âmes! Que nos larmes, du moins, puissent leur dire : « Amis, lorsque l'aurore de la liberté éclaira nos murs, vous vintes y jurer de vivre et de mourir avec nous... Eh bien ! l'heure de remplir vos serments vient de sonner: nous vous demandons tout le sang que vous promites à la patrie... Voilà nos femmes, nos pères, nos enfants comme nous, vous êtes fils, époux et pères serrez dans vos bras tout ce qui nous attache à la vie. Songez, songez bien que nos succès assureront leur bonheur et notre liberté, comme des revers leur donneraient l'esclavage, et à nous la mort. Allez, amis, allez que ce souvenir soit présent à vos esprits dans les camps, au combat, partout, et partout vous triompherez. »

Législateurs, si notre dévouement à la loi n'était le premier sentiment qui nous anime; si ce sentiment ne remplissait nos âmes tout entières, il nous resterait bien encore un vœu à former celui que vous exprimaient hier nos frères du faubourg Saint-Antoine: Nos amis des troupes de ligne n'auront-il point de témoins à ce spectacle national? Sans doute, il ne faut pas affaiblir nos forces aux frontières; mais nous aurions pu peut-être, nous aurions pu aller remplacer momentanément ceux que vous auriez appelés dans nos foyers; et ce mouvement, en portant dans nos murs tout le courage des camps, et dans les camps toutes les vertus des villes, aurait électrisé tous les cœurs français.

« C'est un regret que les citoyens de la section de la Fontaine-de-Grenelle déposent avec confiance dans le sein des pères de la patrie: néanmoins, soumis à vos décrets, ils font ici le serment de n'avoir jamais d'autre volonté que celle de la loi, et de périr tous, s'il le faut, pour son exécution.» (Vifs applaudissements.)

(Suivent les signatures, au nombre de 125.)

M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

M. XAVIER-AUDOUIN, orateur de la députation. Messieurs, comme les citoyens qui nous accompagnent sont trop nombreux pour être admis à la séance, ils vous prient de leur permettre de défiler dans l'Assemblée.

Plusieurs membres : Il y a de la place! (Applau dissements.)

(Un grand nombre de citoyens et de citoyennes sont introduits dans l'intérieur de la salle, aux grands applaudissements des tribunes.)

Plusieurs membres demandent l'impression de l'adresse et son insertion au procès-verbal. (L'Assemblée ordonne l'impression de l'adresse et son insertion au procès-verbal.)

Un membre, au nom du comité des décrets, donne lecture de la rédaction de l'acte d'accusation contre le sieur Cossé-Brissac, ci devant commandant la garde soldée du roi (1); elle est ainsi conçue :

Sur le rapport et la lecture faite à l'Assemblée nationale, par un de ses membres, de plusieurs pièces qui annoncent: 1° qu'il avait été reçu dans la garde soldée du roi quantité de personnes qui n'y étaient point admissibles, d'après l'article 12 de la section première du chapitre II de l'Acte constitutionnel, entre autres les sieurs Blot, Borde, Fournel, Duquercy, de Linières, de Comeires, Loisel, Lacaze, Merleval, Pierrot-Remy, Gueniot, Brancas, deux fils du ci-devant comte de Bérenger, deux neveux du sieur Bissac-Leroc et le sieur de Neufchaise.

« 2° Que plusieurs de ces gardes n'avaient pas prêté le serment ordonné par la loi du 15 février dernier, entr'autres le sieur Chavanne.

« 3° Que l'on avait cherché et réussi à faire régner dans la garde du roi un esprit incivique et contre-révolutionnaire, soit en expulsant de ce corps, soit en contraignant, à force d'outrages, de l'abandonner, ceux qui manifestaient des sentiments conformes à la Constitution et à ses principes.

«4° Que le samedi d'après Pâques, on avait fait prêter aux sous-officiers de cette garde le serment d'accompagner le roi partout où il voudrait aller.

