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entre Dieu et lui! Le voilà donc bien évidemment en contradiction avec lui-même; le voilà confondu par ses propres aveux. Par quel étrange aveuglement a-t-il donc pu ajouter : « Avec <«< tout cela ce même Évangile est plein de choses incroyables, « de choses qui répugnent à la raison, et qu'il est impossible « à tout homme sensé de concevoir ni d'admettre. Que faire au <<< milieu de toutes ces contradictions? Être toujours modeste et circonspect.... Respecter en silence ce qu'on ne saurait ni rejeter ni comprendre, et s'humilier devant le grand Être qui « seul sait la vérité. Voilà le scepticisme involontaire où je suis « resté. » Mais le scepticisme, M. T. C. F., peut-il donc être involontaire, lorsqu'on refuse de se soumettre à la doctrine d'un livre qui ne saurait être inventé par les hommes, lorsque ce livre porte des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l'inventeur en serait plus étonnant que le héros ? C'est bien ici qu'on peut dire que l'iniquité a menti contre elle-même «. »

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XVIII. Il semble, M. T. C. F., que cet auteur n'a rejeté la révélation que pour s'en tenir à la religion naturelle : « Ce « que Dieu veut qu'un homme fasse, dit-il, il ne le lui fait << pas dire par un autre homme, il le lui dit à lui-même, il « l'écrit au fond de son cœur. » Quoi donc ! Dieu n'a-t-il pas écrit au fond de nos cœurs l'obligation de se soumettre à lui dès que nous sommes sûrs que c'est lui qui a parlé? Or, quelle certitude n'avons-nous pas de sa divine parole! Les faits de Socrate, dont personne ne doute, sont, de l'aveu même de l'auteur d'Émile, moins attestés que ceux de Jésus-Christ. La religion naturelle conduit donc elle-même à la religion révélée. Mais est-il bien certain qu'il admette même la religion naturelle, ou que du moins il en reconnaisse la nécessité? Non, M. T. C. F. « Si je me trompe, dit-il, c'est de bonne foi. Cela «< me suffit pour que mon erreur même ne me soit pas imputée « à crime. Quand vous vous tromperiez de même, il y aurait « peu de mal à cela. » C'est-à-dire que, selon lui, il suffit de se persuader qu'on est en possession de la vérité; que cette persuasion, fût-elle accompagnée des plus monstrueuses er

a « Mentita est iniquitas sibi. » Psal. 26, v. 12.

reurs, ne peut jamais être un sujet de reproche; qu'on doit toujours regarder comme un homme sage et religieux celui qui, adoptant les erreurs même de l'athéisme, dira qu'il est de bonne foi. Or, n'est-ce pas là ouvrir la porte à toutes les superstitions, à tous les systèmes fanatiques, à tous les délires de l'esprit humain? N'est-ce pas permettre qu'il y ait dans le monde autant de religions, de cultes divins, qu'on y compte d'habitants? Ah! M. T. C. F., ne prenez point le change sur ce point. La bonne foi n'est estimable que quand elle est éclairée et docile. Il nous est ordonné d'étudier notre religion, et de croire avec simplicité. Nous avons pour garant des promesses l'autorité de l'Église. Apprenons à la bien connaître, et jetons-nous ensuite dans son sein. Alors nous pourrons compter sur notre bonne foi, vivre dans la paix, et attendre sans trouble le moment de la lumière éternelle.

XIX. Quelle insigne mauvaise foi n'éclate pas encore dans la manière dont l'incrédule que nous réfutons fait raisonner le chrétien et le catholique ! Quels discours pleins d'inepties ne prête-t-il pas à l'un et à l'autre pour les rendre méprisables! Il imagine un dialogue entre un chrétien, qu'il traite d'inspiré, et l'incrédule, qu'il qualifie de raisonneur; et voici comme il fait parler le premier : « La raison vous apprend que le tout «< est plus grand que sa partie : mais moi, je vous apprends « de la part de Dieu que c'est la partie qui est plus grande que « le tout. » A quoi l'incrédule répond: « Et qui êtes-vous pour <«< m'oser dire que Dieu se contredit? et à qui croirai-je par préférence, de lui qui m'apprend par la raison des vérités éternelles, ou de vous qui m'annoncez de sa part une ab<«surdité ? »

