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BACCALAUREAT

ET

SOCIALISME

PAR

M. F. BASTIAT

Membre correspondant de l'Institut
REPRÉSENTANT DU PEUPLE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

PARIS

LIBRAIRIE DE GUILLAUMIN ET Cie
ÉDITEURS DE LA COLLECTION DES PRINCIPAUX ÉCONOMISTES,
DU JOURNAL DES ÉCONOMISTES, ETC.

Rue Richelieu, 14.

1850
274.5.

BIBLIOTHECA

REGLA

MONACENSIS.

Imp. de GUSTAVE GRATIOT, 11, rue de la Monnaie.

BACCALAURÉAT

ET

SOCIALISME.

CITOYENS REPRÉSENTANTS,

J'ai soumis à l'Assemblée un amendement qui a pour objet la suppression des grades universitaires. Ma santé ne me permet pas de le développer à la tribune. Permettez-moi d'avoir recours à la plume.

La question est extrêmement grave. Quelque défectueuse que soit la loi qui a été élaborée par votre commission, je crois qu'elle marquerait un progrès signalé sur l'état actuel de l'instruction publique, si elle était amendée ainsi que je le propose.

Les grades universitaires ont le triple inconvénient d'uniformiser l'enseignement (l'unifor 15

mité n'est pas l'unité) et de l'immobiliser après lui avoir imprimé la direction la plus funeste.

S'il y a quelque chose au monde qui soit progressif par nature, c'est l'enseignement. Qu'estce, en effet, sinon la transmission de génération en génération des connaissances acquises par la société, c'est-à-dire d'un trésor qui s'épure et s'accroît tous les jours?

Comment est-il arrivé que l'enseignement, en France, soit demeuré uniforme et stationnaire, à partir des ténèbres du moyen àge? Parce qu'il a été monopolisé et renfermé, par les grades universitaires, dans un cercle infranchissable.

Il fut un temps où, pour arriver à quelque connaissance que ce soit, il était aussi nécessaire d'apprendre le latin et le grec, qu'il est indispensable aux Basques et aux Bas-Bretons de commencer par apprendre le français. Les langues vivantes n'étaient pas fixées. L'imprimerie n'avait pas été découverte; l'esprit humain ne s'était pas appliqué à pénétrer les secrets de la nature. Être instruit, c'était savoir ce qu'avaient pensé Épicure et Aristote. Dans les rangs élevés on se vantait de ne savoir pas lire. Une seule classe possédait et communiquait l'instruction, celle des Clercs. Quelle pouvait être alors cette instruction? Évideminent, elle devait être bornée

à la connaissance des langues mortes, et principalement du latin. Il n'y avait que des livres latins; on n'écrivait qu'en latin; le latin était la langue de la religion; les Clercs ne pouvaient enseigner que ce qu'ils avaient appris, le latin. . On comprend donc qu'au moyen âge l'enseignement fut circonscrit à l'étude des langues mortes, fort improprement dites savantes.

Est-il naturel, est-il bon qu'il en soit ainsi au dix-neuvième siècle? Le latin est-il un instrument nécessaire à l'acquisition des connaissances? Est-ce dans les écrits que nous ont laissés les Romains qu'on peut apprendre la religion, la physique, la chimie, l'astronomie, la physiologie, l'histoire, le droit, la morale, la technologie industrielle, ou la science sociale?

Savoir une langue, comme savoir lire, c'est posséder un instrument. Et n'est-il pas étrange que nous passions toute notre jeunesse à nous rendre maîtres d'un instrument qui n'est plus bon à rien, ou pas à grand'chose, puisque on n'a rien de plus pressé, quand on commence à le savoir, que de l'oublier? Hélas! que ne peut-on oublier aussi vite les impressions que laisse cette funeste étude?

Que dirions-nous si, à Saint-Cyr, pour préparer la jeunesse aux sciences militaires moder

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