« L'Assemblée nationale a décrété, dans sa séance du 29 mai dernier, qu'il y avait lieu à accusation contre le sieur Cossé-Brissac, commandant de la garde du roi; et, par le présent acte, elle accuse le sieur Cossé-Brissac, devant la Haute-Cour nationale, comme prévenu d'avoir violé, dans la composition de la garde du roi, les dispositions de l'article 12 de la section première du chapitre II de l'Acte constitutionnel, ainsi que la loi du 15 février dernier; d'avoir introduit ou laissé introduire dans cette garde

(1) Voy. Archives parlementaires, 1" série, t. XLIV séance du 29 mai 1792, page 309, le décret d'accusation contre M. Cossé-Brissac.

un esprit inconstitutionnel et contre-révolutionnaire, et d'avoir ainsi attenté à la Constitution et à la sûreté de l'Etat. »>

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

Un membre se plaint de la lenteur des opérations de la Haute-Cour nationale et demande que les grands-procurateurs soient mandés à la barre pour rendre compte des motifs de ce retard.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Cailhasson, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret additionnel au décret du 15 mai dernier qui affecte les 300 millions d'assignats de la dernière création, spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, en consacrant spécialement les assignats de la dernière création aux dépenses de la guerre et aux besoins de la Trésorerie nationale, vous avez pris une mesure que l'intérêt de l'Etat et des circonstances impérieuses semblaient vous dicter: mais, pour que la nation puisse en recueillir les fruits, cette mesure ne doit pas être isolée et le changement que vous avez fait dans l'ordre des remboursements, suivi jusqu'à votre décret du 15 mai dernier, doit nécessairement en amener d'autres.

Le but principal de ce décret a été de conserver le crédit des assignats, en prévenant leur trop grande multiplication, en leur assurant un gage assez étendu et sur la solidité duquel il ne fut possible d'élever aucun doute: mais il serait impossible de conserver ces avantages, si vous laissiez subsister en entier la manière dont on peut acquérir les biens nationaux, d'après les décrets de l'Assemblée constituante. Elle a établi deux manières de payer ces biens. Ils peuvent l'être ou en monnaie de cours, ou en reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation. Ces deux moyens étaient conformes aux principes, lorsqu'ils ont été adoptés. Pourquoi les reconnaissances de liquidation n'auraient-elles pas concouru avec les assignats tout le temps qu'on les a remboursées en assignats à bureau ouvert? Pourquoi tous les titres qui constataient la propriété d'une créance susceptible de liquidation, n'auraient-ils pas été reçus en payement de domaines nationaux, lorsque la principale destination de ces domaines était de servir au remboursement des créances de cette nature, et lorsqu'on était généralement persuadé que leur valeur était plus que suffisante pour y parvenir?

L'Assemblée constituante avait senti que pour que la vente des biens nationaux s'effectuât d'une manière avantageuse pour l'Etat, il était nécessaire que les moyens de les acquérir fussent très multipliés. Elle avait senti en même temps qu'une trop grande multiplication de papiermonnaie présentait les plus grands dangers. Elle avait établi, en principe, qu'il n'y aurait jamais plus de 1200 millions d'assignats en circulation; et comme cette somme était trop peu considérable pour accélérer la vente d'une

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative. Dette publique, tome 1, n° 31.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1re série, t. XLIII, séance du 5 mai 1792, au matin, page 414, le décret visé dans le rapport de M. Cailhasson.

masse de biens de 2 milliards 400 millions, elle avait cru devoir faire concourir avec les assiguats les titres des créances liquidées et à liquider.

Ces, dispositions, très conformes aux intérêts de l'État lorsqu'elles furent adoptées, doivent changer lorsque la situation des choses n'est plus la mème.

Au moyen de la dernière création d'assignats, la totalité des biens nationaux dont la vente est ordonnée, a été employée, soit aux dépenses de l'Etat, soit au remboursement de la dette publique. Ces biens n'appartiennent donc aujourd'hui qu'aux porteurs d'assignats, et la nation ne peut plus en disposer pour le remboursement de ses dettes; or, c'est cependant ce qu'elle ferait, si après avoir affecté les biens nationaux comme gage aux assignats, elle donnait à ses créanciers la faculté d'acquérir et de payer ces biens sans se servir d'assignats: alors la nation vendrait deux fois la même chose, et violerait tous les principes du crédit public.