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XX. Mais de quel front, M. T. C. F., ose-t-on prêter au chrétien un pareil langage? Le Dieu de la raison, disons-nous, est aussi le Dieu de la révélation. La raison et la révélation sont les deux organes par lesquels il lui a plu de se faire entendre aux hommes, soit pour les instruire de la vérité, soit pour leur intimer ses ordres. Si l'un de ces deux organes était opposé à l'autre, il est constant que Dieu serait en contradiction avec lui-même. Mais Dicu se contredit-il parce qu'il commande de croire des vérités incompréhensibles? Vous dites,

& impies! que les dogmes que nous regardons comme révéles combattent les vérités éternelles mais il ne suffit pas de le dire. S'il vous était possible de le prouver, il y a long-temps que vous l'auriez fait, et que vous auriez poussé des cris de victoire. XXI. La mauvaise foi de l'auteur d'Èmile n'est pas moins révoltante dans le langage qu'il fait tenir à un catholique prétendu: « Nos catholiques, lui fait-il dire, font grand bruit de « l'autorité de l'Église; mais que gagnent-ils à cela, s'il leur « faut un aussi grand appareil de preuves pour établir cette « autorité, qu'aux autres sectes pour établir directement leur « doctrine ? L'Église décide que l'Église a droit de décider : ne « voilà-t-il pas une autorité bien prouvée ? » Qui ne croirait, M. T. C. F., à entendre cet imposteur, que l'autorité de l'Église n'est prouvée que par ses propres décisions, et qu'elle procède ainsi : « Je décide que je suis infaillible, donc je le « suis ? » imputation calomnieuse, M. T. C. F. La constitution du christianisme, l'esprit de l'Évangile, les erreurs mêmes et la faiblesse de l'esprit humain tendent à démontrer que l'Eglise, établie par Jésus-Christ, est une Église infaillible. Nous assurons que, comme ce divin législateur a toujours enseigné la vé rité, son Église l'enseigne aussi toujours. Nous prouvons donc l'autorité de l'Église, non par l'autorité de l'Église, mais par celle de Jésus-Christ, procédé non moins exact que celui qu'on nous reproche est ridicule et insensé.

XXII. Ce n'est pas d'aujourd'hui, M. T. C. F., que l'esprit d'irréligion est un esprit d'indépendance et de révolte. Et comment en effet ces hommes audacieux, qui refusent de se soumettre à l'autorité de Dieu même, respecteraient-ils celle des rois qui sont les images de Dieu, ou celle des magistrats qui sont les images des rois? « Songe, dit l'auteur d'Émile à son « élève, qu'elle (l'espèce humaine) est composée essentielle<< ment de la collection des peuples; que quand tous les rois.... « en seraient ôtés, il n'y paraîtrait guère, et que les choses << n'en iraient pas plus mal.... Toujours, dit-il plus loin, la mul« titude sera sacrifiée au petit nombre et l'intérêt public à l'in« térêt particulier : toujours ces noms spécieux de justice et de « subordination serviront d'instrument à la violence et d'armes « à l'iniquité. D'où il suit, continue-t-il, que les ordres distin

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R. VI.

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gués, qui se prétendent utiles aux autres, ne sont en effet << utiles qu'à eux-mêmes aux. dépens des autres. Par où l'on « doit juger de la considération qui leur est due selon la justice <«<et la raison. » Ainsi donc, M. T. C. F., l'impiété ose critiquer les intentions de celui « par qui règnent les rois a ; » ainsi elle se plaît à empoisonner les sources de la félicité publique, en soufflant des maximes qui ne tendent qu'à produire l'anarchie et tous les malheurs qui en sont la suite. Mais que vous dit la religion?« Craignez Dieu, respectez le roi........ . Que tout « homme soit soumis aux puissances supérieures : car il n'y a << point de puissance qui ne vienne de Dieu; et c'est lui qui a «< établi toutes celles qui sont dans le monde. Quiconque résiste << donc aux puissances résiste à l'ordre de Dieu, et ceux qui y « résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes c. »

