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843,5

R8641m
V.6

c. 2

716765

AVERTISSEMENT.

Les ouvrages compris dans ce volume, composés pour la défense d'Émile et du Contrat social, ayant avec ces, derniers une liaison nécessaire, doivent être classés dans la même division et les suivre immédiatement. Le premier est la Lettre à l'archevêque de Paris, et le second a pour titre : Lettres écrites de la Montagne. L'histoire de celles-ci demande quelque développement, parce qu'elle se complique avec celle des troubles de Genève, dont la condamnation de Rousseau fut le prétexte ou la cause. Cette histoire doit naturellement précéder les Lettres de la Montagne; disons un mot de celle à l'archevêque de Paris.

Jean-Jacques avait pour principe de ne répondre qu'à des adversaires dignes de lui, soit par le talent avec lequel ils l'attaquaient, soit par le rang qu'ils occupaient. Les autres n'obtenaient de sa part qu'un dédaigneux silence.

C'est d'après ce principe qu'il prit la plume pour répliquer à l'archevêque de Paris, dont le mandement « l'affecta, parce qu'il venait d'un homme pour qui il avait toujours de l'estime, << et dont il admirait la constance 1. »

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Cette réplique passe pour un chef-d'oeuvre. Jean-Jacques y suit sa maxime « d'honorer l'auteur et de foudroyer l'ouvrage. Il y réunit tous les genres que permet la polémique, ajoutant, suivant l'occasion, à une logique pressante une ironie fine et piquante sans amertume. « Il y a dans cet écrit, disait Grimm, « des choses d'une grande éloquence, des raisonnements d'une « grande force, et, ce qu'il y a de plus singulier, une légèreté << de plaisanterie qui n'appartient pas au citoyen de Genève 2.

Confessions, liv. xii.

2 Parce qu'il ne voulait pas s'en saisir, et que ses méditations l'éloignaient de ce genre, dans lequel il aurait excellé s'il l'avait voulu. Assez de preuves justifient cette opinion. Outre la conversation dont parle Grimm, nous citerons

R. VI.

I

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La conversation de l'archevêque avec le janséniste de la rue « Saint-Jacques est faite dans un si bon goût de plaisanterie, qu'on la croirait de M. de Voltaire. »>

On blâma le titre que prit dans sa réponse Rousseau, qui paraissait traiter d'égal à égal un prélat pair de France. On prétendit qu'il y avait de l'ostentation dans ce titre, parce qu'il opposait à l'énumération fastueuse des qualités de l'archevêque, celle de citoyen de Genève, la seule qu'il prenait et à laquelle il renonça même peu de temps après. Aux observations qui furent faites à ce sujet, on répliqua que Rousseau, n'étant point de la religion catholique, ne vit dans le mandement qu'une critique d'Émile, et dans le prélat qu'un auteur qui l'attaquait, envers lequel il usa du droit qu'il avait dans l'intérêt de sa défense légitime. Du reste, le témoignage qu'il rend à l'archevêque de Paris, dont il admirait les vertus, ne permet pas de douter de ses intentions.

Il nous a paru convenable de faire précéder la lettre de Rousseau, du mandement auquel il répond, et dont la lecture peut mettre à même de juger avec plus d'impartialité. Dans le premier paragraphe de ce mandement se trouve un portrait de l'auteur d'Émile, qui, grace à quelques heureuses antithèses, obtint beaucoup de succès.

M. P.

la Reine fantasque, la Lettre sur le professeur de danse Marcel, du 1er mars 1763, celles à M. Cartier, du 10 juillet 1759, à M. le comte de Lastic, du 30 décembre 1754, modèle d'une sanglante ironie employée pour punir une iniquité révoltante; et d'autres lettres que nous ferons remarquer dans la correspondance. La cinquième Lettre de la Montagne offre encore une preuve, dans la manière plaisante dont Voltaire est mis en scène.

