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bourg se flattait que sous peu de tems vingt-deux tétes tomberaient dans la Convention.

Lorsque le maire Pache présenta à la barre la fameuse pétition des prétendues sections de Paris, il demanda en effet la proscription de vingt-deux députés. La seconde liste, présentée à la Convention par les municipaux de Paris, quelques semaines après, fut encore de vingtdeux.

Au moment du décret, Marat fit faire, de son autorité souveraine, quelques changemens dans les noms des proscrits, mais le nombre en fut toujours de vingtdeux.

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Enfin, lorsque après la prise de Lyon le procès se fit, Pétion, Buzot, Guadet, Salles, Valady, Barbaroux et Louvet n'étaient plus entre les mains de Fouquier-Thinville; la liste aurait dû par conséquent se trouver réduite d'un tiers, cependant elle fut encore portée à vingtdeux; et si le nombre des victimes traînées à l'échafaud ne fut que de vingt-un, c'est que l'une d'elles trouva moyen de s'y soustraire. Étrange combinaison que celle qui porterait à croire que la Montagne s'entendait avec Cobourg!......

L'orage qui grondait depuis long-tems sur ces vingtdeux têtes paraissait près d'éclater : une insurrection plus terrible que toutes les précédentes s'organisaît partout, Le 30 mai, une assemblée nocturne est convoquée à l'Évèché. Là se trouvent réunis Hébert, Chabot, Henriot, Dobsen, Maillard, et soixante-douze de ces hommes atroces à qui les journées de septembre avaient acquis une affreuse célébrité. Les commissaires des sections s'y présentent revêtus des pleins pouvoirs. Dirigés par les

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instructions de Marat et de Collot-d'Herbois, les conju rés se constituent en comité révolutionnaire, et déclarent la ville de Paris en état d'insurrection. Chacun des membres de ce conseil prête serment de remplir avec fidélité et courage les missions particulières dont il pourrait être chargé. Ils ne veulent pas faire une insurrection physique, mais toute morale: ils respecteront les personnes et les propriétés, et violeront avec ordre les lois et la liberté de la Convention. A cet effet, le comité révolutionnaire ordonne le désarmement des suspects encore en liberté, des nobles, des prêtres, des signataires des pétitions des huit mille et vingt mille, des clubistes de la Sainte-Chapelle, et des feuillans. Des armes sont distribuées aux sans-culottes, auxquels il est alloué quarante sous par jour, jusqu'à ce que le succès de l'entreprise méditée soit complet; et comme il faut aux conjurés un commandant-général de la force publique qui leur soit entièrement dévoué, ils nomment à ces fonctions Henriot, alors commandant de la section des sans-culottes (1). Enfin, on arrête que les quarante-huit sections seront réunies pour émettre, dans la journée même, leur vœu sur l'insurrection; et qu'immédiatement après, le tocsin sonnera, la générale battra dans toutes les rues, et les barrières seront fermées.

Le maire Pache fait quelques observations sur l'illégalité de ces mesures; mais il finit par obéir aux insurgés.

A trois heures du matin, Marat arrive dans ce repaire du crime, et dit à ses dignes acolytes : « Citoyens, vous

(1) Voyez l'Appendice, pièce B.

» voilà érigés en souverains. Paraissez demain à la Con» vention, et ne désemparez pas que vous n'ayez une ré>>ponse définitive: il faut que la Montagne écrase le » Marais. » (C'était le nom que l'Ami du Peuple avait donné à la partie de la salle de la Convention opposée à celle où siégeait la Montagne. De là cette expression dont se servaient Danton et quelques autres montagnards, quand ils voulaient faire taire le côté droit : Silence aux crapauds du Marais!) « Les montagnards. >>> seuls ont eu le courage de voter la mort du tyran; les >> autres sont de lâches factieux de l'assemblée législa»tive, qui ont eu besoin de nous pour détrôner le roi; » et pour se sauver, s'il y avait une contre-révolution, » ils nous sacrifieraient. Ainsi point de demi-mesures; » il faut employer les grands moyens. » Puis s'adressant à l'égorgeur Maillard : « Tous les appelans (les députés >>> qui dans le procès du roi avaient voté l'appel au peu» ple) ont voulu la guerre civile. Mon dernier mot est » qu'il y a trois cents têtes de trop à la Convention!.. » Digne représentant, lui répond Maillard, respectable » ami du peuple, je jure sur mon honneur que tu seras » satisfait, et tu me connais assez pour être convaincu » que je tiendrai ma promesse.»