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XXIII. Oui, M. T. C. F., dans tout ce qui est de l'ordre civil, vous devez obéir au prince et à ceux qui exercent son autorité comme à Dieu même. Les seuls intérêts de l'être suprême peuvent mettre des bornes à votre soumission; et si on voulait yous punir de votre fidélité à ses ordres, vous devriez encore souffrir avec patience et sans murmure. Les Néron, Domitien eux-mêmes, qui aimèrent mieux être les fléaux de la terre que les pères de leurs peuples, n'étaient comptables qu'à Dieu de l'abus de leur puissance. « Les chrétiens, dit saint Augustin, leur obéissaient dans le temps à cause du Dieu de l'éternité d.

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XXIV. Nous ne vous avons exposé, M. T. C. F., qu'une partie des impiétés contenues dans ce traité de l'Éducation, ouvrage également digne des anathèmes de l'Église et de la sévérité des lois. Et que faut-il de plus pour vous en inspirer une juste horreur? Malheur à vous, malheur à la société, si vos enfants étaient élevés d'après les principes de l'auteur

a « Per me reges regnant. » Prov., cap. viii, v. 15.

b « Deum timete: regem honorificate.» I. Pet., cap, 11, v. 17.

e « Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit: non est enim potestas « nisi à Deo : quæ autem sunt, à Deo ordinatæ sunt. Itaque, qui resistit po

« testati, Dei ordinationi resistit. Qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt. » Rom., cap. XIII, V. I, 2.

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d « Subditi erant propter Dominum æternum, etiam domino temporali. » AUG. Enarrat. in psal. 124.

d'Émile! Comme il n'y a que la religion qui nous ait appris à connaître l'homme, sa grandeur, sa misère, sa destinée future, il n'appartient aussi qu'à elle seule de former sa raison, de perfectionner ses mœurs, de lui procurer un bonheur solide dans cette vie et dans l'autre. Nous savons, M. T. C. F., combien une éducation vraiment chrétienne est délicate et laborieuse que de lumière et de prudence n'exige-t-elle pas! quel admirable mélange de douceur et de fermeté ! quelle sagacité pour se proportionner à la différence des conditions, des âges, des tempéraments et des caractères, sans s'écarter jamais en rien des règles du devoir ! quel zèle et quelle patience pour faire fructifier dans de jeunes cœurs le germe précieux de l'innocence, pour en déraciner, autant qu'il est possible, ces penchants vicieux qui sont les tristes effets de notre corruption héréditaire; en un mot, pour leur apprendre, suivant la morale de saint Paul, à « vivre en ce monde avec tempérance, << selon la justice et avec piété, en attendant la béatitude que « nous espérons ! » Nous disons donc à tous ceux qui sont chargés du soin également pénible et honorable d'élever la jeunesse : Plantez et arrosez, dans la ferme espérance que le Seigneur, secondant votre travail, donnera l'accroissement; «< insistez à temps et à contre-temps, selon le conseil du même << apôtre; usez de réprimande, d'exhortation, de paroles sé«< vères, sans perdre patience et sans cesser d'instruire b. » Surtout, joignez l'exemple à l'instruction: l'instruction sans l'exemple est un opprobre pour celui qui la donne, et un sujet de scandale pour celui qui la reçoit. Que le pieux et charitable Tobie soit votre modèle : « Recommandez avec soin à « vos enfants de faire des œuvres de justice et des aumônes, « de se souvenir de Dieu, et de le bénir en tout temps dans la « vérité et de toutes leurs forces ; » et votre postérité, comme

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a « Erudiens nos, ut, abnegantes impietatem et sæcularia desideria, sobriè, « et justè, et piè vivamus in hoc sæculo, exspectantes beatam spem.» Tit., cap. II, v. 12, 13.

b « Insta opportunè, importunè; argue, obsecra, increpa in omni patientiâ « et doctrinâ. » II. Timot., cap. Iv, v. I, 2.

« Filiis vestris mandate ut faciant justitias et eleemosynas, ut sint memores « Dei et benedicant eum in omni tempore, in veritate et in totå virtute suâ. » Tob., cap. XIV, V. II.

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