Page images
PDF
EPUB

Des mesures avaient été précédemment arrêtées pour découvrir les biens des émigrés.

Après avoir frappé les émigrés, la Convention décréta le désarmement des nobles et des prêtres, et mit hors de la loi les aristocrates et les ennemis de la révolution.

1793

Mars.

CHAPITRE III.

Réunion de la Belgique et du pays de Porentrui à la république fran-
Trahison de Dumouriez.

çaise.
L'armée française du Nord est
forcée de se mettre sur la défensive. — Crise générale. Énergie de

la Convention.
Bourbons.

sûreté générale.

Arrestation de tous les membres de la famille des Création du comité de salut public, et du comité de Enthousiasme des réquisitionnaires. Nouvelles attaques contre les girondins. Décret d'accusation porté contre Marat. Les jacobins et la commune de Paris. Pétition présentée par le maire Pache.

-

[ocr errors]

Elle est déclarée calomnieuse.

1793

Mars.

Pendant que le comité de salut public faisait rendre tous ces terribles décrets, que la Vendée s'insurgeait, que Lyon organisait une résistance opiniâtre, la Convention déclarait que Bruxelles, le Hainaut autrichien, Gand, Liége, etc., faisaient partie du territoire de la république, auquel était aussi annexé l'évêché de Bâle ou pays de Porentrui; c'était braver les ennemis intérieurs et extérieurs de la France, et leur montrer les dispositions les plus hostiles.

Cependant, Dumouriez traitait ouvertement avec les Autrichiens; il avait eu déjà des entrevues avec le colonel Mack. Dumouriez savait le sort qui l'attendait à Paris; l'arrestation du général Miranda l'avertissait qu'il serait traité de même si on parvenait à le décrocher de l'armée. Il crut devoir prendre un parti qui lui sauvât la vie, et adopta celui qui lui faisait perdre l'honneur. Le vain

queur des Prussiens et des Autrichiens, le sauveur de la France dans les défilés de l'Orgonne, ne trouva qu'un moyen de se soustraire à la fureur des jacobins, celui de se donner à l'ennemi, et de ternir une vie qui ne fut pas sans gloire, par une infâme trahison. En conséquence, on convint que l'armée française resterait encore quelque tems sur la frontière sans y être inquiétée par l'armée impériale; que Dumouriez réglerait, quand il en serait tems, les mouvemens des impériaux, lesquels n'agiraient que comme auxiliaires dans sa marche sur Paris, où il voulait aller renverser la république et remettre en vigueur la Constitution de 91 ; que s'il n'avait pas besoin de secours, les Impériaux resteraient sur la frontière sans s'avancer, et que l'évacuation de la Belgique serait le prix de cette condescendance; que si, au contraire, il ne pouvait pas opérer, lui seul, la contre-révolution, les Autrichiens marcheraient sous sa direction; enfin, pour garantie de son traité, Dumouriez consentait à évacuer les places de la Hollande, et remettre Condé entre les mains des Autrichiens, qui, voyant dans ce parti le moyen de recouvrer leurs pays sans coup férir, le signèrent avec plaisir.

Le plan de Dumouriez ne pouvait être que le rêve d'une imagination en délire; car s'il était vrai que la France commençait d'éprouver cet état d'anarchie et de terreur qui la tourmenta si cruellement quelque tems après; s'il était également vrai que la république n'était encore qu'un gouvernement provisoire dans ses formes, le nom de république n'en était pas moins déjà sacré pour la grande majorité des Français. Sans bien la connaître, on la voulait, et c'était une grande erreur politique de

1793 Mars.

1793

Mars.

vouloir commencer les changemens projetés, par l'abolition d'un état de choses devenu cher par les premiers succès obtenus sous ses auspices. Le général Dumouriez s'était aussi trompé sur l'opinion de son armée; elle avait pour lui l'estime et l'affection que des soldats accordent à un chef brave, généreux, populaire, qui les avait menés à la victoire, et qui savait partager leurs fatigues et leurs privations; mais ces soldats avaient vaincu en criant vive la république ; ils chantaient, avec leur général, l'hymne des Marseillais, ils s'appelaient enfans de la patrie : ils se seraient révoltés à l'idée de renier ces chants nationaux, de quitter les noms qu'ils avaient pris, car ils s'honoraient du nom de républicain. Le projet de Dumouriez n'avait donc aucun appui, ni sur la frontière, ni dans l'intérieur, ni à Paris. Il était mal conçu, il fut plus mal dirigé encore.

Il essaya d'abord une tentative sur Lille, qui réussit fort mal. Il avait aussi compté sur Valenciennes; mais le général Ferrand, qui commandait cette place, refusa de s'associer à la trahison de son général en chef. Il ne lui restait plus d'espoir que sur Condé, quand la Convention, ne pouvant plus douter des projets de Dumouriez, le manda à sa barre, par un décret que les représentans Camus, Quinette, Bancal et Lamarque, accompagnés du ministre de la guerre Beurnonville, furent chargés d'aller lui signifier au milieu de son armée.

Dumouriez était à son quartier-général de SaintAmand, au milieu des officiers qui lui étaient le plus dévoués, lorsque ces commissaires, arrivèrent chez lui. Sa conduite à l'égard de ces représentans fut aussi, lâche que celle de ces commissaires fut courageuse. Ils ne crai

A

gnirent pas de lui signifier le décret au milieu de tous ses aides de camp et d'un détachement d'hommes choisis; et Dumouriez profita de sa position, non-seulement pour faire arrêter les quatre commissaires de la Convention, ainsi que son ancien ami, son Ajax Beurnonville, mais encore pour les livrer à leurs plus cruels ennemis, les Autrichiens et les émigrés.

Cet acte du général Dumouriez souleva l'indignation d'une partie de ses troupes : l'artillerie donna l'exemple de l'insurrection; l'infanterie le suivit bientôt, et au moment où ce général transfuge cherchait à s'approcher de Condé, trois bataillons de volontaires qu'il rencontra firent feu sur lui et son escorte; son cheval fut tué sous lui, et il ne dut son salut qu'au cheval d'un domestique. Il arriva sain et sauf sur les terres impériales, au village de Buri, où il trouva le colonel Mack. Là, il passa la nuit à rédiger la proclamation que le prince de Cobourg publia le lendemain; mais ayant appris que la conduite des trois bataillóns avait été improuvée par beaucoup d'autres corps, Dumouriez monta à cheval à la pointe du jour, et se rendit à son camp de Maulde, escorté par cinquante cavaliers autrichiens. Cette dernière faute causa sa perte. La vue des Autrichiens indigna les soldats français; il fut encore forcé de s'éloigner, l'heure étant venue de céder à sa destinée, et il se retira à Tournay avec quelques amis trop fidèles, où il fut rejoint par douze cents hommes appartenant presque tous à des régimens étrangers.

Ainsi finit le songe brillant d'une imagination ardente, qui s'épuisait souvent à entreprendre sans pouvoir suffire à l'exécution de ses grands projets. Dumouriez

1793

Mars.

« PreviousContinue »