Arrachés au sommeil par le son du tocsin et le bruit du canon d'alarme, les citoyens paisibles se rendent en armes à leurs postes respectifs. Plusieurs sections vont protester de leur dévouement à la Convention, lui offrent leurs services et jurent de la garantir de toute atteinte. Ce n'était pas là ce que voulait la commune; aussi ses agens proposèrent-ils de faire désarmer ou égorger ces gardes nationales. Mais ce moyen violent n'étant

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pas sans danger, les factieux préférèrent employer les armes qui leur étaient familières, le mensonge et la calomnie: ils firent répandre le bruit que le bataillon de la Butte-des-Moulins était gangrené de royalisme, et qu'il avait arboré la cocarde blanche.

A cette nouvelle, le faubourg Saint-Antoine demande à marcher contre ce bataillon rassemble dans le jardin du Palais-Royal. Toutefois, avant d'en venir aux mains, des officiers s'avancent pour vérifier le fait : ils sont accueillis aux cris de vive la république! par des soldatscitoyens qui ont tous la cocarde tricolore au chapeau. Les rangs se mêlent aussitôt, les citoyens du faubourg Saint-Antoine fraternisent avec ceux de la Butte-desMoulins, et les officiers se donnent le baiser de paix. Les agens de la commune en frémissent de rage.

Cependant tous les députés de la Gironde, ainsi que les ministres menacés, avaient passé la nuit hors de leurs demeures. Plusieurs s'étaient retranchés dans une chambre écartée, munis de bonnes armes, et prêts à se défendre jusqu'à la dernière extrémité. Ils en sortent à cinq heures du matin pour se rendre à la Convention, où se trouvaient déjà Danton et quelques montagnards. Danton s'entretenait avec le ministre de la justice Garat. << Vois, dit Louvet à Guadet, quel horrible espoir brille sur ces visages!Sans doute, répond Guadet, c'est aujourd'hui que Claudius exile Cicéron. Claudius exile Cicéron. Illa suprema dies,» s'écrie Rabaut-Saint-Étienne.

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Pourquoi tout ce bruit, disait Garat à Danton, et que veut-on? Ce ne sera rien, répond froidement Danton; il leur faut laisser briser quelques presses, et les renvoyer avec cela. »

En cet instant l'insurrection se consommait à la commune. Les envoyés du comité central révolutionnaire, ayant à leur tête leur président, Dobsen, s'y étaient rendus pour y annuler les autorités constituées. Le conseil-général et le bureau se retirent. Dobsen et les commissaires prennent leurs places aux eris de vive la république! Mais un instant après, ils réintègrent la municipalité et le conseil-général, « vu qu'ils n'ont jamais manqué à leurs devoirs envers le peuple. » Après cette formalité ridicule, on confirme Henriot dans ses fonctions de commandant-général de la garde nationale, et ce forcené va souffler la rage qui l'anime dans les rangs des sections. Plus de quatre-vingt mille hommes en armes parcouraient tranquillement Paris, et se laissaient conduire avec docilité par cet audacieux. Les jacobins et les sans-culottes étaient furieux des dispositions que montraient les sections du Mail et des Champs-Élysées, dont les sentimens étaient conformes aux sections. de la Butte-des-Moulins. Ils craignaient que l'insurrection fût sans résultat; et afin d'exciter un mouvement plus général, Henriot avait donné des ordres pour faire tirer le canon d'alarme. Ce canon, placé sur le Pont-Neuf, ne pouvait être tiré qu'en vertu d'un décret de la Convention, sous peine de mort.

.Aussi, dès qu'il fut entendu, la Convention manda à sa barre toutes les autorités, pour connaître quelle était la situation de Paris. Garat annonce ce que tout le monde savait déjà, la tenue d'une assemblée à l'Évêché. Il n'en avait pas encore donné les détails, quand de nouveaux commissaires, se qualifiant administrateurs du département de la Seine, arrivent pour déclarer que l'in

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