Mais, dira-t-on, la nation ne possède-t-elle pas d'autres biens? N'en possède-t-elle pas pour une somme plus que suffisante pour faire face à tous ses engagements? Oui, sans doute, mais ces biens seront-ils aliénés, ou ne le seront-ils pas? c'est ce que vos comités des finances ne doivent pas préjuger. Ces biens sont-ils un gage aussi clair, aussi solide, qui obtienne à un aussi haut point la confiance publique que les biens nationaux dont la vente est ordonnée et effectuée presque en totalité? c'est ce vos comités ne pensent pas. D'après cela, il leur a paru que vous détruiriez l'effet de votre décret du 15 de ce mois, si vous laissiez subsister en entier les dispositions des décrets de l'Assemblée constituante, relatifs à l'admission des reconnaissances de liquidation en payement des biens nationaux. Vous feriez plus, vous parviendriez à un but diamétralement opposé à celui que vous vous êtes proposé d'atteindre.

Quel est en effet le but de votre décret? de conserver le crédit des assignats, en faisant qu'on ne soit pas forcé d'en créer au delà de la valeur des biens qui leur servent de gage, et de prévenir les dangers qui résulteraient de leur trop grande multiplication. Or, dans l'état actuel des choses, et en supposant deux circonstances, l'une que la liquidation de la dette publique s'effectuera avec rapidité à l'avenir, l'autre que les reconnaissances de liquidation ne s'échangeront pas au pair contre les assignats, il arriverait nécessairement qui si ces reconnaissances étaient une monnaie qui pût servir au payement des biens nationaux, tous les acquéreurs, consultant leurs intérêts, se libéreraient avec la monnaie la plus faible, et alors se reproduiraient les deux inconvénients que vous avez voulu prévenir 1°. Il existerait des assignats au delà de la valeur des biens qui leur servent de gage; 2°. Le nombre du papier-monnaie en circulation s'accroîtrait avec rapidité; car si les payements étaient faits en reconnaissances de liquidation, on ne pourrait brûler toutes les semaines que des reconnaissances, et les brûlements ne diminuant plus périodiquement la quantité d'assignats en circulation, cette quantité s'accroftrait chaque mois en raison des sommes dépensées pour les frais de la guerre ou pour les autres dépenses extraordinaires de l'Etat.

Vous sentez, Messieurs, que, d'après ces observations, vos comités ne pouvaient s'empêėcher de vous proposer de changer les disposi

tions des décrets de l'Assemblée constituante, relatives à l'admission des reconnaissances de liquidation en payement des biens nationaux.

Il est une seule de ces dispositions à laquelle il n'est possible de faire aucun changement; c'est celle qui accorde aux possesseurs de certaines dettes exigibles la faculté de donner en payement des biens qu'ils ont acquis, leurs reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation. Cette faculté fait partie du contrat qu'ils ont passé avec la nation, et lorsque ce contrat a reçu son existence légale, il ne dépend pas de l'une des parties contractantes d'annuler ou de modifier les conditions qu'elle s'est volontairement imposées.

Représentants de la nation, vous ne pourriez exiger que les citoyens remplissent leurs engagements envers elle, tandis qu'elle se permettrait de manquer aux siens à leur égard, parce que les limites de la justice sont aussi celles de Votre puissance.

Les changements que vos comités vous proposent ne portent donc que sur les biens qui ne sont pas encore vendus, et sur les acquéreurs qui ne sont pas possesseurs de créances exigibles. Vous pouvez stipuler, pour l'avenir, les conditions qui sont les plus conformes à l'intérêt de l'Etat; et celui qui, ayant déjà acquis des biens nationaux, n'a déposé aucun titre au bureau de liquidation, ne saurait se plaindre de la non-admission des reconnaissances en payement des biens qu'il a acquis.

Vous trouverez aussi dans les articles du décret que vos comités des finances m'ont chargé de vous proposer, quelques dispositions dont le but est d'assurer l'exécution des principes que je viens de développer, et de simplifier la comptabilité de la caisse de l'extraordinaire relativement à cet objet.

Je vais maintenant vous faire connaître les motifs de quelques autres dispositions dont le but est de faciliter l'ordre dans la comptabilité, l'exactitude dans le service de la caisse de l'extraordinaire, et de prévenir des difficultés dont quelques-unes ont déjà été faites, et dont les autres ne tarderont pas à se présenter.

Jusqu'à ce moment, lorsque les porteurs de reconnaissances définitives de liquidation n'ont pu justifier de l'acquittement de leur contribution mobilière et de leur contribution patriotique, ils ont été autorisés à retirer les neuf dixièmes de la somme qui leur était due; l'autre dixième a dû rester en dépôt à la caisse jusqu'à l'acquittement entier de ces contributions; la somme totale est portée sur les registres, et il n'est fait mention de la retenue que par émargement.

