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générale avec toutes les puissances. Déjà la république
avait eu à lutter contre l'Autriche, la Prusse et le Pié-
mont, et elle l'avait fait avantageusement; mais en ce
moment, à l'exception de la Suisse, du Danemarck et de
la Suède, qui surent résister aux suggestions et à l'or cor-
rupteur de l'Angleterre, toutes les puissances de l'Eu-
rope armaient contre la république française. On peut
dire que ce fut par aveuglement que l'Espagne et la Hol-
lande s'allièrent avec l'Angleterre, leur ennemie natu-
relle, contre la France qu'elles devaient toujours avoir
pour amie. La Prusse s'unit au chef de l'empire par va-
nité;
l'Autriche et le Piémont ne consultèrent que des
liaisons de famille la Russie excitait tout le monde
contre la France, afin qu'on ne la troublât pas dans ses
récentes possessions en Pologne. Partout la révolution
française avait été plus ou moins approuvée des peuples,
suivant le degré de leurs lumières; mais aussi partout
elle était odieuse aux souverains. C'était donc une guerre
faite aux principes que les Français professaient, les-
quels principes ne pouvaient manquer de
siblement les autres peuples.

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gagner insen

Quant à la république, elle s'était décidée à une guerre universelle, parce qu'elle redoutait plus les hostilités cachées que les hostilités ouvertes. Elle voulut que ses ennemis se déclarassent franchement.

Il fallait donc soutenir l'assaut terrible de toutes les puissances conjurées, et, quelque riche que fût la république en population et en matériel, tout le monde croyait qu'elle succomberait, parce qu'on ne calculait pas ce que peut l'enthousiasme d'une nation de vingt-cinq millions d'habitans, ni les immenses avantages que

les

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soldats-citoyens ont sur des troupes mercenaires. Ces soldats-citoyens avaient fait la révolution contre laquelle les rois s'armaient : ils la chérissaient; ils ne pouvaient manquer de la défendre vaillamment: ils le firent, parce qu'une nation tout entière qui se lève pour sa défense détruit tous les calculs.

Toutefois, la Convention décréta les mesures les plus énergiques: une levée de trois cent mille hommes fut ordonnée, et les jeunes réquisitionnaires se rendirent sous les drapeaux, en faisant retentir les routes de leurs chants joyeux. Quant aux dépenses, on s'en inquiéta peu. Le capital des biens nationaux s'augmentait tous les jours par la continuation de l'émigration; une nouvelle émission de huit cents millions d'assignats fut autorisée. La France avait d'ailleurs plus de richesses qu'il n'en fallait pour suffire à tous ses besoins; il s'agissait seulement d'en faire une meilleure distribution : en conséquence, on imposa les riches pour leur faire supporter les frais de la guerre.

Au moment où la Convention mit en réquisition ces trois cent mille jeunes citoyens, nos armées étaient loin de présenter des forces rassurantes : celle du Nord, sur la Meuse, était au plus de trente-cinq mille hommes; celle de la Moselle n'en comptait guère que dix-huit à dixneuf mille. Dumouriez ne put pas en rassembler plus de douze mille pour son expédition de Hollande; Custine avait à peine vingt mille soldats sur le Rhin autour de Mayence les bataillons stationnés sur le Haut-Rhin ne présentaient qu'un effectif de quinze mille hommes; on n'en comptait pas autant à l'armée de Savoie, et Kellermann ouvrit la campagne d'Italie avec moins de vingt

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mille hommes. Bientôt les réquisitionnaires arrivèrent en foule sous les drapeaux ; ils peuplèrent ces armées d'une espèce d'hommes choisis indistinctement dans toutes les classes : les uns y apportèrent des talens, les autres des forces physiques, et tous, le courage que donne le patriotisme, et auquel l'esprit militaire et l'esprit national ne permirent pas de se démentir.

Mais avant que ces intrépides jeunes gens fussent arrivés aux frontières, les armes de la république devaient éprouver bien des vicissitudes.

Kellermann se maintenait à Chambéry et à Nice, mais ne faisait aucuns progrès.

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Servan s'efforçait en vain de composer une armée aux Pyrénées.