MANDEMENT

DE MONSEIGNEUR

L'ARCHEVÊQUE DE PARIS,

PORTANT CONDAMNATION D'UN LIVRE QUI A POUR TITRE:

ÉMILE, OU DE L'ÉDUCATION,

PAR J. J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE.

Christophe de BEAUMONT, par la miséricorde divine et par la grace du saint siége apostolique, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France, commandeur de l'ordre du Saint-Esprit, proviseur de Sorbonne, etc.; à tous les fidèles de notre diocèse: salut et bénédiction :

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I. Saint Paul a prédit, M. T. C. F., qu'il viendrait « des jours périlleux où il y aurait des gens amateurs d'eux-mêmes, fiers, superbes, blasphémateurs, impies, calomniateurs, en« flés d'orgueil, amateurs des voluptés plutôt que de Dieu; des << hommes d'un esprit corrompu, et pervertis dans la foi a. » Et dans quels temps malheureux cette prédiction s'est-elle accomplie plus à la lettre que dans les nôtres! L'incrédulité, enhardie par toutes les passions, se présente sous toutes les formes, afin de se proportionner en quelque sorte à tous les âges, à tous les caractères, à tous les états. Tantôt, ] pour s'insinuer dans des esprits qu'elle trouve déjà ensorcelés par la

a

<< In novissimis diebus instabunt tempora periculosa; erunt homines seipsos << amantes.... elati, superbi, blasphemi.... scelesti.... criminatores.... tumidi, et voluptatum amatores magis quàm Dei.... homines corrupti mente et reprobi circà fidem. .» 11. Tim., cap. 1, v. 1, 4, 8.

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bagatelle a, elle emprunte un style léger, agréable et frivole: de là tant de romans, également obscènes et impies, dont le but est d'amuser l'imagination pour séduire l'esprit et corrompre le cœur. Tantôt, affectant un air de profondeur et de sublimité dans ses vues, elle feint de remonter aux premiers principes de nos connaissances, et prétend s'en autoriser pour secouer un joug qui, selon elle, déshonore l'humanité, la Divinité même. Tantôt elle déclame en furieuse contre le zèle de la religion, et prêche la tolérance universelle avec emportement. Tantôt, enfin, réunissant tous ces divers langages, elle mêle le sérieux à l'enjouement, des maximes pures à des obscénités, de grandes vérités à de grandes erreurs, la foi au blasphème; elle entreprend en un mot d'accorder les lumières avec les ténèbres, Jésus-Christ avec Bélial. Et tel est spécialement, M. T. C. F., l'objet qu'on paraît s'être proposé dans un ouvrage récent, qui a pour titre, ÉMILE OU DE L'éducation. Du sein de l'erreur il s'est élevé un homme plein du langage de la philosophie, sans être véritablement philosophe; esprit doué d'une multitude de connaissances qui ne l'ont pas éclairé, et qui ont répandu des ténèbres dans les autres esprits; caractère livré aux paradoxes d'opinions et de conduite, alliant la simplicité des mœurs avec le faste des pensées, le zèle des maximes antiques avec la fureur d'établir des nouveautés, l'obscurité de la retraite avec le désir d'être connu de tout le monde : on l'a vu invectiver contre les sciences qu'il cultivait, préconiser l'excellence de l'Évangile dont il détruisait les dogmes, peindre la beauté des vertus qu'il éteignait dans l'ame de ses lecteurs. Il s'est fait le précepteur du genre humain pour le tromper, le moniteur public pour égarer tout le monde. l'oracle du siècle pour achever de le perdre. Dans un ouvrage sur l'Inégalité des conditions il avait abaissé l'homme jusqu'au rang des bêtes; dans une autre production plus récente il avait insinué le poison de la volupté en paraissant le proscrire: dans celui-ci, il s'empare des premiers moments de l'homme afin d'établir l'empire de l'irréligion.

II. Quelle entreprise, M. T. C. F. ! L'éducation de la jeu

a «Fascinatio nugacitatis obscurat bona. » Sap., cap. Iv, v. 12.

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