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1821.

voulut condescendre à ce vou. La négociation fut conduite par M. de Blacas, ambassadeur à la cour de Rome, qui, fier de l'ancienne faveur de son maître, passa par de là les instructions de son gouvernement. Le concordat de 1801 avait limité le nombre des évêques à cinquante, tandis que l'ancienne circonscription s'élevait à cent trente. M. de Blacas employa tout son zèle à rapprocher le plus possible le nouveau concordat de l'ancien état des choses.

Je ne parle pas de plusieurs articles qui, malgré certaines réserves, étaient peu favorables, soit aux libertés de l'église gallicane, soit à l'autorité royale. M. de Blacas revint comme un triomphateur apporter le nouveau concordat. La reconnaissance du clergé s'unissait avec une forte intrigue de la cour pour lui en promettre la plus belle récompense. La cour l'avait détesté pendant sa faveur et pendant un ministère assez court, assez terne, que les cent jours brisèrent. C'était elle qui, au retour de Gand, avait, par l'organe des puissans souverains, à peu près exigé le sacrifice de ce favori, maintenant elle voulait opposer le négociateur d'un humble concordat à M. Decazes, ce ministre qui avait triomphé de la chambre de 1815. Le roi ne jugea

pas que l'un de ces services égalât l'autre, et M. de Blacas fut obligé de se contenter des louanges et des bénédictions pontificales. Le ministère ne savait que faire du triste présent apporté par M. de Blacas. On soumit à la chambre, non le concordat même (puisqu'un traité avec une puissance étrangère n'avait pas besoin de la sanction législative), mais un projet de loi qui en réglait l'exécution. Ce traité fut reçu avec humeur. La commission conclut à le rejeter. Le gouvernement craignait cette prodigalité de nouveaux diocèses inutiles aux besoins de l'église. Pour la restreindre, il fallait modifier le concordat. La cour de Rome fut trouvée plus facile, dès que l'officieux M. de Blacas n'excitait plus son zèle. Le nombre des diocèses fut réduit à celui de nos départemens et les ecclésiastiques qui avaient été nommés aux diocèses jugés superflus, furent amenés, par une négociation habile de M. Decazes, à donner leur démission. Il arriva que dans la courte discussion de la chambre sur le concordat, M. de Marcellus poussa la candeur de sa piété jusqu'à consulter le saint père sur le vote législatif qu'il voulaitémettre. Cet acte de ferveur fut rendu public et livré à quelque ridicule.

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La cause ultramontaine était protégée par des défenseurs bien plus éloquens que les jésuites. On avait cru que M. de Bonald avait MM. de Maistre poussé jusqu'aux dernières limites les conséet de Lamennais. quences de ce système. Mais on fut tenté de le juger timide, lorsque parut un livre intitulé

Ecrits de

du Pape où le successeur de saint Pierre était
franchement annoncé comme le monarque
universel de qui relevaient tous les rois, tous
les gouvernemens du monde catholique. Un
vernis d'éloquence, une chaleur originale
d'expressions, enfin une verve audacieuse de
paradoxes étaient répandus sur des doctrines
couvertes de la rouille la plus épaisse du
moyen âge. Suivant le système théologique
et politique de l'auteur, le vicaire de Jésus-
Christ devait présider au mouvement de la
société, ainsi qu'en nous l'être intellectuel
préside aux mouvemens du corps. On obte-
nait ainsi un remède à l'autorité absolue. Les
souverains avaient un juge sur la terre, le
pape.
Il était l'arbitre de tous leurs différens,
et son bâton pastoral pouvait seul amener la
paix universelle si vainement projetée par
Henri IV et rêvée par les sages. Peu s'en
fallait que dans son orthodoxie il n'accusât
les papes de faiblesse, pour ne pas avoir
réclamé ou maintenu avec assez de fermeté

leur suprématie sur les rois, sur des gouver-
nemens qui ne devaient être à leurs yeux
des forces brutes soumises à leur action.
que
L'empire de la religion, et par conséquent
celui de son chef sur la terre, devait être uni-
versel. Nul intérêt humain ne pouvait lui
être étranger, tout pouvoir relevait de lui.
L'auteur de cet étrange ouvrage était M. de
Maistre qui, sujet et conseiller de sa majesté
sarde, avait fui devant les armes françaises.
C'était auprès d'un autocrate qui gouverne
d'une manière absolue l'église de son im-
mense empire, commande les prières et
les jeûncs, c'était à Saint-Pétersbourg que
l'audacieux Piémontais voulait investir les
faibles mains, les mains obséquieuses de
Pie VII du glaive qui s'était brisé dans les
mains du violent Boniface VIII. Cet ouvrage
fit fortune parmi des royalistes qui oubliaient
les doctrines du dix-huitième siècle pour cel-
les du treizième. Les jésuites triomphaient
d'une énonciation franche de principes qui
rappelaient pour eux les beaux jours de leur
règne. Après tout, si l'esprit du mahomé-
tisme soufflait sur la religion chrétienne, si
le vicaire de Jésus-Christ prenait toute l'au-
torité d'un successeur d'Omar et d'Abubeker,
n'étaient-ils pas eux la milice d'élite du pape?

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n'étaient-ils pas ses janissaires ? leur général ne devenait-il point cet aga qui fait trembler le sultan et sait lui opposer cordon pour cordon? Ce qu'il y eut de plus fatal, c'est que l'ouvrage du Pape devint le livre canonique des séminaires. Chaque jeune lévite se crut armé d'un brevet d'inspection sur les trônes et d'une sentence d'excommunication contre les assemblées délibérantes, les libertés publiques, les chartes et leurs soutiens.

M. l'abbé de Lamennais surpassa bientôt la vogue et surtout le talent de M. de Maistre. Le traité de l'Indifférence en matière de religion ménagea peu les esprits que le Génie du Christianime avait attirés vers la foi avec tant d'éloquence et de douceur. M. l'abbé de Lamennais ne voulut plus de conversions lentes et graduelles, parut s'offenser d'une foi qui pour son coup d'essai ne transportait pas les montagnes,

et crut avoir la mission de chasser du temple les indifférens et les tièdes; il donnait une vaste acception à ce mot d'indifférens, car il y rangeait tous les amis de la tolérance. Il respectait si peu cette loi que notre siècle emprunte à la charité évangélique, qu'il frappait des mêmes anathèmes

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