Le Péruvien Miranda, que ses talens et ses liaisons avec les girondins avaient porté au grade de général, et qui, après des succès, avait obtenu le commandement de l'armée du Nord, commit des fautes et compromit ses soldats. Une sécurité, qui tenait au manque de renseignemens exacts sur les forces des Autrichiens, l'engagea à ordonner le siége, ou plutôt le blocus de Maëstricht, défendu par une garnison nombreuse. Miranda se croyait sûr de ses intelligences dans la place, et ne doutait pas qu'elle ne se rendit après quelques démonstrations de bombardement; mais il fut bientôt forcé de lever ce blocus, et de se retirer précipitamment sur Liége. La Convention, qui ne voulait pas employer des généraux malheureux, ordonna à Dumouriez de laisser son expédition de Hollande, et d'aller prendre le commandement de Miranda, lequel ne cessait de rassurer le ministère et la Convention, et ne voulut croire à la grande supé

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riorité des Autrichiens que lorsque ceux-ci passèrent la Roër au nombre de cinquante-cinq mille, sous les ordres du général Clairfait. Attaqués vivement à Aldenhoven et Ruremonde, les Français y furent repoussés sur Aixla-Chapelle, qu'ils évacuèrent bientôt. Le découragement aux premiers revers, si souvent reproché aux armées françaises, s'empara de tous les corps : les bataillons entiers retournaient en France; les officiers quittaient leurs troupes, et Miranda perdit, dit-on, la tête: Les généraux Valence et Bouchet soutinrent un combat sur les hauteurs de Saumagne, où l'infanterie française fut sauvée par une charge de cavalerie; ils assurèrent la retraite sur Tirlemont, et de là à Louvain, où Dumouriez arriva en même tems.

Ce général avait, l'année auparavant, sauvé la France par ses belles manoeuvres dans la forêt de l'Argonne, et par la bataille de Valmy. Depuis il s'était trouvé dans une situation fort embarrassante, après les tentatives infructueuses qu'il avait faites, à Paris, pour sauver Louis XVI. Il s'était mis à découvert vis-à-vis tous les partis; et il n'était plus, aux yeux du dominant, qu'un général qu'il fallait employer et surveiller à la fois. Dumouriez, avait de l'élévation; il ne pouvait soutenir l'idée d'être l'instrument des jacobins, et de servir sous ces rudes maîtres. Il ne pouvait plus espérer de les diriger, même par des succès, et il était sûr que des revers seraient sa condamnation. Il forma un plan vaste, extraordinaire; il imagina, résolut et commença la conquête de la Hollande avec un détachement de douze à quinze mille hommes.

Il existait dans ce pays un parti patriote qui avait

formé, à Anvers, un comité révolutionnaire, et levé une légion batave: ce fut avec ce parti que Dumouriez combina son projet d'invasion. Les réfugiés hollandais lui proposèrent une expédition dans l'ile de Walcheren, où le stathouder avait réuni tous ses moyens de défense pour s'y réfugier avec les états-généraux, dans le cas d'une nouvelle insurrection des peuples. Cette ile, dans laquelle se trouvent les places fortifiées de Middelbourg et Flessingue, pouvait être surprise, et Dumouriez feignit de se prêter aux vues des patriotes, afin de couvrir son véritable plan, qui consistait à s'avancer rapidement entre les places fortes qui couvrent la Hollande, masquer ces places par des corps détachés, passer le bras de mer appelé le Moërdik, et pénétrer au centre de la Hollande jusqu'à Amsterdam. De cette manière, toutes les défenses de la Hollande se trouvaient prises à revers. Miranda, avec vingt-cinq mille hommes, devait s'avancer jusqu'à Nimègue, et se réunir à l'armée de Dumouriez. S'il faut en croire les aveux que Dumouriez fait lui-même dans ses mémoires, il paraitrait que, maitre de la Hollande, il se serait entouré de troupes sûres, tant françaises que hollandaises et belges ; qu'il en aurait formé une armée de cent cinquante mille hommes, et qu'il aurait marché sur Paris pour dissoudre la Convention, détruire les jacobins, et remettre en vigueur la constitution de 91. La dernière partie de ce plan a quelque chose de si extravagant, qu'on ne peut l'attribuer qu'à une imagination en délire.

Quoi qu'il en soit, à peine arrivé à Anvers, Dumouriez s'occupa des dispositions militaires pour commencer son plan de campagne; et dès le 17 février, son armée entra

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