Vous sentirez facilement, Messieurs, que, lors même que ce dixième excéderait la somme de 10,000 livres, il ne devrait pas être compris dans la disposition de l'article 1er de votre décret du 15 mai dernier. Vous sentirez encore qu'on ne peut faire éprouver le moindre retard à celui qui ayant rempli les formalités prescrites par la loi, vient réclamer la somme qu'il a donnée en nantissement; c'est un dépôt qui, sous aucun prétexte, ne saurait être dénaturé, et qui doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait.

J'ai maintenant à vous rendre compte des motifs qui ont fait adopter à vos comités deux dispositions relatives au payement des intérêts échus des reconnaissances de liquidation, et aux formalités à remplir pour que les nouveaux in1re SÉRIE. T. XLV.

térêts commencent à courir au profit des possesseurs de ces reconnaissances.

Il a paru à vos comités que, quel que soit le mode définitif de remboursement que vous adopterez, il ne pourra porter que sur les capitaux et jamais sur les intérêts; les intérêts sont des fruits qui doivent naturellement être destinés à fournir aux besoins des propriétaires de fonds; par conséquent, l'on ne pourrait, sans injustice, en différer le payement, ou forcer les propriétaires de convertir ces intérêts en capitaux. Cette vérité a déjà été sentie, puisque, d'après le rapport qui vous a été fait sur les dépenses de 1792, les intérêts de toutes les créances font partie des dépenses ordinaires, et que les fonds en sont faits à la trésorerie nationale. Jusqu'ici le payement de ces intérêts a été confondu avec celui des capitaux, parce que le remboursement de ces capitaux a été fait à bureau ouvert. Aujourd'hui que ce mode est changé, les intérêts des reconnaissances de liquidation ne doivent participer en rien à ce changement; ils doivent être acquittés à leur échéance, comme les intérêts de toutes les autres parties de la dette publique; mais quelle est l'époque de l'échéance des intérêts de la dette liquidée? Naturellement cette époque doit être celle où cette dette est connue, où elle acquiert une date certaine, c'est-à-dire, où un créancier, après avoir rempli toutes les formalités prescrites par la loi, se présente à la caisse de l'extraordinaire. Il importe, d'ailleurs, à l'ordre de la comptabilité que cette époque soit choisie de préférence à toute autre.

Je n'insisterai pas plus longtemps, Messieurs, pour vous faire adopter la conséquence des principes dont vous ne vous êtes jamais écartés; mais de cela seul que les intérêts doivent être payés à présentation, il s'en suit que les sommes, du reste très peu considérables, qui doivent servir à l'acquittement de ces intérêts, ne doivent pas faire partie des 6 millions destinés au remboursement des créances au-dessous de 10,000 livres sans cela il y aurait des cas où on ne pourrait être payé que sur les fonds des mois suivants, et où, par conséquent, le payement d'une partie des intérêts de la dette publique serait suspendu, tandis que le payement des intérêts des autres parties de la dette serait effectué avec la plus grande exactitude.

Après qu'ils ont été fixés sur le mode et l'époque de payement des intérêts échus, vos comités ont examiné si la seule remise des reconnaissances de liquidation devait suffire pour que les nouveaux intérêts commençassent à courir, et si les formalités exigées pour le remboursement devaient ou ne devaient pas être conservées. Ces formalités sont de prouver qu'on a résidé dans le royaume depuis 6 mois, et qu'on a acquitté ses contributions mobilière et patriotique. Cette dernière preuve ne doit évidemment plus être exigée. Il est conforme aux règles de la justice que l'Etat, en se libérant envers un citoyen, force ce citoyen, ou à faire compensation avec les sommes qu'il doit à 1 Etat, ou bien à prouver qu'il ne doit rien. Mais lorsqu'il ne s'agit que de constater un titre de créance et de fixer l'époque ou les intérêts doivent commencer à courir, comment serait-on en droit d'exiger d'un citoyen l'acquittement de ses contributions?

Vos comités des finances n'ont pas envisagé sous le même point de vue l'obligation de justifier de sa résidence en France depuis 6 mois :

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